« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 Kings & Dukes |OS|

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Cassey G. Banks
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Cassey G. Banks
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MessageSujet: Kings & Dukes |OS|   Kings & Dukes |OS| EmptyLun 27 Avr 2015 - 23:06



Kings & Dukes
feat. Duc

Mes collègues ont cru qu’il s’agira d’une idée exemplaire que de m’imposer, par jour, une pause obligatoire d’une durée de trente minutes. Cette décision, prise à mon insu bien sûr, m’a été rendue ce matin lors de la réunion quotidienne. Je rappelle que ces moments, critiques dans notre travail, nous servent à mettre en action nos projets et nous concerter pour nous diviser les différentes tâches des contrats qui peuvent nous être confiés. Rien à voir donc avec ma triste personne. Malgré tout, dans un mouvement que j’associerais presque à de la mutinerie à présent, on m’a retiré le droit de travailler. Pendant trente minutes par jour (alors que j’ai théoriquement droit à une heure trente minutes par jour) certes, mais tout de même. Je considère être assez âgée et parfaitement en droit de prendre des décisions par moi-même. Lorsque j’ai tenté d’exposer mon point de vue, on m’a simplement ignoré. Me voilà donc assise depuis quelques minutes dans un café à deux pas du boulot, à siroter un café latte et en dégustant un sandwich au poulet et à l’avocat en compagnie de Vong et d’Hayim. J’ai eu l’audace de subtiliser mon ordinateur portable ce qui me permet de continuer à bosser tranquillement tout en accédant à la demande de mes employés qui visait, dans les faits, à me reposer. Or, je n’aime pas vraiment gaspiller du temps. Dans ma tête, tout tourne à mille à l’heure et de m’occuper me permet de garder les deux pieds sur terre.

Ainsi installée, je profite du meilleur des deux mondes. Ce petit café a véritablement quelque chose d’apaisant. Je peux continuer à travailler en paix, sans les interruptions régulières de mes employés pourvus de questions ou de requêtes. J’ai tout le loisir ici de me concentrer sur ma tâche. Au final, peut-être que ces pauses imposées me combleront de bonheur. Je caresse la tête d’Hayim qui me surveille. Je sais bien qu’elle s’ennuie, régulièrement, lorsque je travaille. J’aimerais lui offrir plus de temps, sauf qu’avec mes horaires changeants selon les contrats, il n’est pas aisé de lui offrir toute l’attention dont elle aurait besoin. Heureusement, j’ai la possibilité de l’envoyer régulièrement dans une Pension où elle s’amuse toujours. Je dois d’ailleurs l’y déposer ce soir pour quelques jours et à chaque fois, j’ai l’impression que mon cœur s’en brise. Je déteste devoir me séparer de ma première alliée. Dans tous le cas, je n’ai aucun droit de la brimer, aussi difficile soit chacune de nos séparations. Vong, lui, regarde partout autour de lui, toujours aussi maladroit et curieux. Il revient cependant errer autour de ma chevelure de feu lorsqu’il remarque qu’un jeune homme se détache finalement de ma contemplation pour venir marcher jusqu’à notre table. Bien sûr, je ne remarque rien de son manège, entièrement absorbée à la fois par la dégustation de mon repas et par mon travail. Le vrombissement de l’Archéomire contre mon oreille me fait redresser la tête cependant.

«Coucou Cass.»

Je n’ai guère le temps de me pencher sur le côté pour éviter le coup que je me sens soulevée de ma chaise par ce gringalet blond qui vient de surgir tout droit de mon passé. Balancée dans ses bras tel un vulgaire morceau de chiffon, je dois me débattre alors que le jeune homme immobilise ma tête sous son bras pour me gratter la tête de son poing. Je me mets à gueuler, si fort que les autres clients se retournent. J’arrive à me dégager beaucoup trop tard pour épargner mon cuir chevelu de s’irriter fortement et mes mèches de voler dans tous les sens. Je grogne et me poste contre mon adversaire, qui doit bien faire deux têtes de plus que moi. Il est accompagné d’un immense Tranchodon à l’allure redoutable mais dont les prunelles trahissent une nature doucereuse et pétillante.

«Noah Astaran et Nuki. Putain qu’est-ce que vous foutez ici?»

Le blondin de vingt-trois ans éclate de rire devant ma mine déconfite. Un véritable gamin celui-là, qui se plaît souvent à tout faire en son pouvoir pour m’irriter. J’ai d’autres raisons bien sûr de lui en vouloir, j’y reviendrai plus tard. Pour le moment, je profite de cet instant pour le détailler. Il n’a pas beaucoup changé depuis notre dernière rencontre, qui s’est achevé par une grande dispute. Depuis, je n’ai jamais cherché à rétablir le contact. De son côté, il est passé me voir une fois, il y a plusieurs mois, et j’ai refusé de lui adresser la parole. À ce moment, mes doutes et ma rage m’aveuglaient de façon telle qu’il m’était impossible de lui pardonner. Un an plus tard gronde toujours en moi l’éclat douloureux de la déception. Je crois qu’il le devine à mon regard car il se recule d’un pas, prudent, n’osant pas prendre place sur la chaise libre à mes côtés. Il soupire en voyant mes traits figés, l’animosité de mon ton. Rapidement, son sourire de gamin satisfait s’efface pour laisser place à la confusion et l’amertume.

«Tu me permets de m’asseoir? Je crois qu’on a besoin de parler.»

Je me contente d’hocher la tête alors qu’il prend place à la table. Pour sa part, Nuki vient se poster près de lui sans le lâcher d’une semelle. J’ai rarement vu un duo dresseur/Pokémon aussi soudé que celui-ci. Noah a beau être un idiot par moment, il porte pour son allié une affection qui n’a absolument rien de feinte. Il est issu d’une famille bien nantie du Japon et a fait ses études dans les écoles les plus prestigieuses de son pays avant d’emménager à Enola pour y poursuivre sa carrière de connaisseur Pokémon, ces «psychologues» qui agissent de pair avec les dresseurs afin d’améliorer le lien qui les unit et leur performance en combat ou Concours. Noah est doué dans sa profession il est aussi un formidable guide pour ses propres alliés. Il n’y a qu’à voir l’expression triste que prend le dragon à ses côtés en voyant mon visage figé de frustration pour le savoir. Ces deux-là ne pourraient être plus proches. Le jeune homme a aussi un énorme talent avec les mots. Il possède un charisme qui lui attire beaucoup d’attention de la part des filles, ce qui n’a jamais été mon cas. De toute façon, je le considère un peu tel un petit frère, malgré tout la colère que je peux ressentir à son endroit. Et malgré ma douleur je suis ravie, soulagée même de le revoir. Je lui impose cependant mon silence, qui le fait douter. Je le vois mordre sa lèvre avant de se lancer.

«Cassey… je suis désolé.»

Je me fige. Je m’attendais à bien des mots, mais jamais ceux-ci. Il m’avait promis, après tout, qu’il ne justifierait jamais ses actions. À cette époque, nous étions peut-être tous les deux trop en colère pour véritablement nous comprendre. Je l’observe, la poitrine gonflée d’émotion et d’espoir. Je n’ai pas envie de perdre Noah. Je l’ai rencontré par Matthew. Ils sont de bons amis ces deux-là, si bien qu’il faisait presque partie du trio inséparable que nous formions à l’époque avec Aimee. Il n’a jamais fait partie de l’armée cependant et refuse encore de s’impliquer dans ce conflit de quelque façon que ce soit, ce dont j’ai toujours respecté. Nous sommes rapidement devenus très proches. Nous avons des personnalités qui se ressemblent en de nombreux points. Il nous a été aisé de développer une amitié durable. Au fil du temps il a développé une amitié tout aussi profonde avec Aimee, moins facile d’approche. Puis il est tombé amoureux d’elle, sans espérer qu’elle lui rende son affection. Et à sa mort…

«J’ai été trop fier. J’avais mal, beaucoup trop mal. Et au final, je n’ai pas su voir que tu me demandais à l’aide. Je n’étais pas capable… de te voir ainsi. Matthew et moi on s’est disputé parce que je refusais d’entendre comment tu te portais, c’est-à-dire très mal. J’ai mis beaucoup de temps à atterrir et réaliser Cass.»

Je me tais. À la mort d’Aimee il ne s’est pas présenté aux funérailles. Lorsque je lui en ai adressé le reproche, nous nous sommes disputés. Fortement. Puis nous voilà.

«Que… je t’ai blessé. Que tu avais besoin de moi aux funérailles, mais j’étais trop rongé par la peine pour le voir. Je n’ai pas eu le courage d’affronter sa tombe, Cass, de voir son cercueil s’enfoncer dans le sol, je… je ne pouvais pas. J’ai été trop orgueilleux pour te l’avouer et… c’est stupide. J’ai eu peur de te perdre, mais je ne savais pas comment effacer mon erreur.»

Peut-être par réflexe, ma main a attrapé la sienne. Son visage s’est décomposé d’une douleur qui prend écho à la mienne. Je dois regarder ailleurs pour éviter que l’émotion ne me trahisse. Pas ici. J’ai assez pleuré mon ami pour m’éviter une humiliation supplémentaire en public. Au contact rassurant de ses doigts je trouve un certain courage. Je lève les yeux vers lui et lui souris.

«J’ai eu mal. Je m’en suis prise à toi parce que c’était facile. J’étais déçue de toi et tu as été lâche. Mais j’ai aussi mes torts dans cette histoire. Ce ne sera pas facile de te pardonner, mais je veux bien qu’on laisse tout ça derrière nous. Tu me manques.»

Les prunelles d’un brun mordoré du jeune homme s’illuminent. Je l’entends respirer pour la première fois depuis plusieurs secondes. Il retenait probablement son souffle, conscient des éclats de colère dont je sais faire preuve. Il sert ma main, un grand sourire aux lèvres, imité par le Tranchodon à ses côtés.

«Oui. Je ne te ferai pas de promesses, je sais que tu détestes ça, mais je… vais trouver moyen de me racheter.»

Je souris en secouant la tête. Pour Noah il existe une sorte de code d’honneur. Il aime bien jouer les héros, une tendance qui m’agace souvent mais je le laisse faire pour cette fois. Après tout, il m’a manqué. Il frappe soudain sur la table et se penche pour récupérer dans son sac un objet. Le bruit m’a fait sursauter et Hayim, qui le connaît bien, bien sûr, proteste devant son embardée énergique. Il pose un Œuf de Pokémon sur la table, sous l’œil attentif de Nuki. Je devine qu’il doit s’agir de sa propre progéniture, comme le confirme bientôt mon ami :

«Ça te dirait un Œuf de Coupenotte?»

Je l’observe. Évidemment que oui. Je n’ai qu’à jeter un regard au magnifique dragon à ses côtés pour mourir d’envie. D’autant plus que le Tranchodon, en plus de sa nature adorable, est un redoutable adversaire et un guerrier accompli.

«Nuki s’est fait une copine et… disons que sous ces écailles de dragon se cache un vrai lapin. Bref, je suis pris avec ces bébés, j’en ai déjà offert quelques-uns à des gens en qui j’ai confiance mais… il me reste toujours celui-ci. Voudrais-tu t’en occuper?»

«Donc, si je comprends bien… tu veux te débarrasser de son Œuf pour te racheter. Nuki, tu en dis quoi de cette histoire?»

Le Tranchodon éclate d’un rire très rauque et parfaitement coupable. De toute évidence il a gaffé. Il étire le museau sur la table et pousse l’œuf en ma direction, ses yeux rivés vers moi.

«Nous avons pris la décision ensemble d’offrir ses bébés dans notre cercle d’amis afin qu’il puisse voir ses enfants. Puis de toute évidence il approuve mon choix.»

Je souris en caressant la tête de l’affectueux dragon. Bien sûr, je prendrai soin de son enfant, comme s’il s’agissait du mien. Il le mérite bien. Puis je sens que Noah signe ainsi un pacte de pardon. Nous n’aurons plus le choix ainsi de nous côtoyer et… Je sursaute lorsque l’œuf se met à éclore sous nos yeux. Un bébé Coupenotte jaillit là un Œuf se tenait un instant plus tôt. Je l’observe, fascinée, alors qu’il ouvre les yeux et m’observe avec un sourire si semblable à celui de son père qu’un petit rire me prend. Un rire rapidement repris par le poupon. Je fonds littéralement devant cet adorable bébé.

«Je l’appellerai Duc. Bien sûr, Noah et Nuki. Je m’occuperai de lui.»

Un sourire se peint contre mon visage. Duc vient de nous proposer moyen d’avancer tous les deux, malgré tout le mal que nous avons pu nous faire par le passé. Noah, de l’autre côté de la table, m’offre un clin d’œil. Pendant un instant, plus rien n’a changé. Cette sensation m’offre espoir. Une grande goulée d’air.

(c)Golden
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