La rancune est une chose persistante

Évolution de Roxas

Natsume peut honnêtement dire qu'il est arrivé à un point où plus rien ne devrait encore pouvoir le gêner. C'est que à force d'être constamment embarrassé, taquiné et embêté, il devrait presque être arrivé à un stade où une gigantesque plaisanterie à son encontre ne devrait même pas le faire sourciller, et encore moins le surprendre ou le mettre un peu mal à l'aise. Ce n'est pas que la majorité de son entourage adore l'emmerder et que hormis Isaac il ne connaît personne qui ne s'amuse pas régulièrement à le faire tourner en bourrique, et encore le suédois a ses jours aussi, mais... Oui, vous voyez où il veut en venir. En gros, c'est devenu la routine, et il s'en fout un peu au final. Beaucoup, même.
Alors on pourrait se demander ce qui pourrait bien susciter une réaction, comment dire...

« KATYA BORDEL DE MERDE DIS À TON SPECTRUM DE ME LÂCHER ! »

Explosive, voilà. Disons qu'en gros, ce soir, c'était Halloween, et Faust avait organisé une fête assez importante pour célébrer l’événement, où chaque invité devait venir déguisé. Ceux qui venaient sans déguisement devaient laisser le duo infernal que forme Faust et Isaac décider pour eux, ce qui s'avérait très dangereux, Nova en avait d'ailleurs fait les frais. La jeune fille aux cheveux bleus avait en effet eut le droit à... Un costume de licorne rose à paillettes, et allait se le coltiner toute la soirée, mais là n'est pas le sujet.
Natsume avait même préparé en prévision d'aujourd'hui tout un attirail pour ressembler à un loup-garou, et paraissait presque impatient. Sauf que bien évidemment, puisque ce n'était pas drôle sinon, il n'avait pas eu trop le choix quant au costume qu'il allait porter, au final. Tandis qu'Isaac et Faust se chargeaient des dernières préparations au rez-de-chaussée et que l'éleveur achevait de terminer ce qu'il avait à faire pour pouvoir se reposer et profiter de la soirée en toute tranquillité, l'éleveur en question avait eu le droit à une surprise qu'il n'avait pas énormément apprécié, pour tout dire. Tandis qu'il était en train de ranger ses affaires comme le brave gamin méthodique et organisé qu'il était, il avait sentit quelque chose s'enrouler autour de sa taille et avant qu'il n'ait pu comprendre quoi que ce soit, il s'était fait soulever par un Spectrum à l'air goguenard.

Il n'y avait pas grand doute à avoir quant à la personne à laquelle obéissait le Spectrum ; d'ailleurs, en entendant des bruits de pas se rapprocher, les craintes de Natsume s'avérèrent véridiques. Il cessa de se débattre, sachant plus que bien que de toute façon il était foutu et que ce n'était pas avec sa force qu'il allait s'en sortir, et aurait presque grogné si il en avait été capable. Il releva ensuite les yeux avant de pousser le fameux hurlement rageur qui a été évoqué précédemment. Deux étages plus bas, en achevant les préparations pour le buffet, Faust grimaça, compatissant.
Bien évidemment, le lapin n'eut le droit qu'à un rictus mauvais en réponse. Il n'était pas surpris, puisque la suédoise était bien une sadique de première et adorait le martyriser un peu quand elle en avait l'occasion, et même si il ne savait pas ce qui pouvait bien être en train de lui passer par la tête à l'instant, il savait que ce ne serait rien de bon pour lui. Honnêtement, à ses yeux, Katya savait être la sorcière en laquelle elle s'était déguisée ce soir quand elle était d'humeur à l'embêter, et ce n'était pas son grand sourire qui allait convaincre le japonais du contraire.

« Natsume, voyons... Et la politesse, l'aurais-tu oubliée... ? »

Le ton mielleux de Katya exècre l'éleveur qui serre les dents, furieux mais complètement impuissant. Il grommela, jetant des regards meurtriers à la Peterson qui ne parut pas déstabilisée pour un sou, et fut même encore plus amusée. Elle vint alors ébouriffer les cheveux du lapin avec un rictus arrogant, visiblement très fière de son coup.

« C'est pour ton bien, lapinou. Et puis tu me dois quelque chose... Tu ne vas pas me dire que tu l'as oublié, tout de même … ? Ça me briserait le cœur. »

Le ton presque théâtral et volontairement overdramatique qu'elle a emprunté en dit long sur ses véritables pensées. Le japonais continua de la foudroyer des yeux, hors de lui. Il était loin, l'adolescent qui était terrorisé par Katya quand celle-ci décidait de lui faire des misères, et il fallait dire que maintenant, il était plus blasé par ce qui lui arrivait qu'autre chose, et savait que de toute façon il n'aurait aucune chance de s'en sortir en se débattant bêtement, puisque connaissant la borgne, elle avait à coup sûr préparé son coup.

« Ça tombe bien, vu que tu n'en as pas, de cœur. »

Moquerie acide à laquelle il a librement laissé cours, et le sourire arrogant et condescendant sur son visage refléterait presque celui de la jeune femme. Jeune femme qui n'est nullement impressionnée, et qui glousse d'ailleurs presque joyeusement devant la plaisanterie du cadet.

« Tu deviendrais presque flatteur ! Bon, ce n'est pas tout, mais avant que tout le monde n'arrive, il faut que l'on se prépare. Tobias, s'il te plaît ? »

Le Spectrum ricana et suivit alors sa dresseuse qui descendait l'escalier, en portant toujours le lapin dans une de ses mains fantomatiques. Lapin qui, au passage, commençait à se dire qu'il avait forcément été maudit à sa naissance à être éternellement humilié et emmerdé. Cette impression ne perd pas en intensité alors qu'ils entrent dans la salle de bains, et ce n'est sûrement pas parce que Tobias le relâche au bout de la pièce qu'il se sent rassuré. Pas du tout, même. Il recule et c'est lorsqu'il sent ses pieds arrive près du mur qu'il se rend compte d'à quel point il est dans une merde phénoménale.
Il jette un regard venimeux à Katya qui n'y fait pas attention et sort alors de son sac un vêtement brun qu'elle déplie sous ses yeux, et les yeux de l'éleveur s'écarquillent lentement alors qu'il découvre de nouveau ce maudit habit auquel il avait échappé de justesse en août dernier. Une étincelle d'horreur passe dans ses yeux et il sent sa gorge se nouer alors que son regard détaille chaque centimètre de ce costume affreux. Il aimerait bien se dire qu'il rêve et que ce qu'il voit n'est qu'une hallucination tout à fait réaliste, mais ce n'est pas le cas et il le sait.
Et puis c'est tout à fait le genre de Katya Solveig Peterson, sadique et rancunière de service, de garder un costume de lapin pendant plus de deux mois dans un coin dans le simple but de pouvoir l'humilier un jour ou l'autre.

« Tu te fous de moi...
- Absolument pas. Sois gentil, et enfile-moi ça.
- Je suppose que je n'ai pas le choix ?
- ... Eh bien... Disons que si tu refusais, Tobias se verrait dans l'obligation de te... Comment dire, tu sais, les fantômes sont assez doué pour les chatouilles, et je pense que ça ne le dérangerait pas tant que ça de te garder prisonnier comme tout à l'heure. »

Natsume l'entend, qu'elle jubile. Elle ne le cache même pas, et il serre les dents, immensément frustré et agacé. Alors que Katya lui passe le costume et qu'il l'inspecte avant de s'imaginer de quoi il aura l'air dedans, ses joues se font de plus en plus rouges et il a l'impression qu'il va mourir de honte. Ce sera sûrement le cas.

« Ah et oui, évidemment, ça me dérangerait que tu l'enlèves durant la soirée, alors du coup, Tobias va te suivre un peu... J'espère que ça ne te gênera pas ! »

Le japonais serra les dents, sachant que de toute façon, dire quoi que ce soit serait complètement inutile face à l'entêtement de la coordinatrice.

« Sors.
- Quoi, tu as honte ? Promis, j'regarde pas ! »

Natsume sait que la jeune femme le nargue seulement et qu'elle ne va pas sérieusement rester ici pendant qu'il se déshabille, mais il lève les yeux au ciel, frustré. La suédoise sort alors de la pièce, et le lapin se retrouve donc seul. Il poussa un soupir fatigué et agacé, se retenant de grommeler malgré le fait qu'il fulmine presque littéralement sur place, et observa le vêtement avec une grimace de dégoût sur son visage. Visiblement, il était bien parti pour avoir l'air stupide, ridicule et hautement idiot pour toute la soirée, et il n'osait pas imaginer le nombre de vannes auxquelles il allait avoir le droit. Il pouvait presque déjà entendre les rires moqueurs résonner à ses oreilles.
Mais de toute façon, il n'y échapperait pas. Alors, avec toute la lassitude et la résignation du monde, il serra les dents et enfila le costume, non sans pester en remarquant les oreilles qui accompagnaient l'ensemble, accrochées à un serre-tête qui, une fois perdu dans ses cheveux, devint invisible au premier coup d’œil.

Un regard dans le miroir le convainquit que oui, il allait bien avoir l'air stupide toute la soirée. Définitivement, même. Pourtant, il ne fit que soupirer et se dire que de toute façon, ce serait vite fini ; ce n'était que l'affaire d'une soirée, de toute façon. Même si Katya allait à coup sûr prendre des photos, au moins ça ne durerait pas aussi longtemps que ça.
Et tandis qu'il pestait d'avance, un gros bruit parvint à ses oreilles et il fronça les sourcils, surpris. Toutefois, ce qui l'étonna vraiment, ce fut la branche qui fit éclater la porte menant au couloir. Oui, la branche. Ou du moins, le bras en bois. Des bruits sourds de coups résonnèrent et l'éleveur sentit le mur trembler un peu. Il resta pantois, les yeux écarquillés, le cœur battant et un peu effrayé sur les bords.

« Natsume... Tu diras à ton Brocélôme de ne pas autant s'inquiéter, hein. Ou du moins, ton Desséliande... Bon sang Roxas arrête, il ne va pas mourir ! »

L'éleveur, toujours quelque peu sur les fesses, n'osa rien dire. Le bras de bois qui avait laissé un gros trou dans la porte se retira et le lapin ne pu s'empêcher d'être tout de même un peu admiratif. Bon, certes, il allait porter un truc humiliant et être gêné toute la soirée, mais ça au moins, c'était cool.

« Ah et sinon, pour les photos, tu préféreras que je te les envoie par e-mail ou que je te les donne via clé USB ? C'est ton choix ! »

Natsume grogna. D'accord, après deux secondes de réflexion, il mourrait toujours d'envie de l'assommer. Il aurait sûrement sa revanche un jour, mais en attendant, aujourd'hui, c'était Katya qui avait le droit à la sienne.