Growing Up

Évolution de Joshua

Depuis qu'il avait rejoint l'équipe de Clive, Joshua, tout jeune Hélionceau qu'il était, avait remarqué une chose : Ezekiel était le meneur, ou en tous cas physiquement. Si Castiel était sans conteste celui qui guidait psychiquement et fournissait les conseils et le calme, le Démolosse était le combattant par excellence du groupe, étant même plus redoutable qu'Abbadon et parfois aussi brutal qu'Elijah. En comparaison, les mouvements de l'Hélionceau étaient bien plus lents et maladroits, tandis que leurs attaques Lance-Flammes n'étaient même pas comparables tant lui et Ezekiel ne jouaient pas dans la même catégorie ; le Démolosse combattait dans la cour des grands, tandis que lui se débrouillait comme il le pouvait.
Certes, son admiration pour le chien des enfers était peut-être démesurée, et Daeva le lui avait fait remarqué à de nombreuses occasions, mais Joshua refusait de l'avouer et on aurait sûrement pas menti en disant qu'il l'idéalisait et le voyait comme une idole. Même Clive l'avait vu, et gloussait légèrement en voyant l'Hélionceau suivre le Démolosse comme une ombre, avec toute la discrétion d'un phacochère dans un magasin de porcelaine. Le Démolosse en question ne savait d'ailleurs pas quoi penser de tout cela, et se contentait généralement de faire comme si il ne voyait pas le lionceau qui le suivait tout le temps, même si cela avait tendance à le frustrer. Pour tout dire, il avait même commencé à envisager de lui apprendre un ou deux trucs, rien que pour voir de quoi il serait capable, et peut-être de le prendre sous son aile. Le projet était secret toutefois, et personne hormis Clive et Castiel n'était au courant ; vous comprendrez bien que si Joshua l'avait appris, il serait devenu intenable. 'Senpai noticed me', tout ça.

D'ordinaire, dans le bureau de Clive à Vanawi au Régime, seuls quelques privilégiés ont le droit de rester. Comme d'habitude, Lilith tissait sa toile dans un coin de la pièce et Castiel restait aux côtés de son dresseur qui griffonnait sur une feuille en fronçant les sourcils, l'air vaguement agacé. Aujourd'hui, le seul qui manquait à cet appel était Ezekiel, qui normalement prenait place dans un large panier juste à côté du bureau du hérisson, de sorte que n'importe quel soldat entrant ici soit au moins un peu intimidé par la présence de ces trois pokémon ; Clive n'était pas du genre à dire que la peur permettait de bien gérer, mais disons qu'il avait constaté qu'un regard mauvais de la part du Démolosse, de la Migalos ou du Gardevoir en dissuadait beaucoup de remettre son autorité en question.
Apparemment, le Démolosse était victime d'une intoxication alimentaire, résultant du fait qu'Ezekiel avait dévoré goulûment un steak qu'un commerçant du marché lui avait offert quand il avait fait sa promenade habituelle du matin. Par conséquent, vu que le chien des enfers ne pouvait pas assumer décemment son poste étant donné qu'il recrachait probablement ses tripes au centre pokémon d'Anula où il était surveillé, Clive avait laissé à Joshua le droit de venir à sa place, exceptionnellement.

L'Hélionceau savait très bien que pareille occasion ne se reproduirait pas et qu'il s'agissait là d'un privilège exceptionnel, mais il était tout de même très flatté et tout aussi excité. Si Castiel ne l'avait pas rappelé un peu à l'ordre à leur arrivée, il aurait probablement sautillé dans tous les sens jusqu'à l'épuisement, et se serait endormi dans le (très) confortable panier du Démolosse. Quoique Lilith lui aurait probablement lié les pattes avec de la soie, et ce sous l'ordre de l'officier ; on ne faisait pas le cirque dans son bureau, après tout.
Mais il doit avouer que comparé à Ezekiel, il n'en impose vraiment pas. Les soldats qui passent par ici semblent plus être attendris ou amusés par sa présence qu'autre chose, et Joshua ressent une certaine frustration. Sa queue bat l'air à un rythme assez rapide, signe d'un agacement certain, et si il avait été un peu plus malin, il aurait remarqué le gloussement de Castiel et le léger rictus de Clive. Il aimerait bien pouvoir intimider par un simple grognement, lui aussi, ou que montrer les dents suffise à calmer le moindre petit écart de ton, mais rien de tout cela. Clive n'a très certainement besoin de personne pour le défendre, mais Joshua aimerait tout de même l'aider un petit peu, bien que ce désir d'impressionner soit plus une envie prétentieuse qu'autre chose.
D'autant plus que son immobilisme le frustre au plus haut point : il ne peut pas bouger, et s'ennuie à mourir. Il sait qu'il devrait peut-être dormir, mais il souhaite à tout prix garder les yeux ouverts ; se transformer en espèce de chien-chien fainéant, ce n'était pas pour lui. Mais pourtant, il sent ses paupières se faire lourdes, et il se serait sûrement endormi si la porte ne s'était pas ouverte.

« Neroninouuu ! T'as reçu mon SMS ? »

Clive releva les yeux de son dossier, l'air blasé et vaguement agacé. Les oreilles de Joshua se relevèrent et il garda ses yeux sur le nouvel arrivant qu'il reconnut rapidement comme étant ce médecin qu'il voyait souvent traîner autour de son dresseur. Il l'avait vu de près une fois, puisque c'était lui qui s'était occupé de vérifier qu'il était en bonne santé quand il avait rejoint l'équipe, et il fallait dire qu'il ne lui inspirait pas trop confiance, avec son air louche et son imperméable qui l'était encore plus.

« Oui, j'ai reçu ton SMS. Tu voulais me dire ou autre chose ou ton désir de m'expliquer en quoi les Flagadoss et les Roigadas sont des formes de zombies était trop fort ? »

Un gloussement moqueur s'échappa du plus âgé, ce qui agaça quelques peu Joshua ; le ton qu'employait le nouveau venu ne lui plaisait pas. Un peu de respect envers son dresseur, ce n'était pourtant pas trop demander ! Et pourtant, cela, le barbu semblait l'oublier.

« Naaan, nan, rien de ça. Juste pour te dire que, tu sais... Les rénovations du fond ? Ben, il se pourrait que j'ai, en quelque sorte... Renversé trois ou quatre pots d'un coup et repeint accidentellement le couloir ? »

Silence. Joshua posa ses yeux sur l'officier, qui considérait le médecin d'un air tellement neutre et j'menfoutiste que cela ne pouvait rien dire de bon, avant qu'il ne se pince l'arrête du nez d'un air frustré.

« Hé, dis-toi qu'à la limite, ça met de l'ambiance ! Et puis ça épargne de devoir faire de la vraie peinture, ça pourrait même passer pour de l'art contemporain si on prend suffisamment l'air pédant et méprisant ! T'en dis quoi, Neronichou ? »

Si l'Hélionceau avait remarqué quelque chose, c'était que le nouvel arrivant agaçait Clive. Beaucoup, même, et il semblait presque sur le point d'imploser, ce qui chez le hérisson se traduisait par la formation d'une grimace et la contraction de ses muscles au niveau du front. Joshua se releva et se mit alors à grogner en direction du barbu, qui posa ses yeux sur lui et sourit moqueusement avant de glousser.

« Il est franchement adorable ton matou, à vouloir se donner cet air menaçant. Tu lui donneras bien une petite friandise, hein ? »

Les grognements du lionceau prirent de l'intensité, jusqu'à ce que le médecin tende sa main pour venir lui caresser la tête en évitant soigneusement sa crinière, sachant que toucher cela reviendrait à se brûler la main définitivement. Joshua pu sentir l'agacement, la frustration et une petite partie d'humiliation monter en flèche, et avant qu'il n'ait pu comprendre quelque chose, un grondement furieux s'échappa de lui. Toutefois, ce n'était plus un simple petit son 'mignon' qu'il voyait comme pathétique, mais le cri d'un véritable lion, et alors qu'il sentait tout son corps grandir et prendre en volume, un rictus s'étira sur son visage.
Il pouvait dire qu'une fois devenu un Némélios, il en imposait beaucoup plus, et en toute honnêteté, la tête du barbu ne fit que le motiver à pousser un autre grondement encore plus impressionnant que le premier.

« Un matou, tu disais... ? »

Joshua n'aurait pas pu mieux exprimer sa pensée si il avait eu la possibilité de parler. Il se satisfit de cette réaction et remarqua alors que le panier dans lequel il était installé était dorénavant trop petit pour lui, et dès lors que ses pensées dérivèrent vers Ezekiel, un grand sourire béat et idiot se dessina sur son visage alors qu'il envisageait la réaction du Démolosse devant son évolution. L'impatience de se montrer ainsi devant lui était telle que Castiel éclata de rire, amusé.
Lorsqu'il observa son dresseur pour noter dans un coin de son esprit sa réaction, il fut surpris de le voir avec un petit sourire triste au coin des lèvres, et même des yeux un peu humides. Toutefois cette vision ne dura pas, puisque une ou deux secondes tout juste après, son expression avait repris sa neutralité habituelle. Si il avait été un peu plus intelligent et en avait su un peu plus sur Clive, il aurait compris que le calme soudain du barbu n'était pas lié à une peur quelconque, mais bien à un peu d'inquiétude envers le hérisson qui, même si il cachait très bien ce qu'il ressentait, restait un livre ouvert pour quiconque connaissait ses réactions.
Joshua, dans sa naïveté, ne remarqua d'ailleurs pas l'air nostalgique du hérisson au soir lorsqu'il le fit sortir. Il ne comprendrait que quelques jours plus tard, quand Ephraim viendrait lui parler d'un événement particulier dont il avait témoigné. C'était une toute autre histoire, toutefois.