J'ai repris mon rythme, comme avant. Les patrouilles exécutées avec autant d'attention & de régularité qu'avant, les entraînements effectués avec l'application & l'exigence qui siéent à la Compétition, les visites régulières à tel ou tel membre de la famille ou bien les recevoir au Cottage.. Eugène a même mis fin à son congé il y a trois jours, retournant travailler au Centre de Maelys ou plutôt y étudier, rassuré du fait que j'aille mieux, & un peu poussé par moi-même aussi puisqu'il aurait bien pris quelques jours de plus ; il ne faudrait pas qu'il en néglige son futur métier après tout, & comme Lys n'est pas la seule à l'évaluer.. Passer trop de temps de ''vacances'' pourrait l'handicaper, & je ne parviendrai pas à me remettre qu'il ne réalise pas son rêve à cause de moi. De toute manière nous nous voyons tout de même plus souvent qu'avant, puisqu'il ne vit désormais plus du tout au Centre, rentrant tous les soirs au Cottage grâce à Orlane. Il y aura au moins eu un point positif dans ce chaos, n'est-ce pas? Autant voir ça avec un minimum d'optimisme, même si c'est vraiment très mini.

Aujourd'hui est un jour comme les autres, patrouilles communes ou séparément une partie de la journée, entraînements sur une partie du temps restant -au combat principalement, mais aussi pour un certain nombre d'aptitudes utiles aux Rangers que nous ne devons pas perdre-. & puis du temps libre évidemment, nous ne sommes pas esclaves ni de notre travail que nous avons tous choisi -je n'ai forcé aucun de mes alliés après tout-, ni de la Compétition qui mobilise une partie de notre attention & de nos exercices.. Ni même de la Résistance qui est après tout en partie cause des entraînements, elle aussi, tout comme elle est cause de l'insistance de mes alliés à participer au tournoi annuel d'Enola pour la cent-unième édition. Enfin, passons. Comme souvent lors des patrouilles, je me trouve perchée sur une branche d'arbre à quelques mètres du sol, guettant les alentours l'air de rien alors que mes compagnons prêtent plutôt attention au sol ; car régulièrement nous faisons des ''pauses'' de ce genre qui en réalité n'en sont pas vraiment, plutôt des haltes brèves pour reposer les pattes de chacun & nous attarder un peu plus à l'examen d'un point précis pour une raison ou une autre. Ici par exemple, nous avons chassé hier un Farfuret hargneux, probablement venu droit du glacial Bahute ou bien ayant échappé à son dresseur pour plutôt recouvrer sa liberté, qui créait moult problèmes & a blessé nombre de pokémons. Nous avons tenté de le repousser vers son habitat, les montagnes du Notd, mais aucun de nous n'est convaincu qu'il y soit allé ; & encore moins qu'il ne reviendra pas ici, cette clairière ayant eu l'air de lui plaire.. Un bref soupir m'échappe, attirant l'attention de Pascal qui est monté avec moi dans l'arbre & que je rassure d'un fin sourire, alors que je porte mon attention sur un groupe d'arbustes en bas, hors de vue de nos camarades dans la clairière, derrière lequel je crois venir d'apercevoir un éclair noir & argenté. Le revoyant un peu plus loin, j'attire cette fois l'attention de mon camarade, qui ne tarde pas à confirmer ce que je supposais. Il est bel & bien revenu.

En quelques acrobaties agiles, dûes à l'habitude & l'amour de l'escalade, je quitte silencieusement mon perchoir pour avancer vers Bambi dont le ramage commence lentement mais sûrement à virer au rouge-automnal. L'Haydaim, silencieux, me rejoint & se poste en protecteur près de moi, suivant mon regard pour apercevoir lui aussi les traces du type feu. Si un cerf pouvait grogner, ce serait actuellement son cas. Flynn ne s'en prive pas, d'ailleurs, en apercevant à son tour ce qui m'a faite descendre. Toute l'équipe d'ores & déjà sur ses gardes, chacun vaque à une occupation précise en attendant que l'intrus se montre ; Stitch, emportant avec lui son neveu Jim, Mulan, Pascal & Mélodie se chargent de protéger & écarter les quelques pokémons sauvages se trouvant dans la clairière, là où Flynn & Oliver s'enfoncent dans la végétation pour prendre le type glace à revers si nécessaire. Quant à Bambi & Elinor, ils restent près de moi, menaçants sans l'être. Le but de se scinder ainsi? Evidemment pas juste les deux points évoqués en décrivant les rôles de chacun, bien qu'ils soient importants ; il s'agit aussi d'inciter l'autre à approcher en paraissant plus fragile, de manière à le renvoyer chez lui une fois pour toutes. La Jungle n'est pas son habitat naturel, il y fait du mal, & risque fort d'en souffrir aussi faute d'être adapté à vivre seul en pareil lieu. Mon travail de Ranger consiste aussi à ramener les égarés sur leur bon chemin, & le sien n'étant pas ici je dois le pousser à le retrouver, pour son bien & pour celui des volants & plantes vivants ici. C'est après plusieurs instants qu'il se décide enfin à apparaître, toujours aussi remonté visiblement.. Toutes griffes dehors, bondissant droit vers moi qui m'apprête à l'esquiver aussi agilement que possible sans avoir jamais le temps d'achever mon geste.

Un vif éclat de lumière m'aveugle avant même que j'ai pu bander mes muscles, avant même que Bambi ait eu le temps de cabrer pour s'interposer. Le félin de glace & de ténèbres s'en va rouler plus loin, repoussé sans douceur d'un double coup de lames. Brandissant avec détermination ses deux épées, auréolée d'une aura menaçante, une fière Dimoclès se tient dressée entre le sauvage & moi. Dangereuse, magnifique, protectrice. Elinor, qui vient à son tour de trouver la voie de l'évolution. Un fin sourire m'échappe un peu malgré moi, bien que la situation s'y prête peu, tandis que le Farfuret feule rageusement vers elle, vers moi. Ce n'est que là, seulement là, que je comprends ce qui était sous mon nez dès hier. J'avais deux hypothèses, descendu pour une raison x ou y du Bahute, ou bien échappé à un dresseur pour recouvrer sa liberté. La seconde semble réelle. J'en ai même la raison, à la manière dont il m'agresse en tant qu'humaine, à la manière dont il semble à la fois rageur & effrayé à mon égard. Recouvrer sa liberté devait être nécessaire, ledit dresseur auquel il a échappé ne devait pas être exemplaire. Aussitôt je me détends, approchant de mon alliée aux deux épées pour poser une main sur le plat d'une de ses lames, geste apaisant, avant d'approcher lentement du pokémon, laissant uniquement Bambi me suivre. Plutôt que de le repousser en employant la force si nécessaire, je lui offre cette fois une baie revigorante. Des paroles rassurantes. Une explication brève de mon travail, des raisons de ma réaction. Cette fois je lui parle vraiment du Bahute, lui explique qu'hier je souhaitais le mettre sur son chemin. Que s'il le souhaite, nous pouvons l'y mener. Il se montre méfiant, farouche, mais je crois qu'il finit par accepter de me croire. En tout cas, après quelques minutes de réflexion, il accepte ; & je devine toute mon équipe s'apaisant enfin derrière Bambi & moi. Je les autorise enfin à approcher, & propose au félin de regagner le Nord à dos de ma belle Etouraptor, escorté par mon Kecleon. & ainsi, il ne tarde pas à s'envoler.

Alors je me retourne vers Elinor. Lui souriant franchement cette fois, & face à face de manière à ce qu'elle me voit. Félicitations muettes pour cette évolution. Approbation fière pour sa réaction juste & arrivée à point nommé. Remerciement avant tout pour sa protection, pour avoir eu le courage de s'interposer ; & ce alors même que cela était danger aussi pour son type spectre face aux ténèbres même si l'acier avait le dessus sur la glace. Étant entraînée mais tout de même pas aussi vive qu'un Farfuret, cela aurait pu finir bien plus mal ; elle m'avait évité quelques douloureuses plaies, probablement.