Sujet: Le Héros ↻ OS d'évolution Jeu 15 Aoû 2013 - 19:59
Le Héros
« J’imagine souvent ma vie d’une autre façon, une façon rebelle et sans pitié, où le droit de vie, de décision et de mort m’appartient comme il appartient à d’autres de nettoyer les toilettes dans lesquels nous nous soulageons. C’est une habitude, stupide et courante qui a peu à peu révolutionner ma vie. Car du rêve à la réalité, il n’y a qu’un pas. Je vous parlerais parfois d’un avenir proche dont vous ne mesurez même pas les proportions. Ma voix doucereuse et mes yeux brillants d’une lumière anormale ne vous persuaderont pas. Vous écouterez comme les imbéciles spectateurs que vous êtes, jusqu’à ce que vos oreilles soient repues et votre nombril frustré. Il n’y qu’une poignée de personnages éclairés qui percevront que les mots ne sont pas que des babioles inutiles que j’entasse. Ceux-là je leur laisse le droit d’admirer la fin. La fin, je la voix souvent. Quand d’une main, d’une seule, j’attraperais la paume ouverte du pouvoir. Quand enfin j’embraserais la domination. Vous serez seuls et perdus, condamnés et mauvais, vous serez mes sbires ou les cadavres qui joncheront mon chemin. »
Mémoires d’une conquérante anonyme.
Elise posa son index sur la page qui abritait le précieux paragraphe. Le papier jaunis et l’écriture fine et manuelle à l’encre verte rendait l’écrit somptueux. Elise en était retournée, comme certains restent pantois devant l’œuvre d’un artiste de renommé ou d’autres devant le spectacle de la nature. Cette poignée de phrases jetées sur les vieilles feuilles avaient quelques choses de… Vivant. Cette femme vivait encore, son esprit se terrait dans les lettres penchées et son cœur mis à nu. La lectrice ferma les yeux. Elle sentit sous son dos l’écorce humide du saule qu’elle avait choisi pour passer la nuit, priant les cieux pour éviter qu’une pluie torrentielle ne la surprenne. Son sac était tout ce qu’elle avait trouvé pour ne pas poser ses fesses sur l’herbe gorgée d’eau des lieux. Elle avait atteint la région humide peu de temps après la capture de Corleone et Elfiatis. Sa détermination et sa soif avait eu raison de sa fatigue. Eli avait plongé sa tête dans une rivière dès que le cours d’eau avait été à portée. Maintenant que le soleil tombait et qu’elle devait avec regret ranger les mémoires de ses modèles, la brune regrettait de s’être mouillée les cheveux. On aurait pu croire l’inverse, mais les nuits d’ici étaient fraîches. Ses lèvres avaient d’ailleurs un peu bleuis et elle foutait de trouver le sommeil avec la brise qui soufflait à intervalles réguliers, la faisant frissonner. Elle doutait de trouver le sommeil cette nuit-là, tant pis elle regarderait les étoiles. Son père aimait bien lui citer les constellations quand elle était plus jeune, avec un peu de chance elle arriverait à en reconnaître quelques-unes.
C’est vrai que le ciel était idéal, dépourvue de nuage, lumineux. Qui sait, peut qu’une étoile filante viendrait illuminer sa nuit. Ses paupières étaient lourdes et ses jambes encore plus, même le contact de ses habits boueux et en lambeaux avaient finis par l’indifférer. Pourtant chaque fois qu’une douce torpeur s’emparait doucement d’elle, le vent, sec et frais, la réveiller en sursaut. De guerre lasse, Elise observait l’horizon crème et rose avec le soleil qui se déversait dans l’océan au loin. C’était un beau spectacle. Les minutes passèrent, puis les heures. Enfin, les cieux furent semblables à une mer sombre mouchetée de lumières blanches. Eli découvrit avec plaisir que les noms lui revenaient vite, le fait que son père avait longtemps était un passionné aussi. Malgré le tronc noueux du saule qui s’imprimait peu à peu dans son dos et le claquement de dents naissant, la demoiselle tentait en vain de se distraire grâce au spectacle des territoires préservés d’Enola. Pour une raison qui échappait même à la brune, elle avait laissé ses pokémons biens à l’abri dans leur pokéball. De toutes manières, Leborgne n’était pas en état de monter la garde et Ele aurait probablement trouvé le moyen d’empirer la situation. Elise leva les yeux au ciel en pensant à cela. A nouveau la brise hérissa ses bras et la fit frémir, la jeune femme se tassa contre son arbre cherchant en vain une position confortable. L’aube finirait bien par briser cette nuit d’horreur.
Un bruit sourd, une des deux rapides balls qui tombait de sa ceinture et un éclair rouge qui en jaillissait. Eli s’agrippa à l’arbre dont ses bras faisaient à peine le tour, le cœur battant comme si un meurtrier venait d’apparaître. Elle mit un certain à comprendre que la silhouette qui venait de se libérer de l’emprise de la sphère n’était pas celle d’un ennemi, mais d’un allié. Dans l’obscurité de la nuit, bien que ses yeux se soient habitués au noir, la brune avait du mal à deviner de qui il s’agissait. Hésitante, elle tendit la main. Elle sentit la peau rugueuse et épaisse du crâne, du bout des doigts, elle effleura les piques et les cornes du pokémon. La Pampelune l’avait reconnue, elle savourait juste l’intimité de cette nuit pour mieux le connaître. Son corps était bouillant de vie et ses yeux qui brillaient dans le noir transpiraient l’intelligence. Corleone ne tentait pas de la brusquée, au contraire, son attitude était celle d’un animal prudent et réservé. Sans être méfiant, le pokémon était respectueux. Au contraire de Leborgne qui était un pot de colle vivant, lui ne cherchait pas à forcer sa maîtresse à l’aimer. Pourtant c’est lui qui était venu alors qu’elle s’enfonçait dans une dangereuse hypothermie. Eli se sentit animé d’une vive reconnaissance, un sentiment qu’elle n’avait pas l’habitude de ressentir. Elle se mordilla les lèvres, ravala sa salive, chercha les bons mots et finit par plonger son regard dans celui du jeune animal. Même là, alors qu’on y voyait qu’à moitié, Elise capta sa force. Une force encore jeune, mais teintée de cette noblesse si rare chez les monstres de poches de cette envergure. Prise d’une pulsion, elle bégaya :
« Corleone. M…merci. »
Ce fut un déclic. Ce mot aurait pu être une formule magique que les choses n’auraient pas été différentes. La silhouette du jeune gardien s’illumina. Une lumière blanche, violente et cassante qui brûla les yeux de la dresseuse et révéla le paysage. L’herbe aux reflets bleus et la délicieuse rivière qui d’écoulait presque sans bruit à une centaine de mètres. Eli sentit son cœur se remettre à battre trop vite. Elle ne savait pas ce qu’il se passait et cela l’effrayait. Corleone souffrait-il d’un mal auquel elle aurait été aveugle ? Se pouvait-il qu’elle soit une si piètre maîtresse qu’il soit littéralement en train d’exploser sous ses yeux ? Perdue et encline à une certaine faiblesse, la brune se posait des questions douloureuses et stupides. Quand la silhouette de lumière se mit à changer de forme, Eli observa bouche bée. La forme gagna en taille et en largeur, des pattes plus grosses et plus ancrées dans le sol, des pics aux toxines peut-être plus dangereuses, la jeune héritière observait fascinée. Enfin les changements cessèrent de s’opérer et l’intensité de la lumière diminua peu à peu. Elise peinait à accepter ce qui venait de se passer comme une évolution, la jeune créature qui lui avait proposé son réconfort venait de se transformer en guerrier imposant et inébranlable. Ses griffes avaient poussé, elle était devenus des armes redoutables, son expression était plus menaçant qu’avant, son regard plus ferme et exigeant. Elise reconnu un nidorino, timidement elle s’approcha de lui et caressa sa peau encore plus épaisse et dur qu’avant avec ses petites taches sombres uniques, écouta sa respiration de titan. L’animal était chaud, son contact libérait Elise de l’étreinte glaciale de la nuit. Doucement elle murmura à son oreille :
« Corleone ? C’est toi ? »
Le pokémon lui répondit par un coup de museau attentif et se coucha doucement au sol. Eli prit cela comme une invitation et un sourire puéril dessinait sur son visage, elle se blottit tout contre lui. Les battements cœurs réguliers de l’animal la berçait, son odeur boisé et sauvage lui rappelait la campagne de l’Italie, un agréable sentiment de sécurité l’enveloppait petit à petit. Alors qu’elle sombrait dans un sommeil sans rêve, Elise laissa flottait dans l’air une poignée de mots :