Maxwell Roméo Young

Aloïs François Legrand

- Monsieur Image est arrivé.

Aloïs leva les yeux de son livre et haussa un sourcil. Sa chère assistante se tenait bien droite devant lui, le sourire éclatant. Elle semblait toute excitée de la nouvelle qu'elle venait elle-même d'annoncer. La tête reposée sur les jambes du Coordinateur assis sur le canapé, Ange leva la tête en direction de Karin. Stoïque, Aloïs reposa son bouquin et se leva. On aurait dit que la nouvelle ne l'avait pas tant plu que ça. Sa star était chez lui, et il ne daignait même pas sourire ou exprimer sa joie ? Cela paraissait étrange pour Karin qui n'arrivait à comprendre comment le Champion pouvait être si indifférent à une annonce qui aurait dû lui réjouir, ou au moins lui faire un certain effet. Mais non, on aurait pu lui dire que sa maison brûlerait que cela aurait été pareil. Alors, sans dire un mot, il se dirigea machinalement vers le calendrier au mur, le détailla de très près, et se tourna enfin vers la jeune femme après quelques secondes d'observation.

- Dis, tu ne crois pas que c'est un peu tard, pour le Poisson d'Avril ?

BOUM. La Violette se retint de ne pas tomber à la renverse. Elle tressaillit cependant et réajusta ses lunettes, dépitée par la réaction du blond. Voilà pourquoi il n'avait même pas esquisser un geste de contentement ! Il ne la croyait pas ! Finissant par soupirer, elle se demandait vraiment si cette attitude l'étonnait. Quand elle avait lue l'information dans le journal, elle ne l'avait pas cru non plus. Pourtant, le Maître Coordinateur se trouvait bel et bien dans leur Amphithéâtre. Mais comment peut-on croire que notre idole de toujours est venu spécialement pour vous affronter alors que vous l'aviez attendu depuis si longtemps ? Le nombre des paparazzis et le public doublé dans l'arène auraient au moins pu lui mettre la puce à l'oreille ! Mais non, il préférait faire comme si de rien n'était. S'était-il rendu compte au moins de la présence du Maxwell, et voulait-il faire comme si cela ne l'atteignait pas, en réalité ? Non, son impassibilité était sincère. Il pensait sincèrement qu'elle lui racontait des bobards. Mais comment alors lui faire comprendre qu'elle disait vrai ? Elle ne trouva qu'une solution vraiment efficace contre le jeune homme.

- Mais qu'est-ce que... ! Aïe ! Mais... Aïeeeuh ! Tu me fais mal !

Karin s'était approché du Coordinateur et lui tirait l'oreille gauche pour le traîner hors de sa chambre. Celle-ci se trouvait au premier étage, sur un grand balcon d'où on pouvait voir l'Amphithéâtre d'en haut. Même si le dortoir du Coordinateur était très bien insonorisée, Il avait clairement entendu les acclamations de la foule, bien plus bruyantes que d'habitude. Mais il avait pensé que c'était juste pour un simple Coordinateur qui aurait gagné en popularité depuis ses débuts et qui s'était fait un certain nombre de fans. Penser ne serait-ce qu'un seul instant que Maxwell Young pouvait se trouver là était, pour lui, impensable.
Aloïs aperçu alors Aurore, sa Feunard shiny, en train de regarder la scène de spectacle. Karin continuait de traîner son ami et le projet enfin sur la rambarde pour qu'il voit ce qu'il n'osait croire. La secrétaire s'approcha d'Aloïs et elle ne pu s'empêcher de s'énerver après lui.

- Et lui, c'est qui ? Le Père Noël ?!!

Et soudain, elle se figea en regardant le Champion. Ce dernier avait son unique œil visible rond aussi rond qu'une soucoupe, la bouche entrouverte et les mains fermement tenues sur les colonnes près de lui pour s'empêcher de tomber. Peinant déjà à garder son équilibre sur ses deux jambes, le blondinet devait presque faire un effort surhumain pour ne pas s'écrouler au sol, trop surpris par ce qu'il voyait en cet instant. Son cœur faisait des bonds impressionnants dans sa poitrine, et il avait énormément de mal à contrôler les rythmes cardiaques qui frôlaient déjà la crise, à ce niveau-là.

- Maxwell..., réussit-il enfin à articuler.

Il était là. Aussi surprenant et aussi incroyable que cela puisse paraître. Maxwell Roméo Young se trouvait debout, s'inclinant face au public qui se tenait là, hurlant son nom et lui criant des encouragements. Aloïs avait remarqué que la scène était bien plus agité, mais il n'avait jamais essayé de savoir pourquoi, se disant qu'il devenait peut-être plus populaire qu'il ne l'était déjà. Mais tous ces journalistes, ces hommes, ces femmes et ces enfants, plus nombreux aujourd'hui, étaient venu exprès pour admirer le retour du Maître Coordinateur.
Le Champion Coordinateur ne put en voir davantage et s'adossa au pilier de marbre à sa droite. Les deux mains retenant son muscle cardiaque de sortir, il descendit le long de la colonne, lentement, en fermant les yeux et en prenant de grandes inspirations. Ange vint à sa rencontre et il la prit dans ses bras.

- Il est ici... Ange, il est ici ! Maxwell est ici ! Par Arceus, si je rêve, ne me réveillez surtout pas !

La petite Nymphali poussa un cri de joie et enfouit sa tête dans le cou de son dresseur, se laissant caresser frénétiquement par ce dernier. Ça y est, les larmes étaient en train de monter. Se relevant doucement, Aloïs s'autorisa à regarder une nouvelle fois le Maître faire sa prestation, reprenant peu à peu une respiration normale et affichant un sourire de soulagement. Il était là... Il était là... Il était là !! Après des années, il était là. En chair et en os. S'il voulait, il pouvait le toucher; pour de vrai. Il ne tendrait pas la main à un écran de télévision, cette fois. Il tendrait peut-être sa main à lui, la sienne. Pour la première fois depuis des années, son regard brillait, d'un bel éclat où on pouvait lire toute la joie qu'exprimait intérieurement le Coordinateur. Puis, on pouvait voir les larmes qui coulaient sur son visage à moitié cachée par sa mèche blonde; silencieuses, mais présentes.
Et le show commença enfin, bien qu'Aloïs n'arrivait toujours pas à croire que Max soit dans son Amphithéâtre. Il aurait pu choisir celle de Catherine, celle d'Althéa, ou d'Anaïs. Mais non. C'est sur lui que son choix s'est porté. Pourquoi ? Il y avait-il une raison précise à cela ? Ou devait-il remercier le destin d'avoir amené le Maître Coordinateur en ces lieux ? Quoiqu'il en soit, il se considérait extrêmement chanceux d'accueillir dans son espace une personne pour qui il a autant d'admiration.

Alors, il contempla sans aucune parole la prestation de son idole de toujours. Et ce qu'il voyait l'éblouissait encore plus que la présence du Maître Coordinateur. Le Mustébouée qui accompagnait ce dernier commença par exécuter une danse sur le terrain. Et ce ballet à lui seul était déjà si élégant... Alors quand il vit le reste, il crut qu'il allait fondre sur place. Car le Mustébouée, au milieu de sa danse, fut éclairé d'une belle lumière bleue au contact des gouttes de pluies provenant des nuages qui s'étaient formés peu à peu.

- Peux-tu le voir aussi, petite sœur ?...

Car Judith a été la première à lui parler de Maxwell. La première aussi à lui faire prendre goût aux Concours, alors qu'il s'était vu travailler dans des cuisines toute sa vie. Sans elle, jamais il n'aurait pu avoir un tel rêve, une telle obsession pour quelqu'un comme la Maître Coordinateur. Si sa sœur n'avait pas eu ce rêve de devenir un jour Championne Coordinatrice, jamais il ne se serait retrouvé ici, à admirer les pas de danse d'une loutre. Non, jamais...
Alors il espérait que Judith pouvait admirer celle qu'elle avait considéré comme son modèle, sa star, son étoile, pour continuellement s'entraîner, et devenir un jour aussi talentueuse que lui. Sa détermination et son don naturel pour les Concours auraient pu l'amener terriblement loin. Mais la vie en avait voulu autrement; faisant d'elle la défunte, et son frère, le Champion Coordinateur.

Dans sa tête, Aloïs pouvait aisément associer une musique au ballet du Pokémon Eau. Ses mouvements étaient devenu plus rapides, et plus vifs. Malgré tout, pas une seule fois le jeune homme blond détacha son regard du Mustébouée. Tout à coup, celui-ci, s'entourant d'un tourbillon d'eau, se projeta dans les airs et vola jusqu'au-dessus des nuages. Illuminé d'une aura rouge et bleu par l'éclairage des projecteurs, la loutre orange dissipa ensuite les cumulonimbus avec une pluie, non composé d'eau, mais bien de météores, petites étoiles jaunes, qui descendirent jusqu'au sol en même temps que le Pokémon lui-même. Après avoir touché terre, le Mustébouée s'illumina d'une vive lueur blanche qui le fit changer de forme et, ainsi, après cette performance qu'on pourrait qualifier de parfaite et sublime, le Pokémon évolua en un magnifique Mustéflott. Son dresseur le serra contre lui et leur étreinte entraîna les cris de la foule en délire, ravie de cette incroyable spectacle auquel elle avait assistée. Personne ne pouvait distinguer Aloïs d'en bas mais il applaudit également le Maître Coordinateur d'Enola avec un sourire très longtemps dissimulé. Une fois de plus, il était admiratif de tout le travail fourni par Max et son allié aquatique. Car une fois de plus, il avait vendu du rêve.
Alors que le candidat modèle repart en direction des coulisses, Aloïs reprend peu à peu son calme, mais reste encore bloqué par ce qu'il vient de voir. C'était si beau, si magique, si... Maxwell...
C'est donc sans grande surprise que le jury attribua sa note au Maître et le déclara vainqueur du premier round. Cela aurait été grandement surprenant qu'il ne passe pas la première ronde; mais avec une note quasi parfaite, la grande victoire semblait déjà lui tendre les bras.

Maxwell a réussi à passer le premier tour, sans doute pour la plus grande -surprise ?- joie de celui-ci. Mais son bonheur n'était apparemment pas partagé. Aurore contemplait de son regard de rubis le Maître avec une pointe de tristesse et de nostalgie. Et c'est les prunelles baignées de larmes qu'elle s'en alla en prenant la direction du "Jardin d'Eden", le fameux sanctuaire sacré du Coordinateur, et s'y réfugia pour pleurer en silence. Mais son dresseur l'avait bien remarqué et prit le même chemin que la Feunard juste avant pour la rejoindre, accompagnée de sa fidèle Nymphali sur les talons. Normalement surprotégée, la pièce était cette fois-ci libre d'accès, car Aloïs avait de toute façon prévu de s'y rendre aujourd'hui.
Aurore est là, devant la stèle de son ancienne dresseuse, et caresse la pierre tombale avec ses queues grise.

- On ne pourra pas se réfugier ici à chaque fois que le passé nous rattrape, tu sais...

La tête baissée, le Pokémon n'ose pas le regarder. La première fois qu'elle avait vue Max, cela lui avait rappelé de nombreux souvenirs douloureux. Car de nombreuses fois, Judith lui avait parlé de son rêve de Coordinatrice. Elle avait fait à son tour rêver à Aurore de Concours et elles deux s'étaient entraînés très dur pour pouvoir un jour atteindre leur but commun. Ensembles, elles avaient formé un duo inséparable et grandiose. Mais un soir de 24 Décembre, il y a quatre ans, Aurore avait perdu sa joie de vivre et son éclat en même temps que sa meilleure amie. Elle avait dû surmonté ce deuil, ne serait-ce que pour poursuivre le rêve de Judith en compagnie de son grand frère, mais le passé revenait la hanté. Aloïs remontait mieux la pente, mais les cauchemars étaient sans cesse au rendez-vous pour lui rappeler la perte de ce qu'il considérait comme son souffle de vie.
Il laissa un silence de quelques secondes s'installer entre eux avant de s'approcher du Pokémon feu pour la caresser et s'abaisser pour être à sa hauteur.

- A moi aussi, elle me manque.. Mais tu te rends compte ? Maxwell est là, en bas, et il n'attend plus que nous. Toutes ces heures passées à vous entraîner, toi et Judith, c'était pour attendre ce jour. Être comme lui...

Le peur d'Aurore se faisait ressentir à travers la salle entière. La peur d'échouer face au rêve de son ex-coéquipière. La peur de ne pas être à la hauteur, et de la décevoir, de là où elle était. Dès la décision des juges, elle avait su que son dresseur la choisirait pour combattre. Car elle avait cette frayeur enfoui en elle depuis des années, et l'approche des fêtes, de ce jour fatidique, n’arrangeait en rien le vide qui s'était crée au fil du temps; vide comblé heureusement par l'amitié du Coordinateur et des autres Pokémons. Mais une place creuse resterait sans doute à jamais, marquée par la mort de la fillette.

- Elle avait un rêve : montrer tes talents au Maître Coordinateur. Et pour le réaliser, j'ai besoin de toi. J'ai besoin que tu me fasse confiance...

Le regard insistant du blond, la douceur de sa main sur son pelage et le miaulement tendre d'encouragement d'Ange acheva de la décider. Sur un regard devenu plus confiant, elle sourit enfin et tous les trois sortent de la pièce qu'Aloïs s'empresse de fermer avec la protection habituelle, cette fois-ci.

- Prête ? Alors allons-y. Et n'oublie jamais qu'elle te regarde...

En les voyant sortir de la salle, où Karin avait accès mais qu'elle refusait de pénétrer en raison de l'odeur funeste qui rappelait certains moments macabres de son ancienne vie, notamment la mort de sa mère, elle refusait d'y entrer. Elle admirait la résistance du Coordinateur à ne pas s'effondrer à chaque fois qu'il entrait pour se recueillir auprès de la tombe de sa petite sœur. Malgré ce qu'il avait vécu, et heureusement, il continuait d'avancer. A 24 ans, qui pourrait penser que le blondin avait un passé qu'on pouvait juger difficile ? A le regarder, il n'avait pas du tout l'air du garçon qu'il était réellement. C'est donc avec une joie non dissimulée qu'elle observa Aloïs, Ange et Aurore descendre les escaliers qui menait à la scène de l'Amphithéâtre.

Et soudain, les projecteurs qui se trouvaient autour de la scène où se trouvait Maxwell et le public s'éteignirent brusquement, plongeant l'arène dans le noir complet. Même les petits lampes placés sur les gradins pour éclairer la foule avaient perdu de leur lumière. Des murmures de surprises s'élevèrent, mais d'autres, des habitués, attendaient en silence, excités de ce qui allaient suivre. Car eux-seuls savaient ce que brutal aveuglement voulait signifier...
Tout à coup, le terrain prit feu. Une flamme s'était allumé au centre de la pièce. Cette petite flamme s'agrandit de plus en plus et se transforma en une véritable tornade enflammée qui arriva jusqu'au plafond mais arrivait à ne rien brûler aux alentours. Cet ouragan de feu déchaîné dansa pendant quelques petites seconde sous les yeux impressionnés des spectateurs avant de rétrécir petit à petit, toujours en tournant sur elle-même, sans cesse en mouvement.
Cette tornade prit alors la forme d'un renard avant de disparaître et de dévoiler un magnifique Feunard d'une belle couleur cendrée, comme si le tourbillon de feu avait été un bûcher qui dévoilait maintenant les cendres de bois calcinés. Aurore n'était entouré que d'un cercle de flamme, à présent, pour qu'on la voit malgré la pénombre.
Enfin, en un rond, un projecteur éclaira d'une vive lumière blanche le Champion Coordinateur de Baguin. Lui, et seulement lui. Dans les ténèbres, des exclamations commencèrent à s'élever à assez rapidement. Aloïs était à présent le seul adulte que tous pouvaient distinguer. Ange était au côté de Karin, sur un siège du premier rang des gradins qui leur était réservé.

- Bienvenue dans mon Amphithéâtre, cher Monsieur Image. Je me présente : Aloïs Legrand, Champion Coordinateur de Baguin. Toutes mes félicitations pour avoir passé avec brio la première ronde. Mais je n'en attendais pas moins du Maître Coordinateur d'Enola.

Là-dessus, un deuxième projecteur éclaira Maxwell.
Aloïs était très nerveux. Mais heureusement, il réussit à garder un calme olympien et Aurore en faisait de même de son côté. Mais même s'il ne voyait pas le public, le Champion savait qu'une seule paire le regardait autrement que les autres. Althéa se trouvait forcément sur un banc, à manger des chips qu'elle aurait une énième fois piqué dans sa cuisine, se demandant sûrement qu'elle genre de moqueries elle allait bien pouvoir me sortir une fois qu'il aurait perdu. Car même s'il était considéré comme doué, le jeune blondinet ne se faisait pas d'illusion. Il allait perdre. Il savait que même s'il vivait un siècle entier, jamais il ne pourrait probablement atteindre le niveau de Maxwell. Mais le simple fait de le voir en vrai face à lui suffisait simplement à son bonheur.

- Pas besoin de vous dire que la deuxième ronde sera bien plus complexe; car on ne s'empare pas de mon ruban aussi facilement...

Aloïs avait toujours un regard dur, pendant les prestations. Il voulait intimider les concurrents. La perte de confiance est bien l'une des pires choses qui puisse arriver.
Mais aujourd'hui, c'était différent. Il y avait là deux spécialistes en la matière qui s'affrontaient. Et cela promettait d'être inoubliable.

- La Feunard devant vous se nomme Aurore; et c'est elle qui sera votre adversaire durant ce second round.

Le cercle enflammé apparut autour de la concernée s'éteignit enfin et un troisième projecteur la montra plus clairement.
Aloïs s'inclina respectueusement devant Maxwell et son Pokémon en fit de même, laissant son regard ambré sur le Maître Coordinateur qu'elle ne quittait pas d'une semelle. Elle ferait de son mieux, pour son dresseur, qui lui accordait toute sa confiance, mais aussi pour Judith, qui était morte avant d'avoir pu admirer un jour sa meilleure amie sur la piste des Concours.

- Que le meilleur d'entre nous gagne; mais essayons de donner un spectacle que nos fans n'oublieront pas de sitôt... Sur ce, que le rêve commence !

Aussitôt après qu'il ait prononcé cette phrase, il claque simplement des doigts et toutes les lumières réapparurent subitement, dévoilant la salle dans son intégralité.
Car c'est dans un monde onirique que les deux Coordinateurs allaient faire plonger les spectateurs. Et ils allaient l'apprendre à leurs dépends...

Judith's Dream

Aloïs François Legrand

Elle entendit enfin les pas dans le couloir qui s'éloignaient progressivement de sa chambre, la laissant enfin seule; et de nouveau enfermée dans cette "prison". C'était assez dur de comparer l'orphelinat à une prison, mais pour la fillette, c'était du pareil au même, de toute façon. De nouveau accusée de vol dans les cuisines, on l'avait privé de dîner et emprisonné dans sa chambre. Elle n'est pas du genre à voler, pourtant. Elle a horreur de ça. Mais la faim l'avait poussé à agir de la sorte. Faut dire qu'après les nombreuses punitions qu'elle recevait à cause de fausses dénonciations de la part de ses camarades, elle mangeait de moins en moins et ses côtes saillaient sous ses vêtements sales. Pourquoi est-ce qu'ils ne la laissaient pas crever ? Plus de parents, plus de frère, plus de famille, plus d'amis... Livrée à elle-même, si elle passait "La Frontière", au moins, elle pourrait peut-être les rejoindre...
Un fois allongée sur son lit froid et dur, un sourire satisfait s'étira sur ses lèvres. la gamine ne tarda pas à sortir de sa poche un bout de pain tendre qu'elle avait réussi à chiper juste avant qu'on ne l'enferme ici. L'eau lui monta à la bouche et elle prit une petite bouchée qu'elle savoura lentement. Mais un bruit de gargouillis en-dessous de son lit l'interpella et elle ne tarda pas à apercevoir sous son matelas deux petits yeux qui brillaient dans l'obscurité. Les animaux, tout comme les Pokémons, étaient interdits à l'orphelinat. Si on découvrait qu'une créature se cachait là, elle allait encore avoir de sérieux ennuis. Mais elle fut émerveillée par ce qu'elle découvrit ensuite, quand la "bête" sortit de sa cachette. C'était une Goupix de belle couleur doré. Les bruits d'estomac, c'était elle qui les produisait. Elle devait être affamée. L'enfant émit un petit rire et se décida à donner à sa nouvelle rencontre la moitié de sa nourriture. Surprise, la petite femelle chromatique hésita quelques instants avant de tout dévorer et de regarder sa sauveuse avec un regard étincelant. Elle lui devait la vie.
Les deux êtres vivants se contemplèrent du regard mais toutes deux savaient qu'une grande amitié était sur le point de commencer.


Aurore rouvre doucement ses yeux rouges, semblables à des joyaux, et scrute avec calme et tendresse le Maître Coordinateur. Des souvenirs lui reviennent peu à peu en mémoire, signe que ce Concours allait vraisemblablement lui faire prendre un nouveau départ et pourrait peut-être réparer une bonne fois pour toute la déchirure qui s'était faite dans son cœur meurtri de Pokémon. Elle ne peut s'empêcher de rougir avec discrétion aux compliments que Max lui fait. Mais elle sent néanmoins le regard d'Aloïs sur elle et se concentre de nouveau sur le match. C'est donc avec élégance qu'elle salue le Pokémon type Psy et Combat que Maxwell fait apparaître. Elle s'incline alors une seconde fois devant Tarek, comme pour accueillir le Gallame dans l'incroyable univers de la Coordination. C'est la première fois qu'il fait des Concours, apparemment. Mais il garde cependant une certaine assurance, appuyée sans doute par la confiance mutuelle qu'il a en son dresseur. On peut voir entre les deux "mâles" un puissant lien qui les unit. "Quelque chose de visible, mais qu'on ne peut pas toucher"...

La musique retentit finalement, douce mais entraînante à la fois, pareille à celle qu'on utilise dans les bandes originales de film. Le public retient son souffle, se préparant pour ce qui serait sans doute un spectacle époustouflant. Aloïs prend une grande respiration et laisse la mélodie l'envahir, ainsi que la Feunard, immobile mais bien droite. Ça y est, ils ont le rythme.
Le Champion Coordinateur ferme les yeux et tape deux fois du bout de son pied droit sur le sol. Aussitôt, Aurore s'avance vers le Gallame, lentement, avec une démarche féline, admirable, pour une chienne de feu. Elle s'approche de plus en plus du Pokémon tricolore et s'arrête à seulement quelques  petits centimètres de lui. Puis, toujours avec des mouvements énigmatiques, la belle tourne autour de Tarek, l'enfermant dans un dôme invisible. Elle fait ensuite jouer ses nombreuses queues sur le mâle, comme pour l'emprisonner avec. Au fur et à mesure qu'elle tournoie autour de lui, elle rétrécit la distance qui les sépare et peut à présent effleurer le Pokémon adverse du bout du museau.
Lorsque son dresseur rouvre les yeux, Aurore s'écarte vivement avec un bond gracieux. Puis, elle fait des petits tours sur elle, avant de faire quelques pas de danse et de recommencer à tourner toute seule. Entre chaque saut qu'elle fait au cours de son ballet, elle pose une patte à terre, et, de là, un rond de feu apparaît pour s'élargir petit à petit et disparaître ensuite aux quatre coin de l'Amphithéâtre. Heureusement, ce n'était pas un feu dangereux. Le public pouvait donc admirer les flammes sans risque.
La femelle argentée, telle une feuille lors d'une journée d'automne, virevolte sur la scène en crachant des petites boules de feu de toutes les couleurs qui l'entourent et dansent en même temps qu'elle. Le bras de son dresseur bouge légèrement, comme s'il la guidait. Mais peut-être que les geste d'Aloïs étaient simplement pour montrer qu'il jouait aussi un rôle, en synchronisme parfait avec la chorégraphie d'Aurore ?..
Tout à l'heure, même s'il ne l'avait pas montré, le Champion avait été gêné vis-à-vis des paroles de Maxwell. C'était la première fois qu'ils se rencontraient et il avait déjà eu le droit à des compliments de la part du Maître en personne. Aloïs, chanceux ? Oh oui, il se considérait ainsi. Même s'il pensait quelques fois ne pas mériter sa place de Champion. Même si le destin avait voulu que ça soit lui qui combatte Maxwell, et non sa sœur, qui pourtant avait travaillé sans relâche nuit et jour espérant arriver à atteindre son niveau; car il avait continué l'entraînement du Pokémon Feu, la faisant progresser de jour en jour, motivés tous deux par le rêve de Judith, dans lequel Aurore serait face à Maxwell Young.
Tout à coup, la musique devient plus dynamique. A la seconde près où le rythme devient plus rapide, la Feunard Shiny s'arrête brusquement et se retourne pour diriger ses flammes dansantes en direction du Gallame. Ces dernières l'emprisonnent dans un tourbillon de feu qu'Aurore intensifie en lançant de nouveau des flammèches qui viennent s'ajouter aux autres.
Malgré tous les efforts que la Feunard chromatique fournit, elle a peur de décevoir. Le jeune homme aux cheveux blancs est si resplendissant dans son costume à paillettes qu'il est difficile de garder son sang-froid en sa présence. Malgré tout, le dresseur et la renarde y arrivent, car ils se sentent connectés l'un l'autre. Aujourd'hui, leur détermination commune les soude plus que jamais; car ils mentiraient, s'ils disaient qu'ils que leurs pensées ne sont pas directement à elle.


- Au fait, moi c'est Judith ! Judith Marie Legrand !

Judith's Soul

Aloïs François Legrand

Téléport. Ils auraient dû s'en douter. Cette attaque est extrêmement utile, en toute circonstance. Eux qui croyaient pouvoir emprisonner le Pokémon Psy dans leur propre terrain... Mais Aloïs ne bronche pas pourtant. Il sourit, même. Cela l'aurait déçu si le Maître Coordinateur ne s'était pas sorti de cette situation aussi facilement. Gallame est souvent vu à tort comme principalement un Pokémon fait pour le combat. Mais par sa présence dans l'Amphithéâtre, Maxwell démontre une nouvelle fois son talent indéniable en le présentant comme un Pokémon de Concours exceptionnel. Personne ne peut contester le lien qui existe entre le dresseur aux cheveux blancs et le guerrier tricolore au regard rouge sang; ce lien qui les unit envers et contre tout. Même un aveugle pourrait ressentir jusqu'en lui ce fil invisible qui semble les relier. Le Maître dévoile aujourd'hui à tous ce Pokémon qu'il avait entraîné pour ce jour tant attendu où il monterait sur scène afin prouver à tous sa puissance et sa détermination.

Mais si cette relation fusionnelle fascine le Champion, elle effraie sa Feunard chromatique. Dès l'instant où Tarek avait quitté sa prison de flammes, cette lueur qui l'avait animé quelques instants plus tôt s'était brusquement éteinte. En ces temps de troubles, et plus particulièrement à cette période de l'année, Aurore devenait toujours plus froide, plus distante, mais surtout, plus fragile. Il suffisait d'un rien pour la blesser et rien que l'action du Gallame lui fait prendre conscience de son inexpérience. La lumière qui la guidait est passé dans les prunelles du Pokémon adverse pour le faire danser dans un rythme endiablé. Ses lames fendent l'air, jouent, dansent, et Aurore ressent au plus profond d'elle la colère du guerrier psychique. Il pense à sa bien-aimée, la femelle le comprend désormais. Il est animé par la passion qu'est l'Amour. Il brille, bouillonne, se déchaîne, tranche et ses coups découpent les sphères colorées de la renarde de feu. Sa rage s'exprime dans ses mouvements, violents, mais élégants. Il exécute des attaques qui seraient ordinaires dans un combat, mais il s'agit bien là d'une prestation de toute beauté, visant à faire ressortir ce que le Pokémon cache à l'intérieur de lui.

Enfin, il revient dans le cercle enflammé. Aurore se tient désormais assise, face à lui. Elle ne bouge plus, et attend. Nul ordre ne vient de son dresseur, qui se prépare lui aussi au moindre geste de la part de l'opposant. Les flammes autour de ce dernier changent de couleur pour passer d'une luisance orange à rose-violet. Il a une idée en tête. Tarek utilise ses pouvoirs pour donner un corps aux flammes dansantes et les transforme en un bel oiseau de feu qui vole majestueusement dans les airs. La foule pousse des exclamations admiratives mais les deux hommes et leurs compagnons n'ont en que faire. Enfermés dans leur propre bulle, leur propre "rêve", ni l'un ni l'autre ne fait plus attention à ce qui se passe à l'extérieur. Au fond, n'est-ce pas un monde que seuls eux peuvent véritablement comprendre ? La Coordination paraît simple aux premiers abords, mais derrière cette magie fantaisiste se cache une vérité plus profonde. Ils ont su percer les mystères que cet art impliquait et en ont fait leur métier.

Aloïs n'a pas peur de cet oiseau de feu qui fonce maintenant vers sa fidèle amie cendrée, et elle non plus, d'ailleurs. Le feu, elle l'a combattu maintes et maintes fois. A-t-elle encore peur de quelque chose, aujourd'hui ? Si la mort n'arrive plus à la toucher plus que ça, qu'est-ce qui peut bien l'effrayer, désormais ? La perte d'un autre être cher. Le jeune homme blond qui se tient derrière elle comme barrière pour éviter qu'elle ne tombe est tout ce qui lui reste. Sa vie, elle la dédie entièrement à ce Prince, qui a su lui ouvrir son cœur et partager avec elle les moments les plus douloureux de sa vie. Car si autrefois ils étaient comme deux parfaits inconnus, ils ont appris à se connaître, à s'aimer, à s'unir, pour ne faire qu'un fasse à l'ennemi. Ce Noël tragique, que la Feunard considère à présent comme un jour maudit, les a rapproché bien plus qu'ils ne l'auraient pensé.

Le rapace semble pousser un cri imaginaire avant de se jeter à toute vitesse sur Aurore. Mais celle-ci reste droite et fière jusqu'au bout. On croit voir des larmes perler au coin de ses yeux alors qu'elle les ferme doucement. Puis, impacte. Le volatile de feu fond sur elle et l'emporte dans une spirale infernale de chaleur mortelle. On ne la voit plus. La renarde a disparut. On aperçoit seulement cette énorme sphère de feu qui s'est formé à l'endroit exact où Aurore se tenait quelques secondes plus tôt. Alors qu'elle se débat pour échapper à ce véritable incendie, elle croit voir la silhouette de Judith. Ces couettes, cette forme, ce rire cristallin si familier... Des souvenirs nostalgies remontent en elle. C'est avec surprise que son amie semble la protéger des flammes. Comme un guide, elle l'apaise, lui dit de ne pas s'inquiéter.
Aloïs, de son côté, sourit une nouvelle fois. Il sent la canidé. Il sait qu'elle est là. Et alors qu'on la croit prise au piège de ses propres flammes, elle fait disparaître le brasier ardent qui l'entourait. La Feunard shiney réapparaît donc. Mais sa robe a changé. Elle brille maintenant d'une douce lueur rouge qui l'illumine comme un soleil intérieur. Son Talent s'est éveillé. Et jamais elle n'a été aussi inondée de lumière.
Le Champion Coordinateur tend sa main au ciel. Pas besoin de paroles, Aurore sait ce qu'elle doit faire à présent. Elle fait alors apparaître une vive boule blanche qui scintille. Mais cela n'a plus rien à voir avec les feux multicolores qui avaient servis à l'amuser et à la détendre. Cette lueur-là irradie comme une luciole, et part en flèche vers le haut, laissant une mince traînée de poussière blanche derrière elle. Une fois au plafond, la sphère lumineuse se disperse comme un feu d'artifice en plusieurs autres petits globes luminescents qui retombent doucement sur la scène, comme des flocons. Il ne neige pas, sur Enola. Mais cela doit-il empêcher aux Pokémons de créer leur propre hiver ? Ce sphères ne sont pas froids, mais elles rappellent beaucoup à Aurore ces journées qu'elle passait à admirer les flocons de neige en compagnie de sa dresseuse, en France.
Lorsque les lumières, pareilles à des Mucioles et des Lumivoles, retombent au sol, ils font briller la scène de spectacle et un manteau blanc recouvre à présent l'arène. Elles produisent un tel éclat que l'Amphithéâtre semble recouvert d'étoiles.
Mais si ces resplendissantes lueurs forcent l'admiration, leur effet est dévastateur... En effet, quiconque les toucherait se verrait atteint par la folie. Et la façon dont la femelle meurtrie les a disposé ne permet pas d'en réchapper.

Le jeune blond est fier de sa stratégie. Mais son cœur se fend alors qu'il voit sa Feunard tendre le museau pour se faire toucher volontairement par ses propres lumières. Elle laisse la malédiction agir et les larmes qui menaçaient de tomber coulent enfin. Aurore veut se rendre folle. Elle veut continuer à voir son ancienne dresseuse, sa meilleure amie, celle qui fut comme une sœur, pour elle. Elle ne veut pas la voir disparaître à nouveau. Ce petit corps frêle qu'avait retrouvé immobile dans la neige, ce jour de Décembre, elle voulait encore le toucher, le sentir. Avec surprise, elle constate que ça marche. Elle ne devient pas complètement folle, mais juste assez pour la revoir enfin. Ses cheveux châtains, ses grands yeux couleur chocolat, cet uniforme d'écolière, ce regard pétillant et pleine de vie. Judith. Elle est là, elle est bien là. Ses pas se rapprochent des siens et sa main de petite fille lui frotte le museau. Dans son illusion, le Pokémon feu se laisse bercer tendrement par ce geste unique qui l'avait maintenu lier à sa dresseuse au-delà de la mort. Car même elle ne pouvait pas les séparer.
Aurore ne retient cette fois ni ses larmes, ni son sourire. Si Tarek était en colère, elle, aujourd'hui, n'est plus que bonheur et soulagement. Cet instant magique, elle en avait tant rêvé. Et aujourd'hui, elle profite de ce rêve pour se reprendre en main, ne plus se laisser abattre.

La renarde aux neuf queues est submergé par ses émotions et le fantôme de la disparue et laisse sortir un feu brûlant qui prend une nouvelle forme. Mais tout autre, cette fois-ci. Une petite fille toute de feu apparaît. Et oui, c'est elle. Judith a marqué l'esprit du Champion et de sa partenaire, mais elle marque désormais le terrain par sa présence irréelle. En protectrice, elle se poste devant son amie de toujours. Elle ne compte pas l'abandonner entre les lames tranchantes d'un Gallame alors qu'elle reprend à peine espoir. Aloïs, étonné, peine à le croire. Sa petite soeur défunte se tient debout devant lui. Sa vue se brouille à son tour, mais il tente de dissimuler les gouttes salées qui menacent de se dévoiler. Sa voix résonné dans les oreilles du Pokémon millénaire.

- Tu vois ? Elle a toujours été avec toi...

Si avant la Feunard blanche avait pris les mots d'Aloïs pour des métaphores inutiles, ce qu'il disait aujourd'hui ne pouvait pas être plus proche de la vérité. Judith était là, car même morte ou vivante, son esprit perdure et son souvenir a permis à Aurore de la faire venir jusqu'ici. Jamais elle n'avait réussis à former un feu à l'image de quoi que ce soit. Mais ce besoin avait été si pressent que, presque inconsciemment, son cœur avait parlé pour elle et avait modelé le feu selon les souvenirs chers à la renarde légendaire.
Pour lui, comme pour elle, la victoire n'a jamais vraiment était leur objectif. Ce n'était pas pour eux, qu'ils combattaient. La mémoire de celle qui illuminait leur vie autrefois est désormais la seule chose qui compte. Car même s'ils perdent, cette intervention presque divine est la preuve que la fillette sera toujours auprès d'eux, quoiqu'il arrive, et qu'elle ne fait plus partie de leurs cauchemars, désormais, mais bien de leurs rêves.

Judith's Heart

Aloïs François Legrand

- Aurore, pourquoi tu pleures ?... C'est parce que je vais mourir ?... Mais tu sais, Aurore, la mort, ça doit être merveilleux, puisque personne n'en est jamais revenu. Et puis tu sais quoi ? Je vais revoir Papa et Maman ! C'est formidable !


Pendant que Tarek se débat dans sa folie contre des ennemis invisibles, des mots lui reviennent. Une réminiscence; douloureux souvenirs de sa vie passée alors qu'elle n'était encore qu'une Goupix dorée. Cette Onde Folie, pareille à des flocons de neige, lui rappelle ces jours noirs où sa dresseuse avait pris conscience du sort qui lui était réservé. Mais pas une seule fois Judith n'avait pleuré. Jusqu'au dernier moment, la fillette avait souris, se blottissant dans les bras de la Mort elle-même. Aujourd'hui, c'est pour lui rendre un ultime hommage que la Feunard se montre si forte et si déterminée, malgré la fatigue qui commence à l'envahir. Maxwell était le rêve de Judith, son objectif. Devenir une grande Coordinatrice a toujours été son but, peu importe les obstacles. Rêve inachevé cependant, car la maladie a été plus redoutable encore et l'a enlevé avant qu'elle n'ait pu rencontrer son idole. Du moins, Aloïs avait toujours considéré les choses ainsi. Mais ce que sa sœur n'avait jamais osé lui dire, c'était que son grand frère avait été lui aussi une star pour elle, un modèle. Mais ça, elle n'a jamais eu l'occasion de lui dire...

Personne ne pourrait remettre en cause le lien puissant qui unit le Gallame au Maître Coordinateur, c'est un fait. Ce combat permet également à la renarde et au blondinet d'être plus soudés que jamais. Ils en ont affronté, des candidats. Mais Maxwell est bien le meilleur d'en tous sur cette île. Son titre, il ne l'a clairement pas volé. Néanmoins, la Judith de feu qui se tient aux côtés de la femelle argentée leur permet de faire mieux face à ce qui les attend. Aujourd'hui encore, par ce simplement spectre élémentaire, le Champion de l'Amphithéâtre est inspiré. Car sa petite sœur a bien toujours été le centre de son inspiration.
Tarek semble se reprendre, mais la surprise peut se lire dans le regard d'Aurore lorsque ce dernier fait s'élever le spectre, comme si son dresseur le lui en avait donné l'ordre. La Feunard observe sa flamme s'envoler et se dissiper pour devenir une immense boule de feu qui dégage une chaleur si intense qu'elle semble pareille à un soleil. Tous les spectateurs sont éblouis, mais la Pokémon Feu peut voir aux travers de ces flammes ardentes et recherche en cette sphère brûlante celle qui fut autrefois sa meilleure amie.

Ses yeux rouges se posent ensuite vers le Pokemon Psy qui la scrute et se téléporte ensuite dans les airs, touchant presque les lustres qui ornent le plafond. Puis, il plonge. De la même manière que la loutre aquatique un moment plus tôt, de la même manière de cet oiseau de feu quelques instants avant, il pique droit vers son adversaire, la lumière de ce soleil l'éclairant et miroitant sur lui des reflets orangés qui deviennent violets sur ses lames tranchantes. Aloïs ne dit rien, et se contente de frapper deux fois au sol de son pied droit pour commander son Pokémon, qui comprend de suite le message et s'exécute.
Voulant ralentir la chute du Gallame, qui se rapproche de plus en plus dangereusement, Aurore crée une tornade de flamme autour d'elle afin de produire la chaleur nécessaire au ralentissement. Elle ne sait pas si ça marche, mais elle ferme les yeux, tant elle est concentrée. Elle attend l'impacte et se tient prête à résister au choc. Mais, tout à coup, elle entend la voix de son dresseur.

- Judith's Heart !

Elle comprend. Peut-être trop bien, même. Toutes ces heures à s'entraîner pour ce fameux jour, ils ne les avaient pas passé à ne rien faire. Le Champion Coordinateur de Baguin semble être un homme libre, de ce qu'on lit dans les journaux populaires, mais il cache en vérité des heures et des heures d'enchaînements où il se perfectionne, voulant rendre ses performances toujours plus belles et harmonieuses. On pourrait croire que les Pokémons du Champion croulent derrière toute cette pression, mais non. Au contraire, ce sont même les femelles de celui-ci qui semblent insister le plus, les rares fois où il ne le fait pas.

Cet ordre, plus particulièrement, est le clou de leur spectacle. Tandis que Tarek fonce toujours vers la renarde, cette dernière puise dans ses dernières forces pour exécuter cette prestation qu'elle a si souvent rêver de montrer au grand jour. Au dernier moment, alors que le Gallame n'est qu'à quelques mètres du sol, Aurore ouvre les yeux et fixe deux secondes son opposant avant de bondir et de sauter sur le Pokémon Psy. De son appui, elle s'élève à son tour dans les airs.
Proche de la boule de feu qui rend son pelage semblable à celui d'un Feunard normal, elle crache une petite flamme pourpre qui atteint le soleil et le fait exploser. Dans l'éruption, le soleil se transforme en petits météores enflammés qui retombent lentement sur la scène.

- Et puis tu sais, je serai toujours là, Aurore. Chaque fois que tu te sentiras seule, n'oublie pas que les étoiles seront là pour te guider, et je serai parmi elles...

Une étoile. C'est ce que Judith est devenu, et c'est ce que Aurore s'apprête à devenir. Parmi les étoiles de feu qui chutent doucement, elle est toujours élancée dans le vide, alors qu'une lumière rouge recommence à briller autour d'elle, la transformant elle aussi en un météore vivant. Jamais Aurore n'a été aussi belle.
Elle retombe enfin sur le sol, juste devant Aloïs. Enfin, dernier mouvement. La Feunard lance une gerbe de flamme en direction du plancher et fait le tour de la scène en courant, sans jamais cesser d'activer son attaque Lance-Flamme. Elle passe devant son dresseur, devant les gradins, devant les jurys, et même devant Maxwell, avant de revenir vers Aloïs. Ce n'est qu'une fois de nouveau devant le jeune homme blond aux yeux bleus qu'elle stoppe son attaque et arrête de cracher des flammes.
Aurore a tracé quelque chose au sol, avec seulement du feu. Les spectateurs regardent le dessin qu'elle a fait et sont émerveillés par ce qu'ils voient. Un cœur. Aurore a dessiné un cœur en feu. "Le cœur de Judith".

Judith's Star

Aloïs François Legrand

La grande finale tant attendue se joue maintenant. Si Aloïs a déjà fait part de la sienne avec ce cœur si particulier que vraisemblablement peu de gens comprennent, c'est au tour du Maître Coordinateur de montrer ce qu'il a réservé pour la fin. Le meilleur pour la fin, dit-on. Mais Maxwell est déjà bien meilleur pour tout. Alors pour cette fin, qu'a-t-il encore préparé ?... Le Champion Coordinateur a bien hâte de le découvrir; et Aurore aussi. Se repositionnant à sa place d'origine, juste devant son dresseur, elle pose sur leurs adversaires un regard attentif et fait onduler ses queues dans un geste patient. De nouveau calme, elle a bien observé comment le Gallame a détruit une à une les météores enflammés, qui menaçaient faussement l'arène quelques instants plus tôt, dans une énième danse.

Alors Tarek commence enfin la dernière partie de la représentation. Il fait d'abord apparaître une boule de couleur pourpre avant de la laisser tournoyer sur lui-même. Curieux, le Champion ne dit rien, regarde, et apprend, tout comme sa renarde argentée. Si au début il cherche une quelconque signification dans cette lumière violacée, il comprend finalement lorsque les mots du Maître résonnent dans son esprit et qu'il fait un rapprochement direct à l'instant même où Tarek tranche vivement cette boule. Bientôt, il est entouré d'une fumée sombre. Le public retient son souffle. Mais, quand la chimère disparaît enfin, ce qu'elle laisse derrière elle ne manque pas de plaire aux spectateurs qui manquent de faire éclater leurs ovations.
Le Gallame est toujours là, mais c'est avec un corps aussi brillant que celui de Maxwell qu'il dissipe les dernières traces de fumée pour se présenter à la foule dans son "costume" scintillant. Les flammes chatoyantes qui les encerclent accentuent les paillettes qui se sont déposées sur ce guerrier si élégant. Ce dernier augmente la puissance du feu grâce à ses pouvoirs dû à son type avant de saluer la foule en délire qui menace d'exploser à tout moment mais qui se retient jusqu'à ce que la cloche retentisse pour annoncer la fin du match.

Ça y est, tout est fini. Le show est terminé. C'est à la minute même où l'espèce de sonnerie se fait entendre que spectateurs n'y tiennent plus et expriment leur excitation palpitantes par des cris et des acclamations. Ils sont restés relativement silencieux pour ne pas troubler les deux hommes, et Aloïs les remercie intérieurement pour cela. Rien n'aurait sans doute pu les briser dans leur bulle utopique, mais le peu de bruit n'a pas déplu au Champion qui a préféré laisser la musique faire son travail pour donner un fond à la rêverie.
C'est aussi à ce moment précis qu'Aurore décide d'agir une ultime fois. Elle ne peut rester impassible à ces flammes qui dansent toujours autour d'eux. Dans un dernier geste, elle fait disparaître le cœur pour modeler une barrière qui la sépare de Tarek. La Feunard chromatique fait quelques pas en arrière avant de s'élancer et de sauter à travers ce rempart enflammé pour atterrir juste devant le Gallame. La femelle plonge ses iris dans les siens avant de pousser un dernier soupir qui fait s'évanouir définitivement le muret brûlant qu'elle venait de créer. Enfin, elle se courbe et s'incline respectueusement devant le Pokémon Psy, soulignant la remarquable performance que Tarek vient de leur montrer. Par leurs échanges, c'est comme si elle avait appris à mieux le connaître et elle doit avouer que le Gallame l'intrigue et elle montre pour lui un profonde solennité qu'elle donne rarement en général. Elle est épuisée, mais elle n'en montre rien pour l'instant, et se contente de sourire du mieux qu'elle peut. Elle était heureuse de pouvoir se battre contre un adversaire aussi doué.
Le jury, silencieux jusqu'à présent, décide enfin d'agir.


Ses paroles sont suivis d'un tonnerre d'applaudissement. Aloïs ne s'attendait pas à entendre son nom dans la foule mais c'est bien le sien qui résonne en même temps que celui du Maître Coordinateur. Il est flatté d'avoir autant de succès malgré sa défaite. Oui, parce qu'il voit les choses de façon réaliste : il ne pourra jamais gagner contre le Maître Coordinateur d'Enola, faut pas rêver. Il serait gêné, d'ailleurs, s'il gagnait contre son idole. Mais lorsque le silence revient, il est plus que rassuré d'entendre le juriste proclamé le vainqueur.


Le blondinet croyait au début qu'on ne pouvait pas faire plus assourdissant, que le volume des acclamations était déjà à son paroxysme. Mais apparemment, il faut croire qu'il s'est trompé. Les spectateurs applaudissent tellement fort que les lustres tremblent et menacent de tomber. Il soupirerait presque, mais remercie intérieurement le décorateur pour les avoir fait si solides.
Un sourire doux étire ses lèvres. Il le savait. Le nom du vainqueur, il l'avait deviné depuis le début. Sur l'écran est affiché les scores. Aloïs écarquille les yeux quand il voit les notes qu'on leur a attribué. Il n'est qu'à 0,5 de différence avec le Maître... Mais... c'est si peu ! Le cuistot ne pensait pas avoir atteint un tel niveau au point d'être si proche de sa star. Il se retient de s'évanouir.
Mais son regard océan se pose ensuite vers Aurore. La belle Feunard tremble un peu, exténué. Elle ne veut cependant montrer aucune forme de faiblesse et tient le coup, même après tous les efforts qu'elle a fourni. Malgré tout, elle n'a plus assez force pour retenir ses larmes et elle finit par craquer. Discrètement, elle coule sur son pelage pour s'étaler au sol. Enfin; l'hommage pour Judith a été rendu. Elle et son dresseur vont pouvoir vivre sereinement. A partir de maintenant, ils vont aller de l'avant. Ce Concours les a rendu plus résistants, et il est hors de question désormais de replonger dans le néant. La lumière les attend, et c'est avec joie qu'ils la rejoindront. Ils finiront par retrouver Judith, un jour. Mais pas maintenant.
La renarde chromatique se tourne vers Aloïs. Elle découvre ce dernier en pleurs, comme elle. Il s'accroupit et tend les bras dans sa direction. N'y tenant plus, Aurore coure vers le Champion Coordinateur et se réfugie contre contre lui. Il l'enlace tendrement et passe ses doigts dans son pelage dans des caresses affectueuses qu'elle a largement mérité.

- Tu as été parfaite, ma belle. Je suis si fier de toi... Et je sais que Judith l'aurait été également...

La concernée retourne le sourire du blondin et frotte sa tête contre la sienne. Instant de bonheur, instant de paix où ils ont enfin honorer la mémoire de la fillette qui leur est si cher à tous les deux. Faire ce Concours a été très important, pour eux. Ils remercient Maxwell et Tarek qui les ont aidé à réaliser leur rêve et celui de la petite fille, disparue aujourd'hui mais toujours présente dans leurs cœurs.
Aloïs lève ensuite son regard vers le Maître et se remet debout. Il essuie ses larmes d'un mouvement léger et se dirige ensuite sans hésiter vers celui qui l'a toujours inspiré; celui sans qui tout cela n'aurait peut-être pas été possible. Aurore l'accompagne, plus rayonnante que jamais en ce jour si exceptionnel. Ému, le Champion Coordinateur, une fois devant Monsieur Image, se penche en avant et s'incline humblement.

- Cela a été un immense honneur de vous affronter, Monsieur Young. Ma défaite est pour moi la plus grande des fiertés. J'espère que vous avez apprécié ce Concours autant que moi; sans quoi, je serais bien indigne de me présenter devant vous. Par ailleurs, Tarek est vraiment un fabuleux Pokémon et Aurore et moi avons été ravi de faire sa connaissance.

Puis, sans plus de paroles, il sort de sa poche un petit écrin très joliment décoré et l'ouvre pour laisser apparaître le fameux magnifique ruban. A côté se trouve une petite disquette qu'il ne manque pas de présenter.

- C'est donc avec joie que je vous remets le Ruban Magenta, symbole de votre victoire, et la CS Force. Toutes mes félicitations.

Ce moment, il en a tant rêvé, et maintenant que c'est devenu une réalité, il a peur de faire une gaffe ou d'hésiter. Près d'eux, les photographes s'accumulent et toujours les cris se font entendre, mais moins forts, cette fois-ci. Malgré les ovations, cependant, Aloïs est uniquement concentré sur Maxwell, comme s'ils étaient toujours dans leur monde de rêves. Il y serait bien resté, tient. Mais l'heure est venu de retourner à la réalité. Aloïs a peut-être perdu, mais qu'importe la défaite; il n'est pas un mauvais perdant. De plus, il est extrêmement et considère cela comme un privilège. Le sourire qu'il arbore est sincère, et son cœur se gonfle tant il est ému.
De sa position, il sait que Judith l'observe attentivement. C'est bien dommage que sa petite sœur ne soit pas là pour rencontrer son modèle, mais il sait néanmoins qu'elle sera toujours là, quoiqu'il arrive.