Ruban n°1

Aloïs F. Legrand

- Ils n'attendent plus que nous. Tu es prête ?

La femelle hoche vivement la tête, sûre d'elle, sans doute pour la première fois de toute sa vie. Certes, elle est jeune ; certes, elle vient d'arriver dans l'équipe ; et certes, elle est bien entraînée que ses compagnes. Mais ce n'est certainement pas ça qui l'empêchera malgré tout de faire face à l'adversaire, aussi douée soit-elle. Si elle était quelque peu nerveuse au début, le Champion a heureusement su la rassurer. Elle n'en est pas à son premier Concours, après tout, mais le premier toutefois de la nouvelle vie que son bienfaiteur lui a généreusement offerte. Elle n'a pas discerné en Aloïs quelqu'un de mauvais, et n'a pas été aveuglée par l'affection qu'elle éprouvait pour son ancien dresseur et qui l'a conduite à ne pas voir le sombre côté qui l'habitait et qui a résulté de l'abandon de la chatte blanche par ce dernier, lui brisant violemment le cœur. Si elle aurait dû garder sa méfiance auprès du blondinet, car on ne sait jamais ce que renferme l'âme d'un humain, elle s'est laissé attendrir par l'extrême gentillesse qu'il lui a témoigné depuis le début de son insertion dans l'équipe de l'Élite. Il aurait été normal qu'elle s'imagine que cette générosité cachait quelque chose de louche, mais elle n'arrive décidément pas à douter de lui ; et en vérité, elle a raison. Le Champion Coordinateur ne lui veut en effet que du bien et lui montrer qu'il est possible d'avoir encore foi en l'humanité malgré les cruautés dont le monde est victime chaque jour. Sur l'île, en particulier, il devient de plus en plus difficile d'accorder sa confiance, et Aloïs aurait compris s'il avait fallu un temps d'adaptation pour la Mistigrix. Mais non ; cette dernière, dès le premier entraînement -depuis son arrivée- des autres femelles du groupe, elle a tout de suite voulu y participer, ce qui a permis au cuistot de confirmer ce qu'il pensait et de découvrir tout le potentiel qu'elle renfermait. C'est donc tout naturellement qu'il l'avait choisi pour ce Concours-là, à la grande surprise de la concernée qui ne s'était pas attendu à être appelée si tôt sur le devant de la scène. Surtout que cette concurrente-ci, elle ne lui est pas inconnue.

Depuis bientôt un an, Mascarade fait parler d'elle, et encore plus depuis qu'elle s'est retrouvée en finale contre le Monsieur Image. Bien qu'elle ait perdu, sa notoriété n'a fait que croire, et dès qu'il a été annoncé qu'elle participerait de nouveau à la compétition encore cette année, le Champion de Baguin se doutait sérieusement qu'elle allait lui rendre une petite visite et lui réservait d'ores et déjà un accueil digne de ce nom, ainsi qu'une petite surprise juste à son attention. L'un des signes de Mascarade, en dehors du fait qu'elle soit toujours masquée, est sans aucun doute la musique qui accompagne chacune de ses performances. Cela tombe plutôt bien, étant donné qu'Aloïs est également un grand admirateur de musique, et qu'il a hâte au moment où il devra entrer sur le terrain, impatient de montrer au grand jour le précieux objet qu'il garde chez lui depuis longtemps maintenant. Juste avant ça, cependant, il doit préparer sa mise en scène. Cela fait quelques jours maintenant qu'il y pense et qu'il espère que ça fonctionnera -dans le cas contraire il se rendra juste ridicule, mais ça il a l'habitude.

- Alors c'est parti.

Tenue prête, instrument en main, c'est alors que les lumières s'affaiblissent tout à coup dans l'Amphithéâtre, faisant jouer les projecteurs aux teintes roses et violettes qui dansent sur la piste, tandis que le silence s'installe peu à peu dans la salle. Les habitués savent que ce jeu de lumière annonce le début du show du Coordinateur et ils trépignent déjà d'impatience sur leurs bancs, pressés de voir le Champion arriver. Alors qu'ils guettent tous -ou presque- l'entrée du couloir par où le blondinet est censé arriver, ils sont surpris de constater que, plusieurs secondes après, rien encore ne se produit. Il se fait décidément attendre. Ce qu'ils ignorent encore, c'est que ce n'est pas par la voie habituelle que Mister Prince va venir, cette fois. Ses fans les plus dévoués le savent, mais dès qu'une occasion se présente, il fait de son mieux pour attirer sur-le-champ l'attention vers lui et s'il peut détourner les yeux des spectateurs de Mascarade le temps qu'il se hâte, alors il en sera amplement satisfait.

Pas de Champion, mais une musique qui retentit quand même, sans doute en réponse à celle de la coordinatrice qualifiée. À l'opposé de la sienne, on remarque bien vite que celle du Champion est bien plus douce et légère ; et ce n'est pas pour rien, car l'instrument y est pour beaucoup, et le cuistot n'a pas pour habitude d'utiliser des guitares, encore moins quand elles sont électriques. Le son qu'il produit n'a néanmoins rien à envier à celui de sa rivale d'un jour, et il résonne avec autant de force que s'il était amplifié. D'une même cadence, les notes défilent avec harmonie et se succèdent en rythme, sur une mélodie inconnue mais pas moins jolie pour autant, réjouissant même les oreilles de ceux qui peuvent l'écouter. Le son est doux, lent, comme une berceuse, pour contraster totalement avec le morceau joué par la compétitrice masquée, et transporte avec elle le public dans les gradins, qui sont bien gâtés aujourd'hui.

Puis, la musique s'arrête d'un coup. Le calme qui règne alors fait place à quelques murmures, avant de disparaître derrière une nouvelle musique, dans un rythme bien plus fracassant cette fois-ci, mais toujours avec ce même son de cordes sur lesquels on glisse un archet. Car au milieu de la semi-obscurité, les projecteurs se tournent vers un même point précis, à l'autre bout de l'Amphithéâtre, où déjà un espèce de typhon violet se forme, pour grossir de plus en plus jusqu'à devenir un vortex spatiale qui tournoie au sol. De ce vortex sort un homme aux cheveux dorés dont les yeux sont clos, vêtu d'un chapeau haut-de-forme blanc avec une bande bleue, une chemise blanche avec un col en froufrou à la manière des musiciens comme Mozart qui ont traversé les époques, et par dessus la chemise, une veste bleue qui se termine en queue de pie. Son pantalon un peu plus foncé se termine par des chaussures blanches, et ses mains sont couvertes par des gants de la même couleur, aussi immaculés que les plumes d'une colombe. Le plus impressionnant reste toutefois le violon qu'il tient dans ses mains et avec lequel il joue sa mélodie sans fléchir. Entièrement noir et recouvert d'un vernis qui le fait miroiter, ce petit bijou rapporté d'un de ses voyages à Venise est une perle rare qui a la particularité de produire un son semblable à celui d'une voix féminine humaine. C'est un peu son 'précieux' si on veut.

Trois autres vortex, légèrement plus petits, s'ouvrent à quelques mètres au dessus du sol, laissant descendre de l'un d'eux une gracieuse silhouette féline qui semble planer dans les airs et s'approcher du terrain comme si elle portait un parachute invisible qui freinerait sa chute. Dès qu'elle fait son apparition, un tonnerre d'applaudissement l'accueille, et elle doit s'empêcher de rougir sous son pelage bicolore face à l'enthousiasme de la foule. Il est vrai que, depuis qu'elle a été révélée au grand jour, la nouvelle venue dans l'équipe princière du Champion Coordinateur se faisait demander et on attendait, fébrile, ce dont elle était capable sous la tutelle du Prince de Baguin ; et ce n'est qu'en voyant Anna qu'on se rend vraiment compte à présent du costume que porte son dresseur : un Mistigrix mâle. Pour qu'elle se sente plus à l'aise, Aloïs a en effet voulu adapter ses couleurs à celles de sa compagne fraîchement adoptée et voilà qu'il constitue la deuxième moitié du célèbre duo que les deux chats forment ensemble, en devenant un Mistigrix humanisé à sa sauce, sans pour autant s'éloigner de l'élégance qui le sied d'ordinaire.
C'est ainsi que le Champion Coordinateur exécute les dernières notes de musique pour son entrée et laisse résonner dans la pièce la noire pointée qui achève la partition qu'il a retenu par cœur exprès pour ce jour. Lui et Anna saluent enfin les spectateurs qui le félicitent de sa petite performance musicale, puis, finissent par se tourner enfin vers la compétitrice et son Pokémon, autres stars du jour.

- Un spectacle musical des plus intenses que vous nous avez offert aujourd'hui, Mascarade, comme toujours. Bienvenue dans l'Amphithéâtre de Baguin, l'un des seuls qui ne vous avait pas accueilli jusqu'à présent. Ne croyez pas que mon ruban sera si facile à prendre pour autant. Sur ce, let's go !

Ruban n°1

Aloïs F. Legrand

On le connaît bien plus pour ses prestations, ses costumes pour le moins fantaisistes quand le cœur lui en dit, et ses talents culinaires exceptionnels. Mais que serait-il sans musique, après tout ? Au même titre que la cuisine, c'est un domaine qui arrive à le transporter et qui fait partie intégrante de sa vie. Il lui arrive rarement de chanter, cependant, même s'il chante assez bien. Il admire les voix féminines, c'est une des raisons pour lesquelles notamment il préfère laisser sa place et se mettre au piano plutôt qu'au micro, instrument qu'il a appris à jouer dès ses six ans, avant de se mettre au violon à l'âge de huit. Ses parents eux-mêmes jouaient de la musique : sur le bateau, pendant que sa mère chantait pour distraire les clients du restaurant, son père se mettait au piano et l'accompagnait, incitant les invités à chanter également lorsque venait une autre musique plus connue et dont les paroles étaient connues de tous, créant des instants conviviaux censés rapprochés de parfaits inconnus pendant le temps de leur trajet, qu'ils soient clandestins d'un jour ou voyageur d'un mois entier. Aloïs s'occupait de la plonge à ce moment-là, mais il lui arrivait parfois de laisser la vaisselle s'arrêter un instant, pour écouter sa génitrice faire résonner sa voix d'ange. C'est sans doute l'une des choses qui lui manque le plus d'elle. Il rêvait plus tard d'être celui qui pourrait jouer pour elle ; un rêve qui ne se réalisera finalement jamais.

Ce n'est que plus tard, lorsqu'il a découvert que sa petite sœur aimait chanter qu'il s'est remis à toucher à un clavier avec enthousiasme. On aurait pu penser qu'il arrêterait après la mort de Judith, mais le décès de l'enfant n'a fait que le motiver davantage à se remettre à la musique, ne serait-ce que pour oublier son chagrin et le sortir tant bien que mal de sa déprime profonde, à ses heures les plus sombres où il a cru se perdre lui-même, la joie de vivre l'ayant quitté, seulement ranimée par ses passions, que ce soit la cuisine, la couture, ou la mélodie. Il n'était pas si rare que ça d'ailleurs qu'il utilise son piano à queue lors de ses représentations, ou même pour faire un concert comme il en donne de temps à autre dans son Amphithéâtre où il joue pour qui veut l'entendre. Est-ce donc une si grande surprise qu'il ait sorti son fameux violon au vernis intense de la couleur du charbon ? Certes, l'arrivée de Mascarade était pour lui l'occasion rêvé de pouvoir démontrer ce qu'il sait devant la Coordinatrice et il était impensable qu'il ne joue pas de musique devant les circonstances et la concurrente en face de lui, mais si la jeune femme masquée est connue pour son génie musical, cela n'empêche pas le Champion de lui prouver qu'il peut au moins rivaliser avec elle, tant les symphonies l'ont torturé avec volupté, jusqu'au point d'être ivre d'elles.

Problème cependant : le son de la keytar de son adversaire pourrait bien être plus fort que son propre instrument, malgré la résonance de l'endroit. C'est un grand Amphithéâtre, après tout, les chances qu'il puisse faire entendre correctement le timbre de son violon en bois pour que les spectateurs et son Pokémon puissent l'entendre ne sont pas si grandes. C'est une possibilité qu'il a heureusement prévu, et il fait un rapide signe à la Mistigrix afin que cette dernière puisse téléporter le violon classique et échanger sa place dans les mains de son dresseur par le violon électrique en forme de S qu'il a acheté et accordé à cet effet. En faisant cela, Anna n'a pas remarqué que le Staross s'était approché d'elle, roulant au sol comme l'étoile qu'il est, mais sans toucher la Mistigrix pour autant, passant juste très près d'elle. Cette dernière sursaute légèrement mais reprend son calme, se promettant intérieurement de ne pas se laisser impressionner par Vivaldi qui paraît plus calme qu'elle depuis son apparition. Consciente qu'elle a néanmoins le soutien du Champion avec elle, la chatte Psy tente de se montrer neutre face à la danse provocante de son opposant. Elle ne fait aucun geste, attendant que son dresseur face entonner une nouvelle fois la musique qui lui permettra de commencer réellement.

Car lorsque le rythme rock'n roll commence à s'installer, le Prince sait que ce n'est pas encore le moment de relancer la mise, même s'il en est impatient. Armée de son piano qu'elle transporte sur elle, Mascarade dirige le terrain avec un dynamisme et une énergie qui parcourt le théâtre en l'électrise tout entier. Tandis que ses doigts fins pianotent sur la keytar, la scène se couvre peu à peu d'une étendue d'eau, surplombée de puissantes vagues qui balayent tout sur leur passage et transforment le terrain en royaume marin. En dehors des murs, du sol, et des personnes présentes, on se croirait en plein océan. Et Vivaldi, qui dirige cette marée d'ondes déferlantes s'agitant progressivement, est là, mélange entre surfeur australien par ses gestes et chef d'orchestre par les mouvements qu'il crée, dirigeant habilement les courants de sa propre attaque, dans l'optique sûrement de piéger la féline du Champion Coordinateur. Anna va-t-elle céder aux flots de l'étoile de mer ? Elle ne compte pas se laisser faire, non. En lévitant, elle évite déjà de se faire engloutir par un premier passage des vaguelettes, bougeant alors que son dresseur n'a pas encore commencé sa partition, mais c'était prévu entre eux également.

Avec agilité, Anna réussit à esquiver les montagnes aquatiques qui veulent la traîner au fond de l'eau. La femelle bicolore vole pourtant comme une justicière parmi les dangereuses mais belles vaguelettes qui se déplacent de plus en plus rapidement. Ne reste qu'à la Mistigrix de les dépasser en vitesse si elle veut avoir une chance de contourner les offensives ondoyantes qui foncent sur elle de part en part, et c'est presque un miracle qu'elle puisse les déjouer aussi longtemps, attendant le signal du blondin pour contre-attaquer. Dans le petit océan d'eau douce, de minces lueurs colorés brillent à la surface, pour danser dans les courants mouvementés, à la manière des poissons-lune.
Pas mal du tout.
Impressionné, Aloïs n'est pas dessus le moins du monde de ce qu'il voit, n'attendant pas moins de celle qui a osé le défier dans son empire. Et il n'est pas le seul qui soit en admiration devant le spectacle offert par le Staross et sa dresseuse. Anna, aveuglée durant une seconde par les reflets de lumière sur l'Onde Folie, détourne son regard vers la surface de la mer, et reste obnubilée par le ballet des 'poissons' aux multiples couleurs ; tant et si bien qu'elle ne se concentre plus sur ce qui se passe autour et en oublie d'échapper à la vague menaçant de Vivaldi, pendant le très court temps où elle ne faisait plus attention. Ce fut assez toutefois pour emporter la féline dans les flots et la noyer dans l'étendue d'eau ravageuse. Pendant que la moitié du public a le souffle coupé, l'autre applaudit la victoire du roi des océans.
La manager du Prince, sur les balcons au-dessus du terrain, scrute ce le Coordinateur au sourcil vrillé. Malgré son Pokémon qui sombre dans les profondeurs maritimes, il reste impassible, inébranlable, pas même inquiet du sort de sa compagne ; car il sait précisément comment la réveiller.

L'extérieur était déjà un véritable défi en tant que secteur en soit, mais l'intérieur est pire encore, principalement à cause du torrent et des courants contraires qui s'opposent avec force pour empêcher toute chance à Anna de remonter, ou même de nager. La Mistigrix bat de toutes ses forces avec ses deux queues mais elle demeure impuissante s'épuise, pour chavirer ensuite dans cette étendue, comme un bateau qui plongerait dans les abysses, trop lourd malheureusement pour avoir une chance de revoir la lumière du jour. Le Pokémon ferme les yeux, attendant un signal; celui de son dresseur, qu'elle prie de lui amener ce qui pourra la sauver. Un signal qu'elle croie oublier. Peut-être volontairement ? Le but du blondinet était-il de la noyer ? Elle est sur le point de le croire. Mais l'espoir s'éveille en elle quand elle tend l'oreille et distingue, entre le solo de rock de Mascarade, quelques notes, plus douces, qui lui sont destinées, tandis que le temps semble se figer, la laissant écouter la mélodie qu'elle espérait, et alors qu'elle reprend le contrôle d'elle-même, animée d'une sérénité qu'elle pensait disparue. Harmonieux et délicat, c'est bien le son d'un violon qui se fait entendre.
À l'extérieur, le Prince s'est remis à jouer. Il a lui aussi fermé les yeux, ne cherchant plus son amie par la vue, mais par la pensée. L'homme la guide avec la musique, dont il prie pour que les ondes arrivent jusqu'à elle, malgré le rock foudroyant de leur adversaire. Concentré sur son instrument pour qu'il puisse continuer de sonner le plus justement possible, il perçoit néanmoins du bruit dans les gradins. À sa grande surprise, quelques spectateurs, des fans de la première heure, sans doute, encouragent la Mistigrix à se relever de cette attaque et à remonter à la surface. Tout juste arrivée dans l'équipe, la chatte bleu et blanc a trouvé des supporters pour la motiver, même si elle les entend peu, de là où elle se trouve, préférant se focaliser sur l'échange imperceptible qu'elle entretient avec le Champion Coordinateur.
J'ai confiance en toi.

Aussitôt qu'elle capte les pensées d'Aloïs, une énergie nouvelle se répand dans le corps de la Mistigrix. Celle-ci garde ses yeux fermés, dirigée par l'écho du violon qui résonne en elle et lui suffit pour qu'elle médite et réunisse ses pouvoirs psychiques. Bientôt, elle s'entoure d'une aura violette qui ondule et s'illumine contre son pelage, laissant découvrir, au milieu de la cuve d'eau, une lumière mauve avec des nuances plus claires qui entoure le Pokémon.
Pendant que la musique classique du Champion continue en crescendo, du côté de Anna, rien de plus ne se produit, laissant présager que quelque chose cloche dans leur performance. Pourtant, ils se sont bien compris, aucun doute là-dessus. Car rapidement, d'un seul coup, les lueurs brillantes de l'Onde Folie qui dansaient à la surface se retrouvent transpercées par des ondes mystérieuses semblables à de longs harpons qui attaquent les poissons lumineux pour les détruire, sans violence ou brutalité, mais toujours en conservant une certaine élégance. Et la Mistigrix, avec une volonté renouvelée, remonte finalement à la surface comme une fusée et saute hors de l'eau, pour se retrouver à planer dans le vide, en se mettant à la hauteur de Vivaldi pour lui faire face, un éclat déterminé brûlant dans son regard, alors que la fierté illumine celui de son dresseur.
Comme une créature des profondeurs maritimes qu'on aurait réveillée, Anna se dresse, sa force mystique circulant autour d'elle et dans tout son être, entourée de ses 'harpons' qui ressemblent davantage à des tentacules menaçantes, à présent, faisant d'elle une sorte de reine sombre des fonds océaniques. Kraken ou Méduse, la voilà dans tous les cas, prête à faire face à son opposant.

Car ce n'est pas encore fini. Ses longs bras psychiques et offensifs s'en prennent au terrain, sans toucher les deux humains, mais aussi aux vagues qui l'avaient mis dans une posture critique. La chatte bicolore, n'en ayant pas terminé encore, arrête subitement ses attaques vengeresses, pour se concentrer sur l'étoile de mer, et diriger ses lianes magiques pour l'emprisonner dedans afin qu'il ne puisse plus bouger. Nulle colère anime ses yeux, elle sait très bien que c'est un Concours et est impressionnée déjà de ce qu'elle a pu voir de son rival. Mais elle veut prouver quant à elle son appartenance à l'équipe du Prince de Baguin et doit jouer subtilement de son côté, tout en suivant le rythme du blondin auquel les deux partenaires s'adaptent en fonction du jeu de l'autre.
Mezzo forte, Aloïs redescend jusqu'à piano, donnant l'opportunité à la femelle de faire le tour suivant. Anna referme les yeux et fait apparaître des notes de musique colorées qui sortent de sa gueule, mais sans qu'aucun son n'en sorte. Si on pensait qu'elle ferait jouer de sa voix mélodieuse, c'est un silence qui suit les notes qu'elle continue de créer toutefois. Lesdits notes flottent dans les airs à la manière de bulles de savon pour venir entourer de manière innocente le Straross, tout en faisant grossir leur taille. Un ange passe, et le silence s'installe une fois encore. Après quelques secondes de suspens, durant lesquelles il était prévisible que cette attaque, aux effets d'apparence inutile et vaine, cache en réalité quelque chose, et, effectivement, les notes de musiques explosent tout d'un coup pour assaillir Vivaldi de notes plus petites, laissant résonner de cette explosion un son, une voix qu'on attendait : celle d'Anna, qui se dissimulait dans les notes elles-mêmes et attendait le moment pour se faire entendre, et retentir dans l'Amphithéâtre à la manière d'un écho, faisant de la méduse une sirène. Il ne revient qu'au Pokémon eau maintenant de se libérer de ses liens, s'il y arrive, avant que la voix enjôleuse de l'autre ne l'atteigne complètement.

Ruban n°1

Aloïs F. Legrand

Sur le visage du Champion se dessine un sourire fier, presque arrogant, témoignage de la satisfaction de voir l'adversaire en mauvaise posture, même s'il sait très bien que ce n'est que temporaire. N'affronte pas le Maître Coordinateur qui veut, après tout, et Mascarade n'a certainement pas forgé sa réputation par hasard. Elle est douée, c'est un fait, et même si le masque qu'elle porte en permanence l'amuse plus qu'il ne le rend curieux, il sait déjà que ce ne sera pas de tout repos de garder son ruban pour lui, bien que ce ne soit pas son objectif et qu'il a surtout envie de la voir gagner. Veut-elle prendre une revanche sur Monsieur Image ? Aloïs la jalouserait presque. Il en rêve très secrètement, d'affronter de nouveau Maxwell et de gagner contre lui. Mais la fascination qu'il a pour son idole le trahit cruellement, et il n'oserait sans doute jamais remporter les rubans de ses collègues ou même lui demander un match amical, surtout depuis sa maladie. Peu importe si on dit de lui qu'il idéalise vraiment l'une des plus grandes stars de l'île, car sa vedette reste un humain comme les autres, avec des problèmes que pourrait avoir n'importe qui. Peut-être est-ce pour ça aussi qu'il l'admire autant. Malgré son cancer, cet artiste au grand cœur a continue à se battre et à garder intact la beauté et le raffinement qu'il a toujours su dégager de ses performances. Intérieurement, le cuisinier soupire. Il a échoué à lui ressembler. S'il serait idiot qu'il devienne sa copie conforme, Maxwell incarne de justes valeurs qui ne font malheureusement pas partie du registre du blondinet, à son grand dam, lui qui a toujours voulu avoir un esprit noble ; au lieu de quoi, il a fini par devenir égoïste et indigne de la considération que le Maître Coordinateur lui portait. Un beau jour, peut-être lui avouera-t-il la vérité à son sujet. Que c'est juste un sale type qui ne sait rien faire d'autre que la cuisine, le seul réel talent qu'il ait jamais eu et dont il peut se vanter sans avoir à craindre beaucoup de ses concurrents, même s'ils ne sont pas inexistants et qu'il en est conscient.

Cuisine ou Concours, on ne saurait dire vers quoi il se dédie le plus corps et âme, sans doute les deux à la fois. Son esprit peut accueillir autant de flammes nécessaires pour l'animer, et il est autant passionné dans un domaine que dans l'autre. Peut-être est-ce aussi pour rencontrer des challengers comme cette Mascarade, qu'il a voulu se tourner dans la coordination. Mêlant combat et art, si les matchs d'arènes ne sont pas dénués d'éléments spectaculaires, ne serait-ce qu'au niveau de la férocité des guerriers qui échangent les coups sans toutefois être irrespectueux les uns des autres, Mr Prince préfère de loin la beauté, l'élégance et l'harmonie dont font preuve les candidats lors des concours, dresseurs et Pokémons créant ensemble des performances afin d'entraîner les spectateurs dans un voyage vers d'autres univers et leur permettre de s'évader, tout en rêvant. Un rêve, tout comme celui qu'il a réalisé en affrontant Maxwell, afin d'inspirer d'autres à laisser leur imagination les transporter au-delà du réel et les motiver à se dépasser dans le but que chacun puisse atteindre l'objectif qu'il se donne en venant récupérer le Ruban Magenta dont il est le gardien. Il ne souhaite qu'à Mascarade de réussir, mais plus encore : il souhaite à la jeune femme qui se cache derrière ce masque de voir ses vœux se réaliser, et il sera là pour voir si oui ou non elle affrontera Monsieur Image une nouvelle fois et si oui ou non elle sera en mesure de prendre sa revanche et de le battre finalement, car c'est ce que tous ses fans doivent désirer ; le Coordinateur a bien vu les quelques groupes qui brandissent avec fierté des panneaux d'encouragement à l'attention de la mystérieuse brunette, qui ne sont pas pour autant en confrontation avec ses propres supporters habituels, ce qui le satisfait.

Même à l'entraînement, il n'avait jamais vu Anna si concentrée dans ce qu'elle faisait. Elle tient bon, peut-être bien avec toute la force qu'elle possède, pour ne pas laisser échapper l'étoile de mer violette qui se débat du mieux qu'il peut, commençant même à paniquer. Le blondinet a bien hâte, et est surtout assez curieux, de savoir comment Vivaldi va se libérer de l'emprise de la féline mystique. Cette dernière n'a pas l'intention de laisser échapper sa proie si facilement, et compte tenu de sa motivation pour prouver sa valeur, elle n'en est que plus déterminée à donner de la difficulté à son rival. Plus le Pokémon à la pierre précieuse se débat, plus les liens autour de lui se resserrent, mais elle les contrôle assez pour ne pas risquer de lui faire vraiment du mal. Son but n'est pas de mettre K.O, mais juste de le mettre à l'épreuve. Pour gagner un ruban, il faut avoir de la volonté et de l'énergie à revendre afin de montrer au détenteur de l'objet convoité qu'on mérite de remporter la victoire. Fort heureusement, Aloïs ne se souvient pas d'un seul match où il a chigné à donner l'un de ses précieux trophées, mais peu d'entre eux ont eu la chance de remporter le Grand Festival.

Et alors, une nouvelle partie du Concours commence. L'ennemie contre-attaque. À la cadence et au chant endiablé de la compétitrice, Vivaldi semble reprendre confiance en ses capacités, et ses mouvements se font moins pressants et désordonnés. Le Pokémon eau se focalise sur le rythme de sa dresseuse, et, par un stratagème subtil, il change de tactique pour faire apparaître sur son corps étoilé des bulles de savon qui viennent entourer complètement les notes de musique de la chatte bicolore pour étouffer sa voix et la retenir prisonnière, tandis que les vagues qui dansaient autour d'eux se fondent et disparaissent pour laisser une traînée d'eau dans son sillage, reflétant leurs silhouettes comme un miroir. Le son de Mister Prince se fait quant à lui plus violent et plus fort, au fur et à mesure que son archet glisse sur ses cordes, tout en arrivant à produire par miracle une musique loin d'être grinçante comme on pourrait s'y attendre mais plutôt douce, afin que sa compagne se tienne prête pour l'offensive prochaine de leurs rivaux qui ne saurait tarder. Battant de plus en plus vite le crin de cheval contre les cordons de l'instrument, dans un surprenant crescendo qui tient en haleine le public, devenu attentif à ce virement soudain et brutal de la part du maître des lieux, sa musique s'arrête tout à coup brusquement par une interruption qui cède la place au suspens.

Essoufflé, comme s'il avait fait le tour de l'île en courant sans s'arrêter, son regard bascule au dernier moment et croise les yeux jaunes de son alliée, pendant un instant bref, mais qui lui suffit pour décider de quoi faire, alors que le cœur du Staross s'est mis à briller d'une lueur vive ne présageant rien de bon. En effet, Vivaldi ne tarde pas à former un rayon étincelant qui se dirige vers la femelle. Cette seconde d'inattention est néanmoins suffisante pour faire perdre sa concentration à la Mistigrix et ainsi libérer par mégarde celui qu'elle détenait entre ses tentacules. Le rayon produit par le Staross, cependant, pour une raison étrange et inconnue aux yeux de presque tous, s'est comme évaporé en un éclair. Anna, qui avait clos ses paupières un court moment, croit, comme d'autres, que Vivaldi l'a épargné. Celui-ci est à présent sur le sol trempé, rejoint par Mascarade, qui a marqué une pause, avant de se remettre à jouer de façon encore plus dynamique et convaincue, avec une énergie nouvelle, à présent que son Pokémon est hors de danger. Dans un mouvement rapide, une sorte de vortex apparaît pour disparaître juste après, le temps seulement de remettre le fil lumineux sur le terrain que Vivaldi avait laissé éclater de son rubis quelques minutes auparavant.

Le serpentin chatoyant revient à son créateur et l'entoure en se mouvant près de lui, dansant à ses côtés comme si le Staross était une danseuse de GRS avec son ruban qu'elle faisait tournoyer avec grâce. Cette image contraste quelque peu avec l'animation plus mécanique de la challenger, intensifiant toujours plus le bruit de sa keytar, déchaînée. Voilà plusieurs secondes que le Prince de Baguin a cessé toute musique de son côté, tentant de sonder l'esprit qui se dégage de ses concurrents et l'ardeur qui les consume avec exaltation. Il fronce son sourcil entortillé quand il aperçoit la traîné blanchâtre et étincelante venir cueillir les notes de musiques de Anna, recouvertes de ces bulles aux teintes rosées, les nouant entre eux, telle une aurore boréale, quand la flaque étendue au sol la reflète.
On dirait presque... une partition !
Voulu ou inconscient, peut-être même qu'il ne s'agit que de l'imagination d'Aloïs, mais il croit voir, dans le thème musical qu'est celui de cet échange de performances, une symbolique particulière à cette chaîne de notes qui les lie entre elles pour former une, puis deux portées. Et ces portées, une fois finies, font exploser les notes de musiques qui les composent pour en délivrer un son étrange, celui qu'elles étaient censées partager à l'origine mais dans une version qui paraît altérée, et qui l'est véritablement, ressemblant maintenant davantage à des cris stridents mais désorganisés, certains partant dans les altos, d'autres dans les ténors, qui n'ont plus rien à voir avec la douce voix de la Mistigrix qui chantait si bien la première fois qu'ils se sont rencontrés. Par des coups secs, en suivant la tonalité de Mascarade, les bulles du rayon tempêtent et s'éparpillent, frappant aux alentours comme des bombes qui éclatent.
Dans une tentatives désespérée, Anna essaye de se protéger en ramenant ses deux queues contre elle, mais certains éclats l'atteignent, et elle pense à s'éloigner des obus miroitants, avant de se rappeler ce qui s'est produit avec le premier rayon gemme envoyé par Vivaldi, et de s'apercevoir que d'autres notes de musique, sont en train d'exploser à leur tour. Une idée lui vient alors, et elle donne un bref signe de tête à son dresseur pour que ce dernier ne replace son archet sur les cordes de son instrument, prêt à reprendre. Son sourit est réapparu, car il devine que sa partenaire a une idée derrière la tête et qu'il met toute sa confiance entre ses pattes.

La Mistigrix utilise ses tentacules dans l'espoir de parer les détonations et s'élance près des 'bombes' qui se fracassent et s'étalent en petites étincelles. Ses longs bras disparaissent, et elle file à côté des obus mystiques lorsqu'ils disparaissent en fragments dans le but principal de la heurter. Encore une fois, la musique du Prince est forte, brutale, et mystérieuse à la fois. Lui-même ignore ce que Anna a en tête, mais il la sait raisonnable, et sait qu'elle n'irait pas chercher le danger inutilement. Son cœur et celui de son alliée battent à l'unisson, dans un rythme aussi fou que celui du violon, car la femelle se trouve dans un véritable champs de mines, pourtant elle reste stoïque, et semble parfaitement consciente de ce qu'elle fait. Le jet de lumière finit ses explosions et emporte avec elle les grosses bulles qui entourent la Mistigrix. Celle-ci se concentre alors et ferme les yeux pour ouvrir ses oreilles de lapin, augmentant par la même occasion sa puissance.
Quelques secondes juste avant que l'attaque de Vivaldi ne soit terminée un vortex aux teintes violacées apparaît tout à coup pour emporter avec lui en même temps le Rayon Gemme, et la Vague Psy qui entoure les notes d'Anna dans leurs explosions. Happés comme s'ils se faisaient aspirés par un trou noir, les amas de bulles éparpillés se volatilisent les uns après les autres par d'autres tourbillons spatiales colorés qui s'ouvrent tels des portails dans le vide et se referment une fois qu'ils ont dérobé à leur propriétaire les restes de son offensive, dans un ballet de spirales aux nuances multiples et variées, véritables chorégraphies de typhons intersidérales énigmatiques et envoûtants. En quelques secondes, toutes les bulles s'évaporent, volées par Anna pour les transporter vers une univers inconnu, tandis que la musique du Champion Coordinateur s'achève une nouvelle fois sur une note longue, une blanche pointée, qui se fait moins forte vers la fin.

Mais c'est loin d'être terminé, car la contre-offensive commence à peine. Aloïs se redresse et réajuste brièvement son costume légèrement froissé par ses mouvements vifs et lunatiques, avant de recommencer à jouer, sur une musique bien plus douce toutefois. Une musique qui incite au voyage et à l'harmonie, contrastant avec le rock de son adversaire qui ne ménage rien. L'instrumentale du Prince rappelle même à certains la bande originale de films comme Lord of the Ring, car il veut instaurer une ambiance non violente, agréable, mais en même temps qui se veut aventureuse et insaisissable ; car la Terre du Milieu regorge de paysages fabuleux, comme la paisible Comté des Hobbits qui rappellent les terres irlandaises, où on peut admirer d'imprenables panoramas d'une nature encore sauvage. Le rapport avec le Concours ? Il va suivre.
Anna, toujours en lévitation dans les airs, médite, avant que n'affleurent soudain autour d'elle des petites étincelles de toutes les couleurs. Ces étincelles se transforment comme par enchantement en feuilles, qui viennent combler l'espace aérien. Feuilles qui affluent par centaines, par milliers, même, mais qui sont assez dégagées les unes des autres pour que la Mistigrix soit toujours visible aux yeux de tous ; car elle est celle vers qui tous les regards se posent désormais.

La femelle au pelage blanc et bleu fait mouvoir lentement ses feuilles autour d'elle, comme un champ d'astéroïdes volant autour d'une planète, et quelques feuilles se démarquent du reste pour venir se poser avec délicatesse sur le corps d'Anna, afin de lui former une robe de feuilles aux coloris arc-en-ciel, très légère, qui lui sied à merveille et qu'elle se plaît à faire tournoyer sur elle-même pour montrer à tous sa petite tunique improvisée. Mais elle n'est pas la seule qui aura droit à un petit changement de costume. D'autres feuilles se détachent de la mêlée pour se diriger droit vers le violoniste du jour, afin de le vêtir de la même façon que son alliée, en recouvrant chaque parcelle de tissu qu'il porte par un habillement originale et feuillu le faisant ressembler au final à un gentleman des bois, alors qu'il jouait encore et il n'a même pas eu besoin de cesser son tempo pour cet interlude. Afin de ne jamais la quitter réellement même en pleine performance, Aloïs et Anna se sont convenus d'être constamment vêtus de la même manière afin de rester proches et de lui donner du courage tout au long du Concours. Ainsi, lui en prince de la forêt et elle en nymphe, gardienne de la nature, ils doivent affronter le monde marin de leurs opposants.

Si Vivaldi scintille de milles feux, c'est au tour de la Mistigrix de briller, de toutes les façons possibles. La luminosité des projecteurs se tamisent pour assombrir faiblement la pièce, laissant ressortir l'éclat du joyau du Staross et celui qui se dégage des feuilles psychiques. Ces dernières se rassemblent progressivement pour former quelques marches d'un escalier en suspension dans les airs. Un spot s'éclaire alors pour former un cercle lumineux autour de la Mistigrix, faisant resplendir sa robe féerique. Anna commence par descendre les premières marches créées, avant qu'elles ne se désintègrent une par une derrière leur créatrice pour en former de nouvelles à ses pattes, de telle sorte qu'elle continue son incursion, dans la splendeur de l'appareil qui la met en valeur. Puis, tout à coup, elle se met, véritablement cette fois, à chanter, accompagnant le blondin. De sa voix non dissimulée par ses attaques, et non déformée par celle de Vivaldi, elle la libère, sans surpasser toutefois celle de Mascarade, juste ce qu'il faut pour l'égaler au moins. Et elle chante, d'une voix angélique, au-delà de la voix humaine ordinaire. Elle descend ses marches magiques comme une véritable star et vient capter l'attention du public en le charmant.

Alors que les lumières se rallument, ses pas finissent par la conduire juste devant le Staross, et les feuilles de l'escalier s'éparpillent pour retomber au sol comme en automne, afin de recouvrir entièrement l'étendue d'eau et le transformer en tapis de feuilles quelque peu épaisse, sur lequel elle pose pied et s'arrête de chanter, ouvrant les paupières qu'elle maintenait closes, et souriant aux deux challengers, avec tendresse. Un sourire qui cache bien plus, peut-être quelque chose de louche ? Les feuilles en-dessous d'eux ne sont pas là par hasard, après tout.

- Dites-moi, Mascarade... Si jamais je venais à gagner...

Pour l'une des premières fois, le Prince se met à parler. Il ignore cependant s'il recevra une réponse, sachant que la coordinatrice n'a encore jamais prononcé un seul mot si ça ne concernait pas la chanson, ou du moins, il n'en a aucun souvenir si cela est déjà arrivé.
La cadence d'Aloïs ralentit peu à peu, jusqu'à n'être plus que piano. Un ange passe sans que rien ne se produise. Puis, le dénouement final pour ce tour. Quelques feuilles volent légèrement, comme portées avec liberté par un vent inexistant, vers Mascarade, avant que la Mistigrix ne se rapproche de Vivaldi. Enfin, les feuilles allongées au sol se redressent d'une traite et forment autour des deux Pokémons une sphère feuillue qui les emprisonnent dans une cage de verdure, ayant pris le soin de ne pas y inclure la dresseuse de l'étoile de mer.
Soudain, comme si cela ne suffisait pas, dans leur prison verdâtre, Anna fait apparaître les vortex qui s'était dissipés tout à l'heure pour relâcher le filament du Staross ainsi que ses notes de musiques dont l'explosion avait été arrêtée pendant un court voyage dans une dimension temporelle qui renvoie à présent les détonations jusqu'à eux afin qu'elles achèvent leur course.

- ... Me laisserez-vous voir votre visage ?

Ruban n°1

Aloïs F. Legrand

N'est-ce pas là ce que veulent les plus fervents admirateurs de la Coordinatrice : voir son visage ? La curiosité pourrait leur faire défaut, mais il doit bien y avoir une raison pour laquelle Mascarade doit son nom et le port de tous ces masques. Pourquoi également, par ailleurs, elle décide de garder le silence et de ne jamais parler hormis à travers ses chansons et sa musique qui communique pour elle ses émotions ? Ce n'est pas la première fois que quelqu'un se présente à lui de cette façon, cela dit. Un jour, il y a même un challenger qui s'était présenté à lui déguisé en Tuxedo Mask. Sur le coup, ça l'avait bien fait rire intérieurement, même si ce Compétiteur-là s'était révélé coriace malgré son accoutrement. Mais après tout, qui est Mr Prince pour juger de la tenue de ses concurrents alors qu'il est lui-même passé maître dans l'art de se costumer, que ce soit avec extravagance ou sobriété, quand bien même sa manager le trouve affreusement ridicule en tout point malgré ses sentiments à son égard. Le plus dur parfois est d'avouer que, malgré ses tendances grotesques, le Champion Coordinateur n'a pas volé sa place, car il a du talent, et c'est d'autant plus frustrant quand on le constate en même temps qu'on dévisage le personnage. Certes, il est aberrant, mais son titre n'est pas là par hasard, et ce n'est d'ailleurs pas tout le monde qui a eu la chance d'accueillir Monsieur Image en personne au sein de son Amphithéâtre, et c'est l'une des plus grandes fiertés d'Aloïs dans sa carrière, avec sa victoire triomphante sur Fraulein Cobra qui lui a valu de gagner en popularité.

Son objectif cette fois-ci n'est ni la réussite, ni en vérité la découverte du véritable visage de celle qui l'affronte aujourd'hui. Ce n'est pas par hasard s'il a envoyé Anna sur le terrain, mais même si elle est encore nouvelle dans son équipe d'Élite, il ne fait aucun doute qu'elle possède déjà un grand potentiel qui doit être exploité à sa juste mesure, car jusqu'ici, Aloïs pense que sa Mistigrix n'a jamais dû avoir une vraie coordination digne de ce nom avec son ancien dresseur.
Un des juges se plaint quelque peu de l'emprisonnement soudain qu'à engendré l'attaque de la femelle Psy et qui ne permet pas de discerner ce que la sphère feuillue contient à première vue ; les spectateurs ne savent ce qu'elle cache que parce qu'ils ont assisté à la scène précédente, quand Anna refermait sur elle cette prison végétale pour y retenir captif son adversaire. Le blond et la brune non plus ne voient guère plus que les autres, cependant cela ne dérange nullement la maître des lieux qui prévoit ce coup avec chacune de ses alliées et qui n'est donc pas tellement aveuglé. En effet, s'ils ont travaillées divers combinaisons, il suffit à Anna de contrôler quelques feuilles pour les détacher de sa sphère et ainsi d'indiquer subtilement à son dresseur la technique qu'elle a choisi en dessinant le nombre associé à la stratégie employée. Il semble néanmoins que Mascarade veuille en décider autrement et la voilà qui prend un nouvel air de rock'n roll avec sa keytar électrisante, un air que le Prince de Baguin connaît, étant donné qu'il s'agit d'un morceau plutôt connu.

On ignore ce qui se passe réellement à l'intérieur de la sphère colorée, mais on distingue des déformations venant de l'intérieur, tant et si bien que des trous commencent à se former et qu'on peut enfin voir ce qui se trame au niveau des deux Pokémons. En effet, Vivaldi a fait en sorte que sa dresseuse puisse toujours pouvoir le regarder. Les roulades du Staross contre la sphère le parent bientôt de feuilles à son tour, mais son uniforme de nature à lui est incomplet, comme déchiré ; quelques ouvertures dévoilent d'ailleurs sa peau violette ainsi que ses branches. Anna sent leur prison végétale se fragiliser de plus en plus, et peut-être espérait-elle que les explosions qu'elle déclencherait allaient arrêter l'étoile de mer dans sa course avant qu'il ne soit trop tard ; mais en vain. Si les vortex s'ouvrent bel et bien pour faire apparaître l'offensive de Vivaldi afin qu'elle se déclenche selon le bon vouloir de la féline, c'est encore au Pokémon aquatique qu'elle est fidèle, et obéit à l'ordre de ce dernier en se désagrégeant non pas directement contre lui mais à quelques centimètres seulement, détruisant ce qui reste de la sphère colorée de la Mistigrix. Celle-ci demeure surprise, et probablement légèrement déçue de ne pas avoir réussi à faire en sorte que sa performance fonctionne comme elle l'aurait souhaité ; non pas par désir de toucher l'adversaire, mais plutôt car elle croit que cette faille dans son projet nuira à son sentiment d'être prête et qualifiée pour faire partie d'une équipe de Champion Coordinateur. Elle qui tente de donner son maximum et de faire de son mieux est prise de court par cette révolte de la part de son opposant.

La femelle bicolore regarde ses feuilles tomber lentement à la surface de l'eau claire, avant de regarder l'onde se mouvoir pour les entourer et grandir d'un coup afin de former un cercle aqueux qui prend davantage d'ampleur et grossit en taille de telle sorte qu'il devient un véritable mur d'eau, tandis que le corps de Vivaldi brille d'une lueur étrange, mettant la chatte aux yeux jaunes sur ses gardes. Elle sursaute lorsqu'un rayon au vive éclat argenté s'échappe du Staross pour se diriger vers le ciel et commencer à une former une sorte de boule qui ne cesse de s'amplifier, alimentée par la lumière intense provenant du cristal rouge de son rival. Son regard ambré scrute avec curiosité la fumée qui s'échappe faiblement de Vivaldi, comme s'il brûlait. On pourrait le croire, en voyant ce qu'il est en train de créer, car on pourrait apparenter son œuvre à un soleil miroitant dont les jolis reflets se posent contre les chutes d'eau, éclairant par la même occasion l'Amphithéâtre par le biais d'un jeu de lumière rappelant les soirées disco des années soixante-dix, bien que Mascarade joue plutôt du rock à l'heure actuelle. Un petit rire échappe au cuisinier -qui a arrêté de jouer- en remarquant que la scène s'est transformée en boîte de nuit, lui donnant envie de danser. Mais il a déjà eu de nombreuses opportunités pour mettre ses talents de valseur en pratique et les montrer aux habitants de la nuit. Pour tous les spectateurs qui les admirent, c'est aujourd'hui à Anna de montrer qu'elle peut elle aussi mener la cadence, dès qu'elle en aura l'occasion ; et il compte bien l'y aider.

En attendant, c'est Vivaldi et sa dresseuse qui sont le centre de l'attention et pour cause, leur performance est jusque là la plus longue, car ils n'ont pas encore fini. Un halo magenta recouvre le Pokémon eau, tel un voile fin et délicat, qui se transforme en vapeur et monte, comme la fumée plus forte qui s'évapore du Staross, jusqu'au plafond pour le tapisser de vaguelettes psychiques envoûtantes. Toutes ces couleurs réfléchissent sur le costume de l'étoile, au cœur de rubis, qu'il a emprunté à celle qui lui fait face, et dont il se rapproche à présent par quelques pas de danse. Anna retient son souffle, mais essaye de ne pas se crisper, et de paraître la plus détendue et imperturbable possible. Vivaldi et Mascarade sont loin d'être des concurrents aux mauvaises attentions, bien au contraire, cependant cette combinaison-là a quelque chose d'assez impressionnant auquel la féline, nouvelle arrivante dans la team du Champion Coordinateur, n'avait jamais fait face. Celui-ci porte ses yeux océan rivés sur la sphère miroitante aux multiples chatoiements, devinant qu'elle finirait par disparaître tôt ou tard et que cela risquait d'être assez important.

Ses doutes se confirment d'autant plus quand le Staross saute dans le mur d'eau qu'il a fait apparaître afin de prendre de la hauteur et de monter rapidement jusqu'au niveau de la grosse sphère lumineuse qu'il a formé. Anna laisse échapper un hoquet, ayant presque peur pour Vivaldi, alors qu'elle observe le choc formé par l'impact entre ce dernier et la boule à facette créée de toutes pièces par ses soins. Dans un fracas grandiose qui suscite automatiquement l'admiration du public. L'intensité de l'explosion est telle que le blondin doit se protéger avec sa manche pour ne pas être totalement aveuglé. Il sursaute même lorsqu'il sent quelque chose le couper au niveau de son bras gauche avec lequel il se couvrait les yeux. Un fin morceau de l'explosion est venu trancher sa peau pour ensuite se briser sur au sol en de minuscules étincelles, comme celles des concerts lorsque sautent les projecteurs.
La pétarade provoque l'assaut sur la scène de quelques copeaux fins et éclatants, morceaux tranchants et hasardeux, qui tombent vers le terrain comme une pluie cassante et acérée. Anna les évite tant bien que mal et fait de son mieux afin de s'en échapper, non sans se prendre deux ou trois épines rutilantes qui ne se plantent pas à même sa fourrure mais la touchent en frôlant sa robe de feuilles. La femelle hoquette au moment où elle aperçoit que Vivaldi est lui-même en train de s'abattre sur elle, comme ces écharpes scintillantes, le corps de l'étoile de mer brillant sous les feux de sa performance. Il fonce droit sur elle comme un oiseau sur proie, et cela est d'autant plus véhément qu'elle se retrouve bientôt prise au piège sur tous les fronts à l'instant où la barrière imaginaire qui retenait le mur d'eau disparaît brutalement et que les chutes aquatiques viennent s'affaisser au centre de l'Amphithéâtre, là où se tient le Pokémon Élite.
Incertaine, la femelle Psy ne bouge plus, calculant les possibilités, aussi minces soient-elles, qui lui sont offertes. Son regard couleur or vient finalement se poser sur son dresseur, en quête sûrement d'un signe de lui. Calme et imperturbable, le Prince ne dit rien, observant Vivaldi, puis Anna. Ses yeux se plantent dans les siens, avant que le violon, qui se tient toujours immobile dans sa main, ne change de position lorsqu'il le place entre son épaule et son menton. Pas un sort n'en sort, peut-être se prépare-t-il pour plus tard, mais seulement un mot se forme dans la bouche du Champion Coordinateur, qu'il dirige vers sa Mistigrix. En seulement sept lettres, il espère qu'elle aura compris.

- Résiste.

Et c'est ce qu'elle compte faire : résister. Face à Vivaldi, ses éclats menaçants, et cette mer agitée qui est sur le point de s'abattre sur elle. Que lui reste-t-il, pour échapper à tout ça ? C'est ce que les spectateurs, en haleine, se demandent, certains priant pour qu'elle s'en sorte et que le Prince montre une fois de plus qu'il a plus d'un tour dans sa manche. Alors qu'on aurait pu croire le contraire venant de la petite nouvelle dans l'équipe, Anna est posée, et sereine. Sa tête se lève en direction du Staross dont la descente est de plus en plus fulgurante. Comment va-t-elle esquiver ça ? C'est simple, elle ne le fera pas.
Au lieu de faire un bond sur le côté qui l'aurait enlevé de la trajectoire de son opposant -mais qui l'aurait toujours exposé à l'autre risque venant des eaux tumultueuses-, la Mistigrix se propulse du sol avec ses pouvoirs psychiques pour venir à la rencontre de Vivaldi, une expression sérieuse au visage. Elle n'est pas folle. Ou peut-être est-ce à cause de sa folie qu'elle est sur le point de percuter l'autre. Pour le coup, le blondin lui-même se laisse surprendre par la femelle, un sourire aux lèvres. Son alliée sait ce qu'elle fait. Montant comme une fusée jusqu'à son adversaire, elle a pleinement confiance en elle-même, tout comme son partenaire qui sent néanmoins que la fin de tout ceci approche plus vite qu'il ne l'aurait pensé. À la vitesse à laquelle elle fait son ascension, elle ne prend pas la peine de faire attention aux éclats qui pourraient la blesser ; heureusement, aucun ne vient la perturber dans sa progression.

Enfin, lorsqu'elle n'est plus qu'à quelques centimètres du Staross, le temps semble ralentir brusquement. Juste devant Vivaldi, la Mistigrix tend ses pattes avant vers ce dernier. Puis, à la seconde même où celles-ci le touchent, l'image des deux Pokémons se déforme, et ils finissent par disparaître dans une spirale de couleurs alliant le bleu, le blanc, et le violet, tandis que le chaos sur le terrain se termine. Les vagues s'entrechoquent, se déferlent entre elles comme lors d'une tempête, les morceaux tranchants pouvant faire office d'éclairs, et l'explosion d'orage.
L'absence de la chatte et de l'étoile de mer ne dure que quelques secondes, durant lesquelles les spectateurs commencent à se poser des questions, même des inquiétudes. Mais à voir le Champion, il n'y a aucune raison de s'en faire. Son calme olympien arrive à détendre une partie des gradins, car même s'il est difficile en général de vraiment le déstabiliser, son expression présomptueuse dénonce une certaine assurance quant à ce qui va arriver pour la suite, alors que Mascarade a fini de jouer son solo à l'instant même où l'attaque de Vivaldi s'était achevée complètement, pour laisser sans doute leurs rivaux jouer leur propre musique, geste que Mr Prince apprécie et pour lequel il remercie la challenger, respectueuse de son art alors qu'il sait qu'il y en a d'autres qui ne se seraient pas gêné pour continuer leur morceau simplement pour le plaisir de jouer et de déconcentré le cuisinier.

Finalement, dans un silence religieux où le suspens a commencé à s'installer, une grande hélice fait son apparition au milieu de l'Amphithéâtre, entre le plafond et la terre ferme, tournant mécaniquement tels les vortex qu'Anna a invoqué tout à l'heure ; et pour cause, il s'agit de la même attaque, d'où en sortent justement les Pokémons de la Coordinatrice et du Champion. La féline a ses deux pattes posées sur l'étoile, et tous deux en surgissent doucement, la quiétude régnant désormais en eux. La spirale s'évanouit, laissant Anna et Vivaldi suspendus dans les airs par les pouvoirs de la Mistigrix. Lentement, elle se détache de lui, et c'est à ce moment-là que le Prince se remet à jouer. Un son paisible, presque nostalgique, qui contraste énormément avec le rock de la jeune femme. Guidée un peu par la magie de la femelle, la main du blondinet est venu poser l'archet sur l'instrument pour lui donner le signal de départ. En se concentrant sur les pensées de son amie qu'elle partage avec lui, le violoniste arrive à capter ses émotions et exécute des mouvements de vibrato, maintenant que son bras est libérée de l'emprise de la Mistigrix et qu'elle a toute foi en ses capacités d'accompagnateur pour ce qu'elle projette de faire.

Paisible et radieuse, la princesse Disney ferme les yeux sourit tendrement, avant de fermer les yeux, et d'arrêter de flotter pour se laisser tomber dans le vide. Le sourcil arqué du Champion se fronce, essayant de ne pas se montrer surpris ou anxieux en voyant sa partenaire plonger, comme un oiseau qui aurait été touché en plein cœur, tandis que le public retient son souffle. Cependant, la Mistigrix ne va pas se laisser s'écraser comme du gibier qu'on aurait pris pour cible. À seulement trois mètres du stade, elle ouvre les paupières et exécute une pirouette, avant qu'un long filament mauve ne s'échappe d'une de ses pattes et vienne atteindre le plafond pour s'y coller. Grâce à cette liane, Anna remonte de justesse jusqu'à la hauteur de l'autre. Tandis que la première liane, elle en forme d'autres qui lui permettent de rester toujours en suspension dans les airs et la remonter comme des élastiques, n'utilisant la télékinésie que pour faire maintenir Vivaldi. La musique douce du musicien l'escortant dans sa démarche monte progressivement en crescendo, mais continuellement avec cette élégance qui est une des caractéristiques du Prince. Avec sa robe de feuillage, Anna ressemble plus à Jane qu'à la sœur d'Elsa, mais cela ne fait que renforcer l'opposition marquée qu'il y a entre le type du Staross et les offensives de plantes que la chatte bicolore utilise pour contre-attaquer et utiliser les sorts du Pokémon Eau à son avantage.

Toujours en se servant de ses filaments violets qui dégagent une certaine luminosité, elle fait ainsi le tour de Vivaldi. Au fur et à mesure, on distingue que le costume troué du Staross est peu à peu 'recousu' à l'aide de feuilles que la Mistigrix détache de sa robe pour les coller au corps de l'étoile de mer. Ses allers et venues autour de lui est comme une sorte de jeu auquel s'amuse Anna telle une enfant, et elle en profite pour combler les lacunes dans le vêtement improvisé de celui qui l'oppose. Bientôt, l'ensemble de Vivaldi est refait correctement, les voilà tous deux habillés de manière similaire ; car c'est pour une raison un peu particulière que Anna a décidé de remettre en ordre l'habillement du Staross de telle sorte qu'ils soient semblables et qu'ils s'accordent ensemble.
Car à présent, la femelle blanche et bleue sent son esprit être libéré. Lorsqu'elle était en présence de son ancien dresseur, elle était comme prisonnière du moindre de ses ordres, quand bien même ceux-ci étaient contradictoires et pas réellement concordants les uns des autres ; et lorsqu'ils venaient à perdre, faute du manque de discernement et de jugeote de la part de l'humain, c'est sur elle qu'il rejetait leur défaite, sans jamais remettre en cause ses propres choix. Aujourd'hui, sous la tutelle de son nouveau dresseur, elle s'autorise à s'amuser, à faire marcher son imagination et sa créativité.

Une fois qu'elle a fini de retoucher le costume de son nouvel ami, la Mistigrix cesse de se balancer, et revient flotter juste devant le Staross. Dans sa main, elle garde une de ses branches de Choc Psy qu'elle manie à sa guise comme un fouet, avant de la lancer à travers tout l'Amphithéâtre de sorte à ce qu'elle soit allongée. Puis, le long fil aux vives couleurs violacées se scindent en quatre, avant de se tordre de façon arrondie et de descendre en colimaçon jusque sur le terrain, pareil à un escalier arrondi dont l'intensité lumineuse augmente légèrement, tandis que la lumières des projecteurs se tamisent progressivement, afin que Choc Psy ressorte davantage, ainsi que Vivaldi et Anna, dont les feuilles sur les vêtements de fortune reflètent à présent la lueur des bras psychiques de la féline.
D'une voix plus douce que tout à l'heure, mais pas moins émouvante, car elle vient du plus profond d'elle-même, la délicate femelle se met à chanter, son timbre résonnant contre les murs du stade, tandis que de nouvelles notes de musique s'échappent une fois de plus. Petites lorsqu'elles sortent au départ, elles prennent de l'ampleur au fur et à mesure, se mouvant en noire, croche, et double-croche, dans une jolie couleur arc-en-ciel. Tour à tour, les notes se couchent pour se retrouver à l'horizontal et se posent calmement sur les lignes formées par Choc Psy. Elles s'imprègnent contre les branches mauves aux variante de lilas, ne faisant plus qu'un avec elles.
La réaction se fait attendre quelques secondes, avant que les premiers spectateurs se rendent compte du résultat de la mise en scène, avant d'en devenir aussitôt charmés, ne s'étant peut-être pas attendus à cela. Des lignes et des notes de musique... Oui, il s'agit bel et bien d'une partition en taille grandeur nature créée par les soins particuliers d'Anna qui a mis tout son cœur dans cette réalisation. Une partition certes difforme, avec cette allure d'hélice descendante, mais qui représente ce Concours qui s'est fait par des échanges, non seulement entre dresseurs et Pokémons, mais également entre musiciens et artistes ; car la musique est une partie des deux Coordinateurs présents et que la belle chatte voulait rendre hommage aussi bien au talent du Prince que de Mascarade, quand bien même leurs styles aient été différents, voire carrément opposés.

La créatrice de cette œuvre brille autant que cette dernière, mais cela n'a rien à voir avec un quelconque attrait esthétique. Elle sourit, avec une émotion débordante. C'est sans doute la première fois de sa vie qu'elle participe à un Concours avec autant d'énergie et de passion, transportée elle-même dans un nouveau monde qu'elle pensait ne jamais atteindre autre part que dans ses rêves. Aujourd'hui, elle s'élève telle une étoile au sein de ce duel de Coordination avec un rôle qu'elle sent important. Pour elle, pour ces gens venus les voir, et pour le Champion, ce Prince qui a su l'accueillir avec générosité et bienveillance, plaçant en elle une confiance déjà aveugle alors qu'elle n'est dans son équipe que depuis récemment. Fière d'être considérée en tant qu'être vivant et non en tant qu'outil servant juste à remporter la victoire, elle ressent un bonheur jusque là inconnue qui la ravie et qu'elle veut faire partager autour d'elle.
Si les regards des Mistigrix femelles ont tendance à refléter la neutralité, c'est un air enfantin qui peut se lire dans les yeux ambrés de la chatte à cet instant ; et comme une enfant, elle va profiter de sa liberté, de sa joie retrouvée. En riant, elle prend l'une des branches du Staross dans sa patte avant droite pour l'entraîner dans un saut lorsqu'elle commence à exécuter un premier rebond. Sa combinaison n'a pas vraiment pour but de la mettre en valeur, mais elle désirait surtout inclure Vivaldi dans sa performance, même s'il ne fait qu'être guidée par la chatte bicolore qui ne le lâche pas d'une semelle. Leur saut les amène sur une des notes aplaties ; mais à l'instant même où ils se posent sur ladite note, celle-ci se met à s'illuminer, en bougeant très faiblement, comme une plate-forme, et à émettre un son en rapport avec la place qu'elle occupe au sein de la partition.

C'est également à cet instant que Mister Prince fait glisser son archet sur ses cordes avec davantage d'intensité et d'accentuation. Il semble appartenir à un autre monde, car on peut clairement voir à quel point il est concentré, exécutant d'ailleurs quelques mouvements légers, comme des tours sur lui-même, ou s'accroupissant quand l'intonation devient plus forte pour remonter l'instant d'après afin de marquer un crescendo, réglant parfois ses octaves selon la musique que produisent Anna et Vivaldi lorsqu'ils font leurs soubresauts sur les différentes notes de la portée. La Mistigrix s'autorise même, lorsqu'elle rebondit entre deux notes et qu'elle se trouve dans les airs, à faire tournoyer le Staross avec elle comme s'ils dansaient, ayant trouvé en l'étoile de mer un cavalier inattendu mais honorable avec qui elle se plait de valser. Peu à peu, alors qu'ils font leurs cabrioles sur les plates-formes musicales de la partition magique, ils descendent en même temps, tel un véritable escalier en colimaçon arrangé et interactif avec la particularité de produire une mélodie fascinante et poétique qui invitait au rêve et à la fantaisie. Cette magie, elle espère que Mascarade et son allié la ressentent aussi.
Avec regret, Anna rebondit une dernière fois avant de sentir le sol dur contre ses coussinets. Les revoilà sur le terrain. Elle ne lâche pas la branche de Vivaldi pour autant. Elle ne veut plus qu'ils s'affrontent, mais qu'ils profitent du dernier instant de ce Concours ensemble, patte dans la branche ; car le clou du spectacle arrive enfin. La partition en hélice voit ses lignes violettes disparaître, ce qui amène les notes de musique à se décomposer en notes plus petites qui retombent à terre avec lenteur, semblable à des flocons de neige. Les yeux jaunes de la femelle se lèvent vers son attaque qui retombe, non destructrice, et avec pour seul objectif de finir cette performance avec brio en espérant avoir réussi à créer une ambiance paisible. Lorsque toutes les notes s'effondrent sur l'arène, elles éclatent comme des bulles de savon, laissant derrière quelques traînées pailletées. Le violoniste, quant à lui, a fermé les yeux et achève son morceau en mezzo piano, clôturant enfin leur final. Il sourit à son tour, et, avec discrétion, il retient une larme qui manque de lui échapper. Se hissant officiellement comme une membre à part entière de sa team Élite, Il n'aurait pas pu être plus fier de sa protégée.