Je peux me targuer depuis une petite semaine d’avoir décroché mon premier boulot. Et hop! Première bonne résolution de l’année : check! Je suis plutôt contente d’avoir trouvé ce post de pionne. Je préfère largement ça à un autre job plus ingrat, surtout dans la capitale… Ouais, je trouve pas d’autres explications que d’avoir eu une chance de cocue en définitif, mais tout façon, l’essentiel, c’est la victoire! Puis, j’ai eu droit en récompense a un super bon repas signé Alex. Je me souvenais pas qu’il cuisinait si bien, et je le soupçonne d’avoir pris des cours supplémentaire en secret avec son pote Aloïs. Je me demande bien ce qu’ils fabriquent tous les deux, parfois, mais ça a l’air marrant. Enfin, le travail en lui-même, je ne peux pas juger comme cela ne fait qu’une semaine, mais ça me plaît bien. Les ados sont parfois de vraies plaies, à ce qu’il paraît, mais moi, ils m’aiment plutôt bien. Probablement car j’ai presque le même âge qu’eux… Et que je suis aussi bête que les plus chiants d’entre eux. Puis, faut croire que trainer avec les pions au lycée, fumer avec les pions, c’est encore la classe, à notre époque. En fait, c’est un lycée du centre ville, et donc, plutôt tranquille et bien fréquenté, bien qu’il ait son bon lot de trouble-fêtes. Je me suis également proposée pour donner des cours de soutien en anglais, on verra bien… Je me surprends a plutôt me plaire dans cet environnement que je détestais encore tant il y a plusieurs années. Si j’avais su que j’y retournerais un jour!

Après une heure de permane plutôt calme (ah, on reconnait les petits sixièmes de classe bilingues tout sages), j’ai presque fini ma journée : la fin d’aprèm’ se pointe et les grilles du lycée commence a faire sortir des élèves. Je sais qu’il me faudra retourner faire un tour des salles pour les objets trouvés, mais pour le moment : pause clope! C’est un peu plus crevant que je l’aurais cru, mais fumer un peu me regonflera à bloc. Je me dirige vers les terrains de sport tout en me roulant une cigarette, je me suis un peu calmée sur l’herbe ces derniers temps, et fumer des roulées marche assez bien pour réduire cette consommation, je dois dire. En m'appuyant sur la barrière qui sépare le terrain des autres espaces du stade, je me fais spectatrice de l’entrainement de foot qui est en train de se dérouler. Je ne savais pas qu’ils faisaient du foot américain ici, c’est plutôt cool! Il est vrai que j’ai passé une dizaine d’années a vivre en Angleterre, mais je n’ai jamais dégouté les States pour autant, comme le voudrait les clichés des bristish et des amerloques qui se détestent, je n’ai jamais eu l’occasion d’y aller, mais ça ne m’aurait pas complètement déplu. Enfin, bref, ça n’a pas beaucoup d’importance. L’équipe de lycéens est plutôt bonne et commencent à disputer un match amical. Je souris et ricane un peu sur les carambolages de joueurs, et me surprends à les encourager dans mon coin, tout en frappant quelques rythmes rapides avec mes baguettes sur la rampe de métal me séparant du terrain. Un ballon perdu envoyé un peu hasardeusement atterrit à quelques grandis au dessus de moi, je pars le ramasser et descend sur le terrain, la clope toujours au bec, levant le ballon au dessus de ma tête.

« Hey, elle est pour qui? »

Ah, non, je ne tiens pas à jouer, hein. Je viens juste leur rendre le ballon. Et puis, je retournerais sagement a ma place sur le côté du terrain.

Un des types en tenue leva la main pour se manifester et je lui revoyais le ballon en bonne forme. Enfin, j’ai juste essayé de viser juste, si il a atterri dans ses mains, il n’y a rien d’incroyable, je sais encore envoyer un ballon, quoi. Puis, sur une courte distance, rien d'irréalisable, quoi. Cela fait, je peux retourner sagement vers ma place réservée de tout à l’heure, mais le gars se manifesta de nouveau et semble vouloir m'en empêcher. Je me retourne pour le voir arriver vers moi au pas de course, et carrément me rattraper par la main pour réclamer mon attention. J’arque un sourcil en me retournant tout en lui lançant un sourire en coin, moyennement avenante du fait de son geste quelque peu brusque, mais curieuse de ce qu’il peut bien avoir à me demander. J’ai fait tomber un truc sur le terrain? Il ne me semble pas, pourtant. Je prends un instant pour l’observer, même si avec sa tenue, je ne peux pas voir grand-chose. Il est plutôt petit, et de ce fait, je le prends immédiatement pour un lycéen. Il ne tarde pas à dévoiler ses intentions, et contre toutes mes attentes, voila qu’il me colle son casque qui pue la sueur sur la tête et me débarrasse comme un sagouin de ma cigarette, en plus de me plaquer le ballon contre l’abdomen dans aucune délicatesse. Wow. Y'en a qui doivent calmer leurs hormones! Tu parles d’une technique d’approche! Ma réaction, est, bien entendu, immédiate et des plus bruyantes.

« What the fucking hell?! Reprends tes merdes et casses-toi ! T’étais très bien à jouer à la passe à 5 avec tes copains! T’as pensé à prendre des hormones de girafe avant de t’attaquer a plus grand que toi, espèce de rasibus? »

Tiens, dans tes dents. Bah, oui, je suis comme ça, quand on m’agresse (parce que oui, là, on peut dire que ce nabot vient de m’agresser), faut que tout le monde le sache et que j’engueule bien fort la personne qui ose venir m'emmerder. Si il m’a prit pour une idiote faiblarde qui aurait ricané comme une cruche avant de faire «mais j’vais m’casser un ongle ouiiiin », il s’est fourré le doigt dans l’œil jusqu’au coude, et je vais lui faire entendre d’une voix forte et claire le fond de ma pensée. Je retire le casque avec un air dégouté, et le balance plus loin, puis j’envoie un regard de défi à celui qui ose se dresser devant moi. Je sais que je ne suis pas bien grande, mais comme pour une fois, mon interlocuteur est plus petit, je m’en sens assez fière et plutôt satisfaite. Je fixe les iris vert du nabot, la fureur se lisant dans mon regard. Mes yeux s’échappent un instant pour s’égarer sur le casque que je viens de jeter à terre. Il veut jouer? Ok, jouons, alors.

« Ok, le nain de jardin. Je vais mettre ton putain de casque qui pue. Et je vais aller lancer ce ballon à ta place. Mais je te préviens, je vais te faire un lancer comme t’en as jamais vu, et tu vas être obligé de me repayer de quoi me rouler des clopes illico presto. »

C’est du bluff. Du bluff total. J’ai jamais joué au foot. Certes, quand j'habitais a Zazambes, je m'étais retrouvé un club de boxe, mais depuis que je suis installée sur Amanil, j'en ai pas refait. Sinon, le seul sport dans lequel j’étais un peu douée à l’école quand je ne séchais pas les cours c’était… euh… C’est quoi le sport qui se joue avec des raquettes à la con là, et avec un filet… Ah, oui, le badminton! Et j’étais pas mauvaise non plus au hand-ball, mais les sports d’équipe ça a jamais été mon truc, je finissais toujours par me faire exclure du terrain pour me prendre la tête avec mes coéquipiers et pour avoir insulté l’arbitrage. Ah, folle jeunesse! Enfin. Sans quitter mon air de défi, je vais ramasser le casque et l’enfile sur ma tête, avant de foudroyer une dernière fois le type aux cheveux clairs d’un regard noir, souligné d’un sourire carnassier. Il va voir de quel bois je me chauffe. Il s’attendait à ce que je me dégonfle? Eh bah perdu.

Voila que je marche vers l'endroit du terrain ou les joueurs se sont rassemblés pour redémarrer le jeu. Attends... ils étaient pas aussi grands vu de loin... J'ai aucune envie de crever écrabouillée sous le cul de ces hippopotames! Mais comment veux-tu que je me défile, maintenant?! Raaaah... Sérieux, dans quoi je me suis encore embarquée, moi…

Ahah ! Tu fais moins le malin, hein? Héhé. Z’auriez du voir la tronche qu’il a tiré quand j’ai commencé à l’engueuler ! Ok, deux secondes plus tard, ça le faisait marrer mais ça, on s’en fout. On dirait que mon pari l’amuse et il m’encourage même à aller rejoindre le terrain. Et mince! Je pensais qu’il m’aurait retenu et regretté un peu ses actes, mais là, j’ai plus trop le choix que d’y aller. Parce que si je me dégonfle, j’aurais l’air bien bête, et je n’ai pas envie de ça. Qui sème le vent, comme qu’y dirait… Mais lui, ce qu’il récoltera, ce sera de m’avoir envoyé au casse-pipe, d’abord! Euh… attends… j’ai aucune envie de crever, moi! Mais qu’importe, je suis déjà partie pour me placer derrière le peloton de types en armure de combat. N’importe quoi Riku, vraiment. Et en même temps, bah, pas tant que ça, car je suis fière de mon coup au fond. Ah, il pense vraiment que je vais avoir la trouille et fuir? C'est qu'il s'y croit ma parole! J’ai pas d’épaulière, et alors? C’est pas pour autant que je vais me dégonfler devant tous ces gars! Par contre sur le discours du protège-dents, je fais une grimace horrible que j’accompagne d’un « eeeeeeeeeeew » bien appuyé. Sérieux, ça arrive, les gens qui se bouffent la langue au point de se la trancher? Faudrait que je demande à Alex, il doit savoir ça… Mais c’est dégueulasse! Argh, je vais même pas continuer à y penser, rien que l’image me suffit à avoir mal à la langue et à me donner la nausée. Donc, oui, bien reçu, je vais bieeeen coller ma langue à mon palais. Avant de mettre le casque sur ma tête, j’envoie encore quelque répliques au type qui m’a embarqué dans tout ça, gardant toujours mon sourire confiant bien vissé sur le visage.

« Hé, arrêtes un peu tes beaux discours, gamin, on dirait presque que tu t’inquiètes pour moi, maintenant! Mais prépares la monnaie car tu vas devoir filer au tabac! »

Ahahah. Arhem. J’en suis pas si sûre. Mais peut-être qu’il va finir par se coucher et aller les acheter de lui-même face à mon numéro d’intimidation de 10 ans d’âge mental? Non? Et miiiiiiiince…  Bon, je n’ai plus trop le choix je crois. Le mets donc ce casque puant sur ma tête et me fixe sur la mêlée juste devant moi. Bon sang, un de ces trucs me tombe dessus et je peux dire adieu bikini! Enfin, je ferais mieux de m’inquiéter pour ma colonne vertébrale. Un « Set! Hut! » tonitruant se fait entendre devant moi, et voila qu’on le lance le ballon dans les mains… Euh… Euh, euh, EUUUHHHHH?! Merde, comment ils font dans le NFL, déjà, alors, les runners, les receveurs… C’est quels dossards, déjà? J’ai le droit de courir moi?! Je suis le quarterback, donc je crois que oui et…. OH MY FUCKING GOD! ÉLÉPHANT DROIT DEVANT. Ça y est je suis morte je suis perdue, je… je tiens à remercier tous ceux qui on été gentils avec moi dans ma vie je… je dois courriiiiiiiir! Mon instinct de survie hurle et je me débarrasse hasardeusement du ballon pour m’enfuir dans le sens opposé, de manière à me mettre à l’abri. Bien sur, je m’emmêle les jambes et roule sur la pelouse pour me retrouver cul par-dessus tête.

« … Geuh. Il vient de se passer quoi, là? »

L’est beau le ciel bleu.. Waaaaah. J’ai le tournis, et je me redresse doucement pour m’observer. Eh, mais j’ai presque rien! J’me suis sortie indemne! Je me relève en titubant et retire le casque pour retourner voir le nain de jardin aux cheveux clairs. Je lève le pouce avec un sourire de winneuse sur la face, tout en lui lançant son casque.

« Hey, t’as vu ça? J’te l’avais dit! Une vraie pro, la diva! »

Dis-je en m’apercevant que l’équipe adversaire a repris le ballon en un instant et que j’ai sérieusement fichu la zizanie. Faire comme si on avait rien vu! Et puis, c’est mieux que de passer inaperçue, nan? Après, est-ce que je regrette? Non, pas vraiment. Hinhin.

Bon, bien sûr, tout le monde se marre, maintenant. Humph. Je distribue des regards assassins a tous ceux qui osent se moquer, mais mes œillades colériques n’ont pas beaucoup d’effet, a part provoquer plus encore leur hilarité. C’est agaçant, et en même temps… bah ,je finis par rire avec le jeune homme aux yeux vert qui m’a entrainé là-dedans. Je ricane comme une grosse débile a sa remarque sur la pelouse, et je confirme qu’effectivement, je l’ai bien fréquenté, le gazon, la preuve c’est que j’ai des brins d’herbe dans la bouche et qu’il me faut cracher de façon fort peu distinguée pour m’en débarrasser. Et ça continue de me faire glousser. Ahlala. C’est con, hein? Quand on a un ego, regardes jusqu’où ça peut nous mener, des fois! Bah, on va dire que ça m’a fait un peu d’exercice, et une bonne poussée d’adrénaline. Là, je me fumerais bien une clope pour me remettre de mes émotions. Sauf que… bah j’en ai plus a cause de ce gros malin que cheveux gris, là! Mais, quelque part, je crois que n’ayant pas tenu un jeu, alors, bon, si il est chipoteur et qu’il est trop fier, il n’ira pas me payer ce foutu paquet. Et, pourtant, ce qu’il me dit alors ne manque pas de me surprendre. Les nanas ne lui tiennent pas tête en temps normal? Bah, pourtant, l’est pas bien grand. Et il connaît beaucoup de filles, à son âge (je ne me doute toujours pas de son âge et de son statut réel il faut dire)… Ah, vantard!

« Arrêtes un peu les compliments, tu vas me faire rougir! »

Dis-je en m’esclaffant de plus belle. Puis, c’est là qu’il propose de quand même me repayer mes clopes. Car apparemment, je ‘lai bien fait marrer. Ah ben… C’est cool? Il s’en va déjà vers les vestiaires, et j’arque un sourcil avec surprise… Attends, il a le droit de faire ça ? mais, c’est pas quitter le cours sans l’autorisation de son entraineur? D’ailleurs, il est ou, l’entraineur? Ça peut pas être lui, quand même?! Ah! La bonne blague! Ce gamin doit pas avoir plus de… Eh merde, et si c’était vraiment lui?

« Eh, attends, tu vas pas te faire fâcher par ton entraineur si tu quittes le cours comme ça? »

Je lui demande, avant qu’il ne soit parti trop loin vers les vestiaires. Au moins comme ça, je vais être fixée. Enfin. En attendant qu’il ne revienne, je m’adosse a une barrière au bord du terrain et continue d’observer le troupeau de rhinocéros. Pour me faire patienter, je fais également sortir Ripper, mon Kranidos, offert par Edwin tout récemment. Il est un peu foufou et commence à sautiller et à courir en tout sens, en observant les joueurs. Il me fait un peu penser aux gars en armure de foot, avec son côté Pokémon roche blindé! Des couleurs chromatiques brillent magnifiquement à la lueur du soleil de fin d’après midi, et j’ai un sourire attendri en le regardant. Enfin, à part ça… qu’est-ce qu’il fiche l’autre… je me rends compte que je ne connais pas encore son prénom. Bah, on verra.

Je pose des questions à la con… moi?! C’est pas vrai, ça! Ca m’arriverait jamais en vrai! Bon, si en fait, ça m’arrive tout le temps, mais bon. Faut avouer qu’il faudrait que je sois sûre, pour le coup, que je fais pas du détournement de mineur pour aller m’acheter du tabac, j’avoue, ce serait quand même un peu vache, pour le coup. Mais doooonc… Qu’est-ce qu’il a dit? S’engueuler lui-même? Hein, quoi? Iles schizo? Il se prend pour l’entraineur ou… Ah. Aaaaaah! Ca veut dire que c’est lui l’entraineur? C’est pour ça qu’il restait sur le bord du terrain a regarder l’entrainement et à faire de  zèle en m’envoyant en pâture à ses mastodontes affamés de ballons en croute sauce Riku? C’est clair que maintenant, tout est clair. Enfin, je crois.. Je me gratte l’arrière de la tête, encore sous le choc de la nouvelle. Mince, avec sa taille, je l’ai vraiment pris pour un lycéen. Alors que si ça se trouve, il est plus vieux que moi! Pas que ça risque de changer mon comportement a son égard, mais, quand même, c’est pas tout à fait la même donne, désormais. Et si il s’en va chez le dirlo pour faire un rapport sur mon comportement? Bah, je suis parano, il m’a l’air plutôt cool et pas le genre balance. J’espère, du moins. Eh, au pire, Riku Anarchy Nagel se démerde toujours!

En attendant son retour, j’observe mon Kranidos s’entrainer à charger. Il est encore tout jeune et à du mal à porter le poids de son gros crâne sur ses épaules, et ils se plante souvent en pleine course. Je sais qu’il va prendre du muscle très vite, néanmoins, sa constitution est encore fragile, même pour une Pokémon roche. Je me baisse pour l’aider a se relever, mais il ne veut déjà plus de mon aide, et retourne gambader sans se soucier de moi. Eh bah, au moins, il a la pêche! Je suis absorbée par mon nouveau bébé occupé à faire briller ses griffes et tenter de sauter pour exécuter des espèces de tourbillons griffus aériens qu’il a bien du mal à contrôler, et il se retrouve encore par terre avant de recommencer. Absorbée, je n’entends pas le jeune homme revenir, et une voix masculine me surprend en pleine observation. Je sursaute un peu et me retourne vivement vers l’entraineur qui a retiré ses blindages, et a repris par conséquent forme humaine… Avec la tenue, j’avais du mal à le différencier des élèves, mais maintenant, oui, c’est vrai qu’il me semble physique plus mature qu’un lycéen. En plus de ne pas être tellement désagréable à regarder. Je me relève avec un sourire nerveux pour répondre à sa question.

« Ouais euh… Me suis pas présentée. J’m’appelle Riku, je suis pionne dans le bahut depuis une semaine. Euh… Enchantée? Et toi, c’est quoi ton nom? »

J’ai l’air bête à demander ça comme ça. « c’est quoi ton nom? », on est plus en primaire. Rahlala. Je devrais peut-être apprendre a plus parler comme une gamine des fois. Ou pas, en fait. La flemme. Je vois que mon collègue (comme c’est un peu un collègue, si on bosse dans le même établissement) hésite à aller vers mon Kranidos chromatique, et je me baisse à nouveau pour cueillir le petit dinosaure dans mes bras (il pèse déjà son poids!) et le montrer de plus près, très fière, au jeune homme.

« T’en fais pas, Ripper est encore un enfant, et il n’est pas du genre à attaquer sans raison! »

Je le repose à terre et Ripper se met à inspecter soigneusement l’entraineur de foot. Il lève la tête pour lui envoyer un sourire et commence a s’amuser à gambader en petits cercles autour de lui. Eh, mais, c’est qu’il me ferait presque perdre mon objectif de vue, en plus!

« Et sinon, on va l’acheter, ce tabac? »

Lui dis-je avec bonne humeur, en faisait volte-face vers la sortie. Allez, on va dire que je sors pas longtemps et que je serais de retour pour le ménage. Le bureau de tabac n’est qu’à quelques rues, ça ne devrait pas prendre trop de temps. Alors que je m’en fais vers le portail, je jette un œil vers les footballeurs encore occupés a s’entrainer.

« Y’a pas de lézard si tu les laisse seuls? T’es entraineur depuis longtemps, au fait? »

Entendu parler de moi? Eh ouais, je suis déjà célèbre, moi! Avec la compétition de l’an dernier, tout le monde est… Ah, non, il parle juste pour lui, parce que on a dû lui dire qu’il y avait une nouvelle pionne. Je crois que ça n’a rien à voir avec la coordination. Bah, pas grave. C’est mieux ça qu’il ne commence a ne plus être naturel et à faire des courbettes. Je préfère largement qu’il continue d’être tel qu’il est, au moins, on rigole bien comme ça! Mais en effet, on ne s’était pas encore vu, alors autant faire les présentations, même si ça prouve que je suis décidément pas douée avec les saluts normaux… Il faut toujours que je fasse n’importe quoi avant de commencer a connaître quelqu’un! Ce n’est pas si mal en fait : ça me permet de voir tout de suite si l’interlocuteur en question n’est pas lourd ou juste ennuyeux, et pour lui aussi, il peut voir de quoi je suis capable pour savoir à quoi s’attendre. Et franchement, avec Easton, comme il se nomme, je suppose par là qu’il a peut-être des origines américaines ou anglaises, ça expliquerait certainement le foot, en plus, dans tous les cas, avec ce jeune homme, je ne peux pas dire que je me sois ennuyée pour le moment! Easton me semble plein de surprises, et je pense que le courant passe plutôt bien entre nous, malgré ce départ explosif.

Je m’amuse un peu du comportement du jeune homme vis-à-vis de Ripper. Il croit vraiment que mon petit dino risque de lui engouffrer la main comme ça? Avec les pétages de plombs que j’ai eu il y a quelques minutes, je peux comprendre ses doutes quelque part, on dit souvent « tel maitre, tel Pokémon », après tout. Néanmoins, le Kranidos est plus curieux que violent, il n’est pas du genre a rechigner et se jeter sur un inconnu. Si il faisait ça, je ne donnerais pas cher de la main ou du derrière de l’entraineur qui parvient finalement à lui donner une caresse, et se fit apprécier presque immédiatement de Ripper. Et comme les deux garçons ont finalement fait connaissance, je me décidais à aller vers la ville pour notre petite commission.

Comme nous étions sur le chemin et que j’avais réengagé la conversation, j’écoute maintenant les réponses de Easton qui me raconte par conséquent un peu sa vie et son parcours. Il ne semble pas vraiment s’inquiéter pour les élèves, et les laisse apparemment en autonomie. C’est plutôt cool, un prof qui fait confiance, comme ça. En même temps, je suppose que son âge, si il est près du mien, ne doit pas être très éloigné de celui des lycéens, du coup, agir en vieux con serait pas le plus sympa ni le plus intelligent pour se faire apprécier.

« Ah, et tu jouais où avant? Ptet que je connais! »

Ouais, nan en fait, a part les plus fameuses équipes des States (et encore, ça doit se résumer a deux noms d’équipes maximum), j’y connais vraiment rien. Je suis le genre de nana qui regarde les types courir, en se repérant a peu près ou les le but de chaque équipe, mais qui dit « les rouges » et « les verts » pour désigner les joueurs sur le terrain. Et qui s’égosille à chaque fois qu’il y a un but de marqué, car en général, dans ces moments-là, j'ai déjà avalé quelques bières et je suis joyeuse. Bah, oui, pas de match de foot sans bière, c’est contraire à l’étiquette de la beaufitude! Je m’arrête dans mes digressions, car Easton me demande ce que je faisais avant d’être pionne. Je lui lance une grimace un peu incrédule, ne sachant que répondre. Parce que c’est vrai qu’avant… hmmm…

« Bah, je faisais euh…. Pas grand-chose en fait! J’ai passé tout l’an dernier à faire la fête et des matchs de coordination, mais c’est la première fois que j’ai un boulot. A part les quelques concerts que je donnais avec des groupes dans des bars, mais je gagnais rien dessus. M’enfin, que je bosse, là, genre, ça fait sérieuse, tout d’un coup! »

C’est vrai que ça fait bizarre. Y’a qu’à voir la tête de mon entourage quand j’ai annoncé que je cherchais sérieusement du boulot, et surtout, encore mieux, que je l’avais eu. Peut-être que l’apocalypse c’est pour demain, du coup? Mince, je ne préférerais pas… On arrive devant le bar-tabac, et j’ouvre la porte pour tomber sur le buraliste, que je connais vite fait de vue (eh oui, c’est ça de faire un peu trop souvent la tournée des bars). Il m’accueille avec un grand sourire.

« Hey, mademoiselle, ce sera quoi aujourd’hui, une tequila tonic? C’est bien, en amenant votre copain, ça fait des clients en plus! Bon pour les affaires, ça! »

Comment passer pour une pochtronne, faut pas se gêner! Même si c’est pas complètement faux. Je suis même pas une habituée de ce bar. Et puis c’est quoi ce délire, ont peut trainer avec quelqu’un sans sortir avec, quand même! Il faut croire que les gens ont parfois du mal à intégrer ça. En tout cas, ça fait beaucoup rire les occupants du bar. Ils sont un peu lourds, mais bon, ils n’obtiennent de moi qu’un haussement d’épaules et une grimace narquoise.

« Pff, t'occupes pas d'eux, Easton. Tiens, j’ai besoin d’un paquet comme ça et de feuilles, s’il te plaît! »

Fis-je en lui désignant mon habituel paquet de tabac. J’espère qu’il va pas se défiler, maintenant, et me faire le coup d’avoir oublié son portefeuille!

« Ah ouais quand même, c’est du sérieux! »

Avais-je fait, impressionnée et admirative, quand Easton me confia qu’il avait joué dans l’équipe nationale des States. Ce n’est pas rien, ça veut même dire qu’il est une grande ponte du foot américain, au point que je me demande pourquoi il est venu s’enterrer sur Enola! Peut-être des problèmes personnels ou avec son équipe, je sais pas. Peut-être que je devrais attendre de mieux le connaître pour lui demander plus de détails, après tout, ça ne me regarde pas vraiment. Même si maintenant, lui, il doit savoir que j’aime un peu trop picoler pour mon propre bien, mais il ne pose pas plus de question, peut-être par discrétion, ou alors par gêne, comme il semble un peu déstabilisé par les insinuations du barman sur nous deux. Aussi, je lui ait bien dit que j’étais une glandeuse qui ne pensait un peu qu’à bringuer… Enfin, si je veux pas qu’on se fasse des idées sur moi, le mieux ce serait que je dise plus rien mais, ça, c’est pas possible. Je me demande encore si Easton me préparait le coup de se défiler avant de payer. Après tout, je ne sais pas qui ça lui fait plaisir d’accepter de payer quelque chose qu’il semble tant détester. Mais, non, il accepte quand même et je me retrouve avec un nouveau paquet de drogue légale a épuiser avant la fin du mois. Eh, Alex pourra pas dire que je me ruine en tabac, si c’est pas moi qui ait payé, mouhahahaha! N’empêche que je me sens tout de même un peu péteuse d’avoir fait dépenser de l’argent au jeune homme aux cheveux blancs, surtout dans un truc qu’il n’étais apparemment pas très enclin à acheter. Je lui souris quand il pose le paquet entre mes mains, et hoche la tête à ses propos, raisonnable, pour une fois.

« Ouais, t’as raison, Mère Courage, c’est bien si on tarde pas trop! Et merci, hein, je suis super super contente! »

Fis-je à la manière d’une enfant à qui on a attribué son caprice, un peu narquoise. Nous reprenons la route vers le lycée, et tandis qu’il va me falloir m’occuper de faire le tour des salles d’études et de certaines classes pour les objets trouvés et divers choses à régler à la vie scolaire, je me dis que Easton, lui va certainement retourner au terrain et aux vestiaires, là ou il doit avoir quelques trucs a effectuer avant de partir. Ah, quelle vie! Comme on risque de bientôt partir chacun de notre côté, je finis par me lancer et dire a mon ami ce qui me brûle un peu les lèvres.

« Eh, euh… Au fait, j’sais que ça a pas forcément du être très cool de te faire payer du tabac alors que c’est pas ton truc alors… Ça te dirait qu’on aille se boire un coup une autre fois? C’est moi qui t’invite, comme ça on sera quittes! Et puis, je pourrais te faire un cours théorique de coordination pour les nuls, tu pourras juger de si je suis douée ou non, comme ça. Et tu me parleras de ce qui t'as ramené sur Enola! »

Joueuse, je ricane un petit moment, enthousiaste à l’idée de me faire un nouveau poto et d’apprendre a mieux connaître Easton à l’avenir. C’est toujours chouette de bien s’entendre avec quelqu’un qui bosse dans le même établissement que nous, ça rend les choses plus sympas! Je donne bizarrement pas trop cher de ma peau si je fais fumer des sportifs, cependant, je devrais peut-être prendre gare à mon derrière si je fais ça! On repasse la grille du lycée dans le sens inverse, et j’attends de savoir si Easton est intéressé par ma proposition, dans ce cas je lui refilerais mon numéro pour plus de simplicité, et je prendrais congé de lui pour l’aprèm.