La vengeance est une musique de Tokio Hotel

Aloïs F. Legrand

- Si tu t'en sors cette fois, j'admettrai que tu as peut-être une raison de vivre, en effet. & peut-être des gens qui voudraient te venger.


Putain de merde. Fallait vraiment que ça arrive pile au moment où je voulais juste pas bouger. Ouais, la narratrice écrit à la première personne parce que c'est une faible qui avait envie de le faire depuis le début mais elle osait pas "à cause de moi et de mon cerveau de Barbichette crétin fini" qu'elle disait. Sale blonde, va. Mais passons. Je suis un peu énervé. Ouais je sais vous avez pas envie de savoir pourquoi mais manque de bol, je suis bien obligé de vous en parler parce que sinon vous comprendrez pas la suite. Enfin si, techniquement, vous pourrez très clairement mais c'est juste pour vous forcer à tout lire parce que la débile derrière l'écran a préparé tout un truc pour faire une intro à peu près potable donc je suis obligé de vous raconter comment j'en suis arrivé à la chose la plus conne que j'ai jamais faite de ma vie et qui a pourtant valu l'impatience de la joueuse jusqu'à ce jour.

Nous disions donc que j'étais dans ma voiture et... Quoi ? On l'a pas dit ? Bon ba maintenant on l'a fait. Bref, à je-sais-pas-quelle-heure-du-soir-parce-que-j'ai-encore-laissé-Althéa-voler-une-de-mes-Rolex, je suis dans ma voiture, en compagnie de Ange, à arpenter les zones en ruines de Baguin à la demande seule de cette dernière de me conduire ici pour une raison que j'ignore toujours. C'est pas comme si j'avais vraiment été occupé ce soir, mais me faire venir dans un endroit pareil en pleine nuit... Pour une fois, je n'arrive pas à deviner les intentions de ma meilleure amie; et Arceus sait à quel point nous sommes proches. Tout ce que j'ai pu saisir, c'est que ma Nymphali a voulu que je l'emmène dans les décombres de la ville qui furent avant des habitations. Je voulais proposer qu'on rebâtisse des bâtiments ici ou qu'on en fasse au moins quelques choses, mais ces cons ont pas voulu.
Assis derrière le volant à atteindre peu à peu le lieu convoité par ma fée, je pousse un soupir, las. On dirait que rien n'a changé; que je suis toujours le Champion Coordinateur de Baguin célibataire, rebelle, et animateur provisoire de soirée, qui aime bien attirer l'attention des journalistes sur lui pour qu'ils lâchent un peu son idole. Pourtant, non. J'ai une petite-amie, quelques potes, quelques ennemis, et même des gosses. Si Judith me voyait, est-ce qu'elle serait fière de moi ? J'aimerais bien qu'elle soit là pour me sermonner encore. L'ennui, c'est qu'elle est plus là. Elle reste dans mon cœur et tout le blabla mais physiquement, elle est plus là. Ou du moins elle est là, mais à quelques petits mètres sous le sol. Je la croyais pas quand elle me disait que j'aurai des enfants; mais comme d'hab', elle avait raison. Pourquoi je pense à elle ce soir, je sais pas. Au beau milieu de la nuit, à rouler dans cette zone désaffectée où je suis enfin arrivé, je laisse mes pensées divaguer un peu sur des futilités que je ne cesse de me répéter un peu trop souvent. Eh, partez pas tout de suite ! Je vous promets que le plus intéressant arrive bientôt.

Et pour cause, voilà le troisième paragraphe. Je sais pas ce que je fous ici. Mais vraiment. Je veux juste rentrer chez moi, et me jeter sur mon lit en faisant travailler mon imagination pour inventer une berceuse. Je voulais surtout pas être dans ces ruines lugubres et malfamées; mais je ne peux résister à une requête d'Ange, tant je suis faible. De plus, je lui fais confiance; je suis sûr en un sens que ce qu'elle a à me montrer est important.
Alors, d'un petit cri, elle m'arrête. Je freine doucement, ne sachant pas trop à quoi m'attendre dans ces ruines lugubres qui ne rappellent que trop bien le conflit que se livrent inutilement le Régime et la Résistance. Je ne regrette pas d'avoir quitté la Grande Maison. Ma relation avec Mak aurait été assez compliquée, sinon. Mais qui sait ce qui se serait passé. J'aurais peut-être croisé d'autres gens intéressants. J'aurais été spectateur du carnage de janvier, mais je ne me serais pas fait capturé. Peut-être que j'aurais fini tortionnaire, moi aussi... La cantine, bien que bruyante, restait quand même toujours plus calme que les salles de torture ; c'est au moins une chose dont je me souviens.
Mais je divague encore, et voilà qu'Ange ouvre la portière et me fait signe de la suivre. Je ne peux contenir ma curiosité plus longtemps, me demandant depuis le début ce que cette petite a encore mijoté, et elle me force donc à la suivre parmi les décombres. C'est dommage que je ne puisse pas moi-même amélioré la déco, tiens ; c'est glauque, mais aussi franchement moche. Ma Nymphali si élégante sait pourtant parfaitement où aller et c'est d'un pas décidé qu'elle me guide au milieu des dégradations. Elle me fait marcher pendant quelques minutes puis se stoppe net devant un objet au sol qu'elle me montre à l'aide de ses rubans. Haussant les sourcils, je me penche vers le bibelot et reste interdit. Une pierre. Elle m'a amené jusqu'ici, en pleine nuit, pour une pierre. Je me retiens de rire jaune, et scrute ma fidèle compagne, la questionnant du regard. Devant son air blasé, je fais mine de prendre la roche en main et pousse un simple « Aaaaaah » en constatant qu'il s'agit en réalité d'une Pierre Soleil ; ce n'est pas que j'avais oublié que les Chlorobules évoluaient avec une Pierre Soleil... mais si. C'était donc ça, qu'elle voulait me montrer... Mais quand est-ce qu'elle...
Puis je me souviens également que j'étais déjà venu ici avant pour me rendre compte des dégâts de la bataille qui venait d'avoir eu lieu et que mon évolition en avait profité pour explorer les environs. Eh bien... on peut dire que je ne m'y attendais pas ; mais j'aurai une bonne nouvelle à annoncer à Eve dans quelques temps. Après avoir exécuté un hochement de tête en direction d'Ange pour la remercier, je range aussitôt la pierre dans une de mes poches, puis me dirige de nouveau vers la voiture. Je me remets à rouler en direction de chez moi, non mécontent de pouvoir enfin me reposer.

Tout à coup, ma Nympahli pousse un nouveau rugissement, d'inquiétude cette fois, qui m'alerte aussitôt, et pose ses pattes sur la fenêtre, comme si elle voulait aller de nouveau dehors. Je coupe le moteur et sors à l'extérieur pour me retourner de tous les côtés, en quête d'une potentielle menace. Rien cependant m'apparaît comme même vivant à l'instant. Je suis le seul humain ici, et Ange, qui ouvre de nouveau sa portière pour me rejoindre, est le seul Pokémon. Du moins, c'est ce que je crois, jusqu'à ce qu'elle se mette à renifler les environs et se cache juste après la truffe avec ses rubans. Perplexe, je sens alors à mon tour une odeur de fer m'envahir. Du sang. Pas de doute là-dessus. Quelqu'un a été tué ici récemment. Mais Ange est plus rapide que moi. Malgré l'effluve désagréable qui ne présage rien de bon, elle la suit pour savoir d'où elle provient et n'a nullement peur de ce qui peut l'attendre. Je la suis à la trace, désireux de savoir malgré moi de quelle personne je vais bien pouvoir retrouver le cadavre.
Il fait nuit, mais la lune éclaire suffisamment pour que j'y voie presque comme en plein jour ; et bientôt, je distingue même un corps d'homme adossé contre un petit muret. Intéressé, je m'approche plus près du macchabée, trouvant enfin quelque chose de plus intéressant qu'une pierre, et mes doutes se confirment : l'odeur du sang vient bien de lui.
Je n'aurais jamais dû, mais je m'avance davantage, avant de lâcher subitement un hoquet de surprise. Je manque de faire une crise cardiaque au moment où je reconnais le type ensanglanté. Stupeur et confusion se lisent sur mon visage. C'est une blague. Juste une putain de blague. Je me frotte les yeux et me pince même pour vérifier que je ne rêve pas. C'est pas possible. Le hasard vient de m'offrir le plus gros « fuck » de toute ma vie. Je passe une main sur mon visage, avant de partir dans un rire sinistre. Une lueur de démence dans mon regard océan ne tarde pas à s'allumer, et je manque de virer fou. L'ironie de la chose est trop belle pour que je n'en rie pas. Mon évolition est troublée par mon état, mais je la rassure avec une caresse distraite, encore sous le choc de ma découverte pour le moins surprenante. Il est bien la dernière personne que je m'attendais à voir, celui-là...

Oh... mais peut-être que vous ne le connaissez pas ?... Ce blond à lunettes mal en point est Dio Silvery -ou du moins, c'est comme ça qu'il s'est présenté à moi- et c'est ce connard de tortionnaire qui s'est « occupé » de moi le jour de la rafle. Apparemment, j'ai réussi à amuser ce con quelques minutes avant qu'il ne perd patience. Il a osé lacéré mon corps d'Apollon avec son écriture digne d'un gosse de cinq ans en faisant en plus des fautes d'orthographe. Ah, et j'oublie le plus important : il est Allemand. C'est avec grande déception cependant que je m'aperçois qu'il n'est pas mort. Mais il n'en est pas loin, si son sang continue de couler comme ça... Moi, L'aider ? Z'avez fumer du crack ?  Vous croyez vraiment que je vais me salir les mains pour cet enfoiré ? C'est bien plus fun de se foutre de sa gueule, je vous avoue. Le pire, c'est qu'il a encore la force de parler. Il évoque une certaine Irina... Me dites pas qu'il a vraiment des proches, je vous croirais pas... A part Catherine, peut-être... Après tout, entre langue de vipère, on doit se comprendre, nan ?...

Son épaule et sa main saignent abondamment. Pas besoin d'être un génie pour comprendre qu'il est perdu. Personne ne viendra le sauver, ici. Ses Pokémons sortis ne sont pas en meilleur forme que lui, il a clairement pas la force de faire sortir les autres, et personne ne doit être au courant qu'il est ici, pissant des globules rouges. Personne... sauf moi. Quel hasard, vraiment. Je peine encore à y croire, mais n'est-ce pas lui, le mec en costume blanc qui pétait plus haut que son cul y'a même pas quelques mois juste parce que mes menottes étaient trop serrées pour lui foutre un pain ?...
Ses armes sont à terre. Je ne sais pas qui, mais il s'est battu avec quelqu'un, et il a perdu. Cela ne m'étonne même pas ; la liste de ses ennemis  doit être bien grande, à l'heure qu'il est.
Et si on faisait les choses dans l'ordre et que j'achevais moi-même les souffrances de demeuré ?... Cette simple suggestion suffit à mon flingue pour qu'il sorte comme par magie de l'intérieur de ma veste. Je l'utilise seulement pour abattre, ceci dit ; donc rarement. Mais cela m'est d'une grande aide à l'instant présent ; et je me délecte déjà d'entendre résonner le coup de feu pour ensuite voir les bout de sa cervelle éparpillés sur le mur et tâcher d'une jolie couleur écarlate le sol poussiéreux. Je jubile. L'index posé sur la détente, une seule petite pression suffirait à mettre fin aux jours du grand Dio Silvery. Il aura intérêt à m'être reconnaissant quand il ira en Enfer, hein. Je lui épargne une mort lente et douloureuse ; ne suis-je pas généreux ? Même si j'ai affreusement envie de lui infliger ce qu'il m'a fait subir, je désire pas mal également en finir avec lui le plus vite possible. Moi, Aloïs, je suis sur le point de débarrasser Enola d'une vermine de la pire espèce. Dommage qu'il n'y ait aucun témoin ; j'aurais pu facilement agrandir ma côté de popularité, avec ça. Mais au diable tout ceci, maintenant que je suis là ; car le diable, il ne va pas tarder à le rejoindre. Je pourrais graver quelque chose sur son torse, avant de le tuer... Une signature, peut-être... une jolie dédicace de moi à Lucifer... Satan... Samaël... Encore un à qui cette ordure aura pourri la vie, tiens. Qui sait, peut-être m'en sera-t-il reconnaissant après ça...
Je sens mon cœur battre à une vitesse folle, et l'excitation me parcourt tout entier jusqu'à m'en donner des frissons. Tuer Dio. Mettre à terme à sa piètre existence là, tout de suite. C'est presque trop beau pour être vrai. Ses doigts tremblent légèrement, mais son sourire dérisoire reste imperturbable. Une seule balle, et tout est fini. Un geste très simple sur la gâchette et on parlera de lui comme d'un mauvais rêve. Une seule balle. Une seule... une seule...

Une seule balle... que je ne peux pas envoyer. Je ne peux pas. Mon corps refuse de m'obéir. C'est simple, pourtant ; même un enfant y arriverait. Alors pourquoi... Pourquoi ne puis-je pas tuer Dio ? Pourquoi je bug alors que je peux anéantir la vie d'un bel enfoiré en une fraction de seconde ? Parmi tous les salauds sur Terre, pourquoi je n'arrive pas à tuer le pire ? POURQUOI ?!
J'essaye, pourtant. Appuie. Appuie. Mais ça ne veut pas. Je n'arrive pas à tuer le seul qui mérite qu'on l'achève. Difficile à croire, mais sa vie... est entre mes mains... Sa VIE est entre MES mains. Et je suis même pas FOUTU de l'arrêter. Bordel. Je ne sais même pas ce qui me retient. Je refuse de l'admettre, mais le fait est que je ne peux pas tuer Dio Silvery. Je ne peux même pas buter un mec qui a bousillé mes pectoraux. Je rage. J'ai envie de hurler ; mais ça ne servirait à rien. Tout ce que je peux faire c'est serrer les dents et ranger ce flingue. J'y étais presque. J'étais à deux doigts de rendre justice. Mais nan. Il fallait que je prenne en pitié ce connard ; car c'est vrai qu'il fait pitié. Il fait grave pitié. Il fait même chier à faire pitié.

Et pourtant, ce n'est pas déplaisant à regarder, si on se place de très loin. Je me mets à sa hauteur et mes doigts viennent effleurer son visage et les mèches de ses cheveux, contemplant ce qu'il reste de lui après cet affrontement avec un bourreau dont j'ignore tout. Ce tortionnaire si sûr de lui qui se croyait invincible, intouchable. Cet être abjecte et répugnant. Cet être infâme et magnifique. Un roi dans un monde qui n'appartient qu'à lui, et où il règne en maître absolu. Mais cette nuit, c'est un monarque déchu. Dans cette flaque de sang se noie sa couronne devenue bien trop lourde pour lui ; et ses soldats un peu plus loin sont immobiles, vaincus par une armée supérieure à la leur. Le spectacle est hilarant. Toi, Dio, qui pensait être invulnérable, te voilà aux portes de la mort. Impuissant et désarmé, te voilà devenu pathétique et sans défense. R comme roi. R comme raté. Crétin. Stupide officier qui s'est cru plus puissant que n'importe qui. Ce soir restera-t-elle gravé dans ta mémoire ? Sauras-tu à l'avenir te méfier ?... Pourquoi est-ce que j'utilise le futur, alors que ce con ne va trouver que ce qu'il mérite dans peu de temps : la mort.

Je finis par me relever avec un léger sourire, avant de me diriger vers mon carrosse, en me disant que c'est la dernière fois que je le revois. Je m'empare de la poignet de ma portière, mais remarque à temps que celle qui me suit comme mon ombre n'est pas à mes côtés. Ange est près de lui. Elle le regarde de ses jolies prunelles bleues, comme fascinée. Je l'ai fait rentrer à temps dans sa Poké Ball le jour de la rafle ; mais elle devrait sentir tout ce qu'il y a de mauvais chez lui. Pourtant, mon amie est bien mystérieuse, ce soir, et elle m'étonne encore. Je ne sais pas ce qui la pousse à rester au chevet de Dio, mais je sais que je ne peux pas repartir sans elle. Puis, mon sang se glace quand elle grimpe sur lui pour lui donner un petit coup de langue sur la joue. Je la fixe, les yeux ronds. Je ne savais pas que ma Nymphalie était aussi folle que moi...

Je ne comprends pas son manège. D'un geste, d'un ordre, je la somme de revenir pour qu'on oublie cette histoire et qu'on puisse laisser l'autre débile crever en paix. Mais elle ne veut pas. Consterné, je fronce les sourcils. Elle me fait son expression suppliante. J'ai du mal à savoir ce qu'elle veut, jusqu'à ce que je saisisse enfin. Je m'apprête à répliquer pour la forcer à venir, avant de me rendre compte que je ne suis guère plus fort qu'elle. Avant de me rendre compte que moi non plus je ne peux pas le laisser gésir ici en attendant que les Cornèbres dépouillent sa carcasse bientôt vide à ce rythme. Malgré moi, je l'ai pris en pitié. Malgré moi, je vais le sauver. Car ma main ne m'obéit plus non plus lorsque j'essaie d'ouvrir ma porte. Car je me sens obligé de l'aider. Je ne sais pas si je devrais être agacé, ou jouir au contraire d'avoir la liberté de décider de son sort. Le laisser mourir ici ou le soigner. Je croyais avoir déjà fait mon choix. Je me suis trompé. Je ne comprendrai jamais ce qui m'arrive en ce moment, mais c'est presque comme si je n'avais pas le choix ; comme si mes pas retournaient d'eux-mêmes en arrière. Alors je pousse un nouveau soupir, blasé de ma propre attitude. Je m'avance donc de nouveau vers lui, en rappelant son Kabutops et son Scalproie, et me mets sur le côté. J'inspire profondément, ne croyant toujours pas ce que je m'apprête à faire, et place une de mes mains sous ses genoux pendant que l'autre contourne son dos à la recherche de son épaule. Lentement, je le soulève, et le pose avec délicatesse -bordel, j'aurai jamais cru pouvoir être délicat avec lui- sur la banquette arrière. Cela me coûte énormément de me dire qu'il fait peine à voir ; mais je n'ajoute pas un mot de plus et laisse Ange monter sur le siège de devant avant de démarrer et de m'en aller, de rentrer de chez moi ; loin des ces ruines, de ce sang, de ce combat auquel je n'ai pas assisté mais qui a failli faire trépasser l'imbécile qui a rendu mon séjour en prison infernal et qui a trahi Yumi, d'après ce que j'ai compris. Je sais que je suis sur le point de faire une grosse, très grosse connerie. Il faudrait être fou pour vouloir sauver la vie d'un type pareil ; mais ça tombe bien, je suis taré.

Enfin. Enfin je suis rentré à la maison. Mon Amphithéâtre, mon chez-moi auquel je me suis attaché. Cela me fait du bien de rentrer après ça. Mais j'ai failli oublié que je ne suis pas seul. Nouveau soupir. Je sors pour la dernière fois de la soirée de ma voiture, avant d'emporter comme tout à l'heure mon ex-tortionnaire avec moi, Ange sur mes talons. Ayant sans doute guetté mon retour avec angoisse, Karin m'ouvre aussitôt que je l'aperçois se déplacer de la fenêtre jusqu'à la porte d'entrée principale pour m'ouvrir. Plus que stupéfaite de me voir débarquer avec un inconnu gravement blessé dans les bras, elle s'apprête à ouvrir le bouche, pour ensuite se raviser alors qu'elle croise mon regard qui lui ordonne de garder le silence. Elle reste donc muette et me laisse passer. Je dépose le corps de l'idiot sur le sofa et mon assistante ne tarde pas à arriver avec une trousse de soin. Etant dix fois plus expérimentée que moi en matière de soin, je la laisse me dire quoi faire, mais insiste tout de même pour m'occuper moi-même de Blondinette. Je ne lui ai jamais parlé de Dio, mais la connaissant, elle doit déjà avoir deviné que je connaissais ce type. Elle ne me pose pas de questions, cependant, et je l'en remercie intérieurement. Je ne veux pas lui expliquer ce soir que j'ai ramassé mon ancien tortionnaire dans une zone délabrée alors qu'il venait de se faire tabasser.
Lorsque les soins sont finis, je lui demande de se retirer et de me laisser seul avec lui. Karin retourne dans ses appartements sans un mot et je reste là, assis sur la table basse, à observer ce triso dans les vapes. Il ne se doute même pas que c'est moi qui lui ait sauvé sa misérable vie. Un rictus mauvais se dessine sur mes lèvres en pendant avec hâte au moment de son réveil, lorsqu'il me verra. Je me demande bien quand même qui a pu lui en vouloir à ce point pour régler de tels comptes avec lui. Ne connaissant pas grand monde de son entourage, je penche automatiquement sur le hérisson et la rouquine qui sont déjà venus chez moi récupérer leur précieux nounours. Ouais, vous avez compris que je refusais de dire « Le Maître de la Ligue et le Conseiller Ténèbres », pour des raisons personnelles que je ne citerai pas ici. Ni ailleurs.

Grrr.
Je sursaute. Un grognement suivi d'un aboiement me ramène à la réalité. Je ne reconnais pas la voix d'Aurore, cependant, et me retourne brusquement pour apercevoir une Granbull pas très très gentille qui bave actuellement sur ma moquette. A l'air mauvais qu'elle a, je devine aisément qu'elle appartient au blondin allongé sur mon canapé. Me dire qu'il a une fée dans son équipe me fait presque glousser, mais à voir la gueule qu'à son toutou rose bonbon, je me dis qu'en fait, c'est pas forcément étonnant qu'il traîne un truc pareil avec lui. Ses jappements ne me font rien, mais je grince des dents en la voyant dégueulasser le parterre de mon salon. Il pourrait pas dresser son clebs, sérieux ?! J'vous jure... Ah, tiens, en parlant de chienne, voilà la mienne qui se ramène. Mais elle n'a rien à voir avec l'espèce de caniche enragé qui lui sert de Pokémon. Ma Feunard argentée est bien plus élégante et réfléchie. Une dispute entre les deux femelles ne semblent pas être inévitables, cependant, vu les regards qu'elles se lancent... Mais heureusement la Granbull a bien vite fait de reporter son attention sur son dresseur pour veiller sur lui. Je trouverais ça presque mignon, tiens. J'espère juste qu'elle ne va pas essayer de me bouffer la jambe lorsque je conduirai mon « invité » à sa chambre... Car il est hors de question que je ne lui montre pas la fameuse pièce qui a été arrangé juste pour lui. Après tout... n'est-ce pas là qu'a logé son ours en peluche après la libération ?... Je suis sûr que Dio sera raaaaaavi de voir qu'il a laissé une marque dans certains esprits.

C'est donc avec un sourire malsain que je monte les escaliers et ouvre la porte de la fameuse pièce. Je devais la détruire depuis plusieurs mois, maintenant. Mais à chaque fois je repoussais l'échéance. Pourtant, tout est encore là ; tel que le petit ours brun l'a laissé en partant. Je n'ai même pas pris la peine de la nettoyer, et c'est tant mieux, maintenant. Que va-t-il se passer, quand il se réveillera ? Je suis impatient de le découvrir. Son nom est toujours tracé au sang sur les murs, et l'odeur est encore présente. Les petites flaques rouge vif sont là aussi. Parfait. Parfaite chambre pour un parfait réveil. Je dépose mon fardeau en l'adossant contre le mur du fond, dans la position dans laquelle je l'ai trouvé, avant de laisser son Granbull le rejoindre et de fermer la porte dans un rire glacial.


Le jour se lève, et je m'étire, en me souvenant cette fois parfaitement ce qui m'attend dans la piaule pas très loin de ma propre chambrée. Alors que ma Nymphali dort encore, je suis quant à moi parfaitement réveillé, et je m'empresse de m'habiller, excité tel un gamin le jour de Noël ; car si l'idée de sauver l'existence de ce vaurien m'exaspérait au début, je me suis rendu compte que je le gardais véritablement chez moi, et qu'il était en quelque sorte mon prisonnier. Cette simple pensée a suffit pour que j'exulte à nouveau. Me dirigeant vers la sorte de ma chambrette, impatient de voir l'état de mon « patient », mon regard s'arrête tout à coup sur ma guitare électrique que je n'ai pas utilisé depuis des lustres. Un large sourire sur mon visage annoncerait à n'importe qui qu'une idée saugrenue m'est passée par la tête ; car c'est bien le cas, figurez-vous. Après tout... Dio Silvery n'est-il pas allemand ? Et n'y a-t-il pas un groupe de musique allemand célèbre dont raffolent les petites filles ?... Et bien dans ce cas, ça devrait lui plaire !
Je prends soin de mettre des bouchons d'oreilles à mon évolition qui se réveille à moitié, se demande probablement ce que je trafique, et fait de même pour ma renarde de feu qui se contente de me regarder d'un air blasé. Le compartiment de mon assistante étant insonorisé, je suis sûr qu'elle ne m'entendra pas de là où je suis. Je descends en trombe dans les escaliers et branche mes plus grandes enceintes le plus fort possible. Puis, je fais imprimer une partition avant de faire quelques essais sur ma guitare sèche. Enfin, je branche ma guitare électrique aux baffles et glousse légèrement avant de prendre une grande inspiration et de faire vibrer les cordes avec le médiator. Aussitôt, un vacarme assourdissant se répand dans la maison, et même avec les oreilles protégées, cela ne m'empêche pas de sentir le sol vibrer, tant et si bien que je tombe littéralement sur le cul. La musique a cessé dès l'instant j'ai lâché ma guitare, mais je ne peux m'empêcher d'éclater de rire, espérant que l'autre attardé ait bien été ranimé par ma mélodieuse et enchanteresse musique. Je retire mes bouchons, avant de scruter avec des yeux machiavéliques l'escalier menant à l'étage supérieur, je me retiens d'y courir au dernier moment pour prendre ma hache. Eh oui ; si je dois détruire cette pièce, autant que ça soit aujourd'hui. Ouais je sais que le machin avec la grosse boule serait plus pratique et rapide pour anéantir ce lieu, mais j'ai toujours rêvé de fracasser une porte avec une hache ; vous savez, là, comme dans Shining. Je suis sûr que c'est trippant, en plus.

Fin prêt à voir comment se porte mon nouveau jouet préféré, je tente de préparer une bonne entrée en scène. Mais mon empressement finit par prendre le dessus et je me jette directement sur la porte en donnant de grands coups de hache. Mais en voyant les quelques éraflures que je lui fais seulement, je me souviens avoir installé une porte à deux volants renforcée extrêmement résistante pour ne pas que le gamin s'échappe. Je lève les yeux au ciel, agacé de ne pas mener mon fantasme à bien, et finit par la déverrouiller avec la clé, le seul truc qui pourrait l'ouvrir, et donne un puissant coup de pied au milieu pour que les deux battants se déploient en grand.
Mon sourire diabolique s'élargit lorsque je constate que mon plan a marché et qu'il est bien réveillé. Ma hache à la main, je fais glisser mes doigts sur le manche, puis sur la lame, sans le quitter de mon regard où brille sans doute une lueur de folie.

- Hi, sweetie...

La vengeance est une musique de Tokio Hotel

Aloïs F. Legrand

Sa réaction est priceless, comme je l'imaginais. Il a réussi à se relever, ce con, mais c'est cramé qu'il peine à tenir debout. Aloooors c'est qui le plus puissant des deux, maintenant ? Il a la rage. Il a compris ce qui s'est passé, et il a le seum de savoir que je lui ai sauvé la vie. Voilà que ma satisfaction est à son paroxysme ; et je manque d'éclater de rire en voyant sa tronche défigurée par la colère. J'aurai été vraiment déçu, s'il m'avait pas reconnu. Mais apparemment, je lui ai laissé un sacré souvenir. Qu'est-ce qu'il a dû être triste quand je suis parti... Ralala... je suis sûr qu'il aurait voulu me garder encore un peu. Mais non seulement j'me suis cassé, mais en plus j'ai emporté son nounours avec moi ! Sa frustration devait sentir à des kilomètres, le pauvre petit chou. Tu voudrais bien me trucider, pas vrai, Dio ? C'est bien dommage que tu sois couvert de bandages à l'heure qu'il est... Ta principale erreur aura été de m'avoir forcé à te faire pénétrer dans mon territoire... Niark niark... Ouais, je rejette la faute sur lui et alors ?! Il avait qu'à pas être aussi pathétique ! Et je tiens à vous dire que ma mauvaise foi vous emmerde, niah ! Aheum.

Raaaah ! Voilà qu'il se met à gueuler, maintenant ! J'étais sûr qu'il pourrait pas se la fermer une fois qu'il serait réveillé. Et si je l'assommais ? Ouais, nan, je pourrai plus m'amuser, après. Il est tellement plus drôle quand il est conscient ! Bruyant, mais drôle ! Visez-moi ce regard noir qu'il me lance... A qui il croit faire peur ? C'est mon royaume, ici, pas le sien. Il a pas vu ma hache ? Ah ouais merde, c'est moi qu'ai ses lunettes. En plus d'être attardé, ce connard est bigleux ! Franchement, il exagère.
Dommage pour lui, j'ai pas envie de me casser. Je me casse si je veux. J'ai les pleins pouvoirs chez moi et je suis de toute façon plus fort que lui, même sans armes. Je préfère rester là à le faire chier et l'entendre grogner après moi ; figurez-vous que je suis ravi d'être la raison de son agacement... et visiblement celle de son clébard, aussi. Bordel, je me demande toujours où est-ce qu'il a déniché une horreur pareille ! Tel maître, tel Pokémon, dit-on ; ba j'ai la preuve de cette formule sous mes yeux, là.

Je hausse mon sourcil entortillé lorsqu'il se met à rire. Mééééh c'est pas marrant s'il redevient taré tout de suite ! Néanmoins il a encore de la répartie, ce bougre. J'suis sûr qu'il me reparle de mon tatouage exprès pour me remémorer la diviiiiine séance de torture auquel j'ai eu droit. Haha. C'est ça , ris pendant que tu le peux encore, Blondinette. Ton sarcasme est aussi efficace qu'un courant d'air, sur moi. T'as toujours pas compris à qui tu as à faire ? Je croyais que t'étais plus malin que ça, quand même... Mais faut croire que ta fierté t'empêche de voir que t'es pas en état de me tenir tête.
Je m'avance vers lui suite à son nouveau rire démentiel, voulant à tout prix qu'il cesse.

- L'est plus là, l'ancien. Et puis si c'est pour faire autant de
fautes d'orthographe sur un nouveau, autant poignarder tout de suite.

Quel égoïste... Il se permet de faire le fier, mais pas plus tard que la veille, il a failli rejoindre l'au-delà. Je suis son sauveur, son dieu ; faut-il vraiment que je lui tranche une main ou une oreille, pour qu'il comprenne ?...
Oh, mais quelle idée... Je le pourrais, vu ce que j'ai entre mes mains ; une jolie hachette qui ne demande qu'à faire mumuse et à se tâcher de sang. Son sang. Je l'ai épargné hier, mais je pourrais très bien l'achever dans la seconde qui suit. Trois petits coups derrière le crâne et hop ! J'aurais terminé le travail de celui d'hier. Je suis sûr d'ailleurs qu'il connaît le type qui l'a agressé. Il ne peut en être autrement ; et j'aimerais connaître à mon tour l'identité de son bourreau. Mais il y a aussi autre chose que je voudrais savoir, ne serait-ce que pas curiosité. Trop de questions à lui poser. Bordel ; c'est pas bon du tout. Je reprends mon rictus, bien décidé à lui faire croire que je veux attenter à sa vie.

- En fait... je me demandais simplement par quoi commencer. La tête... ou les bras ?...

Je ne sais pas s'il peut la voir plus distinctement, maintenant que je suis plus proche, mais je fais volontairement jouer et voltiger ma hache pour lui montrer que je parle bien de m'en servir sur lui. Ou du moins, c'est ce que j'ai envie qu'il pense. Je lui couperai jamais vraiment un membre ou deux, mais je pourrais. Mon but n'est pas de le torturer. En fait je sais pas trop ce que je vais faire de lui, mais rien que l'avoir sous mon toit, même si ça fait bizarre de dire ça, me satisfait. Après avoir été enfermé pendant deux semaines entières dans une cellule moisie, je veux qu'il sache ce que ça fait d'être prisonnier -même si je traite mes captifs avec bien plus de respect que le Régime.
Brusquement, je plaque une main sur sa gorge et brandit la hachette de l'autre. Un ricanement machiavélique s'échappe de ma gorge et je finis par abattre l'arme directement au visage de mon invité. Mais je dévie ma trajectoire au dernier moment et la limbe tranchante fond sur le mur, à quelques millimètres à peine de son oreille. Je repars dans un rire froid à mon tour et sort de ma poche ses lunettes que je lui mets sans demander son avis. Puis, je reprends mon arme et la pose sur mon épaule.

- Well, well... A peine réveillé que tu te mets déjà à grogner et railler. Tu as une singulière façon de montrer ta gratitude. Tu pourrais quand même remercier celui qui t'a sauvé la vie alors que tu pissais le sang par terre.

Hautain, je me sens puissant, supérieur. A-t-il eu peur en voyant cette endroit ? Son nom -non, son pseudonyme- écrit partout en lettres de sang. Un sang qu'il connaît, pour avoir malmené son propriétaire. Il ne se rend pas compte que cette pièce est la preuve de la cicatrice que ce sadique a laissé dans l'esprit du jeune garçon qui habitait ce lieu il y a quelques mois. Il ne sait rien de l'importance de ses traces au mur, dignes d'un film d'horreur. Car ce n'est pas un film, cette fois-ci ; le sang n'est pas frais, mais il est réel, et garde toujours cette odeur poisseuse et métallique. Devrais-je lui dire que je ne suis en aucun cas responsable de la déco de cette chambre ? Je suis convaincu qu'il se pose des questions.

- D'ailleurs, j'aimerais bien savoir qui t'a amoché comme ça...

Mon sourire disparaît et je m'approche un peu plus de lui, mes yeux océan contre les siens. Il a de la chance que je sois curieux, sinon j'aurai déjà récupéré depuis longtemps la douleur qu'il me doit depuis la prison. Serais-je tenté de lui faire un tatouage, moi aussi ? Est-ce que ça lui plairait de savoir ce que ça fait, de se faire bousiller le torse par une sale écriture ?... En le voyant, là, devant moi, je ne saurais dire si je le déteste ou non. Je ne suis pas mécontent de l'avoir sous la main dans toute sa faiblesse, mais je me demande encore ce qui m'est passé par la tête hier soir. Je pouvais pas l'abandonner, mais en même temps il incarne à lui seul tous les défauts humain. Est-ce parce que je ne suis pas mieux ? J'ai fait du mal au même enfant ; à un titre différent, certes, mais tout de même. Nous ne sommes pas pareils, et pourtant quelque chose m'attire vers lui. J'exalte intérieurement d'avoir l'avantage, mais ensuite ?... Je ne suis pas tortionnaire, je ne prends aucun plaisir à faire du mal aux autres, même aux pires, mais je veux quand même garder Dio. Dio... Son nom. Je veux son nom ; pas cette ridicule fausse identité qu'il conserve à l'abri. C'est con, mais ne pas savoir qui il est réellement m'irrite. Me demandez pas comment je sais que c'est pas son vrai nom. Je l'sais, point.
Mais y'a autre chose, aussi... Il se trouve que ce triple connard m'a confondu avec quelqu'un d'autre.

- Et puis c'est qui, Irina ?

La vengeance est une musique de Tokio Hotel

Aloïs F. Legrand

Si un regard pouvait tuer... ba ça serait pas le sien. Ba oui, deux glaçons à la place des orbites, ça refroidit personne. Ah, et s'il pouvait arrêter de grogner, ça serait pas mal, aussi. Quand je disais tel maître, tel Pokémon, je disais pas forcément ça au sens propre... Enfin. Tant qu'il commence pas à baver comme son clébard... Mine de rien, j'ai réussi à le faire taire un petit moment après que la hache se soit abattue tout près de lui. J'ai cru rêvé, mais il m'a même semblé avoir vu de la peur, et... du soulagement ? Donc ce con a bien peur de la mort. Ouais, en même temps, je vois pas pourquoi ça m'étonne ; quelqu'un qui se prend pour le plus grand, le plus fort et le plus beau (il a de l'humour, d'ailleurs) cache forcément un trouillard au fond. Peut-être que ça m'effraie, aussi, j'en sais rien. J'ai pas envie de crever, c'est tout ce que je peux dire. Mais j'espère qu'il se rend bien compte que je peux le zigouiller comme j'en ai envie, maintenant. Enfin, c'est ce que j'ai hier, hein ? Et puis au final... Ba regardez où j'en suis, à présent : je discute avec un mec que je déteste mais qui me fait triper en même temps car j'en suis venu à lui sauver la vie. Malgré tout ce que je peux me dire, est-ce que je serais vraiment capable de le tuer ?...
Car pour une fois, ce connard a raison. J'ai peut-être intérieurement la rage de pas pouvoir le buter comme je le voudrais. Cependant, je me rends compte que je suis plus satisfait si je le sais en vie et impuissant, plutôt que mort et sans sa déraison ainsi que son sarcasme à chier. Mais lui aussi doit bien avoir les glandes de savoir qu'il me doit la vie ; et justement, est-ce que cela ne me rend pas plus fort que lui de pouvoir décider moi-même de son sort ? J'étais, et je reste, assez puissant pour déterminer s'il vit ou s'il meurt, et dans ce dernier cas, quand et comment.

Puis, il s'énerve de nouveau. Vous voyez ? Il est tellement vénère d'avoir échouer hier soir qu'il ne prend même pas la peine de répondre à ma question. J'ignore qui l'a tabassé comme ça la veille, mais une chose est sûre : c'est quelqu'un qu'il déteste allègrement et dont il est allègrement détesté. Oui, je sais, Captain Obvious, mais qui sait ? Un de ses proches aurait pu aussi lui tataner la gueule ! S'il n'en parle pas, c'est sûrement parce qu'il a vraiment honte... ou que je le fais chier. Ouais, c'est aussi trèèès probable.
Tout à coup, il semble se calmer. Tiens, on dirait que j'ai touché un point sensible... J'sais pas qui est cette Irina, mais ça se voit qu'elle comptait pour lui ; et c'est pas en mentant qu'il se sortira d'affaire. Son sourire et son rictus à la limite de la nervosité ne tromperait personne, et j'ai clairement entendu ce nom sortir de sa propre bouche lorsque je suis arrivé. Là, je crois qu'il est calmé. Mais je me retiens de glousser devant son désarroi, et même devant celui de sa bouledogue. Il est désemparé. J'ai réussi à le surprendre de nouveau. Je me trompe peut-être, mais c'est comme si l'existence de cette fille était en réalité peu connue et qu'il tentait presque de la cacher. Mais en même temps, rien que ce nom le met mal à l'aise. Tellement mal à l'aise qu'il ne tient même plus sur ses jambes et chute en avant, s'appuyant comme il peut sur sa main dont la blessure s'est de nouveau ouverte, répandant son sang sur le sol blanc pour se mêler à celui de notre ancien prisonnier. commun La bile qu'il recrache en prime me dégoûte, mais son état plus que lamentable me consterne tant que cela me fait passer l'envie de vomir à mon tour.
« Traîtresse », dit-il. C'est comme ça qu'il qualifie cette Irina. Il se relève enfin, plonge son regard dans le mien, et répète. Une traîtresse. Pourtant... pourquoi ai-je l'impression qu'il ne dit qu'à moitié la vérité ?... L'amour, je le connais suffisamment pour savoir que ce crétin ne garde pas que de la haine vis-à-vis de cette nana. Je suis de plus en plus convaincu qu'il s'agissait de sa copine ou d'un membre de sa famille. Ou d'une amie très proche. Est-ce que c'est elle qui l'a amoché hier soir ?... Voilà pourquoi il semble si furieux contre elle ?... C'est une possibilité. Haha. Il s'est fait tapé par une nana ! Non, j'suis pas misogyne, mais j'suis sûr que lui, ça lui foutrait bien le seum. Haha.

Enfin, il me parle de cet endroit. Enfin, je ne vais pas tarder à lui révéler qui a été là où il se tient en ce moment et qui a écrit son nom sur les murs. Cet endroit ? Mais mon cher Dio, c'est toi qui a provoqué tout ça... Cet endroit c'est tout simplement l'ancienne chambre du petit nounours que tu aimes tant. Ne reconnais-tu même pas le sang que tu fais couler ?... Quel tortionnaire fais-tu... Aaaah mon cher Dio, si tu savais ce qui s'est passé ici... Le croirais-tu seulement ? Quel effet ça te ferait de savoir que le petit ours brun te voyait dans ses cauchemars et que tu étais la cause de ses tourments ainsi que ses cris ? Cela te ferait plaisir, hein ?...
Puis, je ris. Sérieusement.

- Tu crois vraiment que j'ai que ça à foutre de me tailler les veines pour écrire ton nom sur mes murs ? Enfin. J'espère que la déco te plaît, au moins...

Finalement, il comprend que je ne suis pas sain d'esprit, non plus. Il comprend qu'on est peut-être pas si éloigné qu'on voudrait le prétendre, malgré les apparences. Et pourtant, alors que je croyais que c'était lui le plus fou de nous deux, mon action d'hier me fait me poser de plus en plus de questions. Je n'atteindrai sans doute jamais son niveau, mais même si c'est un taré fini, il réfléchit de temps à autre, quand même. On pourrait ne pas le croire humain, mais il a des émotions. Par son simple commentaire, je sais qu'il trouve cette chambre glauque, et il a raison. Je sais aussi que j'ai réussi à lui faire peur un petit moment, et que j'ai découvert une corde sensible. Il prend même la peine de me parler, d'avoir une conversation avec moi, alors qu'il pourrait me dire de la fermer, et détourner le sujet par un énième sarcasme aussi bidon que les précédents.
« J'ai faim ».
Oh, tiens ; enfin un son attrayant. Cette simple phrase a toujours été celle qui pouvait éveiller le plus mon intérêt ; et les gargouillis sont un bruit que je connais mieux que quiconque. Le sien est très bruyant, d'ailleurs. Depuis quand n'a-t-il pas mangé ? Oh, et puis je m'en fous, en fait. L'a-t-il vu, mon sourire malicieux ? Dès lors que quelqu'un prononce le mot « faim » chez moi, c'est à mon tour d'entrer en scène. Avant d'être un Champion Coordinateur, je suis cuisinier hors-pair, et même étoilé, au cas où vous ne le sauriez pas. Dio, en tout cas, à moins d'avoir bien été renseigné, l'ignore. Je ne cache pas que je sais faire la cuisine ; les gens le savent, depuis le temps. Mais étant donné que Blondinette n'a jamais prêté attention à moi jusqu'à ce que j'arrive dans sa cellule, pas étonnant qu'il ne sache pas qu'il est tombé -pardon, que je l'ai « traîné »- sous le toit du meilleur cuisinier d'Enola. Mais depuis la mort de Judith, je ne me rappelle pas avoir fait à manger pour quelqu'un d'autre hormis ma petite-amie, bien sûr. Mais c'est d'ailleurs uniquement parce que je n'ai jamais invité quelqu'un chez moi qui m'aurait parlé de son appétit.
Car si j'ai bien un principe, c'est celui de toujours servir à manger à ceux qui le demandent, involontairement ou non ; quels qu'ils soient. C'est au-dessus de mes forces que de laisser quelqu'un sans manger alors que je suis disposé à le nourrir. Même si c'était un tueur en série qui voudrait ma mort juste après, je me dois de donner le meilleur de moi-même pour chacun de mes « clients ». C'est une promesse que je me suis faite le jour où j'ai compris que mon destin était de revigorer les autres avec de la nourriture. C'est parfaitement idiot, peuvent dire certains, et sans doute que ça l'est. Mais c'est ainsi que je suis fait.

Néanmoins, si mon intention est maintenant d'obéir à l'estomac de cet imbécile qui crie famine, je doute que ce dernier soit en état de marcher et même de descendre les escaliers qui mènent à la cuisine. Alors que ça lui plaise ou non, pour son bien (et accessoirement ma bonne conscience), je me dois d'employer la manière forte. Mais après tout, il ne s'est pas plains hier soir, pas vrai ?...
Je finis par pousser un profond soupir avant de balancer ma hache en arrière (pour retomber s'enfoncer dans le sol plus loin) et de me placer à côté de lui et de m'adosser contre le mur, l'air de rien. Tout à coup, je m'abaisse rapidement pour placer un bras sous ses genoux et je le renverse en arrière avant de mettre mon autre bras derrière son dos et de le porter, telle une princesse (en beaucoup moins sexy, quand même, aheum). Aaaah je savais qu'il allait pas aimer. Voilà qu'il se met déjà à se plaindre et à bouger. Nan mais bouge paaaaaaaas ! P'tain mais qu'est-ce qu'il est chiaaant ! Comment il veux que je marche s'il arrête pas de... AAAARGH ! Calme, calme... Respire profondément. Voiiiilà. Dommage que je puisse pas l'assommer, tiens... Enfin, je pourrai pas le manger... AHEUM, je veux dire le « faire » manger. Voilà ; c'est ça.
Malgré ses protestation, je refuse de le lâcher et descend les marches venant au rez-de-chaussé. Enfin, parvenu dans la salle à manger, je pousse une chaise avec mon pied et installe mon « paquet » dessus.

- Pas. Bouger.

Je sais pas s'il m'écoute, mais de toute façon, s'il veut becter, il a pas le choix ; et en plus il peut pas physiquement. Puis, commence à me frotter les mains, avant de les laver et de me mettre enfin aux fourneaux. Je suis sympa, nan ? Je lui prépare des maultaschens, une spécialité allemande. J'suis sympa, nan ? Je fais honneur à ses origines !
Lorsque j'ai enfin terminé, je lui pose la bonne odeur des pâtes allemandes devant lui, sur la table avec couverts fournis, et lui lance avec un ricanement.

- Tu peux y aller, c'est pas empoisonné...

La vengeance est une musique de Tokio Hotel

Aloïs F. Legrand

Lorsque je vois sa tronche qui passe successivement de l'assiette, puis sur moi, puis de nouveau sur l'assiette et ainsi de suite avec une expression priceless sur le visage, je comprends mieux pourquoi je n'ai pas pu le tuer et ne regrette plus mon choix à présent. La tête qu'il tire en ce moment est tout simplement magnifique ; à tel point que je me retiens de glousser. J'ai pas envie qu'il croit à une blague alors que j'étais parfaitement sérieux dans la préparation de ce plat et dans mon intention de le lui offrir. Il semble ne rien capter à mon comportement, et c'est compréhensible. Néanmoins, je pari qu'il n'aura jamais d'aussi bons repas ailleurs que chez moi. Pendant une fraction de seconde, devant sa mine incertaine, je me demande s'il ne va pas balancer l'assiette ou m'ordonner de goûter d'abord pour vérifier mes dires. S'il y a bien une chose que je déteste, c'est le gâchis de nourriture. Je tuerais pas pour ça, mais un bon coup de pied bien senti ne serait pas évité si quelqu'un ose jouer avec de la nourriture devant moi. Je n'ai jamais aimé, ni compris d'ailleurs, en quoi était amusant le fait de se balancer de la bouffe. Sérieusement. Tout ce que ça à toujours attiré sur moi, c'est mon regard le plus blasé et vénère. Mais je sais que Dio a trop faim pour se permettre de ne pas manger ce que je viens de lui mettre sous le nez. Pendant tout le temps où je cuisinais, d'ailleurs, il était silencieux. Mais je me sentais observé, et je crois que ce n'était pas qu'une impression. Je continue cependant d'apprécier la vue de sa face derpique. Jamais je n'en ai vu d'aussi réussie, et venant de lui, c'est encore plus drôle de la voir. Je me plais à voir que son comportement a bien changé du temps où j'étais son prisonnier. Oui, je sais, Captain Obvious, encore une fois. La situation continue de m'amuser malgré tout, et j'attends avec impatience qu'il daigne enfin réagir à l'appel de son estomac et à celui de la nourriture sous ses yeux.

Puis, enfin, il commence à manger. Je suis surpris de constater qu'il est plutôt soigné malgré qu'il soit affamé. A demi-surpris, à vrai dire. Venant de lui, peut-être que ça m'étonne pas tant que ça, au final. Mais ça me plaît de constater que même s'il ne me remercie pas, il a tout de même des manières et prend la peine de se servir correctement de ses couverts. Au moins, il mange proprement, c'est déjà ça... Ah, tiens, il a déjà fini. Eh bin, c'était rapide ! Vous voyez ? Je savais qu'il pouvait pas résist-...
Mon sourire s'élargit. Je m'en fous de la formule de politesse dans ces cas-là. Il l'avouera jamais, mais il aime ma cuisine, et ça suffit pour me satisfaire. Alors je lui prends son assiette et m'exécute. Je m'empresse de lui faire la même chose, avant de sortir du frigidaire le gâteau que j'ai préparé la veille. Une Forêt Noire ; autre spécialité allemande. Oui, je l'ai fait exprès. Oui, j'ai envie qu'il le goûte. Oui, j'ai envie qu'il rage intérieurement en découvrant qu'il aime ma cuisine. Quel mal y a-t-il à cela, après tout ? Dio peut dire tout ce qu'il veut ; mais je suis sûr et certain que même s'il le disait, il ne pourrait pas vraiment penser que ma cuisine est mauvaise. Je fais même aimer des aliments que des gens détestent. Si un jour Blondinette trouve véritablement que je ne sais pas cuisiner, je veux bien retourner au Régime ! … Tiens, je pourrai voir Juju-chan plus souvent, en fait... Aheum.
Je lui redonne son assiette garnie à nous de maultaschen et pose juste à côté une part de Forêt Noire que j'ai découpé à son attention. Je me place de l'autre côté de la table sur laquelle je m'assoie et le regarde savourer mes mets.

Puis, j'en peux plus. J'éclate de rire. Presque encore plus fou que les précédents. Car il vient de poser LA fameuse question que j'attendais secrètement dans un coin de ma tête.

- Tu oses !... Tu OSES enfin poser la question!...

Môsieur est curieux, donc. Môsieur aimerait bien savoir qui s'amuse à gribouiller son nom avec du sang... J'imagine déjà la tête qu'il va faire ! J'hésite cependant. Va-t-il jubiler ?... Il s'agit là d'un prisonnier assez spécial, je dois dire... Je pari d'ailleurs que Blondinette n'aura jamais eu pensionnaire aussi adorable.
Samaël. C'est lui qui porte vraiment le mauvais nom, dans l'histoire... J'ai cru comprendre que même Dio avait trouvé ce gamin mignon. Mais en même temps, qui ne le trouverait pas craquant ?... Cela me rappelle d'ailleurs que l'autre débile mental ne lui a pas fait mal physiquement. Il a eu de la chance, tiens. Les prisonniers qu'il épargne en tant normal doivent être rares...
Mais mon rire n'a pas cessé. Oh putain... Que j'ai hâte... Que j'ai hâte de voir sa tête lorsqu'il l'apprendra ! Je suis obligé de passer une main sur mon visage pour tenter de me calmer, mais je me retiens de lui révéler directement le nom de celui à qui il a failli ruiner entièrement la vie.

- Je vais te laisser deviner, tiens ! Je suis sûr que tu finiras bien par trouver. T'en fais pas, c'est vraiment pas compliqué!

Et je repars en faisant taire progressivement mon rire tandis que je me redirige vers la cuisine. Puis, tout à coup, je me fige en voyant le calendrier accroché au mur. Je cligne des yeux trois secondes, avant de faire des yeux ronds. Putain de bordel de merde. L'anniv' de Juju. J'ai failli l'oublier. Bordel. Heureusement qu'il me reste quelques jours ! Je m'empresse quand même de prendre une feuille et de commencer à dessiner le personnage Treize de Gundam pour pouvoir fabriquer un moule à son effigie plus tard. Depuis que j'ai appris que c'était l'un de ses persos favoris, je me suis mis en tête de lui faire une statuette en chocolat de lui dès que j'en aurais l'occasion. Alors pendant que je prends mon crayon en main et que je commence à faire le brouillon en dessinant sur la table en face de Dio, je me mets à le questionner à mon tour.

- Hé, dis, c'est quoi ton nom ? Ton vrai nom, j'veux dire. Je sais que Dio Silvery c'est juste un pseudonyme. Et c'est pas à moi que tu pourras mentir, j'te préviens.

Ouais parce que mine de rien, pour moi, Dio c'est le nom de mon tortionnaire. Je veux à présent savoir celui de mon prisonnier.

La vengeance est une musique de Tokio Hotel

Aloïs F. Legrand

Il a deviné. Il a mis moins de temps que je ne le croyais mais il a fini par deviner. Sans même regarder complètement son visage, je devine rien qu'à la vue de son rictus mauvais qu'il se souvient très bien de l'adorable ourson qu'il a traumatisé et sur lequel il a laissé une trace indélébile. Il s'en est sorti, depuis, et heureusement ; mais plus il va grandir, et plus il va devenir fort. J'espère pour ce crétin d'allemand qu'il saura se méfier si jamais il recroise sa route dans quelques années. Je doute qu'il soit aussi clément que son agresseur d'hier. Tiens, d'ailleurs, je ne sais toujours pas qui il est. Mais je me doute que Dio me le dira. Rien que se faire ratatiner de la sorte a dû bien écraser sa fierté. Néanmoins il semble s'être calmé, c'est déjà ça. Je l'ai toujours dit, que ma cuisine faisait des merveilles ; même cet imbécile n'y résiste pas. N'a-t-il pas été surpris, tiens, de voir que je le servais aussi royalement que n'importe quel autre de mes invités ? Il faut dire que je suis un hôte particulier. Mais au moins, il ne pourra pas se plaindre de la bouffe. Sinon ça voudra dire qu'il ment. Je ne suis pas aussi égocentrique que ce crétin, mais je peux assurer à n'importe qui qu'aucun cuisinier sur Enola ne pourrait me battre. Il a quand même de la chance, ce con, d'être tombé chez moi. Haha.
Bon, par contre, qu'il commence pas à m'accuser d'avoir piqué son petit ours chéri, hein ! Moi ça m'aurait pas dérangé de le garder... Mais faut croire qu'il était pas d'accord. Et ses anges gardiens non plus. Quelle coïncidence, d'ailleurs, quand on sait que l'un des deux est le même qui a tabassé ce cher Dio. Mais ça, je le sais pas encore. Oui, je viens de briser le quatrième mur, je vous emmerde, et je rentre à ma mais-... Ah shit, j'y suis déjà. J'aurai dû inviter Blondinette quand Nounours était là, j'suis sûr qu'il se serait bien amusé avec lui. Encore. Il l'aurait ptet aidé à refaire la déco...
A son ton à demi-agacé, je souris narquoisement. Ce n'est plus son problème, maintenant. Peut-être qu'il n'en a plus rien à faire de lui, même. Mais j'aurais dû m'attendre à recevoir moi aussi une devinette. Il ne donnerait pas cette information facilement... Mouais, nan mais sauf que lui c'est carrément son complet que je dois deviner ; l'est marrant, lui ! Un nom allemand, en plus... Il veut que je devine un nom allemand... Mais chais pas, moi! Euh... Angela Merkel ?
Je fais impasse sur le surnom digne d'un gamin de trois ans qu'il m'a trouvé pour me concentrer sur ce qu'il dit. Ah ! Sa cousine serait donc coordinatrice, hm ? Je vais peut-être y arriver, finalement. Sauf que des coordinatrices, j'en ai croisé des tas... C'est la Compétition, bordel ! Enfin. J'espère juste qu'elle est pas comme lui, hein. Physiquement et mentalement, je parle.
Puis je me rappelle qu'il y a effectivement quelqu'un, une certaine jeune fille, qui est venu dans mon Amphi et qui m'a battu. C'est pas celle avec les cheveux rouges ? Rita ? Ah, nan : Riku. C'est çaaaa Riku... Nagel. Riku Nagel. J'écarquille les yeux. Tout concorde. C'est plausible, quand on y pense. Et puis, je me souviens aussi qu'elle m'a parlé après le match d'un certain cousin à elle qui était sur Enola. Eh ba putain, si j'avais su que ce cousin était Dio, et encore, qu'il m'a vu depuis les gradins... Ma belle gueule devait lui manquer, haha. J'espère qu'il a bien maté, cet enfoiré.

- Riku ? Riku Nagel ? C'est... Putain, c'est vraiment ta cousine ?! Sans déconneeeeer ! Mais comment ta famille a fait pour avoir un gars aussi con et une fille aussi mignonne ?

Je suis vraiment sérieux, en plus. Cette Riku, ba il se trouve que je l'ai trouvé adorable et très énergique, aussi. Mais j'arrive pas à croire que... Naaan c'est pas possible. Elle doit sûrement être adoptée. C'est pas possible. Je peux pas croire qu'ils soient de la même famille. Ils sont proches, au moins ? Elle mérite pourtant pas un idiot pareil pour cousin...
Toujours un peu sous le choc, je termine les derniers traits de mon dessin avant de me diriger vers la cuisine pour créer un moule adapté au personnage. Enfin, je commence à faire fondre le chocolat pour revenir vers la table, haussant mon sourcil en voyant le couteau dans la main de Blondinette qui semble prêt à me planter quelque part. Il en a envie, hein ?... Il se rend pas compte qu'il est encore trop faible, ce débile. Mais en vrai, il s'inquiète juste pour ses Pokémons. Je fais alors mon plus beau rictus sadique Oooh... que c'est chou... Eh ba tu sais quoi, Dio ?...

- Tu viens de les bouffer...

Puis, en voyant sa tête, je repars dans un grand éclat de rire incontrôlable. Je me tiens les côtes, me trouvant décidément hilarant. Je suis obligé de cacher une partie de mon visage avec ma main, essuyant au passage une larme qui n'a pas pu s'empêcher de couler.
Je laisse échapper quelques gloussements de dernière minute au moment où j'arrive à reprendre contenance, mais malgré tout mon respect pour la cuisine et mon sérieux concernant la gastronomie, je ne peux pas résister à rire quand même de ça avec lui. Je suis assez doué avec les aliments pour me permettre de m'en servir comme sujet d'amusement.
Je finis par sortir de l'intérieur de ma veste deux Poké Balls que je pose devant lui.

- Je suis tellement gentil que je les ai soigné, tes petits chéris. Mais tout ça ne me dit pas quel est ton prénom... Nagel !

Je débarrasse ses couvertes et retire à la volée le couteau qu'il m'a pris et profite de cet instant pour admirer le délicieux chocolat que j'ai fait fondre et le place délicatement dans le moule avant de le placer au frigo. Enfin, je m'assoie sur la table, de nouveau devant lui, et croise les bras sur mon torse d'un air hautain, attendant une réponse plus claire.

La vengeance est une musique de Tokio Hotel

Aloïs F. Legrand

Alors oui, il faut savoir que même si des centaines de personnes sont entrées dans mon Amphithéâtre, ça veut pas dire que je connais leur vie privée par cœur ! A part pour quelques exceptions (comme Maxwell, par exemple), je cherche pas à savoir le parcours de chaque candidat, surtout si je sais d'avance qu'ils arriveront à rien ; et malheureusement, j'ai des cas comme ça assez souvent. Je savais que Riku pouvait aller loin, mais je n'ai pourtant pas été jusqu'à la rencontrer pour en savoir plus sur elle. Je crois que je ne voulais pas savoir, d'ailleurs. Peut-être avais-je le pressentiment qu'elle n'était pas si mignonne à certaines occasions qu'elle semblait le faire croire en public. Mais tout ce que je peux dire sur elle, je la dois de l'expérience que nous avons partagé ensembles lors de ce Concours ; et cette petite m'a charmé. Alors il peut dire tout ce qu'il veut, mon avis sur sa cousine ne changera pas tant que je n'aurai pas appris à mieux la connaître. Et je suis convaincu qu'elle est moins pire que lui, dans tous les cas.

« Avoue que ça te rend tout chose, hein ? »
Haha. Connard. N'empêche, il a pas tort, d'un côté. Je dois vous avouer que je suis tout à coup très intéressé par le fait de savoir le prénom de Nagel. C'est con, hein, mais le fait de l'avoir toujours connu sous le nom de son pseudonyme et d'être sur le point enfin de savoir qu'elle est sa véritable identité mais fait jubiler. Je pari que y'a pas beaucoup de ses ex-prisonniers qui connaissent son vrai nom ; quel veine ! Enfin, il me l'aurait dit un moment donné, de toute façon ; que ce soit de son plein gré ou sous le coup de mon entêtement à la limite du chiantisme. Parce que je suis sûr qu'il aurait fini par craquer. Je peux être trèèèès agaçant, quand je veux.
Mais bon. A partir du moment où il me parle de l'école... Je connais un minimum l'Histoire pour m'y être intéressé (bien que ma période favorite la Révolution) mais de là à dire que c'est au programme de 6ème... Quoiqu'il est possible en fait que Judith m'en ait parlé une ou deux fois en récitant sa leçon. M'enfin, tout ce qui concerne ma sœur, maintenant... voilà. Je préfère ne pas en parler ; et surtout pas en présence de ce... de ce... Alexander. Alexander Nagel. Oh putain. Ça y est. Je connais enfin son nom complet. Alexander. Alexander... Vous le voyez, mon sourire d'excité qui éclaire mon visage à l'instant même ? Victoire. Il m'a fallu plusieurs mois pour le connaître -et une chance de cocu de l'avoir ramassé sur le trottoir- mais je peux enfin l'appeler correctement et le narguer tout aussi correctement. Si je suis content ? Ah ouais, carrément. Mais lui, il continuera de m'appeler « Prince de caca », hein ? Bravo, Nagel, belle maturité. Je n'en attendais pas moins de toi, remarque. Le jour où tu m'appelleras enfin par mon nom faudra crier « CHAMPAAAAGNE » (si vous avez lu cette phrase en pensant à Cyprien avant de lire cette parenthèse, c'est bien). Bon, maintenant, vous êtes prêt pour la vanne numéro une ? J'vous préviens, ça envoie du lourd. Allez, trois... deux... un...

- Byzantin ? Tu veux dire Byzcrétin !

Clap clap. Allez, tout le monde applaudit mon humour de merde. Tiens, pour une fois, je mérite bien le surnom qu'il m'a trouvé. Eh oui, ma joueuse se facepalm encore et me menace de m'enchaîner si je me calme pas tout de suite ; mais moi je m'en fous, ça me rappellera la prison, au moins. Et voilà d'ailleurs que je suis parti dans un nouvel éclat de rire en entendant ma propre blague pire que foireuse. Mais j'vous assure que c'est sorti tout seul, là. Devant son air faussement supérieur, je n'ai pas pu me retenir d'envoyer chier sa fierté en lâchant une connerie de ce genre ; j'espère que vous m'en voudrez pas trop. Au moins, la dernière fois, il a ri tellement à blague qu'il a dû s'éloigner de moi pour se calmer quelques secondes avant de revenir me faire sa petite affaire... Et je parle bien de me tatouer le torse et suuurtout pas autre chose, hein ! (bande de perver-... *bam*)
Puis, je m'arrête d'un coup lorsqu'il me parle de ses fringues en essayant d'user d'un sarcasme bien mieux que les précédents. Ah, tiens, j'ai failli oublier qu'il était en caleçon, ce con... Mais qu'il ne s'inquiète pas. J'ai pris bieeeen soin de son costume, hinhinhin... Oui, ce rire très discret machiavélique ne présage rien de bon pour lui, vous avez deviné.

- Ah non. Je suis excellent cuisinier, mais je peux pas transformer de la merde en chocolat !

Traduction ? Ses vêtements portent son odeur ; donc, ils puent. Et je ne fais pas de la cuisine avec des aliments pourris. Mais contrairement à tout à l'heure, j'ai décidé d'être honnête.

- Mais t'as pas à t'en faiiiiiiiire ! J'en ai pris graaand soin.

Un énième rire mauvais me secoue avant que je m'en aille chercher les affaires de ce cher Di-... Alexander. Alex, c'est plus court. Et puis, nous sommes intimes maintenant. Après tout, on s'est vu mutuellement torse pwal, haha... Mais ça m'étonne pas qu'il se soit fait buter, vu le nombre peu impressionnant de muscles qu'il a...
Je disparais dans la pièce d'à côté -soit la buanderie- et ressors tout sourire avec ses vêtements à la mains soigneusement pliés et lavés. Ouais, si Angela Merkel doit rester chez moi, autant que ça soit avec quelque chose de propre sur lui. J'en ai même profité pour raccommoder les trous que son agresseur a laissé. Franchement, je suis décidément un gars trop généreux pour lui. Si j'osais, je me lancerais des fleurs... Mais je préfère laisser ça pour mes fans, puisque ça semble tant leur faire plaisir. J'ai jamais compris d'ailleurs, m'enfin bon.
Ah, et pendant que je lui rapporte les vêtements, un laaarge sourire dévoile mes dents blanches. J'ai peut-être oublié de vous parler de quelque chose, concernant ses fringues...

- Les voilààààà ! J'espère que la nouvelle couleur te plaît...

Rose. Oh, pardon. Rose bonbon. C'est la couleur avec laquelle j'ai osé teindre ses habits. Tous. De la chemise au pantalon, en passant par la veste. Rose. Pink. Le truc bien niais, bien girly, et bien gay. Alors, Sleeping Beauty, tu l'aimes comme ça, ta garde-robe ?... Je lui pose sur la table ses affaires et contemple sa face en me retenant d'exploser tant la situation est priceless. Enfin, je me rassois sur la table et pose mon pied sur le dossier d'une chaise en jouant à la basculer d'avant en arrière. La bouche fermé cette fois, cela ne m'empêche pas de lui montrer mon plus beau rictus.

Môsieur a soif. Môsieur croit vraiment que je vais lui servir à boire. Eh bien Môsieur peut aller se faire mettre s'il compte sur moi pour que je lui apporte tout ce qu'il veut comme un esclave. Enfin, je le ferais s'il me le demandait gentiment. Quoi ? Comment ça, ma logique est conne ? Et alors ? Même avec des principes, il n'empêche que je fais ce que je veux avec. De plus, je n'aime pas qu'on me demande comme il le fait. Si j'étais si décidé à lui servir quelque chose à manger tout à l'heure, c'est avant tout parce qu'il me l'a pas demandé directement. Il a juste pensé à voix haute et j'ai pris la décision de le servir selon les ordres de son estomac. Il n'avait pas capté avant que je servais n'importe qui avec le même luxe, mais maintenant qu'il sait cette faiblesse, il croit en profiter, hein ? Lui servir à bouffer était bien plus marrant, vu son état de tout à l'heure. Mais revigoré comme il est actuellement, c'est beaucoup moins drôle, tout à coup.

- T'as soif ? Et alors ? Notre corps est composé à 65 % d'eau, j'te signale. Alors si t'as soif, soit tu demandes gentiment, soit tu avales ta salive. Fais juste attention à pas t'étouffer avec...

Nan parce que ça serait quand même dommage, hein ?

La vengeance est une musique de Tokio Hotel

Aloïs F. Legrand

Ce mec a beaucoup beaucoup beaucoup de défauts. Pire que moi, sans aucun doute. Mais il y a au moins deux qualités que j'apprécie chez lui : il est drôle, et il est bon public. Pour rire à mes blagues, il faut au moins le deuxième point. J'admets que j'ai un humour de merde, mais cela n'a pas empêché ce taré de rire et de me satisfaire par la même occasion. J'aime m'amuser de lui, mais le fait qu'il ne soit pas en colère, bien que cela soit mon attention quand je le fais chier  -parce que faut avouer que sa tête de quand il est en colère est particulièrement fun- je ne m'offusque pas tant que ça qu'il puisse glousser aussi de sa situation. Mais moi qui croyais qu'il allait être vénère une fois qu'il aurait vu ce que j'aurais fait à ses fringues, je suis un peu déçu de sa réaction. Au moins, mes conneries manquent de le faire glousser. Et comme si ça ne suffisait pas, il me complimente. Ooooh stop it you ! Sérieux... Un connard de première classe ? C'est trop, voyons ! Venant de lui, j'peux vous assurer que c'est pas rien ! Question connard de première classe, ce con a tout pour lui ! Mais je ne pensais pas recevoir des mots si flatteur de lui. Être un connard n'a jamais été mon but, nan, mais au point où j'en suis... Ba autant faire le truc jusqu'au bout. Donc c'est officiel : je suis un connard de première classe. Quoi ? Qu'est-ce que vous dites ? Je me répète ?... Ba j'vous emmerde.
S'il n'enfile pas ses vêtements, il prend la vanne du rose pétasse très cœur et en rit même aux éclats. Je voyais bien qu'il pouvait pas se retenir depuis tout à l'heure, mais c'est différent de la cellule. On dirait qu'il semble enfin se lâcher. J'vois pas pourquoi d'ailleurs c'était différent quand il me torturait, hein ; il avait aussi le droit de se marrer, mais c'était comme s'il avait tout fait pour se retenir. Pourtant y'a pas de mal à rire un peu avec son prisonnier, hm ? Je sais pas si on pourrait parler de la situation actuelle, cependant. Je sais pas si on peut considérer ce crétin comme mon prisonnier. En tout cas, il peut être assuré que c'est dix fois mieux que la prison, question bouffe, hygiène et confort ; donc il n'a pas intérêt à se plaindre. Et si môsieur est pas content, et ba... Ba c'est dommage pour lui ; car je ne compte pas le laisser filer maintenant. Allez savoir pourquoi, j'ai envie de le garder encore un peu, ne serait-ce que pour passer mes journées à le faire chier ; car c'est bien ce qu'un connard de première classe fait.

La scène qui va suivre frise le ridicule, mais je dois quand même vous en parler, car je ne peux décidément pas laisser ça sans commentaire. Faut dire que je savais bien que Nagel ne se donnerait pas la peine de me parler poliment, même pour un besoin aussi vitale que celui de boire. Je veux lui faire comprendre que même si je suis serviable, j'ai aussi des limites, et chez moi, je reste maître des lieux ; tout comme lui dans son bloc où il fait ce qu'il veut de ses victimes. Mais comme je suis trèèès gentil, je donne quand même une certaine liberté à ce couillon et le regarde se lever comme il peut de sa chaise avec un rictus narquois. Il a cessé de rire, mais quelques gloussements s'échappent encore de lui, preuve que même si j'ai un humour de merde, ba ça reste de l'humour. Et comme s'il n'était pas déjà assez pathétique comme ça, voilà qu'il se lève pour se diriger directement vers l'évier. A cloche-pied. Nan nan, j'déconne pas. Il le fait vraiment. Je savais que ce mec était désespérant, mais y'a des limites. Le p'tit mot magique, ça lui aurait pas arraché la gueule, hein... Enfin j'crois pas. Ça m'a jamais rien fait, de dire « s'il te plaît ». Enfin après, je sais pas quel est le résultat sur les attardés ; l'entendre aurait pu me donner une réponse à ce sujet, tiens.
Bon, ça y est, Môsieur s'est servi un verre d'eau. Mais je sais pas s'il a compris le principe de se désaltérer... Ba allez, bois. Bois, te dis-je ! Qu'est-ce que t'attends pour boire ? Il sait pas boire un ve-... Oh le connard. Oh l'enculé de fils de... Si je n'étais pas aussi con que lui, je lui aurais déjà sauté dessus. Malheureusement c'est une de nos caractéristiques communes, et je ne peux m'empêcher de le regarder, blasé. Très drôle, Nagel, vraiment. A cause de ce débile, je suis trempé. Enfin, seulement la tête. Sur ce coup-là, je ne glousse même pas. Je cligne des yeux de manière flegmatique. Il arrête finalement de gaspiller l'eau et boit vraiment. Mais pile au moment où je me rapproche du robinet pour couper l'eau, ce crétin n'a rien de mieux à faire que de renforcer le jet pour ensuite me le diriger en pleine face, l'eau du verre précédent ne suffisant pas pour satisfaire son amusement, visiblement.

- Arrêteeeeeuh !

Bon, je proteste, mais...  ba je fais pas long feu, à vrai dire.  Si la blague du verre d'eau ne m'a pas convaincu, le truc du jet me fait rire, à présent. C'est d'un ridicule, franchement... Mais j'me marre. Sérieux. Y'a pas à dire, avec lui, j'ai vraiment l'impression de m'amuser. Genre pour de vrai. C'est gamin et très con, mais je trouve ça drôle. Malheureusement le plaisir ne dure pas, car je ne sais pour quelle raison, Nagel se met à me pousser avec son coude et nous tombons tous deux dans une chute qui achève de faire de nous rendre grotesques et fait de la position dans laquelle nous nous retrouvons quelque chose d'extrêmement compromettant. Sans rire... Moi à terre et lui juste au-dessus de mon corps avec pour seul vêtement un calebute. Vous voulez quoi ? Qu'on s'embrasse, aussi ? Vous nous avez pris pour des persos de yaoi ? Oh, wait... Si j'osais briser le quatrième mur et que je considérais le fait que l'avatar du mec sur moi provient d'un jeu peu orthodoxe et que de mon côté on trouve des fanarts et des doujinshis assez sympas avec des partenaires pas vraiment du sexe opposé au mien... Mais ça, ça serait si j'osais. Mais je n'ose pas. Parce que ça donnerait une image encore plus ambiguë de cette scène.
Je sais pas après si le clebs tout rose de Blondinette est une yaoiste assumée, mais j'ai la très nette impression qu'elle essaye d'enlever la seule fringue restante de son dresseur. Je savais pas après que les Pokémons pouvaient avoir de pareils fantasmes... Mais en fait, vu le pervers sadique qui est tombé sur moi, ça m'étonne presque pas que son toutou soit comme lui. Heureusement pour nos egos, elle finit par le lâcher et il se relève enfin. Mais la suite n'arrange pas grand chose, en fait. Comme si Arceus me punissait d'avoir sauvé la vie d'un tel demeuré fou dangereux, je reçois tout à coup une carafe d'eau sur la tête, qui finit par tomber au sol, sans casse. A nouveau, je me retrouve à être mouillé, sur presque tout le corps, cette fois-ci, et ramasse calmement l'objet pour le reposer sur la table. Table qui n'a plus de nappe. Nappe qui a été volé par Mister Connard de service pour s'en faire une raaavissante toge à fleurs. Et en plus, il ose me narguer, alors que sa tenue laisse à désirer. La fierté de ce type n'a donc aucune limite ?...

- L'est jolie ta nouvelle robe, Blondinette, fais-je en me levant à mon tour, dépité de toute la flotte qui m'est tombée dessus.

Je pousse un soupir. Heureusement que c'est juste de l'eau, et pas quelque chose qui aurait été difficile d'enlever. Les cheveux humides et ruisselants, je les relève en arrière, dévoilant ainsi mon autre œil caché habituellement sous ma mèche. Pendant que l'autre se pavane avec sa tunique improvisée, je me dirige vers la table où sont toujours posés les véritables habits de mon invité, un sourire narquois sur les lèvres

- Pourquoi tu mets pas tes vêtements ? Tu veux que je t'aide à les enfiler ? J'suis sympa, j'ai enlevé les tâches de sang pour toi. Enfin, ton sang, cela va de soit. Qu'est-ce que t'as fait à ton agresseur, pour qu'il te mette dans un tel état ? T'as violé un de ses gosses ? Tu lui as dessiné une teub sur le front ?... Oh, je sais ! T'as bouffé ses ongles !

Encore une fois, je ris tout seul de ma propre idiotie. Brutalement, je m'arrête de glousser.

- Hé... Tu sens rien ?

Enfin, j'écarquille les yeux lorsque je reconnais instantanément l'odeur de brûlé, et que je vois effectivement une flamme qui a commencé à apparaître sur le bas de la robe de Nagel. Mes yeux se détournent discrètement pour constater en effet que Aurore -que je n'avais pas vu avant- est installé sur un canapé plus loin et sourit, apparemment satisfaite de son coup.

La vengeance est une musique de Tokio Hotel

Aloïs F. Legrand

Okay. J'aurais... peut-être pas dû provoquer ce mec. Seriously. En même temps, je savais qu'il serait pas facile à apprivoiser. Ce taré mérite l'Oscar du plus gros connard de l'univers. Ou du moins, si y'a pire que lui, je me ferais une joie de le rencontrer. Car Alex est une perle. Boooon d'accord, il torture des gens, massacre des innocents, ne sait pas écrire correctement le français et on entend son accent à des kilomètres... Et aloooors ? Il est bien plus fun que toutes les boîtes d'Enola réunies (et j'peux vous dire que je les ai faites). Mais bon ; apparemment, son agresseur n'était pas du même avis. D'un côté, même si je l'ose pas l'avouer à voix haute, je suis assez curieux de savoir qui a pu l'amocher à ce point-là ; à tel point que, ironiquement, c'est moi qui ai dû lui sauver la vie. Enfin ; si je ne l'avais pas fait, je n'aurai pas pu voir son maaaagnifique et trèèèès beau caleçon bananes. Franchement, même moi je mets pas de trucs aussi ridicule. Je portais des caleçons quand j'avais quoi, quinze, seize ans ? Ouais, un truc du genre. Mais nous sommes pas ici pour parler de sous-vêtements. Ni pour parler de gigolos, d'ailleurs... Quoique bon, d'habitude, les gens qu'on ramasse sur les trottoirs, ce sont les... les... Nan et puis quoi, elles sont pas belles, ses fringues ? Ne devrait-il pas se considérer chanceux ? Et puis j'suis désolé, mais y'a des macs qui ont la classe ! (surtout ne me demandez pas comment je le sais). Mais son refus de porter ces habits me déçoit. J'ai compris que je le faisais chier, hein, c'est là tout le but, et principalement la raison de sa présence ici. Je suis destiné à devenir l'un de ses emmerdeurs attitrés, et je suis fier de ça. Bon, par contre, s'il pouvait éviter de gueuler à tout bout de champ, ça serait bien sympa pour mes tympans. Je sais qu'il en a absolument rien à foutre, mais j'y tiens, moi, à mes oreilles.

Puis après, je décroche. Peut-être qu'au fond, je préfère quand il gueule. Au moins, il me fait marrer. Mais jamais je ne l'aurai cru capable de débiter un tel discours sur les... ongles. Je me posais déjà pas mal de questions en cellule, mais j'ai fini par me dire qu'il était juste un gros sadique et que comme arracher les ongles, ça fait putain de mal, ba il aimait ça. Mais je pensais pas qu'il avait vraiment une telle obsession pour les ongles, quoi. Pourtant, c'est une véritable passion chez lui, semblerait-il. Je capte pas tout à son charabia, écoutant à moitié en levant un sourcil, incrédule devant son speech, et ne retient au final que quelques bribes. Au moins, il a des arguments à revendre, ce con. S'il n'était pas aussi cinglé, j'aurai presque été fier de lui. Pourquoi il travaille pas dans la manucure, pendant qu'il y est ? C'est vrai, quoi, s'il aime autant les ongles, il pourrait travailler dans un institut de beauté, comme ça il aurait tout le loisir de s'en occuper, puisque apparemment c'est sa passion ! Puis s'il peut porter sans problème une robe à fleurs, je vois pas pourquoi une tenue d'esthéticienne ne lui irait pas. Nan mais écoutez-le... Cela veut dire qu'il a également gardé mon ongle ? Je lui ai manqué à ce point-là ? Pauvre chou, il était temps que j'arrive à lui ! Aussitôt, dans ma tête, je vous cache pas que j'ai des images particulièrement drôles et ridicules de Blondinette en train d'embrasser et de chérir ses petits ongles adorés. Mais vu certains prisonniers qui viennent au Bloc et qui deviennent par conséquent ses victimes, je me demande s'il garde tous les ongles qu'il arrache. C'est sa marque déposée, sa signature, d'accord ; mais j'estime, compte tenu surtout de l'hygiène de certains, et en particulier celui des hommes, qu'il y a des limites au fanatisme. Déjà que son obsession pour ce genre de chose est déjà trèèès bizarre à la base, le simple fait qu'il garde ces petits bouts d'humain chez lui me répugne. Mais étant donné sa bizarrerie et sa mentalité plus que douteuse, cela ne m'étonne pas vraiment, au final. Je suis aussi fou que lui, certes, mais je n'irais quand même pas essayer de voler un ongle de mon idole, même si je suis son plus grand fan. Et puis il les range où, d'abord ? Dans une boîte ? Un casier ? Une armoire vitrée ? Son petit musée personnel des horreurs ? Son caleçon banane ?... Ouais, nan, j'veux pas le savoir, en fait. Mais je crois qu'au fond une part de moi rage un peu de m'être fait volé ce bout de chair par ce crétin de la pire espèce.

Puis, enfin, Alexandouille comprend que oui, sa très jolie robe flambe et ma frustration s'envole lorsqu'il recommence à beugler des insultes dans sa langue maternelle qui me font aussitôt éclater de rire. Tous les gens énervés sont-ils aussi drôles ou est-ce vraiment un cas à part, ce type ? Quoiqu'il en soit, il ne tarde pas à jeter sa robe improvisée dans les flammes pour empêcher de se faire cuire sur place ; et apparemment, je ne suis pas le seul que cette scène amuse. Allongée sur un canapé, Aurore ricane, assez contente de son coup. Aaaaah... je l'aime, cette Feunard ! Elle non plus ne sait rien de ce qui s'est passé entre Blondi et moi. Mais elle a bien vite compris néanmoins que ce n'était pas quelqu'un que j'appréciais particulièrement ; de mes trois Pokémons stars, c'est d'ailleurs bien elle qui a le plus mauvais caractère. A voir la tête de mon « prisonnier », n'importe qui rirait, remarque.
Si cela n'amuse pas Nagel le moins du monde au début, un rictus froid ne tarde pas à apparaître sur son visage et il désigne ma belle renarde argentée, la menaçant de lui faire du mal. Mais à ses propos, je ne fais que hausser un sourcil. Quoi ? Me dites pas qu'il s'est mis à croire aux clichés, quand même ! Aurore est un magnifique Pokémon de Concours, certes, mais c'est également une redoutable combattante ! Les plus belles roses ont des épines, comme a dit je-sais-plus-qui-mais-de-toute-façon-on-s'en-fout. Tout ça pour dire que sa clébard peut bien grogner comme elle veut, cela ne fait pas peur à ma championne de feu. Pour un peu, j'aimerais bien lui montrer que les Pokémons de Concours ne sont pas aussi faibles, tiens... Mais même ma chienne enflammée ne mérite pas de se salir les pattes pour son sac à puces rose puant. Cependant, bien que son truc baveux ait l'air aussi attardé que lui, cette Granbull a plutôt l'air puissant et je sais qu'il ne faut jamais juger Pokémon ou humain par leurs apparences. Même si j'adore la provocation, je ne vais quand même pas risquer que ma belle renarde attrape la rage après une potentielle altercation avec le bouledogue. Donc je fais mine de lever les yeux au ciel, sa remarque passant bien au-dessus de ma tête.

Bon, en revanche, il a pas tellement tort sur le fait que ma maison est littéralement en train de brûler ; et étant donné mon habilité avec tout ce qui touche au feu, ce n'était pas près d'arriver un jour. Mais avec un con pareil chez moi, cela ne m'étonne pas plus que ça, au final. Pourtant, malgré les flammes, la chaleur torride et la fumée qui commence déjà à s'épaissir, je reste assis sur ma chaise, immobile, contemplant ma nappe qui s'embrase peu à peu et se fait consumer sans modération par le feu qui ne tardera pas à s'éparpiller si je ne fais rien. Mais juste... la flemme. Enfin, ça ne me fait ni chaud ni froid. J'ai bien des extincteurs, de toute façon ; et au pire, je peux sans problème appeler ma Lokhlass. Je ne suis pas du tout le genre à paniquer pour si peu. Hormis mes Pokémons, tout ce que je possède ici se rachète ; et j'ai largement les moyens, au cas où vous en douteriez. Néanmoins les travaux seraient longs et chiants à faire alors peut-être qu'il vaut mieux que je me bouge et que j'arrête le déluge avant qu'il  ne soit trop tard et que j'ai à payé les frais à cause de lui. Oui, car c'est de sa faute si Aurore a eu la subite envie de lancer une gerbe de flammes, pas celle de la femelle shiney.

Je soupire, et finis par me résorber à chercher un extincteur, mais me fige. Tel un chat qui tout à coup aurait repéré une proie, je lève mon regard océan scruter celui de mon interlocuteur et je souris intérieurement, soudainement intéressé par sa proposition. Je dois avouer que, même si ce n'est qu'un détail assez minime, savoir l'identité de celui qui a amoché Alexandouille me fait jubiler. Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'on croise quelqu'un qui peut faire beaucoup bobo à la fierté (et bobo tout court) au graaaaand et foooort Alexander Na... Niagara ? Ah, nan, Nagel. Mais Niagara c'est plus fun. Quoique étant donné que c'est un truc agréable à regarder, on peut pas dire que ça lui aille bien... Enfin bref.
Ma vue passe successivement de l'iDiot (j'aime-les-jeux-de-mots-pourris.com) aux flammes ardentes, pour enfin se poser sur son costume rose bonbon qui ne tarde pas à être carbonisé en même temps que la nappe. Si je fais extérieurement une tête de merlan frit, je sais que je n'ai pas besoin de faire le vide dans mon esprit pour peser le pour et le contre. J'ai déjà fait ma décision. Lui et moi parlons enfin le même langage. Tiens... est-ce qu'on commencerait à bien s'entendre, par hasard ? Ça serait presque drôle, avouez-le. Je reprends mon air sérieux, et, finalement, esquisse à mon tour un sourire mauvais.

- Vendu.

Certes, il n'a pas mis son costard Barbie Girl, mais voir son caleçon bananes a suffit à ma satisfaction, et mon esprit bienveillant a décidé qu'il avait été assez humilié comme ça. Enfin... bien sûr qu'il ne sera jamais assez humilié, mais je doute qu'il ne me dira rien sur son agresseur tant que je ne lui aurais pas donné ce qu'il me demande, alors autant ne pas faire la fine bouche et m'exécuter ; ça fera au moins quelque chose à raconter. Mais il n'a pas intérêt à se plaindre de ce que je vais lui apporter, naméoh ! C'est de la couture italienne de grande classe, figurez-vous !
Je sais déjà ce que je vais lui donner : un costume semblable à celui qu'il portait avant mais dans de la matière plus souple et d'une bien meilleure qualité, aux teins un peu plus sombres, également.  Et puis s'il lésine et rejette mon cadeau... Ba je l'assommerais et prendrait une photo de lui en calebute pendant qu'il est évanoui pour la montrer à Julianne, wouala ! (je suis sûr qu'elle dirait pas non, en plus...) Ce n'est toutefois non pas dans mes bras que je lui apporte les vêtements promis, mais sous une clochette utilisée pour les plats, que j'emmène sur une plateau roulant, digne de ceux utilisés par les hôteliers pour le service d'étage. Je retire la cloche argentée et le laisse voir l'ensemble que j'ai apporté tout spécialement pour lui.
Enfin, je me rassois sur la chaise et l'observe attentivement, un sourire malicieux sur les lèvres.

- Alors, Père Castor, raconte-moi tout...