It's going to fall down [PV Maxwell]

It's going to fall down

feat Maxwell R. Young

Anaïs avait toujours détesté les hôpitaux. Trop de blanc, trop de bruits étranges. Trop de souffrance aussi, peut-être. De tristesse. L'ambiance générale en fait, la faisait se sentir mal à l'aise, à chaque fois qu'elle y posait un pied. C'est comme si cet endroit l'effrayait. Car, même si dans la vie courante, elle essayait de faire comme si tout allait bien, quand elle se trouvait dans l’hôpital, elle ne pouvait pas faire autrement que de penser à sa mère. Elle le devait bien sûr. Il ne lui fallait pas ignorer sa situation actuelle, il ne fallait pas l'oublier. Mais c'était tout simplement ce lieu qui lui donnait des nausées.
Mais le fait de rendre visite à sa mère l'emportait sur toutes ses appréhensions. Elle avait besoin de la voir, tous les jours, et lui parler. Alors, à chaque fois qu'elle rentrait de cours, elle se diriger directement vers le centre hospitalier. Souvent même, ne pouvant plus attendre d'avoir des nouvelles, elle séchaient quelques cours, elle qui avait toujours été une élève sérieuse.
Mais plus rien n'était comme avant à présent. Elle avait été naïve de croire que sa vie pourrait être toujours aussi belle, entourée d'une famille unie et de parents qui s'aiment. Anaïs n'avait vu que trop de couples déchirés, se séparant, blessants les enfants, pour pouvoir s'affirmer être chanceuse que ce soit encore le grand amour entre les siens.
Mais la vie lui avait réservée une cruelle surprise. C'est quand on croit être à l'abri de tout que l'on est le plus vulnérable, et que le pire arrive. Anaïs le savait maintenant. Si seulement elle pouvait remonter le temps à quelques mois. Comme lors de ce gala de Noël par exemple. Elle revoyait encore sa mère, ravissante dans sa robe. L'adolescente avait fait quelques rencontres là-bas. Elle avait dansé, s'était sentie heureuse… un sentiment qu'elle n'avait pas ressentit depuis longtemps.
Elle frappa à la porte de la chambre d’hôpital, et la voix douce et faible de sa mère l'invita à entrer. Sylvie Rinel était méconnaissable. Elle avait beaucoup maigri, des traits assombrissaient son visage. Ses yeux bleus, éclatants autrefois, ne brillaient plus que d'une lumière sombre et terne. Elle semblait plus fatiguée que jamais, pourtant elle afficha un grand sourire quand sa fille entra.

« Bonjour ma chérie.. »
« Salut, maman. Comment tu te sens aujourd'hui ? »
« Fatiguée… mais je n'ai plus mal à la tête, c'est déjà ça. Et puis, tu es là. Ton frère est aussi passé ce midi. Je suis contente que vous me rendiez visite »
« C'est normal maman. On viendra toujours. Tu le sais ça, hein ? »

Le sourire de la femme s'élargit. Sa famille la soutenait et pour elle, c'était la plus belle chose du monde. Malgré le fait qu'elle était sur ce lit d'hôpital, elle les voyaient tous les jours.

Symphonie sortit de sa Pokeball, elle aussi voulant voir la mère de sa dresseuse. Elle sauta prudemment sur le lit, avant d'approcher doucement la tête de la femme blonde. Cette dernière caressa la tête de la Coupenotte.
Anaïs essaya de ne pas penser à tous ces appareils, tout ces bips insupportables qui lui rappelait où elle était et ce qu'elle faisait là.

« Alors, comment s'est passée ta journée aujourd'hui ? »
« Je… très bien. J'ai eu un devoir d'histoire. Je pense que ça devrait aller »

La vérité, c'était qu'elle ne s'était pas vraiment concentrée et avait rempli le contrôle le plus vite possible afin de rendre visite à sa mère. Ses notes baissaient, elle en avait conscience, mais ça ne lui faisait rien. Elle s'était mis à se ficher éperdument du bac et des épreuves qui approchaient. Rien de tout ça n'avait d'importance à ses yeux en ce moment, et on ne pouvait que la comprendre.

Elle sursauta quand sa mère fut prise d'une quinte de toux. Affolée, elle se leva directement, restant sans bouger quelques secondes.

« Ma… maman ? Ça va ? »
« Ne… t'inquiètes pas. Ça… ça va... passer »

Chaque pause entre les mots était ponctuée d'une toux qui s'intensifiait. Ignorant les paroles de sa mère, elle sortit toute paniquée pour alerter une infirmière. Cette dernière entra directement dans la chambre et demanda à Anaïs de rester dehors. Sa mère avait apparemment besoin de quelques soins, et de se reposer un peu. Elle ne devait pas être dérangée. Anaïs faillit insister, c'était sa mère après tout. Mais elle savait que c'était pour son bien.

« Tu peux aller à la cafétéria si tu veux. Je viendrais te chercher si ta maman veux te voir, d'accord ? »

La jeune fille ne put que hocher la tête. Elle n'offrit aucune résistance, ne prononça aucun mot, et se laissa guider vers la cafétéria de l’hôpital. Elle n'avait pas mangé le midi, et commençait à avoir faim. Et puis, comme ça, elle pourrait attendre que sa mère se sente mieux pour retourner la voir. Elle laissa un message à son père, qui finissait un peu plus tard. Ils pourraient se rejoindre une fois qu'il aurait fini.

En attendant, elle s'installa à une table de la cafétéria. Elle se prit un café, ainsi qu'un sandwich. La cafétéria était un peu plus colorée que le reste de l’hôpital, bien qu'on ressentait toujours cette impression de mal-être.
Coupenotte sauta sur le sol. Elle avait besoin d'un peu se dégourdir les pattes, revenant de temps en temps vers sa dresseuse. Elle aussi était inquiète. Pour sa dresseuse et sa mère. Elle ne voulait pas qu'Anaïs soit triste, et que Sylvie soit malade. Mais face à cela, elle était impuissante. La maladie n'était pas un Pokemon contre qui elle pourrait se battre. Alors, comme Anaïs, elle espérait. La dragonne devait garder l'espoir, et le goût de la vie. Ne serait-ce que pour soutenir sa dresseuse.

It's going to fall down

Les hôpitaux. Un endroit qui respirait la maladie et la mort. Peu importait ma bonne humeur contagieuse, je ne trouvais dans le regard des autres m’observant passer qu’une morosité résignée, tel un abandon. La tristesse de mes compères, dans l’aile réservée aux soins d’oncologie (donc du traitement du cancer) me sidérait toujours autant et je cherchais, bien vainement je le crains, quelconque parole pour rendre à leurs visages effarés quelques couleurs d’espérance. Je tâchais, en combattant vivement mes instincts primaires, de me figurer cet hôpital tel un réservoir d’espoir, un endroit où on était soigné et non où on venait mourir. Je l’espérais, dans un sens, dans un secret silencieux que je portais sous ma chemise, tout près de mon cœur. Car en plus de le souhaiter à ces malades, j’y voyais un miroir de mon propre sort, encore incertain malgré les nombreux progrès de mon état au cours des derniers mois. Je n’avais qu’une envie, qu’on cessa enfin, de façon définitive mes traitements. Melinda et mon oncologue, un homme d’expérience de sa connaissance le Docteur Rosebud, m’avaient demandé il y avait plusieurs semaines de cesser mes traitements de chimio par prise orale, des pilules qui faisaient de ma vie un véritable enfer mais qui ne tenaient pas la route face à la souffrance occasionnée par la véritable chimio. Depuis la fin de ce traitement plus doux donc, je me sentais mieux. Fatigué, certes. Mais j’avais regagné du poids car capable d’ingérer de la nature sans la recracher aussitôt. J’arrivais à sortir, à m’entraîner en compagnie de mes Pokémon dans l’espoir toujours plus insistant d’avoir l’occasion de participer aux finales cette année encore.

Mais encore, je prévoyais déjà mon remplacement par l’un ou l’autre des Champions Coordinateurs. J’avais même choisi qui, parmi ces innombrables talents, prendrait ma place. Une décision que je rendrais publique qu’une fois mon sort décidé et ce sort, j’en aurais peut-être une meilleure idée après ce rendez-vous médical en compagnie de mon oncologue. Une fois arrivé au comptoir, on m’apprit qu’il y avait des délais importants et qu’il me faudrait attendre encore pour presque une heure avant qu’on puisse me recevoir. Je remerciai poliment la réceptionniste avant de me diriger, tout naturellement, vers la cafétéria, en considérant l’option de retourner à la maison. En même temps, je préférais toujours être sur place et prêt, j’aurais détesté qu’on attende après moi. Ma décision prise, je fis signe à la Phillali à mes côtés de se presser. Visiblement Callie n’appréciait pas beaucoup plus cet endroit que moi, alors que Kindgey, mon Tylton, se reposait en roucoulant contre mon épaule, nullement troublé par l’action déprimante qui se profilait autour de lui. Une fois à l’intérieur de la cafétéria je constatai qu’elle était presque pleine, avec plus aucune table de libre. Il me faudrait assurément en partager une ce qui ne me peinait nullement. Malgré ma nature timide et réservée j’étais si heureux de sortir et de rencontrer des visages inconnus que je souriais inconsciemment à tous ceux qui osaient croiser mon regard.

Je choisis un muffin aux canneberges et céréales pour moi, puis un autre aux carottes et son pour mes compagnons qui se le partageraient vu leur appétit limité. J’achetai aussi un berlingot de lait pour Callie Sue ainsi qu’un café pour moi. Je m’assis à l’écart à une table auprès d’une jeune fille d’environ seize ans dont la tristesse me transperça le cœur. Je le devinais au moindre de ses gestes. Je me demandais si elle se sentait faible, si elle avait besoin d’une assistance quelconque. Elle me rappelait vaguement la jeune Yumi si celle-ci avait su ce que détresse signifiait et ce rapprochement rendait difficile de la regarder. Une épreuve qui ne sembla pas impressionner le jeune Kingsey qui se posa sur la table et l’observa en piaillant quelque charabia dans son langage bien à lui. Il s’approcha même du Coupenotte de l’adolescente pour le saluer. Celui-ci aussi semblait plutôt morose. Je grignotai une part de mon muffin, constamment distrait par les simagrées de l’oiseau aux plumes nuageuses ainsi que l’évident trouble de ma partenaire de table. Callie, assise à ma droite, me fit signe. Dans ses prunelles se lisaient une forme d’inquiétude, inquiétude qui cette fois n’était nullement dirigée vers moi. Au contraire, elle avait deviné mon trouble et s’angoissait elle aussi du sort de la jeune fille. Elle me décida à me lancer.

«Désolé pour le comportement de mon Tylton, il semble bien vous apprécier tout comme votre Coupenotte. Pardonnez mon indiscrétion mais… Est-ce que ça va?»

Je lui offris un petit sourire. J’avais conscience qu’un homme d’âge mûr s’adressant à une si jeune fille avait souvent quelque chose de louche et j’espérais qu’elle saurait voir à la sincérité de mes paroles mes véritables intentions. Dans tous les cas elle n’avait rien à craindre de moi, dans tous les sens du terme.

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feat Maxwell R. Young

Anaïs mangea son sandwich avec si peu de conviction qu'elle mâchait avec une lenteur qui ne lui ressemblait pas. Elle mangeait par principe, et non pas par plaisir. Son regard fixait le vide. Elle ne faisait plus vraiment attention à ce qui l'entourait, totalement perdue dans ses pensées. Elle ne savait pas depuis combien de temps elle était dans cette cafétéria, depuis combien de temps elle avait quitté sa mère. A tout bien y réfléchir, elle aurait pu insister, refuser de suivre les ordres de l'infirmière, de demander à voir sa mère sur-le-champ. Elle aurait très bien été capable de piquer une crise, de repousser l'infirmière de force, de se ruer dans la chambre pour vérifier l'état de sa mère. Mais elle avait obéit. Elle s'était dit que la santé de sa mère passait avant tout. Et que si elle avait besoin de repos, elle allait lui en laisser. Ce qui ne l'empêcherait pas d'attendre, des heures s'il le fallait, de pouvoir retourner à son chevet.
Elle tournait souvent des regards vers la porte d'entrée de la cafétéria, vérifiant si, par miracle, l'infirmière qui s'occupait de sa mère n'apparaîtrait pas pour l'inviter à la rejoindre. Cependant, l'adolescente ne se faisait pas d'illusion et savait que cela pouvait prendre un peu de temps. Alors, elle croqua une bonne bouchée de son sandwich, essayant d'en apprécier le goût… avant de se rendre compte que ce que l'on disait sur la nourriture d’hôpital était vrai. Quasiment immangeable. Bon, elle devrait se contenter de ça. Elle avala aussi une gorgée de café. Elle n'aimait pas particulièrement le goût, mais cela lui donnerait des forces. Du moins, c'est ce qu'elle espérait. Car elle en avait bien besoin.
Anaïs ne remarqua pas tout de suite l'homme qui était entré dans la cafétéria et qui attirait les quelques regards de ceux qui l'arrivait reconnu. Elle n'avais même par remarqué qu'il s'était assis à sa table, un peu à l'écart toutefois. En fait, elle ne l'aurait sûrement pas vu si un Tylton ne s'était pas posé pile devant elle en poussant des petits cris. La tirant de ses pensées, elle sursauta, faisant gicler un peu de café hors de son gobelet en plastique. Elle cligna des yeux, se demandant ce que le Pokemon pouvait bien lui vouloir. Il se dirigea ensuite vers Symphonie qui, bien que elle aussi surprise, finit par saluer d'un air faussement enjoué l'oiseau. L'adolescente les regarda un moment. Peut-être que ce Tylton appartenait à quelconque employé de l’hôpital et avait pour habitude de se balader pas ici. Coupenotte se mit à discuter avec le nouvel arrivant. Ce qu'ils se disaient, ça, Anaïs n'en savait rien.
C'est alors qu'elle remarqua celui qui s'était assis non loin d'elle quelques secondes plus tôt. En entendant les paroles de l'homme, elle fit vite le lien : le Tylton lui appartenait.
Puis tomba la question fatidique : Est-ce que ça va. Avec un peu d'humour noir, Anaïs aurait pu lui rire au nez. Aller bien, dans un hôpital… pour elle, ça ne pouvait pas aller dans la même phrase. Il y eu un silence pendant lequel elle hésitait à lui répondre. Elle s'y força quelque peu, ne voulant pas non plus mettre un vent à son interlocuteur. S'il était là lui aussi, c'était peut-être pour quelque chose. Ça étonnerait beaucoup Anaïs que quelqu'un vienne dans un hôpital par plaisir pour manger un morceau. C'est pas le meilleur endroit pour se faire une bonne bouffe.

« Euh, ouais. Enfin non. Je sais pas, le simple fait que je sois ici devrait suffire à répondre à la question, non ? »

Sa Coupenotte tourna brusquement la tête vers elle en l'entendant répondre, la fixa pour lui faire comprendre qu'elle avait répondu de façon agressive à une personne qui avait du seulement remarqué son air triste. Tylton et Symphonie semblaient avoir eu une discussion plus complète, eux, et chacun devait à peu près savoir ce que l'autre faisait là. Anaïs se reprit.

« Hum, pardon. C'est juste que je suis un peu sur les nerfs, en ce moment. »

Ça, on pouvait le dire. Anaïs, qui parlait normalement toujours d'une voix enjouée, parlait désormais d'une voix fatiguée qui ne cachait pas sa tristesse et son désespoir. Le lieu dans lequel elle se trouvait n'aidant pas.
Elle releva la tête pour détailler un peu plus l'homme qui l'avait abordée. Il était assez maigre. Pas au point d'être squelettique, non, mais sa silhouette était fine. C'est en voyant son visage qu'une sorte de petit bip se déclencha dans sa tête. Elle ne regardait que très peu la télévision et suivait la Compétition d'Enola de très loin, mais cet homme-là, elle l'avait déjà vu quelque part.

« Hé mais je vous connaît ! Je vous ai vu, au gala de Noël dernier. Vous êtes le Maître Coordinateur, c'est ça ? Désolée, en revanche, je ne me souviens plus de votre nom. »

Et puis elle avait l'esprit trop embrumé pour réfléchir. Pourtant, elle se souvenait maintenant très bien de lui. Il avait fait un discours au gala. Et elle en avait entendu parler bien sûr. Au moins par son frère, qui lui suivait tous les matchs de compétition, que ce soit du combat ou de la coordination. Et si Timothée avait été là, sûr qu'il se serait taper la tête de savoir que sa petite sœur ne connaissait même pas le nom du Maître Coordinateur d'Enola.

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Je savais pertinemment que je franchissais une ligne impossible, interdite, dans un monde individualiste où pour survivre il valait mieux se mêler de ce qui nous regardait. Un mode de pensée parfaitement occidental et entièrement stupide qui, à force de chercher une liberté vaine, finissait par nous brimer. Une intervention auprès d’un autre humain clairement en détresse devait appartenir à quelque acte réservé et précommandé par des professionnels dans notre société d’aujourd’hui. Une idée qui me déplaisait fortement. En grandissant dans les bidonvilles, j’avais intégré mieux que quiconque l’idée du «chacun pour soi», avant de la rejeter à la naissance de ma petite sœur qui, véritablement, changea tout dans ma triste existence, jusqu’à ma vision de la vie. Certainement, j’avais faim, soif, j’étais nu et sale et illettré. Mais si on avait besoin de mon assistance j’étais présent et c’était exactement ce que je ferais encore à ce jour. L’angoisse, la fatigue et l’abattement de cette jeune personne à la longue chevelure noire se devinait si aisément qu’ils m’étaient tels autant de couteaux en plein cœur. Je parvenais difficilement à contenir mon calme tant il me brûlait de l’aider, or je restais toujours aussi posé en apparence, conscient que ma question pourrait être mal interprétée ou jeter sur elle un voile défensif. Une autre caractéristique des gens de notre société : nous avions de la difficulté à admettre nos faiblesses (moi premier), surtout devant une main inconnue nous tendant la main. À sa place j’aurais probablement démenti mon propre état même si ici, de nier ne servait à rien. Son trouble me paraissait aussi solide et réel que la Coupenotte à ses côtés.

Parlant de la Coupenotte, elle ne semblait pas bien plus enjouée que sa dresseuse, ce qui ne l’empêchait pas de converser avec le Tylton toujours juché sur la table. Impossible pour moi de déchiffrer leur langage, je leur laissais donc leur intimité pour me concentrer sur la jeune fille qui ouvrit finalement la bouche. Elle emprunta un ton irrité qui, à mes yeux, ne fit que lui faire paraître encore plus jeune et vulnérable, et je lui offris un regard compatissant qui se traduit en un véritable sourire alors qu’elle se reprit aussitôt, grondée par la petite dragonne à ses côtés. Une scène qui m’aurait paru bien cocasse en d’autres circonstances mais qui ne provoqua, au final, qu’une brève étincelle d’amusement dans le regard alors que j’échangeais une œillade avec Callie. Je me contentai d’un geste vague de la main pour l’excuser de son comportement. Il ne m’avait guère troublé, même si j’appréciais ce geste de politesse à mon égard. Comme quoi elle avait compris que je ne lui voulais aucun mal. Ce après quoi elle me reconnut, de façon quelque peu maladroite, m’ayant vu au gala de Noël semblait-il. Je n’avais pas eu le loisir de la rencontrer mais on ne me le reprocherait pas vu le nombre important d’invités et ma propre faiblesse à un tel moment. Le fait qu’elle ignorait mon nom me fit presque plaisir, j’avais l’occasion rêvée d’être introduit de façon naturelle. Je lui tendis donc la main et serrai la sienne avec délicatesse.

«Effectivement, Maxwell Young, Maître Coordinateur. Puis-je avoir l’honneur de connaître votre nom, mademoiselle?»

Je lui offris un sourire affable en caressant la tête de Callie Sue qui la scrutait avec un intérêt grandissant. Peut-être voyait-elle en elle une partenaire de jeu potentielle, et si c’était le cas j’allais devoir freiner ses envies car la jeune fille ne semblait nullement intéressée par quelconque jeu pour le moment. Je bus une gorgée de café avant de m’adresser de nouveau à elle.

«Votre présence en ce lieu n’a pas à être triste et morne, des événements fabuleux se produisent dans les hôpitaux, tels les guérisons attendues et les naissances. Or, j’imagine que vous ne vous trouvez pas ici pour ces raisons. Me permettez-vous de vous demander si vous êtes vous-mêmes malade? S’il vous plaît, n’hésitez pas à me signaler si je me montre intrusif et si ma présence vous indispose, je n’en serais nullement froissé.»

Je lui offris un nouveau sourire, un peu inquiet cette fois-ci. J’émettais l’hypothèse que nous nous trouvions dans la même situation, tous deux atteints du cancer. Par réflexe peut-être je portai une main à mon crâne où un bon duvet avait repoussé depuis quelques semaines.

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feat Maxwell R. Young

Anaïs s'en voulait un peu d'avoir répondu sèchement à l'homme qui, visiblement, ne lui voulait aucun mal. Effectivement, elle avait beau ne pas se sentir bien, ce n'était pas une raison pour se comporter comme ça. Le pauvre n'y pouvait rien et avait décidé d'engager la conversation sûrement parce qu'il voyait que ça n'allait pas du côté de l'adolescente. Elle se reprit et respira un bon coup. Au final, un peu de discussion ne pourrait pas lui faire de mal et lui permettrait peut-être d'oublier ses malheurs un court instant.
Elle se demanda un instant si ce n'était pas un peu la honte de ne pas connaître le vrai nom de cet homme, très connu du grand public, surtout qu'elle était native de l'île. Fort heureusement pour elle, son interlocuteur n’eus pas l'air de s'en offusquer, et se présenta en lui serrant la main. Elle lui rendit son sourire, certes un peu forcé mais qui se voulait rassurant. Comme si elle souhaitait cacher se détresse qui était pourtant si visible de l'extérieur. Il était trop tard pour faire croire à Maxwell qu'elle était en pleine forme, de toute façon.

« Anaïs Rinel, enchantée ! »

Fausse joie, trahie par son regard triste et son visage fatigué. Des cernes signe de ses courtes nuits de sommeil, passées à pleurer pour la plupart, en écoutant de la musique pour essayer de s'évader d'un monde qui la dégouttait un peu plus chaque jour. Qu'elle apprenait à détester, alors qu'elle avait toujours aimé sa vie jusqu'à maintenant. Elle l'avait croquée à pleines dents, cette vie qu'on lui offrait. Mais elle grandissait, et elle comprenait des choses qu'elle ne voulait pas comprendre, voyait des choses qu'elle voulait oublier. Mais c'était impossible. Elle ne pouvait pas retourner en arrière, remonter le temps. Elle devait accepter tout ce qu'elle vivait. Et c'était dur, beaucoup trop dur.

Maxwell reprit la parole. Il faisait preuve d'une grande politesse et sa façon de parler le rendait agréable. Anaïs fut soudainement plus détendue. Elle ne voulait plus le rejeter ou écourter la conversation. Elle sentit qu'elle avait besoin de se confier. Et aussi étrange que cela puisse paraître, ça ne l'embêtait pas de dire ce qui se passait à un inconnu. Était-ce l'effet que faisait l’hôpital ? Le fait de se dire que, de toute façon, se retrouver ici n'était que signe que quelque chose allait mal, que ce soit pour soi ou pour quelqu'un d'autre ? La brunette n'en était pas moins sûre, en tout cas, elle ressentait bien cette compassion qui émanait de beaucoup de gens ici. Les infirmières, les patients, les visiteurs... sans blague de mauvais goût, personne ne venait faire la fête ici.
Les guérisons, les naissances... oui, bien sûr, ces événements faisait partie du rare quotidien positif de l’hôpital. Mais Anaïs n'était pas là pour ça. Elle aurait bien aimé. Qu'on lui dise que l'état de sa mère s'améliorait. Sauf que c'était le contraire, il se dégradait jour après jour, et la jeune fille voyait bien dans le regard des médecins qu'ils donnaient peu d'espoir sur le sort de Sylvie Rinel.

Elle mit quelques secondes à répondre, pensant à tout cela. Elle regarda Maxwell passer une main dans ses cheveux, qui étaient tout juste en train de repousser par ailleurs. C'est alors qu'elle se souvint avoir entendu quelque chose au sujet du Maître Coordinateur. Lui aussi était malade. Une déduction qui était somme toute assez logique. Si elle se remémorait bien la soirée du gala, elle revoyait Maxwell, qui avait l'air très fatiguée ce jour-là. Elle prit alors conscience que sa mère n'était pas la seule dans cet endroit. D'autres gens allaient mal. Cela n'empêcherait pas Anaïs d'être triste, mais au moins devait-elle se souvenir que la vie ne s'acharnait pas que sur elle, et que d'autres étaient victimes de ses griffes meurtrières, de son injustice sans limites.

« Je... non, c'est ma mère. Elle a... un...hum... cancer du poumon »

Elle avait lâché le nom de sa maladie qui tomba comme un coup de poignard. Elle avait mal rien que de le dire mais, d'un autre côté, elle ressentait un espèce de soulagement. En parler à quelqu'un lui faisait plus de bien qu'elle ne l'aurait pensé. Elle n'était pas seule, dans ce monde, et un inconnu avait vu sa détresse et s'était approché d'elle. La gentillesse était une qualité tellement rare ces derniers temps que l'adolescente s'en voyait touchée.

« Est-ce que je peux demander si vous... enfin, vous comprenez... Si vous aussi vous êtes...malade ? »

Malade. Il faisait partie de ces mots terribles qu'on détestait prononcer, qu'on aurait préféré qu'ils n'existent pas. C'était comme cancer. Quelque chose de tabou mais qui existait, malheureusement. Et en ce moment, ces mots signifiaient beaucoup trop pour Anaïs.

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La détresse évidente de la jeune fille me prenait de court. Je savais me montrer rassurant, paternel même par moments. Pour ma famille et mes proches, j’agissais souvent tel un pilier, une source de réconfort immuable sur laquelle ils s’appuyaient. J’adorais cette position, prendre soin des autres me passionnait et à bien y penser, j’y aurais probablement trouvé mon compte si le métier de la Coordination ne m’avait élu. Un travailleur social, un infirmier ou même un médecin… Oui, aider les autres faisait partie de mon vocabulaire, un vocabulaire qui venait pourtant à manquer devant le désarroi de la brunette. Même si elle tentait de le dissimuler derrière un sourire qui devait se vouloir rassurant, mais qui ne suffit qu’à m’inquiéter d’avantage. Dans tous les cas j’avais tout de même réussi à me rapprocher un peu de l’adolescente, qui m’annonça finalement son nom. Anaïs Rinel. Un joli nom qui me tira moi-même un sourire. Je l’affichai bravement malgré la peine que je ressentais pour elle, venant caresser la tête du Tylton à mes côtés pour y chercher quelque réconfort. Car si j’agissais la majorité du temps tel un sauveur, une oreille attentive pour mes proches, certaines choses continuaient à me dépasser. J’ignorais comment m’adresser à cette tranche d’âge et je me disais, avec quelque amusement, que j’aurais à y travailler avant que mes nièces de cœur atteignent ce moment fatidique qu’est l’adolescence. Mais il y avait plus que quelque barrière d’âge ici. Je devinais chez elle une sorte d’effacement résigné qui me troublait, comme si elle avait perdu sa flamme. La joue qu’elle témoigna à l’idée de me rencontrer ne me convainquit nullement.

Je décidai donc de ne pas pousser plus loin mon investigation si jamais elle se résorbait à mes questions toutes simples. Parler de maladie et de mort avec un inconnu plutôt difficile d’approche ne devait pas s’avérer aisé pour elle et je respectais pleinement qu’elle put refuser de se confier. Loin de moi l’idée de l’y forcer de quelque façon que ce soit. Or, les confidences vinrent d’elle-même et je compris un peu mieux la situation. Il s’agissait de sa mère. Je me souvins du jour où ma mère décéda elle-même. J’étais à peine plus âgée qu’elle, pas bien dévasté à vrai dire. Ruby avait vécu une vie difficile et méritait entièrement le repos offert par la mort. Mais bien sûr, dans d’autres circonstances, probablement aurais-je été un peu plus atteint de par sa disparition. Elle n’avait jamais été véritablement une mère à mes yeux, dans la pauvreté extrême des bidonvilles nous avions été des partenaires de survie. Clarissa, ma sœur plus jeune de dix années, avait vécu les choses différemment, notre mère avait été présente pour elle et lui avait offert de l’amour. Elle n’était pas un fardeau pour notre mère contrairement à ce que j’avais pu être lorsque notre situation était critique. Mais je comprenais, tout de même, la situation d’Anaïs. Si une de mes sœurs, réelle ou de cœur, devait tomber malade, je ne m’en remettrais jamais. Je me tus donc, laissant à l’adolescente le temps digérer ce mot qu’elle venait de prononcer et qui lui semblait très douloureux.

Ce qui me surprit néanmoins fut ce moment où elle me retourna la question. Je ne m’attendais pas vraiment à ce qu’elle m’interroge à mon tour, ainsi j’affichai ma surprise quelque peu ouvertement avant d’y chercher réponse. Car dans les faits, j’ignorais toujours la réponse à ce questionnement. J’en saurais plus sur mon état une fois que j’aurais rencontré le spécialiste. Je me sentais beaucoup mieux depuis la fin de mes traitements, mais j’attribuais d’avantage ce regain d’énergie justement à l’arrêt de la prise de médicaments qui altéraient de beaucoup ma qualité de vie. Je lui souris un peu tristement avant de lui répondre en toute honnêteté.

«Oui, j’ai aussi un cancer, une leucémie aiguë myéloblastique. J’en suis à la toute fin de mes traitements et saurai aujourd’hui si la chimie a bel et bien fonctionné ou non. J’attends justement mon rendez-vous avec l’oncologue.»

Je lui adressai un sourire confiant. Tous les malades ne pouvaient pas se rétablir, mais j’espérais que mon cas rende espoir à cette jeune adolescente. Je me permis une nouvelle question, plutôt intime cette fois, à laquelle elle pouvait toujours ne pas répondre.

«Vous vous en sortez, mademoiselle Rinel? J’ai l’impression que vous n’avez pas souvent eu l’occasion de vous confier à quelqu’un par rapport à la maladie de votre mère.»

Je me demandais si elle se sentait écoutée et soutenue par ses camarades de classe, s’ils étaient même au courant. Kingsey vint se poser contre mon épaule pour mieux observer Anaïs et sa Coupenotte, entamant une jolie sérénade qui devait probablement servir à détendre l’atmosphère.

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feat Maxwell R. Young

Cette question, en temps normal, Anaïs n'aurait sûrement pas osé la poser. Ce n'était pas son genre de décider de s'immiscer dans la vie des gens de cette façon, mais là, disons que le sujet la concernait aussi. Pas directement. Et puis, Maxwell lui en avait bien posé des questions, non ? C'était lui qui s'était approché d'elle en premier, avait entamé la discussion et abordé ce sujet pas facile. L'adolescente ne lui en voulait pas, au contraire. Elle se rendait compte maintenant du soulagement que cela lui apportait d'en parler. Alors, elle avait pensé, inconsciemment peut-être, que ce pouvait être réciproque. Bien sûr, rien n'obligeait l'homme qui lui faisait face à répondre, il pourrait très bien essayer d'éviter le sujet, et la jeune brune n'aurait pas insisté plus que ça si ça avait été le cas. Elle le crut d'ailleurs un instant, qu'il n'allait rien dire, car il resta silencieux quelques secondes. Surpris, en déduit-elle. Il ne s'attendait sûrement pas à ce que la question lui soit retournée. Cependant, il y répondit tout de même. Il va sans dire que l'adolescente n'avait jamais entendu le nom de cette maladie. Elle compris en tout cas le principal, à savoir qu'il s'agissait bien là d'un cancer aussi. Sauf que Maxwell en était lui à la fin de ses traitements, et qu'il attendait son rendez-vous, pour savoir si la thérapie avait fonctionné.

« Ah, j'espère vraiment pour vous que ça a marché » dit-elle avec un sourire

La réplique était franche, vraiment. Si lui pouvait s'en sortir, elle en serait heureuse. Anaïs voulait seulement que ce soit aussi le cas pour sa mère, même si elle n'avait que très peu d'espoir à ce sujet. La jeune fille savait bien que la vie peut vous quitter à tout instant. On est comme un funambule sur son fil. Et on a beau faire attention, être prudent, on n'est jamais à l'abri de la chute. Et le gouffre était tout proche pour la mère de notre amie. Anaïs le voyait, elle voyait sa mère juste au bord, tentant de se rattraper à l'espoir qu'elle avait encore. Mais l'espoir était-elle suffisant pour la sauver ? L'adolescente en doutait. Parfois, la conviction ne suffit pas à sauver la vie.

Maxwell posa, à son tour, une question. Anaïs était bien partie pour discuter, alors... désormais, elle sentait qu'elle pouvait parler, ce qui n'était pas le cas avant le début de cette conversation. Elle sourit, un peu plus fort cette fois, un peu plus sincèrement. Elle se sentait mieux, elle était moins nauséeuse. C'était le fait de parler avec quelqu'un des problèmes qu'elle avait, sans aucun doute.

« Je n'en parle à personne, jamais. Les gens qui savent ne l'ont pas appris de moi. »

Elle n'en avait guère parlé longuement qu'avec son frère. Tout deux se soutenaient mutuellement dans cette épreuve. C'était tout. Les personnes autour d'eux qui se rapprochaient d'eux pour parler de ce sujet, ils les évitaient, ne les écoutaient pas. Beaucoup d'entre eux étaient hypocrites, des anciens amis qui ressurgissaient soudain dans leur vie pour se faire bien voir et se donner bonne conscience en tentant de rassurer une personne dans le besoin.

« Je n'aurais jamais imaginé en parler à un inconnu, vous savez. Et bizarrement, c'est plus facile que de se confier à un proche »

Que ce soit à des membres de sa famille ou à ses plus proches amis, ce n'était pas avec eux qu'elle voulait en discuter. Les quelques amis qu'elle avait, c'était un moyen d'échappatoire, alors pas question de parler de ce sujet avec eux. Quant au reste de sa famille... Elle ne connaissait pas ou très peu ses différents cousins, et ne voyait quasiment jamais ses grands parents. A quoi bon alors, son frère était bien suffisant pour l'aider à supporter sa douleur. Et son père... bien, les relations étaient un peu compliquées en ce moment, et elle préférait ne pas y penser.

« C'est gentil à vous d'être venu me parler, alors que vous ne m'avez jamais vue. Merci. »

Elle finissait par réaliser que Maxwell avait fait un geste que peu de gens faisaient de nos jours : tendre une main à un inconnu. Anaïs en était encore toute surprise.
Elle repensa encore à sa mère. Elle avait envie d'aller voir maintenant comment elle allait, mais savait au fond pertinemment qu'elle devrait de toute façon attendre l'autorisation.

« J'espère que Maman va bien » dit-elle à voix haute « je vais plus pouvoir attendre... »

It's going to fall down

Je savais très bien de quoi il en retournait. Après tout, je me considérais l’expert dans cette technique de défense vieille de millénaires probablement, à présent ancrée dans la nature humaine. Celle de se défiler, de se replier contre soi plutôt que d’affronter la situation, d’autant plus alors qu’on ne pouvait rien y faire. Je ne me confiais jamais à mes proches et si peu à mes Pokémon qu’il s’agissait plutôt d’une grande exception que d’une règle. Probablement par une sorte d’orgueil ou un sens de la débrouillardise un peu trop poussé, ou encore par lâcheté. Je préférais régler mes soucis par moi-même, et s’il n’avait tenu qu’à moi, je me serais bien réservé d’apprendre à mes amis mon cancer. Je n’aurais pas réussi à le dissimuler bien longtemps cependant. Qu’aurait-on dit en voyant tous mes cheveux tomber, les uns après les autres, mon teint blêmir à un point cadavérique, de profondes cernes s’accrocher sous mes yeux? Non, je n’aurais berné personne, et si je devais mourir du mal qui m’affligeait, on ne me pardonnerait jamais d’avoir tenu le secret, j’aurais laissé derrière moi une traînée de regrets que je n’aurais jamais pu effacer. Anaïs se trouve dans une toute autre position. Je tâchais de protéger mes proches en les tenant dans le secret, la majorité du temps, au sujet de mon état. La jeune fille, elle, semble s’isoler dans sa peine, une tendance tout aussi néfaste que destructrice et qui n’arrangerait rien à son problème. Mais elle était jeune, et peut-être aussi fière que moi, probablement qu’elle se sentait à même de gérer la situation.

J’encourageai le Tylton posé contre mon épaule à cesser sa chanson alors que l’adolescente ouvrait la bouche pour répondre à ma question. Ce qu’elle m’appris alors ne me surprit guère, et j’hochai la tête avec un certain sourire triste. Oui, elle s’isolait dans son secret, dans sa peine, bien comme je le pensais. Parler n’avait jamais été mon plus grand talent, au contraire, même si j’avais développé au fil des années une certaine aisance du point de vue de la forme. Mais s’ouvrir, développer sa pensée, exposer des émotions si profondes et primitives qu’il devient impossible de les décrire… Au final, même si j’aurais souhaité qu’il en soit autrement, je ne pouvais réprimer cette jeune inconnue pour son comportement car je le comprenais mieux que quiconque. Quelque part, je me félicitais simplement de mon entreprise de lui parler, surtout quand elle confirma que de discuter du sujet avec un inconnu s’avérait plus facile qu’elle ne l’aurait cru. Je faillis à cet instant lui suggérer de voir un psychologue, avant de me souvenir que nous n’étions reliés d’aucune façon et que ce sujet pouvait s’avérer tabou pour certaines personnes.

«Vraiment, tout le plaisir est pour moi, Anaïs. Il me fait un peu étrange d’entendre votre part de l’histoire. Je me suis contenté d’un seul point de vue jusqu’à présent, celui du malade. Je n’avais jamais considéré ce que pouvaient ressentir mes proches auparavant, mais je réalise que ce n’est certainement pas simple… Je dois dire que pour le malade, de voir souffrir les autres par sa faute est le plus difficile, au-delà des maux du corps.»

Je soupirai quelques instants. Elle comme tous mes proches… J’aurais bien aimé les préserver de la douleur d’assister à la souffrance d’un autre. Je relevai la tête pour lui adresser un sourire qui se voulait rassurant, mais je savais bien. Bien sûr qu’aucune intervention de ma part ne suffirait pas, la jeune fille rêvait de voir sa mère et c’était tout ce qui l’intéressait pour le moment. Je restai longtemps silencieux, si bien que Kingsey se remit à chanter.

«Je pourrais peut-être aider à ce sujet? J’ai une certaine notoriété et si je n’aime pas m’en servir… peut-être que je pourrais convaincre les infirmières de vous laisser la voir?»

Je lui adressai un sourire presque rebelle et enfantin. Qui a dit que la popularité ne possédait que des désavantages?

It's going to fall down

feat Maxwell R. Young

Son inquiétude vis-à-vis de sa mère ne s'était pas dissipée, mais elle reprenait des couleurs et sa mine semblait moins sombre. Maxwell avait quelque chose de rassurant, peut-être était-ce lié au fait que lui aussi souffrait d'une maladie similaire à celle de la mère de la jeune fille. Oui, le fait d'en parler à un inconnu en était même agréable. Luna était du genre à beaucoup refouler ses sentiments, prétextant que ses problèmes ne la concernait qu'elle. Elle ne voulait pas embêter les autres avec ses soucis. Et surtout, elle ne voulait pas inspirer la pitié ou quoi que ce soit. Elle préférait garder tout ça pour elle, elle avait l'impression que c'était mieux. Mais maintenant elle se rendait compte qu'elle aurait dû se confier. Seulement, il y a si peu de gens capables d'écouter les autres, de les rassurer, de les conseiller... Un psychologue, Anaïs y avait pensé, mais quelque chose l'effrayait dans ces gens. Elle ne savait pas bien si le psy qu'elle y irait consulter l'écouterait parce que c'est son métier, qu'il lui répondrait en utilisant des phrases toutes préparées, ou pas. Alors, elle n'avait fait que se renfermer, cherchant du soutien auprès de son frère et de ses Pokemon. Son père, lui, s'était remis à boire, et rare étaient les soirs où il rentrait sobre. L'adolescente avait pris pour habitude de fermer la porte de sa chambre, car les réaction de son paternel étaient imprévisibles, et son courroux pourrait lui retomber dessus.
Maxwell lui parla de la douleur des proches. Lui qui n'avait eu que le point de vue du malade ne s'était pas rendu compte de la douleur que cela pouvait engendrer auprès de sa famille et de ses amis. La douleur en question n'était pas perçue de la même façon, bien entendu. Mais Luna le savait, il n'y avait rien de pire que de voir sa mère impuissante face à la maladie. La jeune fille elle-même était impuissante. Il n'y avait rien à faire, juste attendre, espérer. Elle détestait ça, mais elle n'avait pas le choix. Le regard des médecins quand ils la croisait dans les couloirs de cette prison blanche en disait long. Elle perdait un peu plus d'espoir chaque jour, et personne ne pourrait lui faire penser autrement. Elle n'était pas dupe.

« Je sais que ma mère tente de nous faire croire qu'elle va bien. Elle ne veut pas nous voir souffrir. Pour elle, notre douleur est pire que celle qu'elle supporte chaque jour, c'est pour ça que je fais en sorte de cacher ma tristesse quand je la vois »

Ce devait en effet être horrible de voir les autres souffrir autour de soi. Sylvie Rinel était comme sa fille, elle ne voulait pas qu'on s'inquiète pour elle, elle en voulait pas qu'on la prenne en pitié. Alors, jamais elle n'avouerais ses souffrances à quiconque, pas même à sa propre famille. Ce qui fait qu'elle ne dirait jamais à quel point elle avait mal.
Le Tylton de Maxwell se mit à chanter une douce chanson. Anaïs lui offrit un sourire. En tant que musicienne, elle adorait entendre chanter, et surtout les Pokemon. C'est alors que Maxwell reprit la parole, et une lueur de joie s'alluma enfin dans les yeux de l'adolescente.

« Ce... ce serait génial ! Merci ! »

Tout ce qu'elle voulait, c'était voir sa mère, peu importe comment elle se sentait, elle était sûre que cette dernière accepterait de voir sa fille.

It's going to fall down

Cette conversation peu banale me permettait de mettre les choses en perspective. Je savais, bien sûr, que mes proches souffraient de ma maladie. Que plusieurs s’inquiétaient de mon sort aurait dû probablement me rassurer, me faire comprendre qu’on m’aimait, mais il s’agissait d’une bien mince consolation pour mon orgueil parfois démesuré. Je souhaitais garder les secrets de mon cancer pour moi tout autant par protection de mes proches que par fierté. Mais à présent, je pouvais un peu plus me glisser dans leur peau. Je tentais de me mettre à leur place, m’imaginer si Emilio, Solène ou Weston se trouvaient dans cette situation précaire, et je sais que mon inquiétude ne pourrait être comblée que par des faits. Il aurait fallu me tenir informer et même m’impliquer dans le processus pour éviter de céder à l’impuissance qui accompagne nécessairement ce genre de situations. J’aurais voulu me montrer utile, peut-être est-ce le cas d’Anaïs aussi. Un exercice visant à s’occuper l’esprit et ainsi éviter de penser sans cesse à l’hypothèse de la mort. Le cas de sa mère semblait grave, du moins c’est ce que ses traits fatigués suggéraient. Peut-être qu’il s’agissait des derniers moments qu’elle possédait encore en sa compagnie. On ne pouvait pas lui refuser ces quelques instants, peu importe l’état de sa mère. Je m’en faisais une mission personnelle, et sitôt la jeune fille signala son accord avec enthousiasme, je me levai pour lui proposer mon bras dans une balade qui représentait presque une croisade à mes yeux. Anaïs et moi allions obtenir gain de cause, je m’en faisais le serment. Sur le chemin de la chambre de la dame en question, je me permets de causer un peu de ma propre expérience.

«Je comprends parfaitement votre mère. Si j’avais pu éviter que mes proches soient au courant de ma maladie, je l’aurais fait, simplement pour les empêcher de souffrir. J’imagine que dans ce genre de situations, tout le monde en fait un peu à sa tête pour porter le poids par lui-même mais… Sincèrement il n’y a de force que en se rassemblant et en étant fort tous ensemble. J’aurais aimé le comprendre avant cependant.»

Car j’avais effectué mon parcours seul, pour la majorité, je m’étais même détaché de mes Pokémon dans une certaine mesure et maintenant je regrettais quelque peu. Je n’avais fait de bien à personne, pas même à moi. J’espérais cependant que ma mésaventure s’achevait aujourd’hui, qu’on m’apprendrait une rémission tant attendue. Alors peut-être allais-je parvenir à m’ouvrir de nouveau et laisser entrer les autres dans ma vie. Décidément, cette jeune personne m’en apprenait énormément sur moi-même sans même le réaliser. Je la suivis dans le dédalle de couloirs immaculés de l’hôpital, souriant aux malades et m’arrêtant quelques fois alors qu’on réclamait mon autographe. J’aimais me savoir utile en rendant le sourire à certains patients. Si ma seule présence suffisait à illuminer leur journée, alors je me jugeais très heureux. Une fois parvenue à la chambre, une infirmière se tenait tout près de la porte, close. Je m’approchai d’elle avec un grand sourire aimable. Sitôt elle m’eut reconnu que la femme âgée d’une quarantaine d’années se figea dans une expression embarrassée.

«Bonjour Madame, excusez moi mon impolitesse. Je suis Maxwell Young ici présent avec ma jeune amie Anaïs Rinel et j’aimerais savoir s’il serait possible de lui permettre de visiter sa mère. Elle attend depuis un moment déjà, vous comprenez?»

J’ignorais même si elle avait compris un traître mot prononcé. Elle me regardait dans un état de fanatisme poussé, incapable de placer un son. Il était vrai que de par notre titre, les Élites de Nuva Eja et moi étions les plus grandes vedettes de l’île, mais je ne m’habituais jamais à l’effet que je provoquais parfois.

«Allez-vous laisser la jeune fille rentrer?»

Je décidai de répéter quand le silence s’éternisa un peu trop à mon goût et qu’elle se mettait à me reluquer. Je rougissais à vue d’œil mais bientôt mes efforts furent récompensés alors que la dame ouvrit la porte. Bingo.

«Et voilà Anaïs.»

J’offris un sourire victorieux à la jeune fille en lui pointant la porte. J’ignorais si je serais le bienvenue à l’intérieur et j’attendais d’y être invité. Dans tous les cas j’étais heureux d’avoir obtenu gain de cause.

It's going to fall down

feat Maxwell R. Young

Depuis combien de temps l'accès à la chambre de sa mère lui avait été interdite ? Elle ne comptait plus les longues minutes qui semblaient devenir des heures et qui la séparait d'elle. Elle n'en pouvait plus d'attendre. Son cœur battait si fort dans sa poitrine qu'elle crut un instant qu'il allait exploser. Elle s'était même mise un instant à imaginer, et peut-être était-ce idiot, qu'elle ne la reverrait plus jamais. Qu'on la garderais enfermée dans cette chambre pour toujours. Anaïs ferma les yeux instant, imagina le pire. Mais c'est à cet instant là que Maxwell lui proposa de l'aider. Une flamme d'espoir s'alluma si soudainement en elle qu'elle lui brûla la poitrine, mais cette chaleur était si douce qu'elel la fit sourire. Elle se releva d'un bond, l'espoir rallumant ses prunelles éteintes. Elle prit le bras de Maxwell et suivit son pas dans les couloirs blancs et mornes de l’hôpital. Elle continua d'écouter le Maître Coordinateur, appréciant ses paroles qu'elle trouvait pleine de sagesse. Son moral remontait au fur et à mesure qu'elle avançait. La notoriété de l'homme aux cheveux bleus pourrait leur être d'une grande utilité. L'écouter lui faisait le plus grand bien. Peut-être qu'elle devrait penser à plus s'ouvrir aux autres, à l'avenir. Cependant, cette idée la terrifiait. Elle ne se voyait pas le dire à ses amis du lycée ou à ses professeurs. Certes, on pouvait s'inquiéter pour elle, au vu de son changement de comportement et du fait qu'elle ai perdu sa bonne humeur habituelle, mais pour autant elle ne dirait jamais ce qui lui arrive. Par peur, peut-être, elle ne savait pas. Tout ce qu'elle avait pu observer, c'était qu'il était plus facile de se confier à un inconnu qu'à n'importe lequel de ses proches.
En chemin, ils s’arrêtèrent de temps en temps. Maxwell signait des autographes et Anaïs se sentit pour la première fois honteuse de ne pas l'avoir reconnu. Certains lui jetait des regards interrogateurs. Elle ne savait pas si elle devait se sentir fière d'être accompagnée d'une célébrité, mais elle voyait qu'il rendait le sourire à des patients qui se trouvaient là.

Ils arrivèrent enfin devant la chambre de Sylvie Rinel. Devant la porte se trouvait une infirmière, sûrement là pour s'assurer que personne n'entrait. "Un vrai chien de garde" pesta Anaïs, et elle s'approcha accompagnée de Maxwell. Ce dernier sembla faire une forte impression à la dame qui pris soudainement un air gêné. Elle regarda longuement l'homme, incapable de détacher son regard de lui. Pour la deuxième fois, Anaïs se sentit véritablement inculte de ne pas l'avoir reconnu du premier coup. Mais d'un autre côté, elle ne regardait quasiment jamais la télévision et ce genre de compétition n'était pas sa priorité. Ou alors, elle préférait voir les match en vrai.

Le Maître Coordinateur dû réitérer sa question avant que l'infirmière n'ouvre la porte. Laissant échapper un soupir de soulagement, l'adolescente se retourna vers Maxwell, les yeux brillants.

« Je... merci Maxwell, merci beaucoup ! Je n'oublierais jamais ça... Je vais aller retrouver ma mère, maintenant, si ça ne vous dérange pas, mais je vous suis redevable... »

Anaïs laissa derrière elle le Maître Coordinateur et l'infirmière qu'elle avait décidée de surnommer Cerbère. Elle était encore toute fébrile, et elle se promit de rendre la pareille à Maxwell un de ces jours. Elle ne savait pas comment par comment, et elle ne savait pas quand. Mais elle ne se concentrait plus sur ces choses là, car elle s'avançait près de sa mère.

« Anaïs, c'est toi ? Je suis heureuse qu'il t'es laissée entrer »
« Oui, c'est moi, Maman. Je suis là. »

La brunette sourit. Sa discussion avec Maxwell lui avait rendu un peu de sa bonne humeur, et de toute façon elle ne voulait pas paraître triste devant sa mère. La porte se referma et elle s'assit sur une chaise, qu'elle avança auprès de celle qui l'avait mise au monde. Elle avait tant de choses à se dire, et Anaïs se promit qu'elle ne laisserait plus jamais personne entraver leurs discussions.

It's going to fall down

J’étais ravi bien sûr d’offrir mes services à ceux qui en avaient le besoin. Il me plaisait d’aider les autres bien plus que l’inverse, et ainsi je tirai une grande satisfaction à voir la porte s’ouvrir pour laisser l’accès à la jeune fille à cette pièce qu’on lui interdisait à tort à mes yeux. Me rendre utile me prodiguait un sentiment de bien-être semblable à celui de me retrouver sur scène. Dans mon enfance, j’avais dû me montrer brutalement égoïste afin de subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille. À présent que j’avais le monde à mes pieds, une fortune considérable, une équipe de rêve, la célébrité… Je souhaitais redonner à ceux qui, comme moi, avaient souffert et souffraient toujours. Bien sûr, Anaïs ne manquait pas de nourriture ou d’un abri à ce que j’en savais, mais un support moral, une fois de temps en temps, ne faisait pas de mal. Le sourire de l’adolescente me transporta de joie et je me mis à sourire aussi, tout comme le jeune Tylton posté contre mon épaule. Cette forme de remerciement me suffisait amplement et je ne pris pas mal qu’elle ne m’invita pas à rencontrer sa mère. Je considérais de toute façon qu’il faisait partie de son petit monde, celui qu’elle tentait, pour le moment, de garder pour elle. Je la suivis des yeux sans rien ajouter, sursautant alors qu’une infirmière s’approcha pour ma mentionner que le docteur était enfin prêt à me recevoir. Je soupirai avant de la suivre inquiet bien malgré moi au sujet de ce qui m’attendait dans le bureau de l’oncologue.

Kingsey ne manqua pas de remarquer mon changement d’humeur et se pressa un peu plus contre moi pour me soutenir dans cette épreuve. Je trouvais toujours difficile de rencontrer les médecins. D’obtenir des réponses à toutes ces questions qui me taraudaient. Car à chaque fois, je me demandais si ce n’était pas la fin des bonnes nouvelles, si on ne m’apprendrait pas que, au final, ma bataille avait été vaine. Le Tylton restait à mes côtés, serrant ses petites pattes contre mon épaule, en chantant tristement. Car malgré son attitude sereine, il s’inquiétait lui aussi du sort qu’on me réservait. Ainsi nous nous présentâmes devant le docteur, solidaires, tous les deux, devant ce qui nous attendait. Je m’assieds après y avoir été invité, consultant le visage de l’homme grisonnant en tentant d’y déchiffrer quoi que ce soit. Il se tenait là, de l’autre côté de sa table, à consulter ses notes, toujours aussi patient, ne se souciant nullement de qui j’étais. J’étais simplement son patient à ses yeux et j’appréciais ceci chez lui. Mais je sus, au moment où ses prunelles croisèrent mon regard. Je sus aussitôt, probablement car je l’attendais désespérément. Cette lueur d’espoir qui me transperça. Et ce regard, il suffit à me faire éclater en sanglots, ce qui ne le surpris guère. Il n’avait pas besoin de parler.

J’étais guéri. Tous mes efforts, tous les mois passés dans la douleur. Je pouvais enfin revivre, espérer, planifier. Je pouvais construire mon avenir, m’envoler à nouveau. C’était bon, trop bon. Je pleurais d’épuisement mais aussi de joie. On m’offrait une chance, un renouveau, une nouvelle vie. Et Arceus, je comptais bien la vivre, je la vivrais pour ceux qui n’y passerais pas, pour tous ceux qui cèderaient à la maladie.

«Merci.»

Je n’avais rien d’autre à ajouter. Merci à lui, à tous ceux qui m’avaient aidé à guérir. Ma voix tremblait tout autant que ma lèvre supérieur. Je n’arrivais plus à reprendre contenance, mais il me laisserait tout le temps dont j’aurais besoin. Alors je me laissai aller. Juste cette fois.

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