« Ca fait mal, de vivre sans toi. » [OS]

« Ca fait mal, de vivre sans toi. »
Ft. Yasmina Jaegan-Black, PDV Tomy, 24 juillet midi.

Depuis qu'il est de retour auprès de sa mère, qu'il vit avec elle à la Pension, Tomy commence à bien connaître les lieux ; ses moindres recoins, les terres, les bâtisses, tout. Même avec ses béquilles, il a exploré chaque parcelle du terrain, des infrastructures, & bien entendu de la maison elle-même. Tout, sauf une pièce. Il n'y a qu'une seule porte qu'il n'ait pas encore ouverte, qui lui reste fort mystérieuse après dix jours ici, car sa mère ne la lui a pas désignée lorsqu'elle lui a fait visiter la maison. Elle ne lui en a pas interdit l'accès, mais elle ne lui a pas dit ce qu'elle renfermait.

Elle est au rez-de-chaussée de la maison, c'est la seule hormis celle de l'escalier menant à l'étage qui soit clairement marquée comme "interdite au public" ; les clients de la Pension n'ont pas le droit d'y mettre les pieds. Au début, cela ne l'a pas intrigué plus que cela, & puis il était fatigué par sa blessure, ou trop occupé à explorer les terres & aider sa mère à gérer l'élevage, ou bien trop pris par les inquiétudes que provoquaient Pierz & Tobias.. Mais désormais, il va mieux. Les deux monstres ne créeront plus de soucis. & sa mère est absente, après avoir bouclé les corvées du matin rapidement, pour aller faire une course en ville. & pendant son absence, il doit s'occuper ; hors il n'a plus rien à explorer d'autre que ce lieu, il a achevé son dernier livre à lire, & n'est pas encore en état de superviser l'entraînement de ses pokémons.

Est-il surprenant en ce cas que, repassant devant la porte après être allé ranger son livre à l'étage, il se soit soudain souvenu de combien l'intriguait la pièce dissimulée derrière ainsi que l'oubli de sa mère de lui dire de quoi il s'agissait? Planté devant avec son Pyroli & sa Roussil, il passe bien dix minutes à tergiverser, peser le pour & le contre. Se demandant si, au fond, il y a une raison à cette omission, ou si elle était involontaire. Pourquoi sa mère aurait pu éviter de mentionner ce qui se dissimule dans une pièce, sans pour autant lui interdire de le découvrir lui-même? Il ne voit qu'une seule raison, & cela le fait trembler.

Il craint de trouver derrière des souvenirs. Le passé. Son père, sa tante, sa fratrie.. Un hommage à leurs proches perdus, peut-être? Voilà ce qui l'a réellement retenu si longtemps, au fond. Ce qui a fait qu'il a attendu une absence de sa mère, d'être un peu remis, de n'avoir plus à s'inquiéter d'une menace pesante ; de réunir ces trois faits à la fois. La peur d'être mis face au passé dont il n'a pas fait le deuil sans être prêt à l'endurer, & en obligeant sa mère à se le rappeler brutalement par sa réaction. Inspirant profondément, après dix minutes de questions muettes & d'immobilité, il pose enfin une main sur la poignée, rassemblant son courage pour mettre fin aux doutes.

Ce qu'il découvre là.. Est bien différent de ce qu'il croyait. La pièce est vaste, autant que le salon au moins. Mais n'est pas emplie d'hommages douloureux, de souvenirs difficiles, de fleurs.. Elle est emplie d'instruments. L'univers de sa mélomane de mère.. Voilà pourquoi elle ne lui a pas dit. Le souffle coupé, surpris & émerveillé à la fois, il en lâche ses béquilles qui chutent vers le sol. Boîtant, se retenant à sa Roussil venue le soutenir pour remplacer ses aides inertes, il s'avance vers l'instrument qui fait le centre de la pièce ; un piano, un superbe piano à queue ressemblant fort à celui que sa mère avait à Cimetronelle. Bien entendu ce ne peut être le même, mais.. C'est suffisant. Sans un mot, il prend place sur le tabouret.

Sa mère avait sans doute prévu sa réaction, voilà pourquoi elle a tu le contenu de cette pièce. Ce n'était bien sûr pas qu'elle refuse de le voir dans son univers, elle avait toujours apprécié de le leur faire découvrir, à sa sœur, son frère & lui. Mais plutôt le fait qu'auparavant, il n'aurait pu tenir ici sans s'effondrer ; & pourtant il aurait esssayé, attiré par l'instrument à cordes frappées. Une larme glisse sur sa joue, émue, alors que ses doigts effleurent doucement les touches.

♫Quelques notes, quelques accords retentissent dans la pièce. Se muant finalement en mélodie, alors qu'il reprend une certaine assurance, voyant que ses doigts se rappellent même après quatre ans sans y toucher. & finalement, une musique connue, un air que sa mère jouait souvent & qu'elle lui a enseigné à sa demande ; qui n'a jamais fait plus de sens pour lui que désormais. Une musique douce, douloureuse. Finalement, les souvenirs le rattrapent tout de même, alors que sa voix s'élève à son tour, tremblante.

- Qu'elle était belle, à t'écouter, sur ta voix son corps dansait.. Dans ces dentelles virevoltait l'effet d'un corps de balet.. Papa.. Tu as pris la route sans dire adieu. Papa.. Tu as laissé son corps, je t'en veux!

Bien sûr, sa mère en le jouant ne nommait pas son propre père. Elle se souvenait de son meilleur ami assassiné, elle nommait "Samy". Mais Tommen, lui.. Lui peut aujourd'hui donner les vraies paroles, celles du chanteur original. Car lui, il s'adresse bien à son père, son père parti bien trop tôt.

- Ça fait mal de vivre sans toi.. Elle a mal & tu ne t'imagines même pas, comme ça fait mal, de rire sans toi.. Elle a mal & tu ne reviendras pas..

A ses côtés, ses deux pokémons écoutent presque religieusement. Muets, touchés par sa douleur. Calixte comprend bien sûr, mais Desmond le vit réellement. Il partage les mêmes sentiments, après tout. Les mêmes sentiments partagés envers son propre père, resté avec celui de Tommen, pour les mêmes raisons. Rancœur & admiration. Douleurs.

- Qu'elle était belle, à tes côtés, dans son regard je voyais.. Qu'tu faisais d'elle un conte de fées, sur toi elle se reposait.. Papa.. Tu as pris la route sans dire adieu. Papa.. Tu as laissé son cœur, je t'en veux..

Les larmes glissent sur ses joues désormais, muettes. Sa voix presque brisée continue pourtant, enchaîne sans trêve, suivant la valse de ses doigts sur le piano.

- Ça fait mal de vivre sans toi.. Elle a mal & tu ne t'imagines même pas, comme ça fait mal, de rire sans toi.. Son sourire appelle au secours, & il est sans amour.. Ca fait mal de vivre sans toi.. & elle a mal, tu ne t'imagines même pas..

Les yeux clos, il joue entièrement au souvenir désormais. Possédé comme peut l'être sa mère par la mélodie ; & pourtant il n'a pas le vingtième de son talent. Il vit juste la musique, pleinement. Ce chant qui coule directement de son cœur brisé par la perte de son père certes, mais surtout par la douleur qu'il devine chez sa mère devant cette absence. C'est pour elle surtout, qu'il en veut à son père d'être resté au cœur de l'incendie..

- Comme ça fait mal! De rire sans toi.. Elle a mal, toi tu ne reviendras pas.. Toi tu ne reviendras pas.. & toi tu ne reviendras pas!. & toi tu ne reviendras pas!. & toi tu ne reviendras pas!. Papa!

& pourtant il admire ce geste. Tellement. Lui sauver la vie, puis rester pour soutenir l'agonie de sa petite sœur qu'il ne pouvait sortir de là.. Choisir d'affronter la mort pour que Kendy ne reste pas seule au désespoir.

- Papa..

Cela reste tout de même un manque terrible. Longtemps, ses doigts continuent à jouer les dernière notes sans sa voix. Longtemps. Il ne saurait pas dire combien de temps. Il ne cesse finalement qu'en sentant une présence dans son dos, de longs cheveux chatouiller ses épaules. Dans un sursaut, tournant légèrement la tête pour découvrir sa mère. D'un geste rapide mais pas assez discret, il essuie ses pleurs.

- Ca.. Ca fait longtemps que tu es là?..
- Un certain temps, oui..

Sa voix est brisée, il devine des pleurs refoulés dans ses yeux de nuit. La culpabilité étreint aussitôt son cœur, mais sa mère ne dit rien, se contentait de l'enlacer doucement, le berçant comme lorsqu'il était enfant.

- Il nous aimait, Tommen.. Il nous aimait plus que tout. Je sais qu'il n'aurait pu faidre d'autre choix. Ca me fait mal de vivre sans lui, toujours.. Mais au moins, Kendra n'était pas seule.. J'aurai fait la même chose que lui, tu le sais?..

Contre son épaule, l'entendant murmurer ses paroles, il pleure de nouveau, silencieux. Oui. Il le sait. Il le sait même parfaitement. Mais comment pourrait-il ne pas en vouloir quand même un peu à son père d'avoir accepté d'affronter la mort, alors que sa mère resterait seule sans lui, désespérée & brisée?..

fiche by Nighty Jaegan, alias Rayquaza.

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