Minuit sonnait, lorsque j'ai quitté le Cottage avec Bambi & Mélodie, laissant les autres se reposer de notre fatigante journée. Ce soir, Eugène est resté de garde au Centre, & j'ai donc choisi de sortir faire une escapade nocturne avec mes deux amis, profiter de cet instant avec juste eux deux, dans ce sanctuaire qu'est pour nous la Jungle où nous vivons. Combien de temps a passé, quelle heure est-il désormais? Je m'en fiche. Je pourrai faire nuit blanche, ne rentrer qu'à l'aube, que cela m'importerait peu. C'est si calme, si paisible, & apaisant.. Pas aussi reposant qu'une bonne nuit de sommeil, mais cela en est tout de même assez proche en un sens. Un doux silence troublé seulement par les sons feutrés de la vie nocturne ; tant que le bruit de nos pas discrets résonne entre les arbres. Belle est la Nature, parée de ce manteau sombre, parée de ce silence paisible qui n'est possible que grâce au sommeil de la plupart de ses habitants ; si belle, elle l'est tout le temps, mais la magie de cet instant pourtant si simple la fait paraître plus magnifique encore qu'à l'accoutumée. La Nature, je l'ai toujours aimée, au point d'en faire mon métier, mon avenir, au point de décider de passer ma vie à la protéger & à vivre au plus près d'elle. Un sourire léger est présent sur mon visage, depuis que je suis sortie avec mes deux complices, un sourire qui ne disparaît plus, mimique apaisée, détendue. Mélodie, perchée sur une branche, me regarde avec affection, & sans un mot, laissant Bambi à terre me suivant de son regard doux, je commence mon ascension pour rejoindre la femelle argentée. Branche après branche, agilement comme si j'avais toujours fait cela, je grimpe. Jusqu'à cet accident, somme toute pour le moins ridicule avec l'expérience que j'ai aujourd'hui de la Nature & de l'escalade.

Mauvais calcul, entraînant mauvais jugement, tout simplement ; & le cri d'alerte de l'Etourvol repérant le danger avant moi ne suffit pas, car il est trop tard. Cette branche à déjà quatre ou cinq mètres du sol sans doute, branche que je pensais assez solide pour soutenir mon poids & me permettre d'atteindre la prochaine -& qui l'était en théorie-, s'avère finalement abîmée. Elle cède sans crier gare, dans un craquement sinistre, à l'instant exact où je pose le pied dessus. Me rattraper à une autre branche étant à priori impossible, me voici chutant de plusieurs mètres après avoir commis ce que je pourrais nommer dans scrupules une putain d'erreur de débutant, attendant l'impact presque avec résignation, tout en cherchant tout de même vainement une issue du regard, espérant tout de même vivre, quoi. Tout se passe alors très vite ; cela vaut mieux, en même temps. D'abord une vive lueur immaculée, si puissante dans l'obscurité que je suis forcée de fermer les yeux. Puis une sorte de coussin d'air, ou du moins un courant d'air ralentissant ma chute. & enfin.. Ce n'est pas le sol rude & glacé que je rencontre donc, mais le plumage doux & tiède d'un oiseau m'accueillant sur son dos. Un oiseau gris, ainsi que je le découvre en rouvrant finalement les yeux, agrippées à son cou comme si ma vie en dépendait -c'était un peu le cas y'a un instant à peine, remarque-. Le tout, n'a duré que quelques brefs instants. Un gazouillement mélodieux, tremblant d’inquiétude, m'informe aussitôt sur l'identité de ma monture, dont je ne peux ainsi douter une seule petite seconde.

- .. Mélodie?

Battement sec des ailes, puissant ; nous traversons les cimes des arbres pour nous trouver au-dessus de la Jungle, dans le ciel nocturne. Un rayon de lune me permet de voir vraiment la silhouette de cette superbe Etouraptor qui me supporte sans mal, piaillant brièvement pour confirmer ce que ma voix, encore un peu serrée par le coup de stress que je viens de subir, vient de lui demander. Oui.. Oui aucun doute, c'est elle. Ma belle Etourvol a évolué en me voyant tomber de l'arbre que j'escaladais pour la rejoindre, elle a évolué pour me sauver. Elle a été juste géniale. Sa réaction parfaitement adaptée, bien dosée. Un sauvetage parfait, digne d'un grand pokémon de Ranger. Une larme émue au coin de l'œil, j'admire le paysage nocturne, restant un instant bouche bée devant le spectacle. C'est à cet instant je crois, que je réalise finalement ce qui est en train de se passer, là. Notre première envolée commune, notre tout premier vol ensemble ; baptême de l'air pour le moins imprévu, mais non moins marquant.
Un rire euphorique m'échappe soudain, alors que lâchant les plumes de son cou auxquelles je me retenais jusque là, j'étends les bras. Je vole, Arceus, je vole! Enivrante sensation de liberté. Jamais je ne remercierai assez ma jeune Etouraptor pour cela. Jamais. C'est juste fantastique, presque magique. Voler, est une sensation unique. & grâce à ma jolie Mélodie, c'est désormais à volonté.

Désormais, ce n'est plus moi qui la porterai sur mon épaule. C'est elle qui m'emportera sur son dos, pour toucher les nuages en toute liberté.