J’ai toujours été étrangement nostalgique de ce lieu. Encore après tous ces mois et tout ce qui a pu se passer, je retourne encore sur les ruines du Bloc R, le premier du nom. Certes, je ne vais pas cracher sur le nouveau, mais je dois bien reconnaître qu’il a bien moins de valeur que le premier à mes yeux. Pourquoi, en fait? Pourtant, ce premier lieu n’est que la preuve vivante de ma défaite cuisante. Ah, mais c’est certainement ça. Revenir ici réanime toujours la flamme meurtrière en moi, c’est pour ça que je l’aime autant que je le déteste. Je remonte le sentier vers la route aux bords de falaises et admire un instant le paysage qui s’étend sous mes pieds. Certains gens diraient que devant ce crépuscule, ils se sentiraient infiniment petits, devant la grandeur du monde. Et ils s'en émerveillent, quelle bande de niais, aucune ambition. Moi c’est l’inverse, j’ai la sensation que je suis au dessus de tout, en ce moment, que rien ne me résistera plus. Si seulement cette, fois c’était vrai. Ma chasse de mes ennemis favoris reste infructueuse, les preuves ne se montrent pas, malgré tous mes efforts. J’ai besoin de plus, j’ai besoin de retrouver le plaisir que j’avais avec des jouets qui ne se cassaient pas au bout de quelques minutes. J’ai besoin d’être encore plus craint et respecté, j’ai besoin de pouvoir. Et si le Régime ne consent pas à m’en donner malgré la démission du vieux Sydney, eh bien j’en trouverais sans leur aide.

Justin, Leon et Marje qui m’accompagnent frémissent tout d’un coup en entendant comme moi le sentier s'ébruiter sous les pas d’un inconnu qui s’approche. Comme un seul homme, nous tournons le regard sur celle qui grimpe sur le long de la falaise, vers nous. Elle est accompagnée d’un Aimure qui me fait verdir de jalousie et d’un Boguerisse, un Pokémon que je ne connaissais pas encore. Le regard plongé dans un carnet sur lequel elle griffonne je ne sais quoi, j’ai un tilt en ce qui concerne son identité quand je l’entends fredonner le générique des Chevaliers du Zodiaque. Noriko, la nana, ou plutôt, le rat de laboratoire borgne qui passe son temps dans son garage a dessiner et à tenter de construire des robots géants, et… Enfin, tout ce que je sais, c’est que c’est une grosse geek. Geek ou pas, on passe pas sous mon illustre nez sans dire bonjour! Même si techniquement, elle est plus grande que moi et passe au dessus mais sodomie de mouche, je te quitte ici!

« Eh! On t'as jamais appris a dire bonjour aux gradés ou-»
« Hein?! DAAAAAAAAAAAH! DIO-SAMAAAAA! »

Elle en a fait tomber son carnet la pauvre. Diantre, je suis au courant de mon effet sur les femmes du Régime mais à ce point. Et "sama" c’est quoi? Encore un de ses trips de geek je suppose, mais si je me rappelle bien ce que j’en ai vu dans des manga ou des anime, c’est un truc respectueux. Noriko vient donc de s’attirer un peu de ma sympathie, mais le fait qu’elle soit du Régime joue beaucoup quand même. Ce serait mentir que de dire que ce n’est pas complètement intéressé que d’être plus avenant envers mes collègues que vers les autres être inférieurs qui parsèment ce monde. Eh ben, oui, c’est tous mes sbires en devenir, après tout. La voila qui se redresse face à moi et regarde le paysage l’air mal à l’aise, tripotant son carnet.

« C’est bon, détends-toi, j’vais pas t’égorger. »
« Qu’est-ce que tu fais là Dio-sama ? »
« A moi de te poser la question, comment t’as passé le portail au juste, c’est censé être une zone interdite, par là. Enfin, pas pour moi bien sur, parce que je suis… »
« Je cherche un Gringolem ! Tu sais, les pokémon hyper résistants, et vraiment trop stylés, type Sol et Spectre, son évolution on dirait trop Giant Robo ! Enfin, dans l’animation, hein, pas dans dans la série télévisée qui fait peur tant c’est bizarre et un peu malsain même… Oh, mais il a la classe, quoi, et je crois que pour le type spectre ce serait bien de l’utiliser dans mes… Dio-sama, tu m’écoutes? »
« ...Non. Tu m'as coupé la parole espèce de... »
« J’m’en doutais, ça doit être un peu trop pointu pour toi, enfin, c’est pas ta branche, après tout ahah, je m’y connais bien plus que toi! Enfin, c’est pas grave, hein! Chacun son truc! »

Euh… C’est moi ou elle est en train de me prendre de haut là?! C’est quoi ce regard bizarre en plus, elle l’a fait exprès?! Alors qu’elle se remet à griffonner dans son carnet sans rien dire de plus je croise mes bras sur mon torse et regarde le soleil se coucher en tapotant du pied par terre et en grognant, espérant que l’ingénieure comprenne que les reproches lui sont destinés.

« T’es pas en train de te foutre un peu de ma gueule là, Noriko? Fais gaffe tu sais que moi je… »
« Attends, Dio-sama, sens-tu cette tension dans l’air? Le vent a quelque chose d'étrange...»
« Maintenant que tu le dis… Euh... EH CHANGES PAS DE SUJET! »

Elle m'écoute pas... Et elle me coupe la parole, elle me manque de respect. Et le pire, c'est que je suis rentré dans son jeu d'air tendu. je t'en foutrais de l'air tendu, moi! la voila qui fonce vers un rocher et qui hurle en arrivant a ses côtés, avec un mouvement de recul spectaculaire. Puis elle tombe a genoux et se laisse choir sur le rocher. C'est un spectacle fascinant, je vous jure, même si j'ai aucune idée de ce qui a pu déclencher cette espèce de pétage de câble. C'est moi ou elle est en train de chialer, en plus. Ah non hein.

"Je sais que je te fais de l'effet mais calme toi on a rien commencé..."
"Il est plus làààààààààààààààà!"
"Hein?"
"IL ÉTAIT LA! IL ÉTAIT LAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA!"

Mais de quoi? Pourquoi elle hurle elle veut me péter les tympans cette conne?! Bon, elle me fait chier, je vais aller ailleurs... Mais non, même ça elle va pas me laisser le faire, elle m'attrape le bras et me traine vers son rocher, d'un pas décidé.

"REGARDES IL ÉTAIT LA! C'EST LES TRACES DE GIANT ROBO! ENFIN, DE GRIGOLEM!"
"MAIS ARRÊTES DE GUEULER JE M'EN BRANLE DE TON ROBOT GÉANT!"
"ARRÊTES DE FAIRE TON TSUNDERE! IL ÉTAIT LA!"

Oh punaise j'en peux plus, là! Je dégage mon bras et attrape la geek borgne par le col de sa blouse ridicule, la tournant vers moi, la forçant à me regarder dans les yeux. Immédiatement, elle se calme. Enfin, ça je pensais...

"Dio-sama euuuuh... désolé, je pensais pas avoir choisi la route du megane tsundere et je crois que nous euh..."
"..."
"Mais dis quelque chose! Normalement là tu devrais dire euh... "je ne m’intéresse pas à tes trucs d'otaku débiles! baka!" "
"...Punaise pour ruiner l'ambiance et me couper mes envies de meurtre, tu fais dans le bâtiment, toi. Ton père était pas maçon, par hasard?"
"Sais pas et j'men fous!"
"OUAIS BAH TU TE CALMES!"
"TOI AUSSI TSUNDERE!"

Je veux la frapper, mais Leon me retient. Ah, pardon, j'ai oublié que Leon voulait pas voir des nanas se faire taper dessus. Ce qu'il peut-être rasoir. Enfin, je lâche la borgne qui ne tarde pas à se redresser en grognant à quel point elle est dégoutée. Mais à quel point se fout-elle de moi, au juste?

Si Leon n'avait pas été là, on aurait peut-être bien une ingénieure en moins dans les rangs du Régime. J'ai donc tourné les talons en jurant toutes les pires insalubrités du monde et je suis toujours pas calmé. Le pire c'est que j'ai l'impression qu'elle se rend même pas compte que j'ai failli la zigouiller et... C'est quoi un Mégané-Tsounnedélé? Nan, peut-être qu'elle pense vraiment pas courir le moindre danger, trop obnubilée par son propre monde. C’est un peu comme moi en fait. Enfin, non, on se ressemble pas du tout! PAS DU TOUT! Le continue mon chemin (au final, je rebrousse chemin, plutôt, sans encore m'en apercevoir), et j'entends Noriko qui m’emboite le pas.

"Ne me suis pas! C'est un ordre!"
"Ben, j'vais par là aussi..."
"C'EST UN ORDRE!"
"Dis-le en japonais."
"Quoi?"
"Avec ta voix classe de commandant tsundere à lunettes, ça le ferait trop que tu le dises en japonais!"
"...C'est quoi un tsounnedéré bordel de merde?"
"Je t'expliquerais. Allez, repête après moi, "SORE WA MEEDE WO!" "
"Va te faire, Noriko! Je reçois d'ordres de personne!"

Elle a bien dit que j'avais une vois classe mais venant d'elle le compliment est totalement réduit à néant par ses fantasmes bizarres. Et puis, c'est pas censé être un rat de laboratoire associable? Pourquoi elle ose être aussi familière. AH NAN HEIN, me dites pas qu'elle en pince pour moi!

"En fait, Dio-sama... Tu est fan de Jojo's Bizarre Adventure?"
"De quoi?"
"Ah... Je croyais que si tu te faisais appeler Dio c'était parce que... OH LA HOOOOOOOOONTE! Je croyais que tu étais aussi un otaku!"

La je crois que j'ai fait un énorme facepalm. Elle m'épuise, j'ai même plus la force de me mettre en colère tant elle me désespère. J'ai déjà ressenti ce genre d'impuissance avant, maintenant que j'y pense... Ouais, quand Soltan m'apprenait des truc et qu'il avait toujours réponse à tout. Je sais pas pourquoi je pense à ça, d'un coup. Même si un silence gêné s'est installé, un intrus arrive alors et c'est un...

"ARCHEOMIRE!"
"Gné?"
"Un Pokémon Acier! Acier et Psy c'est stylé, je le veux!"
"Attends mais... C'est trop naze, ce Pokémon, même si on dirait un Ganmen, bah la description du Pokédex parle de Pokémon ancestral qui ouvre des dimensions parralèles pour faire tomber la pluie. Sérieux, quel genre de ringard s’intéresserait à un machin qui ouvre des porte inter-dimensionelles."
"Noriko. Fermes-la un peu!"
"Dis-le en japonais si tu veux que j’obéisse!"

Oh pitié, mais qu'elle la ferme avec ses trips bizarres. On s'en fout, j'ai un Pokémon acier, là, et c'est cool. Justin s'en va l'affronter sous les yeux brillants de Noriko qui commence à fangirliser sur l'apparence de Kamen Rider de Justin et... bref, j'envoie la Rapide Ball.

Alors que mon lancer de Rapide Ball a bien évidemment réussi, Justin me rapporte l'Archeomire fraichement capturé dans sa capsule de capture et la pose dans ma main. Je me retourne en attendant les compliment admiratifs de Noriko, mais cette conne est déjà partie plus loin en griffonnant sur son carnet. Enfin, si elle me lâche la grappe, je vais pouvoir partir tranquille. Donc, je fais volte face et commence à descendre la piste des falaises en sifflotant, bien malgré moi, car je l'ai dans la tête, l'air du générique des Chevaliers du Zodiaque comme le faisait l'autre geek il y a quelques minutes. Et donc évidemment, la voila qui commence à ajouter les paroles en japonais sur mon sifflotement.

"T'arrêtes de chanter, oui?"
"Dio-sama t'es vraiment un rabas-joie!"
"Oui eh bah si tu continues, le rabas-joie il va te faire virer!"
"Mais nan, personne me virera, je suis un génie comme on en voit qu'un par génération, personne va me virer!"

L'assurance avec laquelle elle appuie ses mots mériterait presque le respect. Pas le mien, mais je dois dire que notre confiance aveugle en nos compétences respectives fait qu'en effet, on va jamais s'entendre. C'est pas ce que je cherche. Mais en même temps, je me dis que si j'arrive a exploiter son génie à mon avantage, genre, je suis pas dans ce trip mais si je me démerde bien, elle me construirait un robot géant?

"Eh, Noriko, si je te le demande en japonais, tu me construirais un... un mecha?"

Elle se retourne brusquement au mot mecha avec un grand sourire, mais ce dernier disparait immédiatement. Elle s'approche de moi, l'air nonchalent et m'observe d'un air condescendant.

"Franchement, Dio-sama, tu crois que j'ai que ça à fouttre de faire un mecha au premier type mégalomane qui passe? T'es pas le premier à demander, et nan. Pas vraiment, nan. Tu t’imagines que tu peux tous a voir hein? Tu me fais pas peur. Je suis un génie et toi... Nan, je fais mes robots pour moi et juste pour moi. Point final."

Faut qu'elle arrête de péter plus haut que son cul celle-là. je lui renvoie son regard hautain et fixe son œil unique, fulminant. Apparemment, c'est pareil de son côté à elle, car son regard ne quitte pas le mien. Ok, tu veux une bataille du regard, on va faire une bataille du regard, et c'est moi qui vais gagner. Tandis que nous sommes immobiles, ni l'un ni l'autre nous n'entendons Marje s'approcher de nous et mater l'ingénieure, et plus précisément sa poitrine généreuse en se léchant les babines. Bordel je l'avais oubliée celle-là, jusqu'à ce qu'elle saute sur Noriko et la fasse littéralement tomber à la renverse.

"MARJE PUNAISE NE ME COUPE PAS J'ALLAIS GAGNER!"

Mais la Coatox est comme une bienheureuse en train de se reposer sur les airbags de l'ingénieure. Sérieux, cette grenouille de malheur, penser à ne jamais l'emmener si un soir je veux aller draguer la gueuse. La brune repousse enfin le Pokémon poison et s'éloigne avec les bras croisés sur sa poitrine.

"C'est vrai qu'en fait, c'est deux belles-"
"URUSAI DIO-SAMA! TA GUEULE! KONO KUSO MEGANE!"

Et elle commence a me lancer des cailloux en se planquant derrière un rocher. Alors je fais de même en m’abritant à mon tour. je sais pas comment ça va finir cette histoire...

(A suivre)