BIOGRAPHIE[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Il reste toujours quelque chose de l'enfance, toujours. « Mais qu'est-ce qui vous prend ?! »Difficilement mais avec toute la force qui est la sienne, Karl Donovan sépara les deux petites têtes brûlées qui, même à une trentaine de centimètres de distance, continuaient d'essayer de se blesser en se griffant, en se frappant et en se tirant les cheveux. Les deux jumeaux se jetaient des regards glaciaux et tentaient presque désespérément de se détacher de la poigne de leur père pour pouvoir continuer à se battre.
« Ça suffit ! Clive, Faust ! »Le petit garçon de droite se stoppa brutalement lorsqu'il entendit son nom. Celui de gauche jeta des coups d’œil hésitants à son père avant d'abandonner et de laisser ses bras tomber le long de son corps. Les jumeaux continuèrent toutefois de se lancer des regards venimeux, sous la réprobation évidente de leur paternel dont les traits étaient quelque peu tirés. Il relâcha finalement les enfants une fois qu'ils furent calmés et leur offrit un regard noir qui leur firent baisser les yeux.
« Vous pouvez vous expliquer ? »Clive, à droite, tenta de dire quelque chose mais s'arrêta lorsqu'il remarqua que son jumeau était (encore) en train de l'assassiner du regard. Remarquant cela, Karl poussa un long soupir exaspéré et se tourna vers celui qui continuait de regarder son frère comme s'il allait l'étrangler et y prendre plaisir.
« Faust, une explication ?- ... »Devant cette réponse tout à fait explicative, l'adulte grommela un juron en allemand que ses deux enfants ne comprendraient jamais, mais répéteraient tout de même pour le principe lorsqu'ils seraient seuls. Heureusement qu'ils n'apprirent jamais ce que ces mots voulaient dire, tiens. Non parce que ça aurait fait disparaître tout le fun de voir deux gamins se hurler dessus en utilisant des mots comme « pantalon » et « patate » en croyant qu'il s'agit de véritables injures. Leur père se pinça l'arrête du nez avant de prendre une décision.
« Kagami ! »Les yeux de deux enfants s'écarquillèrent un peu, et une grimace vint tordre leurs lèvres. Rapidement, une femme aux longs cheveux bruns fit quelques pas dans le jardin, observant les garçons et l'adulte avec une certaine confusion. Son regard rencontra celui de son mari, et en voyant les visages honteux de leurs enfants, elle fit rapidement le calcul. Soupirant à son tour, elle fit signe à Faust de le suivre. Celui-ci était soudainement devenu très silencieux et semblait même plus pâle que d'habitude.
Karl attendit que les deux autres soient rentrés à l'intérieur, et s'accroupit devant Clive qui osait à peine rencontrer son regard.
« Qu'est-ce qui s'est passé ?- ...
- Clive.
- ... Il m'écoute jamais. »La bouche de l'homme s'entrouvrit légèrement en un signe de surprise. Il ne répondit pas dans l'immédiat, laissant le jeune garçon développer ce qu'il venait de dire.
« C'est une tête de cochon. Il veut toujours avoir raison et il passe son temps à s'énerver quand il n'a pas ce qu'il veut. »L’extrémité des lèvres de Karl s'étirèrent légèrement dans un micro-sourire moqueur et désabusé. Ils n'ont que six ans mais bon sang qu'ils sont têtus.
« Je sais. Vous êtes pareils, tous les deux.
- Non, moi au moins je n'insiste pas en disant que Skitty est de type fée ! » Protesta Clive d'un ton qui se voulait indigné.
L'allemand gloussa, s'attirant alors le regard noir de son fils.
« Calme-toi, Clive. C'est rien, tu sais. Et comment en êtes-vous arrivés à vous taper dessus ?
- Il a dit que Evoli avait une sale tête.
- ... Vous êtes vraiment partis de ça pour vous disputer ?
- ... C'était bête, hein papa ? » conclut le petit garçon en se mordant les lèvres.
L'adulte soupira et, un peu désabusé, fit de son mieux pour permettre à son fils de ne pas se mettre à culpabiliser.
« Ça va aller. Vous allez vous excuser, et comme d'habitude, tout ira mieux après ça.
- Mais...
- Pas de 'mais', jeune homme. Je sais que Faust n'est pas facile à vivre tous les jours, mais c'est ton frère.
- Je sais. C'est juste qu'il n'est pas sympa quand il est de mauvaise humeur.
- Pour l'information, il m'a dit exactement la même chose à ton sujet la semaine dernière. Vous ne vous vous entendrez pas tout le temps, mais vous pouvez au moins apprendre à vous supporter, d'acc ? »Clive hocha timidement de la tête. Son père lui ébouriffa encore un peu plus les cheveux si c'était possible. Un doux sourire étira les lèvres de Karl.
« Bien. Allez, viens, on va faire une tarte, j'suis allé chercher des fruits tout à l'heure. Maman devrait en avoir fini avec Faust. »Juste pour l'anecdote, son jumeau était par la suite revenu en s'excusant moult fois, et l'accident fut bien vite oublié. Comme d'habitude, en fait.
En fait, toutes ces petites disputes stupides étaient quotidiennes. Peut-être était-ce un peu ironique si l'on considérait le futur.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Celui qui protège le cœur des autres perd un peu du sien en le faisant « Cliiiiiiiiiiiiiiii-
- La ferme.
- ....ve. Hé, Clive ! »
Le brun grommela plusieurs injures en japonais, et leva les yeux au ciel lorsque son jumeau se mit à lui tirer la joue droite pour attirer son attention. Le cadet poussa un soupir exaspéré et chassa la vilaine main qui le dérangeait dans son travail et l’emmenait loin de ses révisions. Le châtain gonfla puérilement ses genoux, mais cela ne fit pas craquer son frère qui le fusilla d'ailleurs encore un peu plus du regard.
« Je bosse, Faust. Tu peux procrastiner tant que tu veux, mais laisse-moi au moins travailler en paix. »Son jumeau haussa les sourcils, et sa moue boudeuse se transforma en sourire narquois. La chambre de son frère était dans un tel désordre qu'il aurait été facile de croire qu'un combat venait de s'y dérouler. Le hérisson aux cheveux noirs était toutefois encore en train de lire le contenu d'un épais livre de géographie.
« Ça va faire quatre heures que t'es là-dedans, frangin. Relève un peu la tête et regarde, surprise, il y a du soleil dehors ! Rétorqua le châtain d'un ton dégoulinant de sarcasme.
- Le soleil peut aller se faire f...
- Clive ? »La voix hésitante de Felix vint briser leur conversation, et le brun se tut immédiatement dès que les mèches blondes de son frère cadet entrèrent dans son champ de vision. Il se fichait magistralement des règles de politesse devant Faust, mais c'était une toute autre histoire devant les deux cadets de la fratrie. D'ailleurs, il en manquait un. D'ordinaire, Eliott serait en train de suivre le blond au pas, et cela ne manqua pas d'interpeller les jumeaux.
« Qu'est-ce qu'il y a, Fel' ? »Le cadet se mordit les lèvres, et Faust se contenta d'observer en silence, sachant quand il devait se taire.
« … Eliott pleure. Il veut voir maman.
- Je vois. »Clive soupira et s'apprêtait à relever avant qu'une main sur son épaule ne le pousse à rester assis. Faust lui offrit un petit sourire et un regard compatissant.
« Allez, c'est à mon tour, profite-en. Ne te tue pas à la tâche quand même. »Les lèvres du brun se courbèrent légèrement en signe de remerciement, et il voulait retourner dans ses cahiers, mais l'air morose du blondinet devant la porte le fit soupirer. Faust lui lança un regard significatif (« je m'occupe du p'tit, je te le laisse ») et Clive hocha la tête. Le châtain ferma la porte derrière lui et la pièce se retrouva plongée dans un mutisme presque religieux.
« Felix ? »Le blond refusait de rencontrer son regard. Il gardait les yeux baissés. L'adolescent soupira et réitéra son appel, et cette fois-ci, reçut comme réponse un sanglot étranglé. Ses épaules se relevaient et s'abaissaient au rythme de sa respiration irrégulière, et il tremblait de tout son corps. Doucement, comme s'il s'approchait d'un animal blessé et fragile, Clive s'approcha de son petit frère. Il l’attira délicatement dans ses bras et l'enlaça en silence, posant son menton sur le haut de son crâne en lui chuchotant des mots de réconfort. Le plus jeune se serra un peu plus contre son aîné, et le brun se mit assis pour pouvoir laisser le blond lâcher toute la douleur qui lui brisait la cœur. Les sanglots du blond se transformèrent en pleurs étranglés.
« Ça ira, Fel'. Promis. »À qui promettait-il cela, vraiment ?
Il pouvait sentir toute la poigne du cadet qui paraissait s'accrocher à lui comme à une bouée de sauvetage.
« Pour... Pourq... »Clive passa une main dans les cheveux de Felix en silence, tentant de calmer les sanglots qui donnaient des sursauts à son corps.
Le brun poussa un long soupir fatigué.
« Maman et papa... Ils travaillent beaucoup, tu sais. Ils font tout ce qu'ils peuvent, et même s'ils préféreraient vraiment être avec nous, ils n'ont pas le choix.
- Mais... Mais, maman, elle... Elle me manque.
- Je sais, Felix. Je sais. » balbutia Clive en tentant de retenir sa voix qui fléchissait.
Il était peut-être fort, mais il était loin, très loin d'être insensible.
Lorsque Faust revint, portant Eliott endormi dans ses bras, a vision qu'il eut fut celle de son jumeau en train de bercer leur petit frère avec douceur.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Un criminel est un héros dans sa tête Ça fait mal, Arceus, que ça fait mal. Il s'appuie difficilement contre le mur, sa respiration haletante et ses poumons en feu. Chaque respiration est accueillie comme miraculeuse et il peut sentir un goût de fer dans sa bouche ; il ne sait plus s'il s'agit du sang d'un autre ou du sien. Fébrilement, ses mains passent sur son visage et il passe ses longs doigts sur les nombreuses coupures et blessures qui l'ornent. Il a l’impression que son cœur va sortir de sa poitrine tant il bat vite ; il n'a que vingt ans, bordel. Il n'est pas supposé avoir les mains tâchées de rouge, il n'est pas supposé avoir l'odeur de la mort sur lui comme une marque indélébile.
Inspire, expire.
Difficilement, il se lave les mains en silence. Il est quatre heures du matin ; à cette heure-ci, Felix et Eliott sont couchés depuis longtemps. Il tremble encore, et c'est cette foutue odeur de merde qui lui remonte aux narines et lui inflige une nausée pareille, ou peut-être est-ce le fait qu'il vient de voler la vie d'un homme. Sans un bruit, il s'assit sur le bord de son lit et passe se mains dans ses cheveux avant d'empoigner des mèches fermement. Il ne sait plus s'il respire ou non, mais peu lui importe. Bordel, il aurait pensé que cela aurait été facile. Après tout, qu'est-ce qu'un simple coup de couteau ? En quoi cela est-il différent de ce qu'il a vu être fait durant son entraînement ? Il savait que ce jour viendrait pourtant, et le voilà qui arrivait à peine à tenir debout. Où était-elle, hein, sa fierté ? Où était-il, lui ? Il compte les blessures sur son corps ; coupures, estafilades, hématomes. Rien de bien sérieux, mais à chaque fois qu'il les sent contre ses doigts, une violente envie de vomir lui remonte dans la gorge.
You show me how to see(Tu me montres comment voir)Il fronça les sourcils et balbutia une ou deux injures en entendant la sonnerie de son portable retentir dans la pièce. Il voulut l'ignorer, mais à cette heure, il savait qu'il ne devait y avoir qu'une seule personne pour l'appeler et prendre le risque de le réveiller.
That nothing is whole and nothing is broken...(Que rien n'est complet et que rien n'est brisé)Il se releva et saisit le téléphone qui était posé sur la table de nuit et décrocha.
« Clive ? Désolé de te réveiller, mais... »Le brun poussa un long soupir fatigué avant de se pincer l'arrête du nez.
« C'est rien. Qu'est-ce qu'il y a, Faust ? »Il entendit son interlocuteur prendre une grande inspiration à l'autre bout du fil.
« Je sais pas. J'me sentais mal et... Et je ne savais pas qui appeler. »Les lèvres de Clive se tordirent en un sourire caustique que personne ne verrait, mais il n'avait pas pu le retenir.
« Tu comptes passer à la maison dans combien de temps ?
- Dans pas longtemps, je pense. Dès que j'aurai terminé d'entraîner Hadès, et vu le rythme, je peux supposer que je prendrai la route vers Vanawi dans deux semaines. »Deux semaines. Il avait deux semaines pour apprendre à ça à Faust. Il pouvait cacher sa nouvelle appartenance au régime à leurs petits frères ou à leur mère, mais la cacher à Faust, ça... C'était déjà bien plus compliqué.
« … Et sinon, du neuf à me raconter ? l'interrogea l'autre.
- Felix passe bientôt ses épreuves anticipées. Il est absolument terrorisé.
- J'imagine, tu étais dans le même état à son âge. J'ai jamais compris le délire.
- On ne va pas te demander de réfléchir, ce serait criminel.
- Sachant que t'as les mêmes gênes que moi, réfléchis un peu à ce que tu dis !
- Permets-moi d'être ébahi par le fait que tu aies utilisé un mot qui soit aussi complexe pour ton vocabulaire.
- 'Spèce de saleté.
- Je sais. »Le brun ricana légèrement, et ne fut pas surpris d'entendre un gloussement. Arceus, que cela lui faisait du bien d'entendre sa voix ; la douleur de son corps paraissait presque avoir été oubliée, même si Clive savait (et sentait) bien que ce n'était qu'une impression.
La voix de son jumeau se fit plus hésitante.
« Est-ce qu'il... Il m'en veut toujours ? »Clive aurait pu mentir. Il aurait peut-être dû le faire, mais quitte à mentir à son frère, autant ne le faire que pour une seule chose.
« Oui. »Silence.
« … Je m'en doutais un peu.
- Felix pardonne difficilement, tu le sais, Faust. »En un sens, peut-être essayait-il de s'inclure dans cette réponse.
« Et toi ? Tu y arrives ? »Ah. Quelle question. Une part de lui veut le frapper, l'insulter et le faire s'excuser d'être parti en les laissant seuls, mais il l'aime bien trop pour mettre ce fardeau sur ses épaules. Il veut le haïr, et pourtant il veut lui promettre que rien de tout cela ne compte au final. C'est une question à laquelle il n'a pas de réponse véritable.
« Peut-être. »Ce n'est pas de la provocation, ce n'est pas une moquerie, ce n'est pas une acceptation. C'est une admission de défaite face à ses émotions.
« Je... Je suis désolé. Pour ce que je t'ai dit la dernière fois. »Un sourire désabusé et amer étira les lèvres de Clive. Comme s'il pouvait lui en vouloir.
« Je sais, Faust. »Un autre silence, encore.
« Je ne vais pas te faire perdre plus de temps que ça, il est déjà tard. Dors bien, Clive.
- Hn-hn.
- Ah, au fait.
- Hn ?
- Merci. »Les traits du brun se détendirent et laissèrent place à une expression paisible.
« De rien. »Il raccrocha.
Encore un peu tremblant malgré le fait qu'entendre la voix de son jumeau l'avait rassuré, il tenta de se relever. 'Tenta' était le mot clé ici, car sa jambe lui rappela soudainement qu'il avait pris un vilain coup et la douleur le fit tanguer avant de s'écraser au sol dans un bruit sourd.
Merde, sa jambe. Il l'avait presque oubliée. Il retint difficilement les grognements de douleur qui voulaient s'échapper de sa gorge, et prit une grande inspiration. Non, il ne pouvait pas se permettre d'abandonner. Il ne pouvait pas regretter ou même penser à faire marche arrière maintenant que les rouages du destin tournaient ; son sort n'était pas important. Il plongerait ses mains dans le sang lui-même s'il le fallait, et il s'en couvrirait de la tête aux pieds si cela leur permettait, au moins à eux,de vivre une vie heureuse. Si cela pouvait offrir à Felix, à Eliott, à sa mère et à Faust une vie paisible, alors il le ferait, et tant pis pour la liberté. Il vaut mieux vivre surveillé que mourir. Tant pis s'ils finissaient tous par le détester, et au diable ses remords et ses espoirs. Son père était mort en héros, mais il les avait abandonné par la même occasion. En parlant d'honneur et de courage, il avait oublié que cinq personnes étaient derrière lui et avaient été éclaboussées, traumatisées par sa mort soudaine et si, si stupide.
Felix n'était pas supposé devenir aussi amer. Eliott n'était pas supposé trembler dès que les soldats du régime faisaient une ronde et passaient près de lui. Mère n'était pas supposée avoir à cacher ses larmes pour l'homme qu'elle avait aimé durant plus de vingt ans. Faust n'était pas supposé craquer devant tant de pression et de douleur comme il l'avait fait.
Lui, par contre, était supposé les protéger. Et tant pis s'il se condamnait à l'enfer en le faisant.
Il n'avait jamais eu peur de souffrir pour eux, après tout.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Un idiot n'est pas dangereux ; donnez-lui une arme et il le deviendra. Le premier janvier n'est pas une date qui plaît à Clive, maintenant.
Cris, hurlements, panique, pleurs, cadavres éparpillés, parfois en morceaux dans les rues d'Amanil. Innocents torturés et détenus, du sang qui peint les murs, les orphelins, les veuves et les pères sans familles. Tant de maux qui font résonner leur peine dans les rues d'Enola, dans les yeux des enfants qui observent avec hargne les hommes en blanc, dans les regards distants des adultes, dans la symphonie de cris et de rage qui se mêle au chant des soldats. L'hymne d'Enola ne lui paraît que plus ironique encore, les rires des tortionnaires ne lui paraissent que plus compréhensibles. Pas parce qu'il aime la souffrance, loin de là, mais parce que tout ça, toutes ces conneries, toute cette douleur, c'est une affreuse et horrible, horrible farce.
Les cris des résistants ne sont que des bourdonnements face à l'orchestre du Régime. Un orchestre de pantins sans visages, d'hommes et de femmes innombrables, de guerriers qui oublient volontiers leur conscience pour devenir les bras et les mains de responsables qui ne daignent même pas se tâcher les mains.
Clive n'a pas l'arrogance de penser qu'il pourra changer quelque chose au monde ; il a toujours tourné ainsi. Profit et Arrogance ont toujours eu plus d'adeptes que Liberté et Égalité. Il n'a pas non plus la naïveté nécessaire pour croire que la résistance pourra véritablement amener la paix ; quand est-ce que, dans l'histoire, les révolutionnaires ont amené la paix ? Révolution russe, révolution française, l'indépendance aux États-Unis, révolution en Italie en 1945... L'histoire témoigne et même si les gens préfèrent leur version idéalisée du monde, il n'y a jamais eu de gentillesse et d'ère utopique après une révolution.
L'ordre garde les choses en place. La sévérité du Régime permet une paix relative. Il se fout complètement du reste du monde si ceux qu'il protège peuvent vivre.
Pourra-t-il toutefois survivre à leur haine ? Alors qu'il joue avec sa cuillère dans sa casse de café, un sourire caustique vient étirer ses lèvres. Non, bien sûr que non. Cette haine qu'il a vu dans les yeux de Faust le détruira. Cette méfiance dans ceux d'Eliott lui laisse la nausée. Il a cessé de regretter, et l'époque où il tremblait devant le moindre cadavre est bien loin. Pourquoi est-ce que le dégoût qu'il a pu lire dans les yeux de son jumeau lui fait tant de mal, alors ? Pourquoi n'a-t-il pas compris qu'il faisait ça pour eux ? Pour qu'ils puissent vivre dans un monde paisible ?
Oh, bien sûr, il n'était pas assez monstrueux, il n'a pas encore la talent de certains tortionnaires pour ne pas être quelque peu dégoûté par ses actions, mais ce n'est pas un problème. Personne ne le voit ; le masque joue son rôle à la perfection. Parfois, lors d'une mission, il ajoute un petit rictus ou un ricanement pour l'effet, même si une violente vague de nausée l'assaille quand il le fait. Il s'était arrangé pour que Faust et Isaac puissent s'enfuir, parce que bien qu'il se doute que le suédois doit le haïr, il a été son ami aussi et il l'est toujours pour Clive, et au final, seul son frère avait pu s'enfuir.
Il aurait sans doute trahi le Régime sans autre forme de procès si Faust avait été emmené. Il n'aurait jamais supporté le simple fait de le savoir dans une pareille situation. Après, mourir pour le sauver, il était prêt à le faire. Il ne faisait pas des promesses sans les tenir la plupart du temps.
Mais Isaac... Ce n'était pas qu'il ne l'appréciait pas ou qu'il avait un quelconque remord contre lui, loin de là. Il lui devait même beaucoup ; c'était sûrement en grande partie grâce à lui que Faust n'était pas encore mort. Il ne pouvait pas risquer tout ce qu'il avait passé des années à construire pour le libérer. Bien sûr, il pouvait jouer un peu de son influence en tant qu'officier (hourra pour la promotion d'ailleurs) pour savoir ce qui lui arrivait, mais il ne pouvait pas faire grand chose de plus.
Se compromette aurait impliqué de compromettre ses frères. Parce qu'il la connaît, l'épée de Damoclès qui est tendue au dessus de sa tête ; s'il vient à trahir le régime, sa famille en subira la contrepartie. Après tout, un père 'traître', ça ne pardonne pas pour la réputation. Il doit tout faire pour garder son image, aussi horrible et douloureux que cela soit à supporter.
Oh, qu'il s'en veut. Oui, la culpabilité est une gangrène avec qui il a appris à vivre avec le temps. Quatre longues années passées sous les ordres du Régime lui ont appris à oublier tout ce qui pouvait bien le retenir avant.
Le grondement colérique d'Ezekiel vint le sortir de ses pensées. Le Malosse s'approcha de lui et vint réclamer son attention. Bien que le chien des ténèbres était un constant rappel de Faust, il n'en restait pas moins le seul en qui il pouvait avoir confiance. Son plus fidèle allié dans tout ce bordel, et le seul qu'il autoriserait à le suivre en enfer. Ils étaient si semblables qu'il ne pouvait pas se permettre d'être égoïste en choisissant pour lui.
« Officier ? »Il n'a toujours pas l'habitude d'entendre ça. Il aurait menti en disant que cela ne brossait pas son ego dans le sens du poil, mais en tous cas, il lui fallut quelques secondes pour daigner relever le regard de son café. Café qui doit être froid maintenant, sachant qu'il est perdu dans ses pensées depuis au moins une quinzaine de minutes.
« Hn ? - Les ordres sont arrivés. On vous attend pour que vous vous occupiez de les distribuer. - J'arrive. Laissez-moi quelques minutes. »Le soldat hocha la tête et quitta la petite pièce en silence.
Sans un mot, Clive saisit la pokéball de Castiel et en fit sortir le Tarsal. Le pokémon psychique releva le regard vers son maître et pencha un peu la tête sur le côté, intrigué. Le brun sortit une petite lettre de sa poche qu'il tendit à l'enfant de la Gardevoir d'Isaac. Parce que si Ezekiel lui rappelle Faust, alors Castiel est ce qui lui reste d'Isaac. Le second fils de Thalie. Mais il préfère ne pas y penser, car la sensation horrible qui le ronge quand il pense à eux n'est pas ce qu'il veut ressentir alors qu'il se salit les mains pour eux.
Ils n'ont rien demandé, c'est vrai, mais Clive avait toujours eu la mauvaise habitude de croire qu'il savait mieux ce qui était bon pour eux.
« Donne cette lettre à Azazel. Il est au centre pokémon d'Anula, et surtout, ne reviens que lorsqu'il aurai donné sa réponse. Ne te fais pas voir. » ordonna-t-il d'un ton posé.
Le Tarsal hocha la tête et disparut dès que la lettre se retrouva en sa possession. Une chose de faite. Maintenant...
« Tu viens, Zeke ? »Le Malosse ne répondit pas et se contenta de suivre son maître. Il n'y avait pas grand chose à dire, après tout.