Un nouveau match.
On m'en a d'abord parlé brièvement, si brièvement que je n'ai porté aucun intérêt particulier à cette future bataille. Je me disais que ce serait une bataille parmi tant d'autres, une bataille comme toutes celles que j'ai fait jusqu'ici. Alors, je ne m'en suis pas préoccupée plus que cela, jugeant inutile d'avoir des détails supplémentaires. Sauf que je me suis trompée, car la challenger est devenue un peu plus qu'une simple challenger à la seconde où j'ai appris qu'elle était la jeune apprentie d'un autre champion, Sky Vassily. À mes yeux, elle a perdu de sa banalité ; à ce moment-là même sans la connaître, je me voyais en elle, j'ai eu l'impression de me retrouver en cette jeune dresseuse. Elle m'a rappelé l'ancien temps, le bon vieux temps où je suivais les enseignements de l'ancien champion de Vanawi. Époque je regrette, époque heureuse où je me promenais en forêt avec celui que je surnommais "Maître." Je me suis remémorée chaque instant, chaque seconde de bonheur grâce à elle. Oh, non, cela ne suffit pas pour se retrouver dans la liste des gens que j'appréciais. Mais, j'ai l'étrange sensation d'éprouver pour elle une forme de...

Compassion ? Peut-être.

Je traverse le long couloir me permettant d'accéder au stade, en songeant encore à ce sentiment impossible à expliquer. Une forme de tourment, un tourment qui ne parvient pas à quitter mon esprit. Je réfléchis, je réfléchis sans cesse à cette fille pourtant inconnue. Je me demande qui elle est, si elle est douée, quelle est sa personnalité, quelle est sa puissance.
Et finalement, j'arrive à une conclusion : même si je me retrouve en elle et que j'éprouve un peu de compassion pour elle, j'espère qu'elle sera à la hauteur de mes attentes. J'espère qu'elle ne me décevra pas.

Je gravis les marches de l'escalier, accédant au stade à ma place de championne, sous les tonnerres d'applaudissements de la foule. Les gens ont dû remarquer mon changement radical de style vestimentaire, l'absence de mes habits extravagants. Oui, un déclic m'a fait prendre conscience que ces vêtements à l'allure particulière n'avaient plus de valeur à mes yeux ; je préfère ce qui est confortable, ce qui n'est pas dommage ; mon accoutrement actuel ne se résume alors qu'à une mini jupe rose et un pull-over noir.
Je salue le public de la main, un large sourire au coin des lèvres. Je souris, oui je leur souris chaleureusement, mais ce n'est pas eux que j'attends, ce n'est pas eux que je veux rencontrer. Celle que je veux découvrir, c'est ma challenger. Et je n'ai pas besoin de patienter puisqu'elle arrive juste après, acclamée par les spectateurs. Une chevelure brune courte, un visage d'adolescent, un air confiant et assuré. Elle ne donne pas l'impression d'être beaucoup plus âgée que moi, juste un ou deux ans de plus. Elle me parle, elle m'appelle par mon titre et me présente son premier allié. J'observe sa créature, Akemi, avec un petit sourire bienveillant et expiré longuement.

— Bienvenue à toi. Tu es l'apprentie d'un autre champion, je présume ? J'en conclus que je n'ai pas besoin de t'expliquer les règles.

Galifeu, un pokemon feu. Un choix qui ne me surprend pas, vu que je suis habituée à combattre sans cesse les faiblesses de mes pokémon. Je sors à mon tour une poké-ball, brillant de mille feux sous les projecteurs de l'arène. Je la lance en l'air, pour relâcher son contenu : Coton, ma Farfaduvet. Elle retombe en douceur sur le stade, à cause de sa masse de coton agissant comme une sorte de parachute. Je lance un regard confiante à mon adversaire.

— De mon côté, je te présente Coton, ma fidèle Farfaduvet.

À l'entente de son prénom, Coton sautille sur place en poussant des petits cris de joie.

— C'est quand tu veux.

Je reste sereine, incroyablement sereine comme devrait être un champion, ma championne. Mature, sage, être digne de son titre. Je suis consciente que mes collègues tiennent leur rôle de différentes façons ; certains montrent une grande motivation et une énergie hors du commun ; d'autres, comme moi, préfèrent dévoiler une grande maturité et une incroyable sagesse ; d'autres se montrent encore plus sévères, plus sérieux et plus durs. Ah, il faut dire que nos postes sont très importants au sein d'Enola, et qu'on montre tous notre implication à notre manière. Intéressant, mais chose qui m'intéresserait beaucoup plus si je ne haïssais pas l'espèce humaine, chose à laquelle je prendrais plaisir à étudier si je n'étais pas misanthrope.
Mon hypocrisie est mon seul allié pour garder mon titre.

Ah, je ne consacre pas mon temps à mieux connaître mes collègues, je ne me suis jamais comparée à eux ; mais si je représente la sagesse, alors mon adversaire représente la conviction, l'énergie, la motivation et la fierté ; c'est celle qui se tient droite devant moi et qui n'a pas froid aux yeux, celle qui refuse de reculer face aux défis. Je laisse échapper un soupir presque silencieux, inaudible. Dire que c'est mon reflet, dire que c'est celle qui me rappelle mon heureux passé, alors qu'elle ne me ressemble pas tant que cela. Pourquoi est-ce que je m'obstine à l'appeler ainsi .
Parce que la flamme de la compétition brûle tout autant dans mes yeux que dans les siens. Parce que malgré tout, nous avons cette même envie de montrer le meilleur de nous-mêmes.

Elle parle, elle relève mon erreur, faisant temporairement disparaître le doux sourire de mon visage, pour le transformer en une bouche entrouverte par la surprise. Elle n'est plus une apprentie, elle est la championne à la place de Sky Vassily. Une championne de type combat. Alors, elle aussi, elle est championne à son jeune âge, comme moi.
Exactement comme moi...
Sa remarque m'arrache un sourire amusé, sincère pour une fois ; et moi qui croyais ne jamais prononcer ces mots, ou alors jamais en faisant preuve d'honnêteté, je lui réponds :

— Eh bien, ça fait plaisir de rencontrer une collègue.

Je ricane gaiement, un ricanement joyeux, presque discret.

— Alors, ce sera un match entre deux jeunes championnes ? Voilà qui est intéressant.

Plus intéressant que tous ces combats si banals que je faisais à la chaîne, que j'oubliais après avoir l'avoir terminé. Je n'ai seulement retenu mon match contre Samaël, aucun autre, ou alors très vaguement. Mais lui, c'est le seul où je me souviens de chaque parole, chaque action, chaque sentiment...

Je me redresse, prête à commencer, et voyant que ma challenger vient de donner ses ordres, je lance un regard à Coton, un petit sourire aux lèvres.

— Vas-y Coton, montre-leur qu'une tornade en pleine forêt peut être dévastatrice.

Elle sautille joyeusement et s'élance, tandis que mon esprit se transforme en véritable calculatrice. Mon côté stratégique fait surface, prenant en compte tous les détails, construisant un tactique parfaite pour parvenir à gagner.

Coton est plus rapide et connaît la capacité tornade, super efficace contre Galifeu, qui est de type combat. Par contre, cette capacité est faible en puissance, même si les défenses de Galifeu ne sont pas honorables. Ce type feu peut faire de sacrés dégâts contre Coton, qui n'a pas de très grandes défenses, alors j'espère juste qu'elle parviendra à résister.

Coton prouve sa supériorité dans le domaine de la rapidité, comme je m'y attends. Je le sais, je la connais. Peu de pokémon sont capables de la surpasser en terme de vitesse, très peu. C'est même très rare. Et heureusement, car Coton n'est pas vraiment un pokémon fait pour attaquer, mais plutôt pour lancer des offensives à une vitesse remarquable. Elle s'est élancée, fièrement et joyeusement, afin de générer une tornade dévastatrice, affolant les arbres du stade, secouant les branches les plus solides et les plus stables de ceux-ci.

Cependant.

Cependant je ne suis pas convaincue que Galifeu ait trouvé cette attaque puissante. Je pense qu'il l'a supporté sans peine, sans dommage extrêmement important. Une deuxième Tornade ne le mettra pas K.O. Il se tiendra toujours debout, prêt à attaquer au lieu de se reposer dans sa poké-ball, à bout de force. L'attaque qui suivra m'inquiète un peu. J'ignore s'il prépare une petite Flammèche ou un torrent de flammes ravageuses. J'observe, un peu tendue, en espérant que la faible défense de ma coéquipière suffira pour continuer ce combat un peu plus longtemps. Et malheureusement, malheureusement, c'est un torrent de flammes. Un puissant torrent de flammes. Surchauffe. Oh non... Cela ne peut pas se terminer aussi rapidement...
Et si.

Coton tombe à terre, incapable de se battre davantage, ne demandant qu'à rejoindre sa poké-ball, apaisante. Alors j'exécute sa demande ; je tends le bras en sa direction, et déclenche ce rayon rouge qui la ramène directement dans sa prison sphérique. Je soupire avec le sourire aux coins des lèvres.

— Tu as fait ce que tu pouvais, c'est très bien ainsi.

Puis je la range dans ma poche, tout en plissant les yeux. Laissant échapper un léger soupir, je regarde à nouveau Galifeu, toujours en forme. Ce pokémon ne va pas être facile à battre. Seulement. Ses attaques risquent d'être moins puissantes, à présent. Elles seront moins à craindre que précédemment. Alors, autant jouer sur la défense. Je pense que c'est la meilleure chose à faire. Une nouvelle poké-ball apparaît dans ma main, scintillante, que je lance en l'air pour libérer Macronium.

— C'est à toi de jouer à présent.

Elle a compris. Elle observe quelques secondes son adversaire et pousse un cri de guerre. je souris, confiante, et regarde la nouvelle championne dans les yeux.

— On peut continuer.

Elle se tait. Cela doit faire deux dizaines de secondes qu'elle ne parle plus, qu'elle ne remue plus les lèvres, plongée dans ses intenses réflexions. Lycoris doit bien la perturber, à mon avis, pour la tourmenter à ce point. Elle joue le rôle de tank après tout, grâce à sa défense, malgré ses faibles attaques qui n'affecteront pas Galifeu. Elle se tient sur le stade pour cette raison, pour résister le plus possible et placer une petite offensive entre deux. Phylley n'aura pas résister une seule seconde, beaucoup trop faible défensivement. Alors c'est la principale raison pour laquelle Lycoris prend le relais, plus susceptible de vaincre que ma chère Phyllali.
Ces derniers temps, j'ai beaucoup songé aux performances de Macronium, trouvant que sa mission s'accomplirait bien mieux avec une CT. Ce n'est pas ma spécialité, mais j'y songeais, et ne voyais pas réellement ce qui m'en empêcherait. C'est une parenthèse que je mettrai pratique plus tard.

Finalement, mon adversaire rappelle sa partenaire enflammée et sort une deuxième poké-ball

— Je crains avoir fait une erreur, Aline. J'ai cru Akemi plus forte que Lycoris, or, nous savons toutes les deux qu'avec la baisse d'attaque spéciale, mon alliée et démunie face à elle. Voici donc Numélia, ma petite lumière.

Elle me connaît. Elle connaît Lycoris. Elle connaît ses capacités, la rage qu'elle engendre chez les jeunes dresseurs avec sa faculté de soin, sa défense assez bonne. Elle me connaît, mon reflet me connaît mais je ne la connais pas.
Comme quoi, même un reflet dans un miroir peut être différent.

— Ça me prouve que tu me connais, et que tu connais ma façon de combattre.

Et Camerupt apparaît. Ce pokémon chameau se dresse sur le terrain, ce type feu à l'allure terrifiante et féroce. Elle a l'air puissante, très puissante. Et je dois stopper la vivacité de ses attaques assez vite, ou la défense de Lycoris ne suffirait pas.

— Lycoris, Mur lumière.

Je place la défense, pour résister aux pires attaques et rester un peu plus longtemps dans la compétition. Le changement de mon adversaire m'a permis d'avoir un tour d'avance, un précieux tour que j'ai utilisé avec soin.

— Et à présent, Feuillemagik.

Car Camerupt est un type feu, mais également sol, donc je peux me permettre d'user de mes capacités plantes.

Elle me dit qu'elle regarde tous mes combats à la télévision, qu'elle n'en manque aucun. Sur le moment, ces mots m'impressionnent un peu, me surprennent et m'honorent en même temps. Mes adversaires ont souvent tendance à découvrir mon style de combat sur le moment, ne s'étant aucunement préparé avant l'affrontement. Aucun renseignement, hormis le type, aucune stratégie véritablement montée, aucun vision nage de retransmission de match. Moi-même, j'ai tendance à oublier les différents caméramans, éparpillés dans la foule et devenant alors invisibles à mes yeux. Il y a des jours où je ne réfléchis même pas à l'allure que je donnerais à travers l'écran, où j'ai l'impression d'être seule. Seule avec mon adversaire. Oubliant le public. Oubliant les caméras. Oubliant le monde.

— Tu m'en vois honorée.

Et je me concentre à nouveau sur notre duel.
Tout se passe plutôt bien de mon côté. Oui. Les Feuillemagik de ma chère Lycoris s'abattent sur le chameau de feu, ne provoquant pas de dégâts très importants, mais assez pour donner une mince lueur d'espoir à notre équipe. Je souris légèrement, réfléchissant à notre prochaine intervention, trouvant que l'utilisation de Synthèse sera de toute manière nécessaire pour faire durer ce combat. Je n'ai pas beaucoup de temps, je dois faire preuve d'intelligence à cause de Mur Lumière, capacité aux effets limités par le temps. Je dois réfléchir minutieusement pour ne pas commettre d'action impulsive qui nous conduirait à une défaite soudaine. Je calcule. J'analyse. Les différentes possibilités se construisent dans ma tête, et mon jugement s'abat rapidement sur celle qui me semble la moins risquée.
Je tends un bras, prenant un air sérieux et concentré plus que jamais.

— Lycoris, Feuillemagik. Puis, Synthèse.

Je calcule. Je calcule et me dis qu'à ce rythme, j'ai peut-être une chance de gagner ce round.