Definition of Bravery

Tristan Weber

- « Tomorrow will be kinder... Tomorrow will be... will be... »

Malgré ses efforts, il n'y arrive pas. Impossible de reproduire la même mélodie qu'Adélia hier soir. C'était comme si ça avait été tellement beau que rien n'aurait pu refaire ce son, digne de la plus douce des mésanges. C'est une berceuse, après tout ; normal que ça soit tendre. Même lui a bien failli s'endormir en écoutant la voix de la jeune fille. C'est assez normal, se dit-il, que le Haydaim ait pu s'endormir aussi vite. Difficile de résister à pareille caresse vocale, surtout qu'il était vraiment affaibli. Cela lui rappelait d'ailleurs les berceuses de sa mère qu'elle leur chantait quand ils étaient petits, à sa sœur et à lui ; berceuses qu'il se plaisait à chanter ou même fredonner de nouveau en prison, dans les moments où il se sentait le plus seul. Mais bien sûr, quand ses gardiens n'étaient pas charmés par sa musique que certains avaient quand même trouvé distrayante, ils le réprimandaient et n'hésitait pas à gâcher son plaisir en tapant violemment contre les barreaux de sa cellule ou en couvrant sa mélodie par des cris de douleur venant de d'autres détenus que les soldats torturaient juste pour lui gâcher un de ses rares moments de détente, rejetant ensuite la faute sur lui pour justifier les actes cruelles dont ils n'avaient nullement honte, simplement parce que cela les exaltait bien trop de pouvoir faire souffrir des innocents si le prisonnier ciblé, donc lui, culpabilisait par la suite.
Aujourd'hui, il chante donc comme bon lui semble, puisqu'il est libre. Mais cela lui rappelle également de mauvais souvenirs, maintenant. Ce n'est cependant pas pour cette raison qu'il doit s'interdire d'écouter les autres, et c'est bien pour cela qu'entendre Adélia la veille lui avait réchauffé un peu le cœur, lui qui en avait été privé, ainsi que tous ses frères de cellule ; car la musique était devenu chez eux quelque chose qu'on ne pouvait se permettre de faire que lorsqu'on était libre. Alors la plupart attendait impatiemment le jour où 'ils pourraient de nouveau chanter'. Mais pour la plupart, leur voix s'est éteinte.

Tout à coup, Tristan sursaute en entendant quelque chose taper contre la vitre. Surpris, il ouvre en grand les rideaux, et constate qu'il pleut. Il s'est mis à pleuvoir. Pour lui, cela ne signifie qu'une chose : il ne peut pas se résoudre à laisser partir Adélia maintenant et il va falloir attendre que la pluie se calme. A cette pensée, il sourit inconsciemment, mais se fustige mentalement bien vite quand il s'en rend compte. Il est devenu fou ?... Le Weber secoue la tête, reprenant ses esprits. Attendre que Adélia se réveille et assurer qu'elle ne manque de rien ; voilà tout ce qu'il doit faire. De quel droit peut-il se montrer aussi égoïste et espérer qu'elle reste un peu plus longtemps ? Il doit halluciner et mal interpréter ses sentiments, c'est tout. Pourtant, il se sentait étrangement bien, hier. Honteux, il ne peut nier qu'il aurait aimé retourner le temps pour en apprendre plus sur cette jeune femme. Mais il doit penser à autre chose, pour l'amour d'Arceus !

Puis, quand il entend des pas et se retourne brusquement pour voir arriver en trombe son invitée ainsi qu'une Kirlia, qu'il s'imagine comme lui appartenant, il jurerait avoir senti son cœur manquer un battement. Maladroitement, il tente de la saluer, mais elle le devance. Il sourit de nouveau, tendrement, cette fois-ci, en remarquant qu'elle semble allait mieux, mais ayant un peu de mal à se dire qu'il s'agit bien de la même fille qu'hier soir. Mais il comprend que c'est bon signe, et qu'elle a réussi à se reposer, et donc à reprendre des forces, malgré ce qui s'est passé hier et tout ce qu'elle a dû traversé pour arriver jusqu'à chez lui, en pleine nuit, et couverte de sang qui n'était pas seulement le sien.

- B-Bonjour Adélia.

Ce n'est pas seulement elle qui a changé par rapport à hier, en fait. Tristan était plus sûr de lui, en effet. Si pour certains la nuit amène un sentiment d'insécurité et d'incertitude, le Weber était plus confiant, et a même regretté d'avoir été trop réservé au début, quand il soignait l'Haydaim, afin de ne pas se laisser distraire par la présence d'Adélia qui l'aurait sans doute un peu déstabilisé s'il ne s'était pas forgé cette carapace invisible, dans le but de se concentrer sur Amadeus et uniquement lui. Mais il n'a de toute façon plus envie de tenir Adélia à l'écart. Ce n'est pas sa vraie nature, de toute façon.
Curieux, il ne dit toutefois rien quand la Kirlia vient vers lui pour joindre ses mains aux siennes. L'hôte ferme les yeux, se laisse faire, et se retrouve bientôt entouré d'une aura apaisante et lumineuse, qui l'enveloppe telle une couverture chaude et douillette. Et alors, il ressent. Il ressent à travers cette énergie aux teintes roses les émotions de la Kirlia, et reconnaît là ce qui paraît comme de la gratitude, presque aussi de l'admiration, et... du bonheur, comme il n'en a encore jamais ressenti chez un Pokémon psychique. Elle le remercie ; sans doute pour s'être occupé de sa dresseuse avec autant d'attention. Et Tristan est gêné, et à la fois très touché par le geste de la Kirlia. Mais il n'en mérite pas tant, à son sens, et c'est bien trop d'honneur pour lui, alors qu'il aurait fait la même chose pour n'importe qui.
La vague chaleureuse se dissipe, et il pousse un soupir d'air, et rouvre les yeux. Il voudrait parler, lui dire que ce n'était pas grand chose, mais également la remercier ; cependant, elle quitte la pièce en silence et il n'a pas le temps de prononcer un seul mot.

Anika est son nom, d'après sa dresseuse. Reconnaissante, elle l'est. Mais ça, Tristan l'avait deviné. C'est d'ailleurs ce qui le fait légèrement rougir, en bon modeste qu'il est. Néanmoins, le regard émerveillé et pétillant de la jolie brune lui change les idées, et il se contente de l'observer, peut-être avec un peu trop d'attendrissement dans les yeux. Elle est presque comme une enfant devant la table garnie spécialement pour elle. Mais peu importe ce qu'elle dit : pour lui, elle mérite au moins ça. La vie sur Enola est devenue bien dure pour certains, tandis que les gens bons et honnêtes semblent se raréfier, au profit d'une politique malsaine et cruelle qui n'hésite pas à s'en prendre aux plus faibles et aux plus frêles, comme Adélia, qui malgré tout, et Tristan l'a compris, bien plus forte et résistante qu'on pourrait le croire.
Mais le regard interrogateur qu'elle lève sur lui, comme pour lui demander la permission, achève de le faire fondre. Il la trouve... adorable, sincèrement. Cela le fait d'ailleurs rire légèrement.

- Servez-vous. J'ai tout préparé spécialement à votre attention. Il faut que vous repreniez des forces, c'est important.

De son côté, il se contente de s'asseoir et de prendre un pain au chocolat. Mais ce n'est qu'à ce moment-là qu'il se rend compte qu'il a oublié les boissons. Il lui faut quelques secondes pour s'en rendre compte, mais il a bien vite fait alors de se précipiter un peu maladroitement vers les armoires pour en sortir des tasses et des verres, viennoiserie en bouche. Il prend également quelques bouteilles de jus de fruits et s'empresse de faire du thé. Encore une fois, il ne sait pas trop ce qu'elle prend, alors il y va au feeling, espérant quand même qu'elle réussira à trouver son bonheur parmi tout ce que compte la table.
Il se rassoit, se serre un peu de thé, et laisse un ange passer. Il ne sait plus trop quoi dire, en fait, et laisse Adélia se revigorer, satisfait de voir qu'elle a de l'appétit, ce qui est bon signe. Mais ses yeux marrons divaguent vers la pluie qui s'abat sur les carreaux et il ose enfin énoncer ses pensées à voix haute.

- Il-Il vaut mieux que vous restiez ici le temps que ça se calme un peu, je crois. Ou... ou alors vous êtes pressée de partir ?... Vous ne me dérangez pas, vous savez...

Il baisse le regard, se mord la lèvre, et prie pour que ce qu'il vient de dire ne soit pas mal pris. Il ne veut la forcer à rien ; mais réside au fond de lui un mince espoir qu'elle accepte de rester encore un peu. Il ne sait pas ce qui arrivera dans ce cas-là, après. Il ignore bien ce qu'ils pourraient faire, hormis parler. Mais lui, ça lui va. Il n'est pas pressé qu'elle reparte. La pluie à l'extérieur peut très bien être une bonne occasion de partir, ou de rester. Mais la reverra-t-il seulement un jour ? Il ne sait pas. Mais il a l'impression qu'aujourd'hui est un jour important, que cette rencontre s'est faite par hasard, mais qu'elle ne sera pas sans conséquence. Si elle doit absolument s'en aller, alors il priera Arceus pour qu'elle s'en sorte saine et sauve. On est jamais à l'abri des soldats, mais c'est après tout tout ce qu'il peut faire, désormais.