Rien n'est simple, dans la Vie. Cela faisait six ans que j'avais réellement découvert le sens de cette phrase, même si elle me suivait en réalité depuis toujours. Je pensais en avoir saisi le sens pleinement, depuis ce jour de juillet 2008 où tout avait basculé.. Mais la Vie ne cessait de me détromper, de me prouver que ce n'en était pas terminé, qu'elle pouvait continuer de me tourmenter. D'abord il y avait eu la perte de ma chère Angie, ma jumelle malgré les quelques mois séparant nos naissances, cette fameuse journée d'été qui avait été le théâtre du coup d'état.. Oh, Arceus était témoin que je ne m'étais jamais vraiment remise de son décès survenu bien trop tôt, plusieurs longues décennies trop tôt. J'avais fait un deuil relatif, j'avais appris à avancer, grâce à mes sœurs restantes, à ma fille aînée & à mon amoureux.. Mais je ne m'étais pas remise vraiment, elle me hantait toujours. Puis il y avait eu, en ce lieu même où je revenais souvent me recueillir encore, dans ce qui allaient devenir les Ruines de Baguin, la séparation pour le moins brutale avec Damien ; une bataille, la première de la longue listes de celles qui allaient avoir lieu dans la ville du Nord, l'avait arraché violemment à la Liberté, l'enfermant pour cinq ans dans une prison. Cinq ans de tourments & de douleurs, de recherches & de désespoir, cinq ans auxquels je n'aurai pas survécu sans le poids de la vengeance qui m'avait poussée à devenir Soledad ce jour-là, à monter un mouvement de Résistance pour combattre les oppresseurs.. & surtout, sans ma fille, notre fille, la petite Crystal ; apprendre son existence après cela avait été la seule véritable chose m'ayant tenue en vie après la mort de ma jumelle & la disparition de l'homme que j'aimais.. La perte de mes deux piliers en somme, mes deux raisons de vivre, il m'avait fallu l'apparition de ce petit être en mois pour me donner une autre raison de tenir le coup.

Après avoir retrouvé Damien en octobre dernier, après notre mariage & la naissance de Céleste, que nous ayons commencé à vivre de nouveau, tous les deux, à avancer, ensemble.. On aurait pu croire que les choses iraient enfin un peu mieux, hein? Que malgré cette guerre maudite, ces désastres, ces batailles douloureuses & dévastatrices que nous menions tous deux, nous inquiétant sans cesse l'un pour l'autre & pour notre famille.. Le ciel pourrait enfin être un peu plus clair, n'est-ce pas? Mais rien n'était simple. & la Vie, qui s'était toujours jouée de moi, n'était pas encore lassée de me tourmenter. Plus que de craindre chaque jour, chaque seconde, que l'un de mes proches disparaisse encore.. J'avais cette fois une raison bien plus tangible que les douloureuses probabilités d'une guerre ou de la découverte d'une de nos identités. J'avais une échéance probable, un danger présent, rôdant sous la fine couche de glace. Il portait un nom en c, synonyme de malheur & de souffrance, & il était bien plus difficile de l'éviter. Il ne suffisait pas de se déguiser pour diminuer drastiquement les risques. Comme la guerre, c'était un combat de tous les jours.. Mais pour lequel les armes étaient inutiles. Trébuchant, je me retins à un mur en ruines, alors que Louna venait aussitôt me soutenir, m'aider à m'asseoir sur ledit mur à moitié effondré, avant de s'installer à mes côtés, une patte douce posée sur l'épaule que Riad n'occupait pas déjà tandis que Triss & Ryan montaient la garde, l'une dressée fièrement près de moi telle une garde du corps & l'autre planant en cercles au-dessus de nous. Lentement, je plongeais mon visage dans mes mains avec un profond soupir, mes coudes appuyés sur mes cuisses. Une larme solitaire glissa sur ma joue.

Je n'avais versé que peu de larmes, depuis que j'avais appris la nouvelle. Je faisais front, comme toujours, droite & forte comme le chêne auquel le principal intéressé m'avait si souvent comparée. Je n'avais rien laissé paraître devant lui en tout cas, ne cédant au trop-plein d'émotions douloureuses & oppressantes qu'une fois rentrée à la Pension de mon époux ; ça avait été, jusqu'à ce jour du moins, la seule fois où j'en avais pleuré. Pourtant rien qu'y penser me déchirait le cœur d'une souffrance que je ne connaissais que trop bien. Maxwell, mon frère, mon grand frère, était malade. Sa vie était en danger, véritablement en danger. Si le traitement ne fonctionnait pas.. Je perdrai encore un membre de ma fratrie. Encore! Encore une fois, cette souffrance insupportable que j'avais déjà connue par deux fois ; de manière heureusement réversible la deuxième, puisque Tristan vivait & était revenue. Encore, je risquais de perdre un membre de ma famille, un frère. & Arceus soit témoin que j'ignorais bien comment j'allais m'en remettre, si le pire devait arriver. Maxwell avait un cancer. Formuler cette pensée dans mon esprit fut suffisant à m'arracher un sanglot silencieux, à faire glisser une seconde larme. La patte de Louna pressa plus fort mon épaule, alors que Riad venait presser son museau contre ma joue. Ils comprenaient, évidemment, ils comprenaient parfaitement combien j'avais peur, combien j'étais tourmentée en secret. Ils savaient tous deux, comme Ryan là-haut, comme Cathy, comme Triss, comme Galia, Many & même Rony.. Combien l'idée de perdre un frère m'était insupportable, douloureuse. Terrifiante.

Je sursautais presque, en entendant un son discret mais trop proche & inattendu à une heure si tardive, en entendant ma chère Tranchodon gronder bassement, bien plus agressive ainsi que si elle avait poussé un cri de guerre. Un puissant battement d'ailes derrière moi acheva de m'alerte &, redevenant aussitôt le Chêne en lequel mon frère de cœur croyait tant, je relevais la tête, essuyant ces deux larmes solitaires d'un vif revers de manche. Danger, danger, voilà ce que me hurlait l'attitude de mes deux protecteurs s'étant soudain rapprochés. & quelque chose dans l'air avait changé, depuis que m'avait pris cet instant de faiblesse. Alerte désormais, je percevais aussi ce changement d'atmosphère. Fut-ce une surprise d'entendre cette voix maudite, ce ton mielleux sonnant mille fois faux-semblant & hypocrisie? A moitié seulement. J'avais capté le danger, je l'anticipais déjà, ma main s'était même glissée au pseudo étui à portable qui dissimulait en réalité à revolver. Je ne m'attendais juste pas à ce que ce soit.. Celui-ci. Ou peut-être un peu. & puis peu importait mon degré d'anticipation, au final.

Sitôt cette voix à l'accent allemand parvenue à mes oreilles, j'en trouvais le possesseur, sur lequel je dardais un regard brûlant de rage & de haine. Alexander Nagel. De ces tourments qui m'oppressaient depuis six ans, ceux liés au Régime, il n'était pas étranger. Il en avait causé un certain nombre. Il était l'origine d'une grande partie des cicatrices de mon époux, l'origine de celles de mon apprenti, l'origine du suicide d'un ami cher, & surtout.. Il avait osé toucher ma fille, l'arracher à moi, lever la main sur elle. Cela, allié aux traumatismes de mon mari particulièrement, suffisait à me mettre dans une rage noire. Les plaies de mon élève, la mort de mon ami, ne faisaient au final que renforcer une haine déjà bien ancrée depuis longtemps. Je serrais le poing lorsqu'il continuait, insolent, évoquant justement les deux personnes qui comptaient le plus pour moi & qu'il avait osé toucher de ses sales pattes. Un grondement sourd échappa à Triss, première à réagir, miroir de la haine qui me brûlait & brûlait aussi sûrement les trois autres de mes pokémons présents. Un sourire mauvais s'étira sur mon visage.

- Étrangement, bien mieux depuis que tu n'apparais plus nulle part au tableau, Nagel.

Mépris évident. Insolence. Car j'en étais capable, moi aussi. J'en avais toujours été aussi capable que mon époux, que notre fille. Comme cette dernière, je le montrais moins souvent, voilà tout. Moins souvent encore qu'elle d'ailleurs, à y réfléchir. Mais j'en étais capable, largement. La même rage brûlait en moi, la même haine. La même liberté m'habitait. J'étais toute aussi capable que Damien de passer du mauvais côté de la frêle limite avec mon côté sombre ; ce dernier était juste bien moins apparent. Mais tout aussi présent & dangereux, pouvant me submerger si je cessais de le retenir. Il n'avait juste pas été aussi mis en avant par mon passé, les premières années de ma vie ayant été bien moins solitaires & pesantes que les siennes, mes tortures ayant été différentes aussi. Mais ce.. Ce monstre qui se dressait devant moi, avec une écœurante assurance comme s'il se pensait déjà vainqueur, était bien celui pouvant renverser mon habituel calme, mon habituelle mesure, qu'il m'était difficile de contenir alors que je l'avais enfin face à moi, alors que j'espérais mettre fin à ses délires depuis bien longtemps. J'avais la haine. Littéralement.

- Je suppose que je ne te surprendrai pas en t'affirmant que eux ne s'inquiète en rien de ton devenir.

Sarcasme, transpirant dans chacun de ces mots. Défi, presque condescendance. Pauvre petite chose, "désespéré" d'avoir perdu ma fille & mon mari.. Rage, haine & insolence. Littéralement. Qui croyait-il impressionner, ce petit soldat de pacotille? Il serait temps qu'il descende de son piédestal ; je n'avais pas peur de lui, pas le moins du monde. & quand bien même j'aurais pensé ma vie en danger, j'avais bien assez de colère & de rancœur à son égard pour ne pas m'en inquiéter. Mes raisons de vouloir sa mort dépassaient de loin toutes ses petites frustrations d'enfant gâté qui aurait perdu son jouet.

Ridicule & écœurant. Se croyait-il réellement si bien arrivé, si à l'aise, qu'il se permettait encore de jouer de la pire des provocations, continuant de mêler ma fille & mon mari à son jeu néfaste? Mon poing déjà serré se crispa au point que les jointures en blanchissent, mais je restais sans réaction, bouillonnant juste de l'intérieur. Du calme, ne pas basculer. Si Mina avait pu affronter sa génitrice sans virer folle, je pouvais bien rétamer ce petit con sans virer du mauvais côté de la barrière. Du calme. & il continuait, visiblement inconscient du fait que j'étais moi aussi capable de déraper, il s'était même rapproché comme s'il se pensait à l'abri de mes réactions ou de celles de mes pokémons. Était-il à ce point naïf d'imaginer avoir toutes ses chances alors qu'il avait renversé ma vie, tourmenté trop de mes proches, alors que ma haine était si puissante qu'elle en devenait presque matérielle? Était-il à ce point stupide & arrogant de penser pouvoir, avec tout ceci, pouvoir en rajouter encore & remuer sans cesse le couteau dans la plaie pour s'en sortir indemne ensuite? Ce n'était pas juste un orgueil mis à mal qui me motivait, contrairement à lui. & son assurance commençait sévèrement à m'échauffer, en plus du fait qu'il ne cessait décidément pas d'en rajouter concernant Crystal & Damien. Pourtant, ce ne fut pas une expression de rage qui m'échappa, mais un sourire mauvais. Pourtant je ne grondais pas à l'instar de ma Tranchodon, je lâchais un bref rire glacial. Car non, Crystal ne craignait pas le noir, elle ne tremblait pas de retourner dans cette cellule ; pauvre lui, elle s'était parfaitement remise de ces douze heures en prison car elle y avait enfin connu son père, car elle était forte & n'avait rien subi de dégradant qui ait pu la marquer. Car non, Damien ne tremblait pas à l'idée de l'affronter, même qu'il l'aurait probablement déjà traqué & achevé s'il n'y avait eu notre famille ; ainsi que je l'aurai moi-même déjà fait s'il n'y avait eu Céleste.

Mais je pense que cette chose ne méritant même pas le titre d'homme ne capta aucune de ces deux réactions. Son ton perdit juste tout son mielleux soudain, alors qu'enfin il changeait de sujet ; mais ce n'était pas qu'il avait enfin mesuré à quel point il ajoutait à ma rage & mes envies de le tuer, sans doute. Trop perdu dans ses délires & sa folle assurance pour le réaliser. Non, il s'y croyait juste tellement qu'il pensait pouvoir me faire avouer ce secret que je gardais farouchement depuis près de six ans, depuis l'avènement de la Résistance.. & cela, juste par quelques mots & une attitude menaçante? Cette fois ce fut un rire plus franc, plus audible & plus clair qui m'échappa. Plus glacial encore. J'étais préparée, entraînée, à ne jamais livrer d'informations. Même la torture ne saurait me faire parler, même les pires tortures! Je savais trop bien ce que je risquais. Je savais trop bien ce que parler me ferait perdre. Je savais trop bien que ma famille en paierait aussitôt le prix. Ne comprenait-il pas que la famille & l'amour étaient les forces les plus puissantes & inépuisables en ce monde? Puisque je me battais pour eux, rien ne saurait me faire cracher le moindre mot, car ce serait renoncer à tout ce que j'avais toujours défendu. Se croyait-il à ce point impressionnant de pouvoir me faire avouer mon allégeance, mon nom? Je me cachais derrière toutes les identités qu'il fallait pour pouvoir vivre, vivre libre, protéger les miens! Pensait-il que face à cela, un ton pauvrement menaçant suffirait à me faire craquer? Pauvre petit stupide, naïf. Monstre idiot. Le rire avait été bref, quelques secondes à peine. Désormais je souriais, un sourire sarcastique parfaitement accordé au ton doucereux & ironique que je lui offrais.

- Oh, mais dans les jupes de ma mère voyons, n'est-ce point évident?

Tu ne me fais pas peur, salaud, si tu penses pouvoir m'impressionner il faudra faire mieux. Je n'en avais pas fini de l'insolence, je ne comptais rien lâcher. Je savais Louna miroir de toutes mes expressions, je captais de sa part un léger rire froid ponctuant mes paroles. Nous étions presque nonchalantes toutes deux, assises sur ce mur en ruines sans avoir même pris la peine de descendre face à ce monstre qui pensait pouvoir nous faire trembler, nous faire parler. Derrière nous, Ryan peinait à contenir sa rage, mais il attendait un signe de ma part pour la laisser éclater ; & il en était autant de la puissante Tranchodon à mes côtés. Riad sur mon épaule n'était pas en reste, arborant le plus beau regard sarcastique possible, un regard froidement moqueur.

- Véritablement navrée de n'avoir pas meilleure réponse à t'offrir. Ce doit être terriblement décevant, j'imagine.

Hautaine aussi, je pouvais l'être, tout comme la belle Lockpin qui se redressa le menton avec un fin sourire moqueur sur ces dernière paroles. C'était plus rare encore que l'insolence, mais en certains cas cela pouvait m'arriver ; pour rabattre plus bas que terre un sale con dans son genre, par exemple. Hautaine, je l'étais par cet air condescendant que j'adoptais pour appuyer cette phrase dotée d'excuses dont je ne pensais évidemment pas un mot, & insolente je continuais de l'être en le défiant & en répondant sans m'impressionner un seul instant de ses menaces. Les sarcasmes doucereux ne quittaient pas mon ton, signes d'une maîtrise de moi encore bien ancrée malgré ses provocations.

- Je vais peut-être te surprendre, mais figure-toi qu'on ne peut pas tout avoir, dans la vie.

Des provocations que je parvenais même à lui retourner, dégoulinantes du mépris qu'il m'inspirait, du néant d'estime que j'avais à son égard. Oui, il pouvait bien s'accrocher s'il s'imaginait pouvoir m'inspirer assez de crainte pour faire varier mon discours, pour me faire lâcher un seul mot.

En fait, ce type était juste un foutu kamikaze, voilà, avec l'instinct de survie d'une pierre ; & encore. Cela expliquait tout, en même temps. Sa propension impressionnante à me provoquer en attisant ma haine comme dans le seul but de se faire flinguer le plus vite possible, rappelant ce qu'il avait fait à Damien & qu'il avait déjà osé poser le doigt sur notre fille, remuant le couteau dans la plaie à n'en plus finir. Cela ne lui ayant visiblement pas suffit, il en était désormais venu à insulter ma mère de la pire manière qui soit, & garder ma maîtrise commençait à devenir foutrement difficile. Je me foutais de ce qu'il pouvait dire de moi, des injures & noms d'oiseau qu'il pouvait me coller, mais s'en prendre ainsi à ma famille! Je serrais encore le poing, plus fort encore, à m'en éclater littéralement les jointures désormais, purement rageuse. Terriblement tentée par l'idée de le lui envoyer dans la figure avec élan, de lui faire ravaler ses paroles rudement ; peut-être que cela saurait faire taire quelques instants le flot d'insanités s'écoulant de sa bouche comme d'une cascade infâme. C'en serait presque risible, s'il n'était pas en train d'impliquer & injurier mes proches au passage.

Croyait-il qu'avoir sorti son couteau suffirait à me faire changer d'attitude, à me faire reculer ou revenir sur mes mots, à m'impressionner cette fois? Une expression narquoise s'esquissa sur mon visage comme seule réaction, avant de se figer quand il continua à déblatérer ses foutues inepties. L'histoire de ce couteau, qu'il exhibait comme un trophée.. Oh je savais bien que ce monstre avait touché à Samaël & à son père. Mais s'en vanter devant moi.. Abruti, il aggravait son cas chaque seconde un peu plus, il rajoutait encore & encore de l'huile sur le feu déjà brûlant de ma rage & de ma haine. Il allait finir par réussir à me faire exploser ; il n'en était déjà pas loin. Le monstre claqua des doigts, & ses alliés se mirent en mouvement ; les miens n'eurent besoin d'aucune indication. Vif, Ryan s'élança sur le Scalproie bec en avant, lui adressant une attaque Tunnelier, alors que Triss s'élançait vers le Kabutops pour le frapper d'une fulgurante Hydroqueue, qu'elle agrémenta aussitôt d'un Dracousouffle implacable. On massacre, pas de survivants..? Déjà faudrait-il jeter mes alliés à terre, pour cela. & ce n'était pas gagné. Imbécile trop sûr de sa "suprématie".

Ridicule une fois encore, alors qu'il venait de manquer de peu de s'écrouler dans la boue en beuglant ses ordres & s'élançant vers moi couteau en avant. Manqué? Un rictus moqueur prit place sur mon visage, alors que je quittais enfin mon perchoir sur le mur en ruines, je m'élançais en slalomant entre les deux duos de pokémons, mon Rattata sur l'épaule & ma Lockpin sur les talons. S'étant rétabli tant bien que mal, il s'agitait comme pour tenter de me localiser, une arme à feu dans la main qui ne tenait pas le couteau.. Inutile, trop tard, j'étais devenue ombre, vive & sournoise. Ainsi, je profitais de l'occasion immédiatement, sans perdre un instant. Trouvant sa gorge sitôt arrivée assez près de lui, je profitais de mon élan & de la rage bouillonnante pour le plaquer à terre, à même la boue. Mes doigts serrés sur son cou, je complétais rapidement ma posture en posant un genou sur sa poitrine, le bloquant à terre pour de bon, & le pied de mon autre jambe sur le poignet de sa main tenant le couteau afin de l'obliger à le lâcher ou au moins l'empêcher de s'en servir. Riad, se postant sur son autre bras, ne manqua pas de mordre avec force sa main pour lui faire lâcher le pistolet, que Louna repoussa d'un coup de pied avant de se poster debout près de moi pour surveiller la scene dans son entier ; ils se tenaient tous deux à me soutenir, sachant tous deux que je n'accepterai d'eux que d'assurer mes arrières. Il m'était inhabituel de penser ainsi, mais Nagel était ma proie, & cela faisait longtemps que cela était acté. J'avais trop de choses après lui pour qu'il en soit autrement.

- Samaël est mon élève. Ikaël était mon ami. Vas-y, imbécile suicidaire, continue de rappeler toutes les raisons que j'ai de souhaiter ta mort, je n'ai pas encore assez de rancoeur à ton égard.

Sifflement acide, venimeux. Haineux & agressif, alors que j'affermissais ma prise sur sa gorge, un rictus mauvais au visage ; avait-il au moins réalisé que je tenais sa vie entre mes doigts, avait-il enfin compris qu'il n'avait aucune chance dès le départ? Réalisait-il enfin qu'avec toutes les rancœurs que j'avais contre lui, il était improbable que ma motivation à vaincre soit même égale à la sienne? J'étais déterminée à vaincre, à le rouler dans la boue, ha, qu'il se détrompe vite s'il croyait encore que j'avais la moindre considération pour sa misérable vie.. Comprenait-il enfin que j'étais pleinement capable de le tuer? Ca y est, pauvre con, tu as réussi à éveiller vraiment ma colère. Je te souhaite de faire profil bas désormais, ma patience a des limites, & cela fait déjà un moment que tu les piétines allègrement.

- Il serait temps que tu atterrisses, petit naïf, que tu cesses de surestimer tes soi-disant immenses capacités.. Tu es loin d'être invincible. Tu n'es pas intouchable. Tu n'es bon qu'à rouler dans la boue, tel l'immonde vermisseau que tu es..

Toujours ce même sourire mauvais & presque sadique, ce même regard glacial brûlant de haine, soufflant des mots venimeux & sournois. Stupide qu'il était, à m'avoir provoquée jusqu'à envoyer valser ma maîtrise, il se trouvait maintenant en bien mauvaise posture, où je pouvais disposer de sa vie en un instant si l'envie m'en prenait.. J'avais déjà eu des remords à tuer, mais prendre sa vie à lui ne me troublerait pas le moins du monde. Il ferait bien mieux de cesser de jouer avec mes nerfs, rapidement. Tu me trouves toujours à ce point limitée, négligeable, inoffensive?

Qu'il se débatte ne me perturba pas le moins du monde, je tenais bon, mue d'une force qu'on ne soupçonnerait sans doute pas de ma frêle carrure ; mais j'avais subi d'exigeants entraînements imposés par moi-même, & à la puissance qui me manquait suppléait actuellement l'adrénaligne offerte par la rage & la haine. Pourtant, je gardais un calme olympien, inébranlable. Je tenais entre mes mains le fil fin d'une vie humaine, & pour la première fois, le fait de pouvoir le briser d'un seul geste ne me troublait pas le moins du monde. Combien de fois avais-je juré sa mort, de l'abattre de mes propres mains tel le clébart sans honneur qu'il était? Insulte pour les chiens que ce comparatif.. Le sale monstre dénué de toute trace d'humanité ou même d'animalité serait plus exact, plus correct. Voilà sans doute pourquoi le fait de pouvoir mettre fin à sa vie ne me perturbait pas, ne m'offrait aucune hésitation ni nul remords ; ce n'était pas un homme. Il ne méritait même pas la considération d'un animal ou d'un pokémon. C'était un monstre, un démon. Un déchet n'attendant que d'être éliminé. Il ne méritait pas la moindre pitié. Pas le moindre regret.

Son éclat de rire inattendu & foutrement agaçant me laissa toute aussi de marbre que ses vaines tentatives précédentes pour se libérer. Il était fou, je n'en avais jamais douté ; j'hallucinais toujours un peu qu'un tel condensé de stupidité, d'arrogance & de monstruosité puisse avoir réussi à survivre aussi longtemps, & même simplement à naître.. Mais je n'avais jamais douté qu'il soit complètement cinglé, dérangé. Véritable psychopathe en puissance, si ce n'était sociopathe en plus. Immonde & écœurant. Ma prise se resserrait encore sur sa gorge, & un instant j'envisageais de le faire taire à jamais dès à présent ; mais le temps ne m'en fut pas donné. Un instant, ce fut le silence, son regard vide comme si c'était déjà fini. Puis une étincelle, & de nouveau il parait. Écœurant. Un dégoût des plus total s'empara de moi face aux paroles qu'il prononça, sans parvenir pour autant à me déstabiliser. Je n'avais que faire de ses infâmes sous-entendus salaces, & s'ils m'écœuraient sérieusement, ce n'était pas cela qui allait m'ébranler. Je restais de glace, avec ce regard brûlant de haine & de rancœur. Il s'impatientait? Tant pis pour lui. De toute manière une fois encore, il ne me laissait pas le temps de réagir qu'il prenait de nouveau la parole.

& cette fois, ce fut moi qui manquais d'éclater de rire. Manquais seulement. Un simple ricanement fut le véritable son qui m'échappa, un ricanement glacial & narquois. Oh, me croyait-il donc toujours si innocente qu'il pensait avoir besoin de m'encourager, qu'il pensait que même ainsi je ne ferai rien? Croyait-il vraiment que j'avais les mains propres, alors que tout depuis que j'avais quitté le mur en ruines où je m'étais un temps tenue assise indiquait clairement que je savais quels gestes je faisais, que ce n'était pas une improvisation maladroite de débutant? Je savais me battre, je savais comment donner la mort. Je n'avais aucune envie de lui offrir une mort douce & rapide, cependant. Mais je savais déjà avoir gagné. S'il se pensait encore prédateur alors qu'il se traînait dans la fange, il était bien naïf. Pour moi, il avait toujours été proie. Il restait proie. En cet instant, il était même à ma merci. Me pensait-il donc incapable de jouer? Contrairement à lui & à tout ce qu'il pouvait dire, je n'étais pas un monstre, je gardais mon humanité. Mais c'était justement cette humanité qui me faisait agir ainsi en cet instant. La haine & la vengeance. Tout cela était humain. Je restais humaine, & je comptais le rester. Mais cela ne m'empêchait pas de souhaiter le tuer, d'envisager le tuer, que je finirai par le faire.

- Non, je ne suis pas comme toi. Mais me crois-tu si angélique pour autant? Que penses-tu m'apprendre là? J'ai déjà tué, si tu en doutes.. La vraie différence est que je n'y prends pas plaisir, que ce n'est jamais gratuit du moins. La vraie différence est que j'ai des valeurs, & quelque chose pour me retenir, qui quoiqu'il arrive m'empêchera de devenir un monstre. Autre chose qui n'est pas qu'un foutu orgueil mal placé.. Cela s'appelle une raison de vivre.

Mais il n'y pouvait rien comprendre, n'est-ce pas? Démon psychopathe, que savait-il du sens du mot famille, du mot amour, que savait-il de la force que cela représentait & que cela donnait aux humains, au point de les pousser à affronter le pire, à se relever même la poitrine criblée de balles pour continuer de faire barrage? Que savait-il du courage que cela inspirait pour renverser vents & marées? De la volonté qu'on en acquérait jusqu'à devenir inébranlable, quoiqu'on puisse nous opposer? Certes aimer était une faiblesse, car chaque personne qu'on s'autorise à aimer en était une qui pouvait devenir une souffrance un jour. Mais c'était également la plus grande force qui soit, & cela en valait bien la peine. Il ne pouvait sans doute pas le comprendre, pauvre fou dont le cœur n'était qu'un organe dénué de toute humanité, capable de s'en prendre à des enfants sans ciller. Il n'était qu'un monstre, une fois encore, un foutu monstre. Mon sourire s'étira un peu, mauvais & mauvais présage, alors que mon ton redevenait doucereux & venimeux après la quasi condescendance de mes précédentes paroles ; car désormais venait le véritable affront de cette réplique.

- Qu'est-ce que ça fait de n'être qu'une coquille vide?

Vive & imprévisible, sans lui laisser le temps de répondre, je me décidais alors à bouger, quittant cette posture devenue écœurante après qu'il y ait donné un commentaire infâme ; hélas bouger plus tôt aurait été prévisible, & contradictoire avec mon air inébranlable. Alors que désormais, me mouvant rapidement & soudainement alors que je venais de dire des mots sans rapport, je lui laissais fort peu de chances de réagir assez vite. Lâchant sa gorge sans crier gare, je lui envoyais mon poing dans la figure, avant de profiter de cet effet pour me relever & plaquer mon pied sur sa main cette fois, appuyant de tout mon poids jusqu'à lui faire lâcher son couteau, que j'éloignqis d'un coup de pied en tirant enfin le revolver dissimulé à ma ceinture. Calme & posée désormais, comme si ça ne m'avait demandé aucun effort, j'armais l'objet en le pointant sur son crâne. Glaciale, mauvaise, haineuse.

- Qu'est-ce que ça fait de te retrouver impuissant?

Plus doucereuse & acide encore que pour la précédente question. Car si je gardais une certaine prudence dissimulée, n'ayant pas la sottise de me croire intouchable, il était indéniable que j'avais le dessus sur cette altercation ; femme ou non.

Combien de prisonniers insolents avait-il matés, combien gardaient du répondant même sous les coups & les humiliations? Je me doutais bien qu'ils n'étaient pas nombreux, ceux résistant à la torture & continuant de lutter, comme il tentait de le faire en attisant toujours le feu de ma haine comme espérant que j'en finisse vite ; mais je ne comptais pas lui faire ce plaisir, que nenni. Nous ne pouvions être d'accord lui & moi, c'était une évidence, ne serait-ce que pour le fait qu'il n'avait aucun respect pour la vie alors qu'au contraire j'estimais qu'il s'agissait d'un don précieux. Ne serait-ce que parce qu'il existait pour détruire alors que je me battais pour préserver mes proches ; je le savais déjà, inutile était sa confirmation. Par contre, notais-je avec un sourire moqueur, il commençait visiblement à manquer d'imagination ou à désespérer d'en sortir vif, ou les deux, puisqu'il reprenait presque mes mots désormais. Donne-moi plus de raisons encore de te tuer.. Il ne cessait d'attiser mes raisons de l'achever, lui, je l'avais dit dès le départ. Mais j'avais assez de maîtrise, de nouveau, pour prévoir autre chose que seulement l'abattre ; il ne méritait pas la considération qu'on offrait aux animants en abrégeant leurs souffrances. Il méritait de souffrir à son tour, de ne pas savoir quand viendrait le coup final & de ne pouvoir faire qu'attendre dans l'ombre & le silence. Il méritait de voir ce que cela faisait, d'être la proie, de savoir que sa vie pouvait prendre fin à tout instant pour peu que son geôlier soit lassé. De comprendre sa douleur.

Si cela me troubla de l'entendre dire qu'il pouvait compter sur des gens pour le venger, qu'il n'était pas seul? Pas le moins du monde, non. Qui pourrait vouloir venger un monstre de son genre? Le Régime n'avait nulle considération pour ses sbires de bas-étage, si telle était sa pensée, & même les vraiment hauts-gradés n'avaient que rarement droit à une vengeance en bonne & due forme. Avait-il une famille, alors, avait-il l'intelligence de se dire que son parti ne le regretterait pas mais que des proches s'il en avait, oui? Je doutais qu'il y ait sur Enola d'autres Nagel aussi cinglés que lui en tout cas, je les aurai dénichés en faisant des recherches sur son cas lorsque j'avais commencé à entendre parler de lui trois ans plus tôt. & puis, j'étais convaincue qu'une famille aussi mégalo & dérangée que lui se serait faite connaître depuis longtemps.. Enfin, je voulais bien lui laisser le bénéfice du doute, peut-être avait-il bien des proches pour le regretter, peut-être ne tentait-il pas un désespéré coup de bluff pour faire appel à mon humanité ou mon instinct de survie en le laissant indemne. Mais je ne les craignais pas, pas plus que je le craignais lui. Si je l'abattais sur le champ, qui saurait me désigner coupable? Personne. Car il n'existait aucun témoin. Il voulait vivre, disait-il en se dégageant vivement de ma prise, manquant de me faire chuter si Triss ne m'avait retenue, s'écartant pour fouiller ses poches vainement alors que Louna le rejoignant vivement pour lui offrir un coup de poing dans le ventre qui le jeta de nouveau à terre, & elle resta près de lui, serrant sa nuque de sa patte avant-droite pour lui éviter de s'écarter de nouveau. Ayant retrouvé mon équilibre, je le pointais de nouveau de mon arme. & mon sourire mauvais, presque sadique, n'annonçait ni rien de bon ni nulle sympathie. Il était vaincu, ne l'avait-il pas encore compris? Cerné & vaincu. Pris à son propre piège.

- Je ne prétends pas tout savoir, mais je sais qu'entre une vendetta personnelle & une famille à protéger, ce qui donne le plus de détermination est une évidence. L'humain est un animal sociable, sa plus grande force lui vient des autres ; & cela, ce n'est pas moi qui l'ai dit.

Pressant une première fois la détente, je visais non pas une partie vitale, mais son épaule droite, & ce avec une précision quasi chirurgicale. Je savais que s'il mourrait de cette plaie, ce serait lent & douloureux. Je savais qu'il pouvait tout de même s'en sortir, avec beaucoup de chance ou bien cette aide qu'il prétendait avoir. Ce n'était pas un raté, loin de là, j'avais prémédité de toucher ce point précis. Un sourire mauvais se dessina sur mon visage, sadique presque. Louna était la seule à avoir déjà vraiment compris, je le vis au regard qu'elle m'adressa avant de lancer une œillade pour m'indiquer le prochain endroit à viser ; les autres pensaient que ce n'était qu'un échauffement pour l'achever ensuite. Ce n'était pas totalement faux, mais je n'allais pas l'achever ce jour. J'allais le laisser faible & seul, livré à lui-même, dans une posture inconfortable au possible. Une étincelle surprise passa dans les yeux de Triss & dans ceux de Riad quand je repris la parole ; seul Ryan ne montra aucune réaction. Il s'en doutait sans doute un peu, au fond. Je ne comptais pas lui offrir le plaisir d'une mort si simple après le mal qu'il avait fait ; il allait souffrir, avant. Il allait se sentir faible & impuissant, avant. Il allait être traqué, avant.

- Ceci est un sursis, sois sûr que si je te laisse en vie cette fois, tu restes condamné..

C'était un défi, un jeu qui risquait fort de le détromper lourdement sur ma capacité à être le bourreau. Le jeu sournois du chasseur & de la proie, mais son rôle n'y était pas celui auquel il était sans doute habitué, étant tortionnaire dans les geôles du Régime. Non, cette fois, j'avais le dessus, & je comptais bien le garder. Pressant de nouveau la détente, je visais sa main relativement intègre, celle qu'avait mordue Riad mais qui pouvait encore agir, que je n'avais pas écrasée & dont je n'avais pas dézingué l'épaule. Ainsi, il aurait sans doute plus de mal à torturer d'autres victimes innocentes pendant quelques temps. Narquoise, j'esquissais un glacial sourire en coin, avant de poser un genou à terre, effleurant sa tempe du canon désormais brûlant de mon revolver. Cette fois, mon murmure était acide, & à la fois presque mielleux. Un défi, un jeu. Où je lui offrais comme une faveur, celle d'un tour supplémentaire s'il parvenait à le saisir ; mais qu'il ne s'y trompe pas, je gardais le dessus. Cela ne lui donnerait pas l'occasion de vaincre à la fin, quoi qu'il fasse. Il avait déjà perdu.

- Si tu t'en sors cette fois, j'admettrai que tu as peut-être une raison de vivre, en effet. & peut-être des gens qui voudraient te venger.

Mais cela ne changerait rien à ma haine, même si cela vérifiait le fait qu'il n'était peut-être pas si seul ; comment pourrait-il s'en sortir sans aide? Tirant une dernière fois, dans le pied cette fois, pour m'assurer qu'il ne me suivrait pas dans un stupide regain d'énergie, je me détournais. Sans un regard en arrière, laissant le sort juger de lui, je l'abandonnais là, baignant dans son propre sang ainsi qu'il avait abandonné nombre de ses victimes au fond de leurs cellules. D'un seul claquement de doigts incisif, j'appelais mes compagnons à faire de même, faisant mine de n'avoir pas vu le "malencontreux" coup de griffe que lui porta Ryan au bras en laissant "maladroitement" traîner ses serres en décollant. Alea Jacta Est. Ce n'était que partie remise, mieux valait qu'il en soit conscient. Cette fois-ci les rôles étaient inversés, il n'était pas le bourreau jouant avec sa proie puis l'abandonnant au hasard, pour mieux revenir achever le travail si elle survivait. Il était la proie, & se trouvait dans la situation dans laquelle il avait laissé tant de gens. J'étais la geolière, & sa prison serait l'île entière. & je n'avais pas fini avec lui, cela ne pourrait finir que par sa mort.