Cette jeune femme euphorique que j’observe dans le miroir n’a rien perdu de son sourire ni de son regard enfantin euphorique depuis l’an dernier, lorsqu’elle se trouvait au même endroit, dans le même contexte. L’excitation m’envahit et je souris de plus belle alors que les minutes qui précèdent encore le match s’écoulent avec une lenteur insoutenable. Une année entière que j’attends ce nouveau moment face au Maître Coordinateur Enolian, et je ne veux plus attendre une seconde de plus. Mes poings sont serrés sur mes cuisses tremblantes, tout mon corps est tendu et nerveux de fébrilité, il témoigne de mon état actuel. Je ne saurais par où commencer, et je veux pouvoir lui faire comprendre à travers l’art qui nous m'unis au Big Boss ce que note dernière rencontre ici-même et celle année qui vient de passer a changé en moi. Ce que Monsieur Image a révélé n’est ni plus ni moins mon rêve, et il m’a fait comprendre que cet objectif que j’ai toujours nié ne devait pas rester au stade de rêve. Enfin, tout ça, c’est bien joli, mais je vais en devenir niaise, si ça continue. J’ai tendance à voir Monsieur Image comme une sorte de confident dans la coordination, j’ai envie de lui montrer qui j’ai pu devenir à travers ces mois avec fierté, ce qu’il a pu déclencher en moi et faire enfin éclore. Je ne ressens pas de peur à l’idée de le rencontrer de nouveau, je suis impatiente. Cette fois, il me verra vraiment telle que je suis.

Cette année, les organisateurs du Grand Festival ont décidé d’une nouvelle façon de faire se dérouler la finale. Le hasard est de la partie, et ne pouvant me décider sur lequel de mes amis m’accompagnerait aujourd’hui, cela m’arrangeait plutôt bien. Tarja, Janis, Floor, Lemmy, Marco et Marilyn étaient à mes côtés quand le tirage au sort à débuté. Et encore, je m’en voulais de n’avoir pu choisir que 6 de mes compagnons. J’avais décrété que Joan, Valentine, Nicko ou encore Nao étaient trop jeunes et eux-mêmes sont encore trop occupés à jouer ensembles que penser à la coordination, bien qu’ils seront présents dans les gradins. Nao avait voulu insister pour venir avec nous et se présenter aussi, et je m’en veux encore d’avoir du lui annoncer que je ne la pensais pas encore prête. Nao possède un grand potentiel, immense, mais elle n’ose encore que l’utiliser en présence de Marilyn, rechigne encore à partager. Jimmy et Bob quant à eux sont restés modestement à l’écart cette fois-ci. Ils ont déjà affronté Monsieur Image, après tout, et voulaient laisser la place aux autres, leur donner leur chance de vivre cette expérience. Finalement, Kalafina et Ripper s’étaient désistés pour des raisons semblables, du fait qu’ils avaient déjà affronté Ash il y a peu de temps. Toutes ces tergiversations faites, chacun d’entre nous avions retint notre souffle, dans l’ignorance totale du résultat que Monsieur Image aurait pour sa part. Et c’est finalement le nom de Janis qui surgit. Tous ces compagnons l’observèrent avec des airs surpris et admiratifs, envieux pour certains qui auraient adoré participer à ce match. La jeune Arbok eut droit aux encouragements de la part de tous ses camarades, mais semblait un peu démunie, un peu perdue. Le reste de nos amis ne tardèrent pas à prendre congé de nous, et mon amie fit comme si elle pouvait encore garder son calme face à moi. Mais la lueur de panique dans ses yeux me faisait comprendre ce qu’il en est. Je me retourne vers elle et m’avance dans sa direction, en retrait dans un coin de la loge. Je passe une main sur ses écailles et lui lance un sourire confiant. Ma chère Janis a toujours préféré rester en retrait, et pourtant, son talent est indéniable, il a explosé lors de sa prestation exécutée il y a plusieurs mois. La Arbok est un être extrêmement perfectionniste, elle cherche à tout prix le meilleur, le contrôle de son entrainement, de ses gestes, et de ses résultats, elle ne veut rien laisser au hasard. Aussi, même face à la très belle note qu’elle obtint lors de sa dernière performance, elle fut déçue par ce qu’elle vit comme un échec. Selon moi, Janis n’ose tout simplement pas se montrer réellement telle qu’elle est, et se mure derrière un bouclier de perfectionnisme obsessionnel. J’ai confiance sans aucun doute en son talent, mais j’aimerais que ce match puisse lui faire comprendre que si elle parvenait à se laisser aller à ses folies, elle n’en serait que plus formidable. Il lui faut trouver cet équilibre entre son côté maniaque et toutes les choses belles qu’elle n’ose pas faire par soucis de retenue. Mes mains passent des deux côtés de la face fine du grand serpent mauve, et je pose mon front contre le sien, confiante et souriante. Janis elle aussi ferme les yeux, et accepte de se détendre  l’espace de quelques minutes qui nous séparent encore de l’heure fatidique. Je l’entends siffler à mes oreilles, et je sens qu’elle est soucieuse. Et qui ne le serait pas à sa place, je le suis également, mais mon enthousiasme prend le pas sur tout le reste.

« Janis, je sais que tu vas réussir. Tu es géniale et j’ai confiance, n’aies pas peur de leur montrer qui tu es vraiment. Tu réussiras, j’en suis sûre, n’aies plus peur de toi-même comme ça! »

Ce n’est pas les acclamations que recherche Janis, elle ne veut pas être célébrée ou reconnue comme une star, elle ne veut pas devenir l’objet d’un fanatisme quelconque. Je la défendrais bec et ongle si cela doit arriver un jour. Son « moi » véritable ne sera jamais l’objet d’une attraction, ça, je peux le lui promettre. Je sais que se montrer tel qu’on est, c’est difficile, et je suis passée par là également. J’ai toujours peur de ce que l’on pourrait penser de moi, de ce que je dois être ou ne pas être. Mais le terrain d’un match de coordination est l’endroit ou je me sens libre de laisser exploser la vraie moi. Nous restons immobiles, je tente de transmettre par mon silence tout cela à Janis, jusqu’au moment ou l’on frappe à la porte.

« Tu es prête? »

Fis-je sans que se tarisse l’éclat de joie au fond de mes pupilles rougeoyantes. Janis siffle à nouveau, ne trahissant pas son calme, et j’ai la sensation que quelque chose a changé dans son regard. Comme toute réponse, elle m’emboite le pas en direction du Grand Hall.

Enfin. Le mot résonne dans mon esprit lorsque je redécouvre cette grande porte à double battants. Je pense brièvement à ma famille et aux autre gens importants à mes yeux, à Liza qui me regarde aujourd’hui avec le reste de mes alliés, aux premières loges. Le moment est court mais bien assez intense, et les portes s’ouvrent finalement. Aussitôt que les deux battants auraient du me dévoiler ainsi que mon amie, le sol se met à trembler sans que je n’ai pu prévoir quoi que ce soit. Et alors, une étroite estrade circulaire surgit du sol et apparaît devant moi. Le regard complice, je glisse une œillade à Janis qui est l’auteure de ces tremblements. Les secousses continuent, accompagnées de leur bruit sourd, et je commence à progresser sur les marches que Janis fait surgir du sol dans un ryhthme soutenu, presque sollenel. Je commence à m’élever, et lêve petit à petit les bras vers le ciel avec mes baguettes en main, arrivant finalement à environ trois mètres du sol, juchée sur mon estrade, et très vite rejointe par Janis qui exécute quelques arabesques dansantes avec son corps long, avant de s’enrouler autour de l’étroite marche de terre et d’émmetre un sifflement guerrier, fait cesser immédiatement les tremblements.

« HEY GUUUUUUUUUUYYYYYS! ARE YOU READYYYYYY?! »

Le public me répond avec un enthousiasme semblable. Ils commencent à connaître mon boucan habituel par cœur, et je suis heureuse de voir qu’ils ne s’en lassent pas. Janis accompagne mes cris en continuant de siffler férocement. Ensembles nous commençons à appeler Monsieur Image. Lorsque ce dernier paraît enfin, je descends respectueusement de mon perchoir en compagnie de mon alliée pour aller dignement le saluer d’une révérence théâtrale, mettant en valeur l’éclat de ma veste rouge plus brillante que jamais, unie à mes bottes de cuir d’une couleur semblable et à la couleur de mes cheveux flamboyans, tranchant avec ma robe d’un noir profond. Janis m’imite et salue elle aussi, identifiant dès lors l'autre Pokémon que désigna le hasard, aux côté de Maxwell.

«  Un honneur de pouvoir t’affronter à nouveau, Monsieur Image. Prêt à rocker de nouveau, Mister?! »

Dis-je, quelque peu provocatrice en lui lançant mon habituel air narquois. Il saura voir à travers cette façade routinière. Il saura voir à travers, je le sais. Après tout, nous sommes ici pour la même raison aujourd’hui : créer un nouveau rêve magnifique. A-t-il attendu aussi impatiemment que moi le moment ou cela pourrait se produire de nouveau?

Comme revoir ce bel homme aux cheveux d’argents me fait du bien. C’est fou comme la seule présence de Maxwell parvient à me faire me sentir vivante et réelle. Sans superflu ni semblants. Je veux bien croire qu’il ait attendu ce match… Le Maitre Coordinateur s’est battu pour rester en vie, lutter contre sa maladie, cette année, et je veux que ce match soit pour lui comme une récompense à toutes ces dures épreuves. Peut-être est-ce prétentieux, mais je veux qu’il soit plus heureux encore d’avoir survécu à tout ça, qu’il pense qu’au moins pour le combat qui va suivre, cela en valait la peine. Cette année ne fut pas facile a vivre pour moi non plus. Mes conceptions du monde, du bien et du mal, de ma vision de la morale ont été mis à mal continuellement. Tourmentée par mes addictions à ces substances en poudre, en herbe, j’ai plongé plusieurs fois bien bas. Je croyais parfois qu’il n’y avait plus d’issue possible, que je ne trouverais jamais la sortie... Que je ne me trouverais jamais. Mais penser à la perspective d’une revanche contre Monsieur Image m’aidait toujours à sortir le tête de l’eau. Apprendre pour son cancer avait été un coup dur pour moi également. J’ai craint de ne jamais le rencontrer à nouveau. J’ai prié pour la première fois, en souhaitant de toutes mes forces que cette rencontre puisse se produire comme l'an dernier. Je ne sais si nos dieux m’ont écoutée, mais le fait est que je suis devant cet homme à nouveau. Et que je suis fière de me présenter ainsi devant lui accompagnée de ma belle Janis, toutes deux comme les nouveaux êtres que nous sommes devenus. « Vendons du rêve ». Oui, c’est exactement ce que nous sommes destinés à faire ici. Ouais, le destin. Je ne croyais pas à ces conneries avant de rencontrer Monsieur Image, et alors, mon avenir ne m'était jamais apparu aussi clairement. Vendons du rêve sur ce terrain, ce lieu qui est également mon rêve. Ma gorge se noue quand il prononce ses mots. Je ne devrais pas pleurer maintenant, quelle idiote! Janis me sourit avec compassion alors que mes yeux brillent et s'humidifient. J'essuie avec un ricanement nerveux ces larmes naissantes, les réprime. Ma joie veut déjà crier et s’échapper par mes larmes, mais je les réprime encore un peu. Victoire ou défaite, je sais qu’elles sortiront, mais pas maintenant.

« Avec plaisir, Monsieur le Maître, et Dame Aéromite. »

Assez parlé. Nous nous exprimerons dorénavant par le biais de notre art. Janis n’a pas raté un instant de notre échange, et en a sans aucun mal perçu l’intensité. La Arbok sait que ce combat est particulier pour moi, mais ne semble plus aussi anxieuse à l’idée d’avoir été choisie. Pour elle aussi, avant toute chose, ce combat est des plus importants. Ses yeux se portent sur l’Aeromite de Maxwell. Un adversaire dont il faut sans aucun doute se méfier, qui promet également un combat extrêmement intéressant. Un adversaire aérien, ce qui constitue un challenge certain pour l’Arbok, Pokémon terrien par excellence. Mais moi-même je ne soupçonne pas les limites de l'intelligence de Janis ou son ingéniosité, à nous deux, nous n’aurons aucun mal à trouver les bon moyen pour passer au-dessus de cette difficulté, et porter de beaux assauts à nos adversaires. Nous ne sommes plus inquiètes, et un dernier regard nous unit avant que je fasse quelques pas en arrière, prête à laisser solennellement ce terrain à nos deux alliés. La flamme confiante et téméraire dans mon regard ne faiblit pas, et voir Janis de dos me suffit bien assez pour ressentir que la femelle empoisonnée à déjà une idée derrière la tête. Une infime hésitation plane encore, toutefois, je sens que cette fois est la bonne. Janis a progressé depuis sa dernière performance, elle a appris avec grande rigueur de ses quelques défauts. Mais le temps n’est plus à ces reproches rigides. Aujourd’hui, nous nous donnons corps et âmes dans ce combat! Dans un geste tout d’abord lent, je lève une main, puis tends mon doigt vers le ciel, longeant une de mes baguettes avec un soin énigmatique.

« Over the hills and far away, Over the montains and the seas, Janis. »

Le message est on ne peut plus clair, et le silence se fait tout autour de nous. Janis inspire profondément et m’imite en s’imprégnant de cette ambiance. Complices, nous savourons ce calme avant la tempête, trainant de façon presque provocatrice. Puis, un grondement commence à sortir des entrailles de la terre. Petit à petit le sol se met à trembler. Janis siffle une mélodie étrange, et je ris doucement, nous sommes toutes deux envahies par l’adrénaline, ma tête oscille de droite à gauche, je me laisse envahir par les secousses, le sifflement comme si il s’agissait d’une véritable symphonie. L’ambiance s’installe, et Janis demeure impassible, ferme les yeux en écoutant elle aussi les secousses. Les tremblements se font sentir, font enfin trembler le sol. Nous prenons une même inspiration, et mon bras se baisse alors brusquement, ma baguette est projetée contre le sol, comme un gant lancé dans une provocation en duel. A l’instant où la baguette rencontre le sol, un large bloc de terre sort du sol, transporte Janis qui se tient droite et fière, en direction des projecteurs. De part et d’autres de cette montagne, d’autres blocs sortent de la terre, me masquent aux yeux des spectateurs. C'est à Janis, c'est elle qui doit briller. Juchée sur le somment des ces mots de terre solidifiés, Janis contrôle ces mouvements tectoniques avec une maestria admirable. L’ascension continue, et la Arbok siffle de nouveau, et ses crocs brillent de poison, et des liquides toxiques commencent à faire briller ses écailles mauves à la lumières des projecteurs. De la gueule aux dents impressionnantes de Janis sort une râle inquiétante, et se forme au dessus de sa bouche empoisonnée une sphère sombre, bouante de poison, tel un magma toxique. L’ascension de la montagne s’arrête à l’instant ou la sphère éclate en l’air, et déverse le poison sur les sommets des blocs dressés tels des murs de terre indestructibles. Leurs sommets se colorent du liquide sombre et empoisonné. Une muraille? Non, rester derrière une muraille n’est pas le genre de la maison, et chacun le sait. Aucune surprise, donc, au fait que ce n’est pas là la fin de notre premier assaut. Les mouvements des montagnes ne s’arrêtent pas. Elles ont cessé de grimper, mais les tremblements continuent. Doucement, leur base s’effrite, fait tomber leur cime vers l’avant, vers nos adversaires. Tout en haut, les crocs de Janis brillent d’une nouvelle lueur. Un bleu glacé étincelant. Ses canines gelées rencontrent le sommet, et la glace se propage alors à toute la surface empoisonnée humide, formant des piques, des stalactites imposants et aiguisés, pointant vers le bas, vers l’avant, décidés comme des lances chevaleresques à empaler leur cible. Les montagnes s’effondrent, s’enroulent sur elles-même, et vont pour tomber telle une déferlante de terre écumante de pics glacés dangereux, entrainée par un roulis de poussière et de roches s’éjectant sur sa courses. Que Maxwell et Aélia ne croient pas une seconde que les airs seront leur seule propriété! La terre, le ciel, et même la mer et ses vagues que Janis a matérialisé… Rien de tout cela n’est hors de notre portée, sur ce terrain!

Un avantage certain que possède Janis face à Aélia est celui de pouvoir véritablement user de la force brute. Je ne doute pas une seconde que l’Aéromite puisse elle aussi user de puissantes attaques, ce n’est pas la question que je cherche ici à éclairer. Je sais que la façon de se battre de Maxwell peut-être amené à être bien plus subtile que la mienne. En cela, le concours se joue entre combinaison spectaculaires et brutes et combinaisons fabuleuse et plus fines. Il n’y a pas de meilleur entre les deux, nos façons de faire sont trop différentes pour être comparées, et c’est ce qui fait justement tout le piment de ce match. Je ne sais à quoi m’attendre car il m’est bien impossible de prévoir quoi que ce soit. De plus, je veux être surprise. J’imagine mal Aëlia sortir des assauts semblables, aussi bruts  et téméraires que ceux de Janis. En effet, il n’en fut rien, et Maxwell et sa compagne réglèrent le problème bien à leur façon, comme je n’en attendais pas moins. Les poussières aveuglantes et rugueuses, les éclaboussures des vagues écumeuses de Janis furent mises en mouvement par un nouveau vent dont l’œil du cyclone est bien entendu Aëlia. Les montagnes déjà pratiquement effondrées cèdent sous ces vibrations, ces doux vrombissements et se désagrègent pour laisser place à l’univers de l’Aeromite.

Janis d’habitude peu orgueilleuse fronce les sourcils, et ne semble que peu ravi  de la tournure des choses. Evidemment, ces montagnes, c’était sa performance, sa première fierté dans ce match où elle a décidé de tout donner. Maintenant qu’elle est revenue à terre, la voici qui exécute des sauts gracieux pour esquiver quelques vagues. Agacée que le spectacle continue sans elle, et se sentant d’un coup impuissante, Janis se lasse rapidement de l’esquive, et veut attaquer de front son adversaire, alors que cette dernière prépare une suite à ses vagues multicolores. L’Arbok se blesse en se brisant contre ces nouvelles ondes, elle veut rejoindre Aëlia immédiatement et lui faire subir son courroux, pour venger l’effondrement de sa première attaque. Ce n’est pas comme ça que cela fonctionne, Janis doit à tout prix revenir à elle! Je ne l’ai jamais vue ainsi, et je m’inquiète, j’appelle son nom, frappes mes baguettes l’une contre l’autre, mais elle ne m’entend pas… que faire? Les poussières mises en valeur par l’attaque bourdonneuse de l’Aeromite changent soudain de visage, et une prairie de paillettes verdoyantes flottantes s’étend sur le terrain. C’est alors que des silhouettes oniriques naissent et viennent encercler Janis. Elles n’attaquent pas toutefois, mais je ne peux m’empêcher d’être méfiante en les observant. Cette danse digne du plus agréable des rêves a quelque chose d’étrange. Cette absence d’attaque cache certainement quelque chose de bien plus redoutable! Janis elle aussi se méfie, mais semble tout d’un coup affaiblie. Elle comprend son erreur quand elle se rend compte avoir respiré les spores produites par Aëlia, et s’arpète à baisser la tête piteusement et à se maudire de s’être entrainée là-dedans par pure hubris. Janis, non! Mon bras s’élance dans sa direction et mes lèvres forment un cri muet. La femelle de poison semble pourtant m’avoir entendue et son regard embrumé par les spores soporifiques se retourne pour me fixer d’un air désolé, ses yeux commencent à se fermer, elle semble prête d'avance à s'abandonner au sommeil , comme pour se punir. Pourquoi cette tête… Qu’elle ne pense pas m’avoir déçue une seule seconde!

« Ce n’est que le champ devant la  Cité d’Emeraude, Janis! Come on! Chase these dreams! »

L’Arbok se redresse en entendant mes paroles. Ce ne sont que des rêves, des chimères irréelles dont l’intention était justement de faire flancher mon amie. Se faire piquer par une mouche tsé-tsé déguisée en joli cheval à galop? Hors de question! Janis se secoue et dégage une aura brumeuse qui arrête le pire des spores, puis exécute un nouveau saut plus engourdi vers l'arrière pour se retrouver devant moi à nouveau, laissant une trace sombre et brumeuse de son passage, prête à s’étendre. Elle vient chercher à mes côtés une quelconque assurance, et je la pousse à retourner se battre en caressant brièvement ses écailles. Tandis que la brume noire que Janis a commencé à répandre avant son saut commence à se diffuser et à se mélanger à la mer verdoyante d’Aelia, j’encourage de nouveau ma chère amie. Je veux lui rendre courage, et j’entame le couplet d’une des chansons sur laquelle nous nous sommes souvent entrainées.

« Master, Apprentice, Warrior, Disciple, in me the Wishmaster! »

Cette chanson a très souvent inspiré l’inventivité de mon amie, et son regard s’éclaire alors. Elle sort de sa torpeur et retourne au combat de plus belle. A ce moment là, la buée noire s’est élevée à travers la marée d’émeraude et s’est mélangée à elle. Elle a englouti les figures oniriques et créant de multiples spirales noires et au couleurs glauques s’enroulant sur elles-mêmes, s’élevant en colimaçon comme des tours de brume. Les restes de la belle prairie d’émeraude semble d’un coup bien moins oniriques, se changent en terres flottantes lugubres par l’intervention de la brume noire. Au milieu de ces bâtiments sombres et brillant encore d’une énergie verdoyante bien moins onirique qu’il y a un instant surgissent une grande silhouette aux reliefs inquiétants. De derrière une particule de brume juste assez peu épaisse pour laisser paraître des ombres, surgit alors une figure glacée sombre. Un cavalier estropié, sans tête, sculpté dans la glace par les crocs habiles de Janis et fondant déjà à la lumière des projecteurs, portant en guise de lance des restes des stalactites éparpillés, mais toujours bien aiguisés. C’est là une transformation cauchemardesque du si bel équidé qui courant dans la prairie verte il y a encore quelques minutes. D’entre les tours de brume aux restes de couleurs émeraude, Janis apparait à son tour derrière sa création. Au milieu de  cet échiquier en spirales noire et verte, la Arbok s’enroule autour de son cavalier et utilise une nouvelle attaque de glace pour faire gagner le pion en consistance, et fusionne par le gel avec lui. Sa gueule devient la tête de ce cavalier acéphale, et alors, le guerrier s’élance, parfois masqué par les brumes, toutes lances dehors, et imposant. Au dernier moment, Janis dans sa panoplie de glace saute, et le cavalier fond par les hauteurs sur Aëlia, sa tête reptilienne pousse un sifflement de guerre, prête à s’écraser sur elle.

De nouvelles facettes de Janis se présentent à moi aujourd’hui. Mon amie la Arbok se dévoile plus complexe encore de ce que je ne l’avais jamais vue. Réservée et raisonnable, c’est ainsi qu’elle s’est le plus souvent montrée. Le hasard n’était pas son domaine jusqu’à ce soir. Je ne cesse de la regarder progresser et se donner un peu plus à chaque secondes qui passe lors de ses combinaisons. Celles-ci sont certes préparées avec son habituelle rigueur, de combos d’attaques calculés et précis, mais tout cela accepte finalement de s’allier à l’imagination, à nos rêves communs, pour parvenir à les faire apparaitre. Janis n’avait jamais osé faire aussi bien avant. Certainement car elle ne s’était jamais réellement retrouvée devant une adversaire qui lui permettait de donner une nouvelle vie à ses assauts, après tout, elle n’avait encore que peu expérimenté cet aspect là de la coordination. Je fais souvent s’affronter mes alliés entre eux, mais l’enjeu n’est pas le même. Dans tous les cas, c’est agréablement surprise et extrêmement fière que je vois Janis prendre le risque de peut-être manquer son adversaire dans sa dernière attaque, se changeant en cavalier sombre, prête à empaler son adversaire. La Arbok se dévoile tout à coup impitoyable, et l’hésitation ne se distingue plus dans ses mouvements. Lorsque je l’observe, plus attentive à chaque seconde qui passe, je ne décèle plus cette rancœur qui l’avait aveuglé tantôt. Après tout, tout ce qui se produit ici est condamné à disparaitre, s’appesantir sur une combinaison éclipsée précédemment n’est pas permis. La coordination est un art éphémère. Libre à vous de penser donc cela inutile à la progression de notre monde. Nous, nous ne sommes que ceux qui poussent nos rêves les plus fous à se réaliser. Et je suis convaincue que sans nous, ce monde serait à jamais perdu. Nous ne sommes qu’une pierre dans un océan, mais ô combien sommes nous indispensables!

Mon sourire s’étire, et mes bras se mettent seuls en mouvement, mes baguettes à leur bout, comme guidant, accompagnant à distance les mouvements de mon amie. Cependant, Aëlia ne reste pas immobile bien longtemps. Je n’ai plus le temps de laisser s’enflammer mes pensées : la riposte est déjà en route. Comme il l’a déjà fait plusieurs fois auparavant, le terrain change de nouveau de visage. Un champ fleuri s’étend par-dessus le royaume funeste de Janis, fais se retourner encore une fois l’ambiance de cet affrontement du tout au tout. Et au milieu de ce nouvel univers, l’Aeromite se pare d’ailes scintillantes et d’une corne redoutable, un masque sous lequel elle part pour s’attaquer au cavalier de glace à tête reptilienne. Dans une nouvelle danse, le papillon aux couleurs d’améthyste se met à tourner frénétiquement autour de son adversaire. L’épée mauve qui surplombe sa tête commence à faire quelques entailles dans l’armure gelée du chevalier, qui se précipite vers le sol. Le Pokémon insecte est rapide, bien plus que le lourd assaut de Janis qui se dirige vers le sol, et qu’elle parvient à esquiver en grande partie. Cette fois, la Arbok sous son déguisement glacé n’a pas beaucoup d’autres choix que de retomber vers le sol. La chute est rapide, et je n’ai pas le temps de réfléchir à la suite qui arrive trop rapidement. L’armure de glace se brise sur le sol, parsemant les pairies verdoyantes crées par Aëlia d’une teinte glacée et brillante. Cette vague de glace disparait avec le cavalier de froid et l’Arbok à l’instant même. Moi-même, j’écarquille le yeux, à la recherche de mon amie, qui n’a laissé qu’un épais nuage de brume sombre à l’endroit de sa disparition, désormais dissipé à travers les spores verdoyants toujours présents.

Pourtant, nous apercevons une ombre vive passe à travers les plaines verdoyantes illusoires, et tourne autour des pousses fleuries, une brume qui protège Janis des effets soporifiques des spores encore présents. Rapidement, je reconnais en ce nuage de brume furtif mon amie, dont je suis la progression avec le sourire. Ne cherchant pas à véritablement se cacher, Janis cherche plutôt accompagnée de sa brume à semer le doute et la zizanie chez son adversaire. Quelle sera sa prochaine attaque, et par où arrivera-t-elle? Néanmoins, il y a une chose dont Mr Image ne doit pas douter, c’est que mon amie attend très certainement mon signal pour partir de nouveau à l’assaut, et le Maitre coordinateur a bien assez d’expérience derrière lui pour se douter que nous mènerons ce bouquet final ensembles. Je veux lui donner le signal de manière subtile, car c’est sous cet augure moins bruyant que Janis semble vouloir déclencher sa prochaine combinaison. Oui, c’est la fin. Et mon geste rituel ne tarde pas à avertir tout le monde que la prochaine partie du spectacle sera la dernière. Mes bras s’écartent de part et d’autre de moi, donnant carte blanche à mon amie pour notre grand final. Janis a déjà montré ses aspects les plus bruts, le prochain assaut commença alors plus subtil et furtif. Cela lui permet de se reposer un petit moment des dommages qu’elle prit, plus qu’Aëlia. L’ombre continua de parcourir le terrain verdoyant, puis s’éclipsa de nouveau. Un silence s’étira à la surface du terrain et dans les gradins, cela jusqu’à un nouveau signal de ma part, les baguettes s’entrechoquant. Une fine trombe de brume au somment ponctué de gel surgit des brumes sporeuses, suivi d’une autre, de couleurs plus pourpres, émanentes de poison, et d’une nouvelle colonne brumeuse glacée, toutes rythmées d’un tempo de plus en plus rapide. Les colonnes de brumes aux têtes tantôt gelées, tantôt empoisonnées, tantôt rocailleuses continuent d’apparaitre en de laisser un tracé funeste en l’air. Puis, finalement, lorsque le tempo prend un rythme plus effréné et que je cesse de frapper frénétiquement pour faire revenir le silence, le sol se soulève par-dessus les plaines verdoyantes, faisant apparaitre un pic de terre au milieu de ces terre idyliques. Le voila gagné à toute vitesse par des fumées et de piques de gel parsemant son échine, accompagnés de quelques motifs verts végétaux laissés à terre par Aëlia. Cette grande tige qui se décore d’épines gelées et sur laquelle s’écoule le poison se voit bientôt surmontée d’un grand bourgeon brumeux. Lequel finit par s’ouvrir avec une lenteur lugubre, accompagné d’un râle inquiétant, et dans la gueule de cette fleur carnivore ténébreuse apparaissent deux yeux rougeoyants. Janis s’est tapie là, dans la brume, et laisse échapper des sphères acides embrumés vers son adversaire, avant de finalement quitter le cœur de la fleur et bondir pour fondre vers son ennemie, la brume et la glace s’enroulant autour d’elle. A ses côtés reviennent des colonnes de fumées noire à tête gelée, l’accompagnant tel des Erinyes tout droit sorties des enfers, et cette armée infernale est là pour venir ceuillir, enlever Aëlia à son paradis de verdure…

Mon très cher Maxwell… Maintenant que notre fête va sur sa fin, es-tu déjà en train de chercher un nouvel happy ending pour ta reine? J’inspire profondément en observant déjà la riposte, prête à laisser déjà mes larmes couler quelque soit l’aboutissement de ce concours. Mon souffle est court et mes jambes tremblent. Espérons que Janis ait encore assez d’énergie pour m’empêcher de me vautrer sur le carreau!

C’est drôle comme à force d’expérience, j’entends toujours les derniers grains du sablier s’écouler lors du dénouement final d’un concours. C’est Aëlia qui a repris le dessus, malgré le spectacle imposé par Janis. Maxwell et ses miroirs scintillants, ses paillettes et toutes ces combinaisons pétillantes et brillantes, tout ça fait que je le reconnais bien là. Mêler ces couleurs festives et un aspect solennel et classe a toujours été sa grande spécialité. Pas une seconde je n’ai pensé que le Maitre ne parviendrait pas à reprendre le dessus sur nos différents assauts, il a toujours su triompher. Je me foutais bien de la victoire, aujourd’hui, car je voulais simplement tenir une promesse, et montrer les changements qui m’ont affecté durant toute cette année. Tous deux, nous avons affronté nos difficulté et triomphé, et je suis heureuse que nous nous soyons retrouvé après tout ça. Et alors que la sphère de diamant miroitante éclate, amenant avec elle le bouquet final et la fin du spectacle, la question que je veux poser au Maitre me brûle déjà les lèvres. Qu’importe que ce que le jury dira, je souhaite l’annoncer devant tout le monde ici.

Enfin, les derniers éclats de lumière et d’ombre s’estompent en retombant sur le sol, et Janis s’incline pour retourner ensuite vers moi. Dans un moment de complicité privilégie, unique et qui nous appartient à nous seule, nous nous rassemblons pour nous sourire sans dire moi, mais les regards humides de joie et de fierté  que nous échangeons en disent bien assez long. Quelques minutes passent et les résultats se voient finalement annoncés. Mon sourire s’élargit en apprenant que c’est d’à peine un point que Mister Image a réussi a prendre sa revanche. Moi qui voulais boucler la boucle, je ne pouvais pas rêver mieux. Une partie plus fière de moi fait qu’il me peine de ne pas prendre la première place de la Compétition cette année, pour probablement la laisser à Mascarade. Si cette dernière gagne contre le Maître, je pourrais très bien me contenter de la médaille d’argent ou de bronze! De plus, je sais que je rencontrerais cette rivale un jour ou l’autre.

« Well done, Mister Master! Congratz! »

J’accours vers le maître et lui tends une main en lui ordonnant « Highfive this! » avec enthousiasme. Malgré toute cette joie, je ne me rends même pas compte que mes larmes sont en train de couler toutes seules. Ah, la joie. Les public est en délire et applaudit notre affrontement, acclament tous les participants, et Janis que j’aurais pu croire déçue du résultat est tout aussi heureuse que moi en ce moment. Je ne peux m’empêcher de rire comme une gamine, et puis, j’ose enfin me lancer. D’une main levée, je demande le silence dans les gradins, puis me recule de quelques pas, avant de m’incliner sur un genou, en grande pompe, devant le Maître Coordinateur.

« Mister Image. Mon but, maintenant, c’est de rejoindre l’Elite pour offrir plus encore de spectacles grandioses. Est-ce que tu m’autoriseras à rocker dans un des Amphithéâtres d’Enola pour l’année à venir? J’aurais bien réquisitionné ton Grand Hall, à l’occasion, mais bon, la place risque d’être prise encore un bon moment, vu comme tu tiens la forme! »

Joueuse comme à mon habitude sur ma dernière phrase, mes yeux ont beau être encore humides et brillants d’une lumière enfantine, je suis foutrement sérieuse. J’espère que derrière cette apparence arrogante et culottée, Maxwell verra ma réelle motivation. Je suis également prête à essuyer un refus devant toute cette assemblée, j’y suis préparée.

« Maxwell, c’est mon rêve. »

Dis-je seulement, pour appuyer mes propos, de manière un peu dramatique, mais qui vient du fond du cœur. Un nouvelle ère pourrait bien commencer pour moi, alors qu’une nouvelle année de compétition voit le jour…