Les dimanches matins, il n'y a pas grand monde dans la partie 'bar-café' de l'auberge. En fait, Clive peut parfois même compter le nombre de présents sur les doigts d'une seule main, et c'est pour cette raison qu'il s'occupe désormais des matinées ; il y a suffisamment peu de clients pour qu'il puisse gérer avec un seul bras, enfin, avec Castiel et Nathaniel à ses côtes pour l'aider. Même si sa mère avait protesté à l'idée qu'il travaille malgré son handicap temporaire et que l'officier ne pouvait pas dire qu'elle n'était pas tout simplement terrifiante quand elle commençait à hausser le ton, il avait réussi à passer un marché pour pouvoir travailler un tant soit peu. Déjà qu'il était fortement embêté pour son job d'officier, il n'avait pas non plus envie de rester statique durant deux mois. Ainsi, en ce dimanche matin, il s'occupe en faisant quelques essais en matière de cocktails. Pour une fois, il est content de s'ennuyer fermement, parce que cela veut dire qu'il n'a pas de gros problèmes à gérer, comme par exemple des abrutis de soldats commettant mille et une bourdes. Un peu de paix, au moins, c'était déjà bien. Ça lui faisait des vacances, en quelque sorte, et c'est un peu inhabituel pour lui qui n'en avait quasiment jamais pris depuis qu'il avait quitté le lycée. Ce qui, ma foi, commençait à remonter à longtemps. Difficile de se dire qu'il avait déjà vingt-quatre ans, tiens. Enfin bref. Tout ça pour dire qu'avec ce léger soleil, cette brise douce qui donnait un peu de fraîcheur et ce calme relatif (ou en tous cas ce qui était possible pour Vanawi), Clive ne pouvait pas être de meilleure humeur. Il avait même l'air un peu moins fatigué que d'habitude. Assis à la terrasse tandis que Castiel le remplaçait temporairement au bar, il remplissait machinalement une grille de sudoku sans trop faire attention au reste. En même temps, ce n'était pas comme si il avait quelque chose d'autre à faire. Toutefois, il entendit alors des bruits de pas se rapprocher de lui et se figea en reconnaissant qui était venu le déranger.
Il déglutit et, nerveusement, passa une main dans ses cheveux. Ça y est. Une boule d'angoisse était née dans sa gorge et il offrit un sourire nerveux à l'autre. Castiel apparut immédiatement à côté d'eux, l'air menaçant, mais Clive l'apaisa en le stoppant d'un geste de la main.
« Laisse-moi quelques minutes, s'il te plaît. »
Hochement de tête. Il poussa un long soupir nerveux et alla prévenir sa mère qu'il devait partir, probablement pour quelques heures. Il ne fit pas attention à son air inquiet et quitta l'auberge sans un mot, rejoignant ainsi la personne qui l'attendait. Il avait retiré ses lentilles.
« Je te suis, Dalhia. »
La Démolosse l'observait d'un œil méfiant, mais ne dit néanmoins rien et l'officier suivit sans même oser dire un mot. Clive pouvait sentir toute la peur et l'inquiétude de Castiel à son sujet, et il lui offrit un maigre sourire pour tenter de le rassurer, chose qui ne marcha évidemment pas. Il n'eut pas le temps de refuser au Vivaldaim qui venait de débouler de l'auberge de les accompagner, apparemment angoissé pour son dresseur, et dû se soumettre à la volonté de Balthazar. Il regrettait un peu d'avoir cédé, mais il aurait alors dû retourner chercher la ball de Balt' qui était au bar et il n'avait pas le courage de reculer vu que Dalhia les surveillait attentivement. Ce n'était pas comme si il allait s'enfuir, après tout. Ça aurait été foutrement ironique, d'un côté. Il plonge ses mains dans ses poches nerveusement. Il sait plus que quiconque à quoi s'attendre, mais il ne peut s'empêcher d'avoir peur, même un peu. Il n'est même pas surpris en voyant où les emmène la Démolosse ; ce n'est pas surprenant de la part de lui de vouloir le voir sur la plage. C'est presque habituel. Il mordille ses lèvres sur le chemin, jusqu'à ce que Castiel l'arrête avec un regard courroucé qui le ferait rire si la situation n'était pas ce qu'elle était.
Rien d'étonnant non non plus à ce qu'il ait choisi un coin reculé de la plage, un petit coin qu'ils ont tous les deux fréquenté tant de fois par le passé. Ils ont marché assez longuement, en fait, mais le regard de Clive s'est perdu dans le paysage. Il inspire profondément et l'air marin lui revient en plein visage, chose combien agréable en ce temps. Dalhia n'a pas à lui dire qu'ils sont arrivés, il le voit bien assez par lui-même. Le sourire triste qui se dessine sur le visage de Faust est bien suffisant.
Wonk uoy naht noitceffa erom deen I (Siorc el en ut euq noitceffa'd sulp ed nioseb ia'j) In you and I there's a new land (En toi et moi il y a une nouvelle terre)
Pendant quelques instants, il n'y a que le bruit des vagues qui s'écrasent sur la plage, les croassements réguliers des Goélises et le bruit des gens, plus loin. Ils se contentent de se regarder dans les yeux, chose devenue exceptionnelle ces dernières années. Il n'a pas besoin d'entendre son jumeau parler pour reconnaître toutes les émotions qui traversent son regard et Clive sait que la chose est valable de l'autre côté aussi. Pour cette raison, il a honte. Parce qu'il est à découvert soudainement. Il ne fait pas attention à Balthazar qui jette des regards confus entre lui et Faust, ni à Castiel qui observe le châtain avec une expression semblable à une extrême méfiance, mais seulement au fait qu'il s'agit de la première fois depuis des années qu'ils ne tentent pas de se battre ou de s'entretuer. Il ne sait pas exactement comment il sait que cela ne sera pas le cas aujourd'hui, et il en a un peu peur, mais il sait qu'il peut laisser son instinct le guider.
Même Faust, pour une fois, a perdu son assurance. Ce n'est que lorsque que Clive baisse le regard, honteux, qu'il sent des bras se refermer doucement autour des lui. Il s'immobilise immédiatement, paralysé par le choc. Depuis combien de temps n'a-t-il pas ressenti ça ? Depuis combien de temps ne s'est-il pas blotti contre lui et n'a-t-il pas respiré son odeur ? Son cerveau lui hurle de reculer, que c'est un vicieux piège destiné à l'amener à sa perte, mais tout son être se rebelle contre cette abominable pensée et il finit au bout de quelques instants par se laisser aller et se décontracte. Faust fait attention à son bras, chose normale pour lui, mais l'officier peut voir que ses jambes tremblent. Ils finissent par tomber tous deux à genoux, Faust enlaçant toujours Clive de sorte qu'il est quasi impossible de s'échapper, mais le brun n'en a nullement envie. Il sait bien que ça ne durera pas, que ça ne peut pas durer, alors il enfonce un peu plus ses doigts dans le t-shirt de l'autre. Arceus, qu'il aimerait ne pas être conscient de cette réalité. Qu'il aimerait pouvoir oublier ça quelques temps, mais c'est strictement impossible. Aussi niais que ce soit, il en vient à prier intérieurement que le temps s'arrête.
Ils ne disent rien, en premier lieu, parce que les mots sont plus que dangereux entre eux, parce qu'ils savent que si ils parlent, alors ils risquent de rompre ce moment et qu'ils n'en ont nullement envie. Clive, en silence, pose sa tête contre le torse de son frère et se replie un peu, chose que Faust accepte sans un mot, habitué. Cela fait tellement longtemps qu'il ne l'a pas senti aussi proche sans que ce soit pour se battre qu'il est encore un peu confus, mais il ne risque sûrement pas de le repousser.
My sanctuary, my sanctuary, (Mon sanctuaire, mon sanctuaire,) Where fears and lies melt away (Où les peurs et les mensonges fondent)
L'officier déglutit et réprime ses pleurs, et ce malgré ses yeux humides. Puis, alors qu'il parvenait tout juste à se calmer, la voix de son jumeau finit par briser le silence religieux dans lequel ils étaient plongés.
« Pardon. »
Silence. Clive gèle alors que ses yeux s'écarquillent, et il sent la prise de Faust se raffermir sur lui, comme si il avait peur que cet aveu ne le fasse brusquement reculer.
« Pardon de t'avoir laissé durant toutes ces années. De ne pas avoir considéré tes émotions, de t'avoir abandonné, de t'avoir laissé souffrir comme ça... »
Et plus Faust parle, plus les tremblements de Clive se font plus intenses ; impossible pour lui de se retenir dorénavant, et les sanglots commencent doucement à s'échapper de sa gorge enrouée par les pleurs qu'il réprime depuis tout à l'heure. Pourtant, le conseiller ne s'arrête pas et se contente de lui caresser doucement le dos, dessinant des cercles invisibles par la même occasion.
« Pardon de ne pas avoir été là quand il le fallait et ne pas avoir davantage cherché à comprendre. Pardon de t'avoir laissé vivre toutes ces horreurs, Clive. Pardon. »
Il a oublié toute retenue. Tout ce qui sort de sa gorge, ce sont de longs sanglots déchirés et incontrôlables qui le font presque sursauter, une mer de larme et Arceus, il ne voit presque plus tant sa vue est brouillée. Ses yeux le piquent et il a l'impression d'étouffer alors qu'il pleure véritablement pour la première fois depuis des années. En réponse, Faust se contente de le serrer un peu plus contre lui, en faisant toujours attention à son bras cassé, avec cette douceur que Clive avait presque oublié. Il lui chuchote doucement des mots rassurants alors que le brun voit plus que bien qu'il peine à ne pas pleurer aussi. Il y a ce sourire doux sur son visage, que Clive ne voit pas mais qu'il devine comme présent sans mal.
« Je ne peux pas te pardonner pour ce que tu fais, Clive, mais ça ne change rien au fait que tu restes mon frère et que je t'aime. »
Snwod dna spu ynam os (Sab ed te stuah ed tnat) My heart's a battleground (Mon cœur est un champ de bataille) Snoitome eurt deen I (Snoitomé selbatirév ed nioseb ia'J) Wonk uoy naht noitceffa erom deen I (Siorc el en ut euq noitceffa'd sulp ed nioseb ia'j)
Pourtant, il refuse de relever le regard. Il aimerait bien mourir ainsi en fait, que ses mots, sa tendresse et sa voix soient tout ce qui lui reste plutôt qu'un futur qui lui paraissait être décidément trop sombre.
« Clive. »
Il sait déjà ce que le conseiller va dire. Les mots sont superflus entre eux mais il choisit de les ignorer, paralysé par la peur.
« Clive, s'il te plaît, regarde-moi. » demande-t-il à nouveau, toujours aussi tendrement.
Doucement, le châtain lui relève le visage et le force à le regarder dans les yeux, et ce malgré ses yeux embrumés. Et ce sourire qui lui a tant manqué est là, imperturbable.
« Je veux que tu le comprennes ; je ne pourrai jamais te haïr. Jamais, tu m'entends ? C'est au dessus de mes forces, malgré tout ce que tu fais. Je suppose que je devrais être désolé d'être aussi égoïste, mais ce n'est pas le cas, aussi monstrueux que ce soit. »
Lorsque Clive tente de protester et commence à ouvrir sa bouche pour parler, Faust le fait taire en rapprochant sa tête de son torse afin qu'il comprenne qu'il veut son silence. Cela marche, sans surprises, parce que l’officier n'a jamais su s'opposer véritablement à la volonté de son jumeau.
« Non, je me fiche de tes arguments. Je me fiche de ce qu'on pensera de moi. Comprends que ça ne changera jamais, et que même si nous ne pouvons plus retourner en arrière, je ne te haïs pas. Ça ne sera jamais le cas, tu m'entends ? Parce que je te connais ; je sais ce dont tu es capable, mais je sais surtout de quoi tu es incapable. »
Puis, silence. Les pleurs de Clive refluent lentement alors que Faust le berce doucement en fredonnant une vieille mélodie. Le cadet des deux reconnaît en ces notes un peu déformées cette chanson qu'il avait composé pour eux, lorsqu'il était adolescent. Inexpérimenté et maladroit comme il était, la chanson avait été imparfaite, mais Faust avait toujours été le seul qui avait eu le droit de la chanter. Sa gorge se serre un peu plus, si bien qu'il a l'impression qu'il va s'étouffer, mais la chaleur rassurante de son jumeau veille à l'apaiser petit à petit.
« Alors ne pense jamais, je t'en supplie, que je veux te voir mourir. Par pitié, Clive. »
Et c'est sur ces mots qu'il finit par conclure. Doucement, il laisse son frère se coller à lui, chose qu'il n'a pas fait depuis des années. Depuis la mort de leur père, même. Depuis ces longues journées d'enfer qu'ils ont passé à survivre en se raccrochant désespérément l'un à l'autre. Et c'est comme si Faust avait soudainement oublié leurs rancœurs passées, mais ce n'est pas vrai ; il a tout simplement choisi de passer à côté pour l'instant. Et voilà ce qui est le plus douloureux ; ils savent tous les deux que ce moment va se terminer et qu'ils arrivent au bout du temps qu'ils se sont accordés.
You show me how to see (Tu me montres comment voir) That nothing is whole and nothing is broken (Que rien n'est complet et rien n'est brisé)
Lorsque Faust se sépare lentement de lui et l'aide à se relever, une boule d'angoisse naît au fin fond de ses entrailles. Pourtant, il ne dit rien et réprime l'immense peine qui lui écorche la poitrine.
Il ne sait pas quoi dire. Son jumeau se contente d'un sourire triste. Alors qu'ils ne s'y attendent pas, c'est un petit Vivaldaim qui s'approche du conseiller et le regarde d'un air à la fois émerveillé et confus. Le châtain sourit puis s'accroupit afin de caresser tendrement la tête du petit daim.
« Prends soin de lui, d'accord ? Même quand il te dit qu'il va bien ! Fais lui des câlins, il en a besoin, et surtout, ne le laisse pas faire de bêtises. » dit-il au Vivaldaim d'un ton joueur.
Alors que Clive s'apprêtait à protester vivement d'être ainsi traité comme un enfant, il remarqua que Batlhazar s'était immobilisé. Puis, d'un seul coup, il se mit à évoluer. L'officier cligna des yeux, surpris, tout comme Faust qui ne s'attendait pas à une pareille surprise. Il eut un rictus taquin à l'égard de Clive.
« J'savais pas que tu appréciais ce genre de petit pokémon adorable, Clivou ~ »
Taquinerie à laquelle Clive répondit par un grognement agacé malgré ses joues écarlates. Ce genre de blague ravivait de nombreux souvenirs, heureusement.
« Enfin... Plus si 'petit', maintenant. »
Car c'était un Haydaim dorénavant, et oui le Captain Obvious est totalement assumé. Le cerf émit un petit bruit de contentement, fier de sa nouvelle apparence. Clive sourit doucement. Il ne comprit pas vraiment ce qui se passa ensuite. Il eut tout juste le temps de voir Faust lancer un regard suppliant à Castiel, puis le Gardevoir saisissait son bras et ils étaient de retour près de l'auberge. Sous le choc, Clive resta muet quelques instants. Un peu blessé et soudainement mal à l'aise maintenant que son jumeau n'était plus près de lui, il ravala difficilement sa salive et essuya rageusement ses yeux humides. Il serra fortement les dents et lança un regard meurtrier au Gardevoir dont l'expression était la peinture même d'une excuse.
« Il t'a demandé ça, hein ? De m'emmener loin subitement pour ne pas qu'il y ait d'adieu trop douloureux ? »
Castiel baissa honteusement la tête. Nul doute qu'il avait dû passer son temps à inspecter les pensées de Faust et que celui-ci, le sentant probablement de par son expérience avec les pokémoin de cette espèce, en avait profité pour penser cette requête. Furieux tout autant que peiné et vexé, il décida qu'il allait peut-être marcher un peu pour se détendre, parce que toutes les émotions qui le parcouraient le rendaient vraiment trop instable pour qu'il puisse supporter de retourner travailler maintenant. En attendant... Non, il penserait au reste plus tard. Là, il avait juste besoin de respirer un grand coup.
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