« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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Natsume Shimomura
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Natsume Shimomura
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MessageSujet: What's left [OS]   What's left [OS] EmptyJeu 16 Avr 2015 - 21:55



What's left

Évolution de Sora, partie 1

Il se demande vraiment si il y avait cru un seul instant.
Natsume agit souvent de façon stupide, c'est vrai, il est le premier à l'avouer. On ne comptera plus le nombre de ses maladresses, de ses réactions disproportionnées ou bien même la dose de fierté mal placée qu'il garde au fond de lui et qui le rend parfois tout bonnement insupportable. Alors bien sûr, ce mélange ne donne bien souvent pas de bons résultats, et on aurait alors pourrait être porté à croire qu'il ne comprend rien à ce qui se passe autour de lui. Ce serait une supposition logique au vu de sa naïveté et du fait qu'il est parfois très long à la détente sur certaines choses, mais voilà : Natsume n'est naïf que sur ce qui est en rapport aux caractères des autres et au sien. Cela, il ne pourra jamais pleinement le comprendre, même avec tous ses efforts : sa logique se butait toujours au mur indestructible de l'imprévisibilité des émotions et du modèle humain. Mais toutefois, le croire naïf sur tout relèverait de la stupidité la plus absolue : il n'était pas un pauvre enfant innocent qui se baladait sur une île en pleine guerre civile sans avoir conscience des dangers, merci bien. Il se souvenait encore du cadavre de cette fillette qu'il avait tenu dans ses bras à peine deux mois après son arrivée sur l'île ; non, l'horreur, il en avait conscience. Ce qui était arrivé à Adélia avait fini par le clouer dans son esprit, et cela en dépit même de toute sa résistance.
Après le départ de Nagisa, il avait majoritairement vécu dehors. Ne supportant pas de rester un seul instant avec son géniteur, il errait bien souvent dans les rues avec des amis qui n'en étaient pas vraiment et n'étaient au fond que des types qui lui foutaient la paix et le laissaient tranquille avec ses bouquins et son skate tant qu'il ne venait pas les déranger. Il n'était pas rare qu'il se retrouve embarqué dans des altercations assez violentes entre divers pseudos gangs de jeunes racailles, qui ne se terminaient jamais par des morts mais qui lui avaient appris que rien dans ce monde n'était véritablement blanc ou noir. Du gris, voilà tout ; cette constatation, il l'avait fait à quatorze ans. Natsume le connaît, le monde. Un peu trop bien, même.

Alors il se demande si les mensonges qu'il se racontait à lui-même pour ignorer ce que son esprit avait déduit depuis longtemps, ce qu'il hurlait, les déductions évidentes et irréfutables de ce qu'il avait observé et qui auraient pourtant dû s'imposer à sa logique comme étant tout simplement la vérité, si ils n'avaient pas été juste un moyen de se défendre. Une illusion qu'il se serait imposée à lui-même, un bandeau qu'il se serait posé contre les yeux pour ne pas avoir à admettre ce qu'il savait pourtant déjà. C'est pourtant la seule réponse un tant soit peu logique à cette sensation de ne rien découvrir qui le parcoure maintenant. Parce qu'il ne peut rien y avoir d'autre. Et il rirait bien si il ne savait pas que si il laissait échapper le moindre son, ce ne serait qu'un sanglot et qu'il ne pourrait alors plus se retenir.
Il se demande aussi si ils l'ont vraiment tous cru si naïf que ça. Si il avait vraiment l'air aussi crédule et stupide que ce qu'il aimait bien faire croire. Mais au fond, ça, il croit que oui. Après tout, ses sourires ne paraissaient-ils pas si honnêtes et innocents lorsque Faust ou lui disparaissaient en pleine nuit, trouvaient des excuses et étaient étrangement injoignables ? Est-ce que son air naïf suffisait vraiment à faire croire à une imbécillité totale de sa part ? Il s'en sent comme insulté, mais il sait très bien qu'il est le seul responsable de cette apparence : cela lui avait bien plu de simuler l'ignorance jusqu'à se persuader qu'il ne faisait qu'extrapoler. C'était plus simple. Moins troublant, moins dérangeant. Et surtout moins douloureux. Pas d'angoisse, ainsi. Juste des insultes envers sa supposée trop débordante imagination. Et il a encore envie de rire. Parce que pauvre petit Natsume, n'est-ce pas ? Pathétique chose qui ne comprend rien et qui vit dans sa petite bulle. Au final, peut-être qu'il n'attendait que cela.

Peut-être que alors qu'il sentait la main de Faust secouer son épaule pour le réveiller, qu'il ouvrait peu à peu les yeux, le corps encore engourdi, plongé dans le sommeil dans son lit vide, Sora collé contre lui, il avait déjà une idée. Il n'aurait pas pu dire si c'était le visage froid et impassible de son cousin d'ordinaire si souriant qui lui avait déjà tout dit ou si c'était juste l'étrange silence pesant qui les entourait. Il se releva doucement, confus au départ et encore à moitié plongé dans les bras pourtant plus rassurants et chaleureux de Morphée que la réalité cruelle et mordante qui n'allait pas tarder à se rappeler à lui et à l'écraser de par son poids, et le Marisson contre lui fixa le conseiller avec une inquiétude visible.

« Faust... ? »

Son interrogation se perd dans un mutisme qui se fait de plus en plus lourd au fur et à mesure que les secondes passent. Et toujours, il ne dit rien. Il l'observe, et il y a quelque chose dans l'azur de ses yeux qui fait naître en lui une boule d'angoisse glacée dans sa gorge et son estomac. Ce n'est pas normal. Natsume n'a pas besoin de capacités de déduction hors norme pour le savoir. Parce que Faust est comme son propre sourire, joyeux et jovial, lumineux et plein de bonne humeur. Le japonais ne l'a vu que quelques fois plus sérieux et sévère, froid et mordant, mais là encore il avait eu l'impression de voir quelqu'un d'autre. Alors il sait que quelque chose de grave vient d'arriver et plus le temps s'écoule, puis la peur grandit en lui et l'étouffe peu à peu. Lorsqu'il voit le conseiller attraper son inhalateur et le poser sur le lit dans un mutisme toujours complet, il se fige. Si il craint qu'il ne fasse une crise alors...

« Natsume ? Il va falloir que tu m'écoutes. Je ne vais pas te mentir, mais j'ai besoin que tu restes calme, d'accord ? »

L'éleveur n'arrive même pas à hocher de la tête. La voix du dresseur ténèbres est calme, posée, presque rassurante, mais trop rassurante, justement. La terreur le ferait presque trembler alors que les hypothèses se démultiplient dans son esprit. Nombreuses sont les images mentales qui le feraient presque frémir si il n'était pas si concentré sur le regard de Faust qui l'étudie minutieusement et inspecte la moindre de ses réactions. Lorsqu'il sent l'aîné attraper doucement chacune de ses mains avec les siennes, comme pour les emprisonner, il ne dit rien, mais quelque chose lui dit que si il le fait, ça ne peut avoir qu'une raison : il veut l'empêcher de se faire du mal. Cette simple déduction achève de le glacer d'effroi.

« Samaël s'est fait tirer dessus. »

Le reste, Natsume ne l'entend plus. Faust parle d'un bunker, d'un transport suite à son arrivée ici ensanglantée, d'une certaine femme qu'il avait contacté, d'une impossibilité de deviner maintenant si il s'en tirerait ou pas, mais tout cela n'a plus aucun sens pour lui. Il entend, au fond, mais il ne comprend plus. Son esprit ne peut tout simplement pas se concentrer sur des mots pour en décrypter le sens ; il n'entend plus qu'une langue étrangère. Il ne bouge plus.
Sora est le seul à réagir, en fait. Le Marisson pousse un hoquet d'horreur, mais son dresseur, lui, ne fit rien de tel. Ses yeux écarquillés restent posés sur Faust et il tremble de plus en plus, comprenant soudainement pourquoi son cousin tenait aussi fermement ses poignets. L'envie de tout renverser sur son passage est si puissante qu'il peine à croire qu'elle provient réellement du fond de lui-même.  Il ne sait pas d'où cette impulsion vient, mais il a l'impression qu'on vient également de lui tirer dessus, sauf que la douleur qui part de son cœur écorché et ensanglanté le paralyse entièrement, de la tête au pied. Non, même si il voudrait se déchaîner sur la première chose qu'il pourrait saisir, il ne peut tout simplement pas. Sa gorge s'est nouée et il ne se rend même pas compte que durant un bref instant, il ne respire plus, et peut-être qu'il comprend soudainement mieux ce que tous ceux qu'il considérait comme des idiots trop imaginatifs voulaient dire en parlant du cœur qui raterait un battement. C'était comme si tout son corps, assommé par la douleur qui le déchirait intérieurement, ne pouvait plus fonctionner normalement.

Faust recule alors, lui dictant de s'habiller, ce que Natsume fait lentement, comme si il n'arrivait pas encore à comprendre ce qui se passe. On aurait pu croire qu'il fondrait en larmes et s'écroulerait, mais non. Il est juste perdu, fatigué, tremblant. Il ne fait pas du tout attention à ses faits et gestes, saisit le premier vêtement qu'il trouve sans trop se soucier de ce dont il a l'air, ne remarquant pas que la chemise qu'il a saisi est un tout petit peu plus grande que celles qu'il porte d'habitude, et rappelle le Marisson dans sa ball, même si celui-ci insiste pour rester avec lui. Il parvient déjà difficilement à contrôler : comment diable pourrait-il supporter Sora maintenant ?
Alors qu'il dit à Faust qu'il est prêt, il s'étonne de voir que le regard du conseiller est fixé sur lui, comme si quelque chose le gênait et qu'il n'osait pas le lui dire. Natsume ne comprit pas et plissa les yeux, mais son aîné répondit à sa question muette rapidement.

« Je t'attendais, c'est tout. Viens. »

L'éleveur sait que c'est un mensonge, mais il n'a pas la force de chercher la vérité vraie à ce moment. Il est bien plus de minuit, et il descend les escaliers en suivant Faust qui le tient par une épaule, comme si il craignait que son état semi léthargique le mette en danger. Il entrevoit rapidement Isaac disparaître avec Alice et Thalie qui les téléporte : sûrement le Peterson allait-il confier la fillette à sa famille ou à Katya et Nova, bien que vu que cette dernière passait de plus en plus de temps à l'hôpital ces temps-ci, vomissant du sang régulièrement, faisant des nuits de plus en plus courte, c'était sûrement moins probable.
Il plisse les yeux en voyant un Alakazam, se demandant à qui il appartenait, mais il n'a pas envie de se poser plus de questions maintenant. Il a déjà assez de réponses en tête. Quelques secondes à peine et ils sont téléportés dans ce qui semble être une sorte de... bunker. Et l'éleveur aime de moins en moins ce qui est maintenant juste évident.

Le regard mauvais, il chasse la main de Faust qui lui tient encore l'épaule. Le conseiller ne dit rien, sachant très bien que ce serait danser sur de la glace très fragile que de faire la moindre remarque au Shimomura sur son comportement maintenant. Et il n'était pas très suicidaire non plus.
Tandis que Faust lui disait d'attendre, il alla s'asseoir sur une chaise qui était posée dans un coin et il attendit. Peut-être que c'était ça, le pire. Attendre. Se demander à chaque instant si le conseiller n'allait pas sortir de la pièce où il était entré pour lui dire que c'était terminé. Qu'il ne le reverrait plus jamais, ni lui ni ses sourires qui avaient le don de lui donner l'envie niaise et incontrôlée de sourire aussi, ni d'entendre sa voix qui le calmait même quand il avait envie de hurler de rage ou de s'écrouler en pleurant, ni de sentir sa chaleur rassurante et apaisante. L'idée le terrifie. Il ne veut pas le perdre, et la force de cette pensée le déstabilise, même si il n'est pas surpris. Toutefois, si on lui avait dit il y a un an qu'il serait aujourd'hui dans cette situation... Il en aurait ri. Lui qui croyait naïvement à cette époque qu'il ne s'attacherait plus autant à quelqu'un après les douleurs suivies de la perte de sa mère et de Nagisa... Et peut-être une autre, maintenant, qui s'enracinerait tout autant et le briserait une nouvelle fois, mais cette fois Natsume ne savait pas si il aurait vraiment eu l'envie de se relever. La rage et l'amertume ne suffiraient sûrement pas. Ou alors il n'aurait plus que ça.
Il aimerait bien ne pas pouvoir aimer. Ce serait plus simple, sûrement, et il ne serait pas actuellement en train de se faire un sang d'encre, terrifié, dans une salle d'attente précaire  pour le sort de celui qui était devenu bien trop important pour qu'il puisse l'ignorer. Il ne veut pas se dire qu'il ne pourra peut-être plus jamais le voir vivant, heureux et souriant. Qu'il ne sentira plus son odeur et ne pourra plus se blottir contre lui en se disant que tant qu'il pouvait faire ça, alors il pouvait toujours se raccrocher à chaque fois qu'il tomberait.  
Tout serait peut-être plus simple si il était resté au Japon, ironiquement, mais si il fallait choisir une seule chose qu'il ne désirait pas ce serait de retourner là-bas. Parce qu'il avait trouvé bien plus ici qu'en seize ans dans son pays natal, et que l'idée de les perdre, de le perdre, le terrorisait. Parce qu'il ne voulait pas encore enterrer quelqu'un, et sûrement pas Samaël. Mais de toute façon, que pouvait-il bien faire... ? Il ne pouvait que patienter et angoisser, encore.
Utile, hein... ? Comme toujours, il faut le croire. Peut-être qu'avec la compétence 'Pleurnicheries' tu arriverais à quelque chose, comme faire lever les yeux des autres jusqu'au ciel. Ce serait déjà mieux que ce tu fais maintenant il faut le dire, Shimomura.

Il ne peut pas le nier, malheureusement. La petite voix dans sa tête a bien raison, et tous les reproches qu'elle lui susurre lui paraissent si vrais qu'il ne cherche même pas à se convaincre qu'ils ne sont peut-être pas entièrement objectifs. Le regard baissé, il peine même à relever la tête. Ses épaules sont contractées, serrées, son visage livide. Lui qui pensait que la douleur qu'il avait ressenti lorsqu'il était arrivé malheur à Adélia était déjà abominable... Mais non, celle qui lui donne l'impression qu'on lui a arraché le cœur et qu'on le brûle à petit feu ne peut pas être comparée à la précédente. Tout simplement pas. La plaie est béante et le ronge jusqu'à l'os mais il ne peut même pas la voir. Il rirait presque, et il lui semble même qu'un gloussement amer et jaune lui échappe tandis qu'une de ses mains passe sur son visage puis sur ses cheveux qu'il ramène en arrière.
Les minutes passent. Longues, interminables, insupportables, effrayantes. Puis enfin, la silhouette de son cousin se dessine  dans l’entrebâillement de la porte et il finit par sortir, l'air déboussolé, un peu perdu et plus blanc que Natsume ne l'a jamais vu l'être. Immédiatement, il bondit presque de sa chaise, une lueur de désespoir dans les yeux tandis qu'il fixe Faust, et le conseiller s'approcha de lui lentement. Puis, sans explication, Daryl sur l'épaule, il les téléporta plus loin, dans ce qui semblait être une forêt.
Choc. Les yeux écarquillés, le japonais observe son cousin, comme trahi, incapable de prononcer un mot.

« Ne t'énerve pas. Je sais que ça ne te plaît pas, mais je me disais qu'il vaudrait mieux qu'on parle ici-
- Ramène-moi.
- Je ne peux pas. Je lui ai dit de me renvoyer son Alakazam quand elle aura stabilisé son état, ou que... »


Silence. Faust détourna le regard, les dents serrées, n'osant pas prononcer ce qui était pourtant si simple à comprendre. Natsume resta silencieux.

« Écoute, je sais que ça doit être dur, mais on ne peut rien faire hormis attendre.
- Et je suppose que tu ne sais pas comment il s'est fait ça ? »


La voix du japonais est impertinente, audacieuse, provocatrice. Il y a quelque chose dans son ton de rebelle et d'impérieux qui prouve qu'il n'attend pas de véritable réponse et qu'il clame quelque chose de par ce même fait. Si Faust se serait attendu à voir des larmes dans son regard noisette, c'est une froideur glacée par laquelle il est visée, imperturbable et presque hautaine. Oui, le langage corporel de Natsume ne traduit plus la peur mais l’agressivité, et Faust n'aime pas trop la lueur dangereuse qu'il voit dans le regard de son petit cousin normalement inoffensif.

« Non, je ne sais pas. Et à vrai dire, je ne crois pas que ce soit le plus important, alors ne va pas lui poser la question si tu as l'occasion de lui parler, si ça se trouve demain il ne sera plus- »

Il y a des moments comme ça, qui arrivent sans qu'on puisse les prévoir.
L'instant où le poing de Natsume rencontra le visage de Faust était un de ces moments.
Le conseiller est repoussé par la force du coup et tandis qu'il relève la tête pour observer le japonais, les yeux écarquillés, autant à cause de la douleur que de la surprise, il n'a pas le temps d'esquiver, ou du moins il n'a pas assez de temps pour réfléchir à un plan de défense qui n'implique pas de blesser Natsume, qu'il se prend un second coup dans le ventre qui le fait se plier sur lui-même. Si il n'avait pas été Noctis en plus d'être conseiller, il y a fort à parier qu'il n'aurait pas pu faire fi de la douleur et saisir le genou de l'adolescent alors que celui-ci s'apprêtait à le frapper dans les parties intimes. Une fois cela fait, il put le faire tomber à terre en attrapant son col avec sa seconde main et en le tirant vers le sol. L'éleveur serra les dents et le plus âgé profita du peu de temps de répit qu'il avait pour saisir les poignets de l'adolescent et le garder immobile, et ce en dépit des coups de pied qu'il tentait de lui donner pour se libérer.

« Dégage !
- Nat, putain, écoute..
- DÉGAGE !
- ÉCOUTE-MOI DEUX SECONDES ! »


Pour la première fois depuis qu'il est arrivé sur l'île, Natsume entend véritablement Faust être furieux. Les traits du conseiller sont serrés, et la pression sur ses poignets est telle qu'il cesse de se débattre. L'autre se relève lentement et l'invite à faire de même, mais Nasume chasse sa main et le considère avec mépris. Faust grimace ; la douleur n'est pas la pire qu'il ait jamais connu, mais il n'aurait jamais soupçonné que son cousin qu'il sous-estimait sûrement un peu trop au vu de ce qu'il venait de lui faire, avait un tel punch. Visiblement, la tradition de garder une certaine force de frappe malgré le mètre soixante (soixante-trois, qu'il insistait, l'autre) venait bien du côté japonais de sa famille. Mais là n'était pas vraiment le sujet ou était le moment pour penser à cela. Il était sûr que la trace allait rester quelques jours au moins, et la zone frappée le brûlait encore.
L'éleveur l'observe étrangement. Ses sourcils sont froncés, et il reste éloigné, méfiant, distant. Un animal, oui, sauf que cette fois, ce n'est pas une petite bestiole inoffensive que Faust voit : il en garde encore la marque. Et il le regarde bien trop froidement pour que ce soit simplement né de sa colère et de son instabilité d'aujourd'hui. Mais au fond, ne le savait-il pas aussi, en le recueillant il y un an... ?

« Je... Tu crois que ça me fait pas mal, aussi ? Tu crois que je n'ai pas envie de hurler à chaque instant ? Nat, je ne réagis peut-être pas en pleurant et en m'écroulant, mais ça ne veut pas dire que...
- C'est pas ça, et tu devrais le savoir ! »


Du japonais. Faust s'arrêta, surpris : rares étaient les fois où l'éleveur perdait tellement patience qu'il ne faisait même plus l'effort de parler dans sa langue natale, mais cette fois le conseiller avait comme l'impression que c'était simplement parce qu'il n'avait pas le contrôle sur ce qu'il disait et le moment où les mots sortaient de sa bouche.

« Mais tu... Tu me prends vraiment pour le plus grand des imbéciles, hein ? »

Natsume ricana. Ou du moins, c'était né comme un ricanement ; le son était mort dans un gloussement amer qui se transforma peu à peu en rire jaune et incontrôlé. Faust l'observa sans rien dire, mis de plus en plus mal à l'aise au fur et à mesure que les secondes passaient.

« Je... J'y crois pas. T'y as vraiment cru. C'est... C'est complètement ridicule. Putain... »

L'adolescent rit. Le conseiller ne saurait dire si c'est nerveux ou volontairement moqueur, mais son ton est si acerbe et mesquin qu'il serait difficile de croire le contraire. Il mit quelques secondes  avant de continuer à parler.

« Tu m'as vraiment pris pour le dernier des abrutis, depuis le début. J'aurais cru que tu t'en doutais au moins un peu et que tu ne me croyais pas aussi stupide, mais... Mais j'avais tort, hein ? Parce que petit Natsume ne pourrait ja-mais s'imaginer la vérité ? Parce que j'étais, non, je suis trop naïf et stupide pour me rendre compte de ce que vous cachez tous avec la délicatesse d'un putain d'éléphant ?! »

Il n'a pu s'empêcher de hausser le ton au fur et à mesure qu'il parlait. Les dents serrées, il fixe son cousin avec une rage froide, calme et furieux tout à la fois. Il ne sait même pas comment il fait pour garder un pareil sang-froid alors que tout son être lui hurle de se déchaîner et de laisser parler son agressivité qui ne demandait qu'à être canalisée. Si il fulmine, pas de hurlements ou de gestes brutaux toutefois.

« Si tu crois un seul instant que je ne sais pas... Tu te trompes tellement que je devrais presque rire, parce que je ne sais pas qui est la plus grosse blague vivante entre toi et moi. »

Le sourire caustique sur les lèvres de l'éleveur a quelque chose de brisé, de faux, un petit quelque chose qui suinte la douleur et la peine. Faust l'entrevoit brièvement, mais aussi vite que c'est apparu, c'est remplacé par la lueur de malice dans les yeux du plus jeune. Les mots de l'éleveur le blessent, mais il y a quelque chose de vrai dans ce qu'il dit, et ça même lui ne peut pas le nier bien qu'il le voudrait bien. Il n'a pas envie d'avoir cette conversation alors qu'il l'a pourtant pressenti tant de fois comme inévitable par le passé, mais aurait-il la moindre envie de quoi que ce soit ce soir ? Non, actuellement, il aimerait dormir, être loin de la conscience et de la douleur sourde qui refuse de se dissiper, mais il ne peut pas faire ça. Et c'est sûrement ce qui fait perdre peu à peu sa retenue à Natsume : Faust espère juste que la retombée ne sera pas trop violente.

« Bon sang, Faust ! En un an de vie avec vous, tu crois que je ne l'avais pas remarqué ?! Vos disparitions nocturnes, tes dizaines d'excuses toutes plus mauvaises les unes que les autres qui sont si faciles à vérifier comme fausses, les traces de coup que tu tentais de cacher ?! La facilité avec les armes, l'espèce d'omerta à la con qui traîne et ce silence radio à chaque fois que le sujet de la Résistance arrive sur la table ?! »

Le conseiller s'immobilise, comme gelé. Le japonais gloussa amèrement en le remarquant, son ton se faisant acerbe.

« Oui, la résistance. Ça demande pas un putain de génie pour deviner vu vos passés respectifs. C'est presque écrit noir sur blanc. Bordel Faust, le fait que tu l'aies amené dans un espèce de bunker secret au lieu d'un hôpital officiel est juste la cerise sur le gâteau ! Si tu crois que je suis assez stupide pour ne pas comprendre... »

Silence. Durant quelques secondes, l'éleveur resta silencieux. Il n'avait pas pu s'empêcher de soupirer, fatigué.

« J'ai sûrement voulu me croire assez stupide pour ça. Et j'aimerais aussi ne pas savoir, parce que je ne sais pas si ce qui m'inquiète actuellement le plus est la balle qui pourrait le tuer d'un instantà l'autre ou le fait qu'il risque de s'en prendre d'autres par le futur. »

Durant quelques instants, la voix de Natsume a faibli. L'amertume et la lassitude qui l'entouraient transpirèrent dans son ton pendant quelques instants, un bref moment durant lequel une lueur peinée passa dans son regard.

« Et le pire, c'est que je ne suis même pas en colère contre lui. Non, à la place, je suis en colère contre toi parce que je sais que tu l'as aidé. Et contre moi-même parce que je sais que ça n'a rien de juste. »

Il serra les poings et fronça les sourcils.

« Alors ne me prends pas pour un abruti. Et ferme-la. Si tu crois que je ne sais pas ce qu'il risque... Je dois te rappeler que ça fait un an qu'en plus de tout ce que je fais, je me tape aussi des cours de médecine de la part de Mina ? Ou tu t'es simplement rappelé du fait que je passe mes journées à bosser sans vraiment trop y réfléchir ? »

Il serait facile de comprendre le reproche sous-jacent de sa question. Mais il n'a pas l'envie de le formuler complètement.

« Mais ne t'inquiète pas, je vais continuer à faire comme si je ne savais rien. Ça t'enlèvera un souci de la conscience : tu pourras continuer comme avant. Juste, qu'est-ce que je dis à Alice le jour où il faudra aller te voir à la morgue ? Réfléchis-y au moins un peu, j'aimerais bien ne pas avoir à y penser moi-même. »

La voix de Natsume est acide, mordante. Ses mots acérés et dénués de la moindre retenue ou de compassion. Si l'éleveur ne montre pas de remord, Faust n'en est pas surpris. Ses paroles non plus ne l'étonnent pas tant que ça, en fait. Et il sourit un peu tristement, la mine peinée, montrant pour la première fois de la soirée un peu de douleur dans le creux de ses yeux.

« Je sais. Mais moi aussi je crois que je me mentais à moi-même. »

Le conseiller s'approcha doucement, mais s'arrêta lorsqu'il vit le cadet faire un pas en arrière, les yeux plissés à cause de la méfiance.

« J'aimais bien croire que vous ne grandiriez pas, tous les deux. Que vous resteriez toujours les gamins que je gardais sous mon aile en espérant que vous n'auriez jamais à affronter la réalité. C'était plus rassurant. Ça me permettait de croire que je pourrais toujours vous protéger et vous garder loin du danger. Mais même ça, il faut croire que je ne pourrais pas le faire... Enfin, je n'ai jamais réussi à le faire, soyons honnêtes. »

Il passa une main dans ses cheveux, profitant au passage du moment pour attraper une mèche et la serrer afin d'avoir au moins quelque chose sur lequel se défouler. Il baissa brièvement le regard, l'air piteux.

« Je voulais juste... Tu sais, quand tu es arrivé, j'ai eu peur. J'étais terrorisé qu'il t'arrive la même chose qu'à Sam. Pourquoi tu crois que j'étais si nerveux et énervé lorsque tu rentrais toujours plus tard que le couvre-feu que je t'avais imposé ? Je ne savais pas si je préférais te savoir ici ou au Japon. Et je crois que égoïstement, je me disais que si je te surprotégeais, alors au moins tu ne risquerais rien. Et que je pourrais toujours me dire que tu resterais hors du danger. Que tu ne ferais pas la même chose que lui et tu resterais toujours un gosse. Mais tu ne l'as jamais vraiment été, n'est-ce pas ? »

Leurs regards se rencontrent, l'un froid, apathique, l'autre peiné et teinté de tant de fatigue que Natsume en fut brièvement déconcerté

« Alors peut-être que je méritais ces coups, oui. Peut-être que j'aurais dû l'arrêter quand je le pouvais. Et j'ai tenté. Tu crois vraiment que je n'aurais pas fait tout en mon pouvoir pour l'en empêcher... ? Si tu me reproches de te prendre pour un enfant et de trop vouloir te protéger, imagine ma réaction quand il est venu de lui-même me demander de l'entraîner. »

La voix de Faust a repris une certaine force, une assurance qu'il avait perdu durant ces moments où il parlait de ce qu'il pensait et ressentait réellement.

« J'ai fait ce que j'ai pu, mais ça n'a jamais été assez. Et vous deux, vous... Je ne peux rien faire. Et je me demande des fois quand est-ce que tu vas finir par voler par tes propres ailes toi aussi, puis je me rends compte que tu as déjà commencé. Et pour éviter d'y penser, je me dis que tu es toujours un gosse. »

Silence. L'éleveur resta sans mots, tout comme Faust. Puis, finalement, après quelques secondes que le conseiller passa à fixer le cadet, un sourire mi-doux mi-peiné étira ses lèvres que Natsume remarqua enfin comme mordues jusqu'au sang.

« Dis... Tu sais ce qui m'a surpris, tout à l'heure ? »

Le japonais plissa les yeux, confus.

« Ce qui m'a fait vouloir te garder le plus possible dans le silence... Nat, tu as mis une de ses chemises. Tu ne t'en aies même pas rendu compte. Et la seule chose que j'ai à ce instant, c'était que tu étais dans un état si miséreux que je ne voulais pas que tu en saches plus. »

Surpris, le cadet ouvrit légèrement la bouche sous le coup de l'étonnement, avant de baisser un peu le regard et de remarquer que oui, Faust avait raison. Sur le moment, il n'avait pas réfléchi un seul instant et avait attrapé le premier truc qu'il avait trouvé, mais maintenant qu'il le remarquait, sa poitrine se comprimait et  la froideur sur son visage se dissipait peu  à peu, remplacée par une peine presque palpable dans l'air qui les entourait. Un nœud naquit dans la gorge de Natsume et il se tut, comme sonné. Le conseiller soupira lourdement en le voyant relever la tête, apercevant l'étincelle désolée dans son regard.

« C'est bon, j'ten veux pas. Maintenant viens, on va marcher un peu. Et attendre qu'on m'appelle. »

Natsume hocha de la tête.
Les heures furent longues. Natsume n'aurait pas vraiment pu se rappeler correctement de ces moments-là, rendus flous à peine après qu'ils aient cessé d'être. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il n'avait fait qu'attendre, minutes après minutes, que le téléphone de Faust sonne pour annoncer une nouvelle qui serait soit bonne, soit affreuse. Le conseiller ne l'avait pas quitté, sauf à quelques occasions durant lesquelles il avait refusé que Natsume le suive, disparaissant il ne savait où faire quelque chose que l'éleveur ne voulait pas connaître.
Assis sur la chaise du bunker dans la pièce secondaire, il s'était même endormi, refusant de quitter les lieux alors qu'il attendait qu'on lui dise si oui ou non il aurait quelqu'un d'autre à enterrer d'ici peu. Faust l'avait ramené au refuge sans le réveiller, et lorsqu'il s'était réveillé seul dans son lit, surpris de se trouver là, son regard s'était perdu dans le vague. Il fit de son mieux, se mordit les lèvres, s'insulta, se frotta les yeux, mais rien n'y fit : il ne parvenu pas à s'empêcher de pleurer cette fois, secoué par le cauchemar affreux qui venait de troubler les quelques heures de sommeil que son corps avait désespérément désiré récupérer. Blotti contre lui, Sora avait calmé sa première et dernière crise de larmes qu'il ferait sur cet accident, allant même jusqu'à évoluer pour pouvoir réchauffer un peu son dresseur et pouvoir effacer les pleurs sur son visage et calmer ses sanglots, même si au final ce fut davantage les efforts de Natsume qui lui permirent de s'arrêter. L'aide du Boguérisse lui permit toutefois de se donner un peu de courage.
Il s'était relevé, puis il avait vu Faust ouvrir la porte de sa chambre, l'air livide. Ses yeux s'étaient écarquillés, la frayeur parcourant tout son corps alors qu'il imaginait déjà le pire. Mais le conseiller fut bref.

« Il est tiré d'affaire. »

Un hoquet lui échappa. Il tangua et manqua de s’écrouler, mais l'aîné se précipita vers lui pour le rattraper. Cette fois-ci, Natsume ne le chassa pas aussi brusquement : il hocha de la tête pour le remercier et reprit contenance en quelques secondes à peine. Lorsque son cousin lui tendit la main pour qu'ils soient téléportés, il la prit calmement.
Les jours passèrent, lentement. Natsume et Faust ne reparlèrent pas de ce qui s'était passé, et comme il l'avait promis, l'éleveur ne mentionna même pas le mot résistance durant toutes les fois où il fut aux côtés d'Isaac, de son petit-ami ou de Faust. Il continua de simuler l'ignorance, jugeant que c'était de toute façon préférable et qu'il n'avait pas envie de supporter plus de lourdes conversations avec ses proches pour l'instant, et surtout pas des débats. Mais son esprit, ce traître, avait d'autres idées en tête. Ainsi, quand il trouva enfin le sommeil après des jours de nuits difficiles et de cauchemars terrifiants, il sursauta en sentant une main se poser sur son épaule.
En se retournant, il constata qu'il était évident qu'il était dans un rêve. C'était clair comme de l'eau de roche. Et sachant qu'il avait déjà vécu trois fois cette expérience par le passé...

« Ingurgiter des somnifères pour arriver à dormir, vraiment ? On est tombé bien bas, tout de même...
- Il ne manquait plus que toi dans la liste des choses que je ne voulais pas voir, il faut le croire. »


Par trois occasions déjà il avait rêvé d'altercations avec soi-même. Sauf que l'autre lui était plus grand, plus calme, étonnamment familier et en même temps étrangement différent. Mais cette fois-ci, il semblait plus sombre, comme teinté, le regard plus détaché et apathique que jamais. Un rictus moqueur s'étira sur le visage presque fantomatique du plus grand.

« Menteur. On en a déjà parlé : si tu me vois, c'est que tu as besoin de faire le point avec toi-même. Et je continue de dire que tu as besoin d'un psy, voir d'un suivi pour le restant de tes jours. Ça commence à devenir répétitif. »

Natsume leva les yeux au ciel.

« Pas d'humeur pour ton sarcasme.
- Notre sarcasme, machin. Aie un peu pitié pour ceux qui le supportent quotidiennement, au moins. Dis-toi que tu fais pénitence, en quelque sorte.
- Et moi qui croyait que j'avais déjà assez de problèmes mentaux comme ça...
- Pas de ma fa... Bon, non, je peux pas dire ça. Donc dis-toi que doit y'avoir un truc dans tes spores et que tu devrais penser à fermer un peu plus les bocaux.
- C'est une explication de merde et tu le sais.
- Faut bien qu'on en ait une, ça nous déplairait sinon. »


Touché. Le cadet leva les yeux au ciel et soupira.

« Pourquoi est-ce que t'es là, hormis me donner envie de ne jamais plus fermer les yeux rien que pour ne pas à avoir à entendre ta voix ?
- Nous voulons savoir quoi faire. C'est pas nouveau, mais je ne t'apprendrai jamais rien, je te l'ai déjà dit. Je suis juste là pour pointer du doigt ce que tu sais déjà, et aussi parce que tu fais vraiment des hallucinations oniriques de merde. L'un étant étrangement lié à l'autre. »


Silence. Natsume soupira et s'assit par terre, sur un sol d'herbe fraîche qui n'émettait toutefois aucune odeur et qui, lorsqu'il passait sa main dessus, ne lui amenait aucune sensation. Rien d'étonnant, de toute façon. Rien n'était réel, ici. Il se demandait même à quel moment il allait se réveiller brusquement, perdu et confus.

« On doit lui parler.
- Parle d'évidences...
- Je dois vraiment me répéter... ? Ça devient urgent. On ne pourra pas garder ça toute notre vie.
- Mais si je lui dis...
- ... Ouais. Ça va craindre. Et j'ai pas non plus envie d'un débat. Mais on doit faire quelque chose.
- Tu utilises beaucoup plus le 'on' et le 'nous' qu'avant, d'après ce que je vois...
- Il n'y aura techniquement bientôt plus de différence, de toute façon. Tu le sais aussi bien que moi.
- Que ce soit une bonne chose ou une mauvaise...
- Peu importe. On doit tout de même le faire. Avoir l'air d'un chiot battu à le coller ne va pas régler le problème de l'éléphant dans le magasin de porcelaine.
- ... Je ne suis pas un chiot battu.
- Bien tenté, mais si moi je le sais alors...
- Oh la ferme. »


Vrai que depuis que Natsume avait eu le droit de retourner à ses côtés, il s'était un peu comporté comme une espèce de chiot collant, sur-affectueux et inhabituellement doux et prêt à tout pour l'aider. Si il s'en rendait compte et en avait un peu honte, il ne pouvait toutefois pas s'en empêcher ; la crainte avait été telle qu'il était pour l'instant... Ouais, même si il devait ravaler quarante-six fois sa fierté pour même se l'avouer, l'autre lui avait raison.

« Mais... Je n'ai qu'à lui dire. Il n'a pas nécessairement besoin de l'entendre.
- C'est assez lâche l'idée que tu as en tête, minus.
- Jamais prétendu le contraire. Et on est plus à ça près, je crois.
- Vrai que d'ailleurs, c'était un joli crochet du droit...
- Ta gueule, bidule.
- Hé, j'ai un nom !
- Quoi, tu veux que je t'appelle Natsume version 1.1 ?
- ... Laisse tomber. T'as qu'à me le trouver, mon nom.
- Si tu vas disparaître dans pas longtemps, je n'en vois pas l'intérêt.
- Utilise. Ta. Tête. Et puis si c'est un nom que tu dois me trouver, si tu réfléchis à ce que je dis depuis tout à l'heure...
- On peut en revenir au point ?
- Pas désolé, mais d'accord.
- Je pourrais... Juste parler. Et partir.
- ... Je vois ce que tu veux faire et je refuse de donner mon avis sur ça.
- Pourquoi ?
- Je crois qu'on aura pas le temps en une demi-nuit de faire la liste de tous les reproches qu'on pense actuellement sur nous-mêmes. »


Les lèvres du plus petit se tordirent en un rictus amer, reflet de celui présent sur le visage du plus grand. Ce dernier vint s’asseoir à ses côtés et lui tendit sa main, que Natsume prit en silence. Quelques secondes plus tard, il était renversé en arrière par lui-même et ouvrait grand les yeux pour apercevoir comme première chose le plafond de sa chambre. Il sursauta et tenta de calmer sa respiration irrégulière, presque sifflante, et prit une bouffée de son inhalateur, les yeux perdus dans le vague alors qu'il se réveillait peu à peu. Arceus, il espérait bien que c'était le dernier des rêves de ce genre... Trois suffisaient largement, mais voilà qu'il venait d'en faire un quatrième en mois d'un an.
Il se leva en tanguant un peu et alla s'habiller, vêtu cette fois de ses propres vêtements car son esprit était bien plus dégagé qu'il y a quelques jours, et fit sortir Kaito de sa ball. Son Alakazam l'observa avec méfiance, et vit en quelques secondes ce qu'il désirait en lisant rapidement dans son esprit : il hocha de la tête et sitôt après qu'il ait fait cela, ils se retrouvaient devant la chambre que Natsume tenait tellement à visiter ce soir, même si il l'avait déjà fait il y quelques heures à peine.

Il a conscience que ce qu'il fait est stupide, merci bien. Mais il doit tout de même le faire, pour se libérer de la pression sur sa poitrine. En silence et le plus discrètement possible, il alla s'asseoir à côté de son lit, jetant un coup d’œil bref pour vérifier que son copain était bien endormi, et se mit à parler, chuchotant presque, calme mais peiné tout de même

« Je dois vraiment avoir l'air stupide, à venir en pleine nuit comme ça pour pouvoir te parler quand tu dors et tu ne peux pas m'entendre. Enfin, ça l'est, en vrai. Et j'ai l'air sacrément con. »

Il gloussa un peu, moqueur envers lui-même. Comment ne pas l'être, de toute façon, vu la situation ?

« Je voulais juste... Je sais pas trop. Ou du moins je sais et j'arrive pas à le dire même quand je sais tu ne m'entendras pas et que je n'ai pas à être gêné. C'est stupide. »

Il fit une légère pause, cherchant ses mots, ou du moins cherchant le courage de les prononcer, tâche oh combien difficile et pénible pour lui qui gardait toujours secrètement ses pensées pour ne pas qu'elles soient connues des autres. Mais si il était venu ici ce soir, en pleine nuit, ce n'était pas pour reculer au dernier moment.

« Je... Ça sert à rien que je te dise que j'ai eu peur, de toute façon. Tu le sais, et puis ce n'est pas si important, mais... Je me suis demandé ce que je ferais, sans toi. Et je me suis rendu compte que la réponse est 'pas grand chose', en fait. Ou du moins plus beaucoup. Je ne veux pas que ça arrive un jour, mais... Je ne peux rien faire. Je ne peux même pas me mettre en colère contre toi parce que je sais pourquoi tu fais ça et que je n'ai rien à te dire sur ce que tu fais et que tu crois que je ne devine pas. Ou alors tu t'en doutes. Mais ça aussi, ce n'est pas important. »

Il serra inconsciemment les doigts de sa main droite contre l'ourlet de sa veste, perdu durant quelques secondes. Il avait tant réfléchi durant ces derniers jours, et pourtant maintenant qu'il parlait, il n'avait plus rien à dire, ou du moins les mots refusaient de sortir, comme bloqués au fond de sa gorge.

« Je ne sais pas ce qui s'est passé. Et je ne te le demanderai jamais, sauf si tu le veux. Mais ce que je sais, c'est que... »

Il expira légèrement, las.

« C'est que je vais devoir m'y habituer. Dans les films, ce sont les moments où les gens parlent d'égoïsme et d’égocentrisme, mais moi je pense que c'est des conneries tout ça. Je pense pas que tu aies quoi que ce soit à te reprocher hormis peut-être hormis le fait que t'as un crétin sur le dos. Voir deux. Mais entre moi et Faust, celui qui a été le plus idiot, c'est bien moi. Ça par contre, c'est une autre histoire... »

Même si Faust avait dissimulé la trace du coup grâce aux pouvoirs de Myra qui ne le quittait plus ces derniers jours, Natsume n'oublierait très certainement pas. La culpabilité, toutefois, n'était pas si intense que ça, et il s'en était lui-même étonné, détestant pourtant d'ordinaire la violence et tout ce qui s'en rapprocherait, jugeant qu'il s'agissait de l'arme des faibles et des simples d'esprit, que la diplomatie et le contrôle de soi permettaient bien plus qu'un coup de poing. Oh, son avis ne changeait pas sur ça, mais il s'étonnait, vu son pacifisme, de ne pas avoir envie de s'enterrer six pieds sous terre quelques jours après. Non, si il ressentait un peu de culpabilité, c'était celle de ne pas avoir su s'exprimer autrement et d'avoir perdu momentanément le contrôle de ses actions.

« Je t'ai pas souvent dit merci, après. J'aime pas parler de ce genre de conneries, tu le sais. Mais je dis ça et pourtant c'est moi qui me retrouve ici pour te dire tout ça à cette heure-ci. Je suppose que te dire que t'es la meilleure chose qui me soit arrivée depuis longtemps c'est un peu con, et surtout un peu lâche de ne pas le faire autrement. Mais si on se mettait à compter tout ce que je faisais de lâche... On y serait encore demain. »

Il soupira. Ses épaules, légèrement contractées au départ, se détendaient peu à peu.

« Mais au fond, je ne devrais pas m'inquiéter. Tu sais ce qu'elle a dit, Alice, quand elle a appris ? Elle a souri et elle a dit que 'de toute façon il peut pas mourir vu que c'est tonton'. J'aurai ri sur le coup si je ne savais pas que même si sa foi en toi était adorable... On sait tous les deux très bien qu'il suffirait d'une seconde et... Arceus, si cette balle avait touché un organe vital... »

Il n'osa pas terminer sa phrase. Il était pourtant se évident de comprendre ce qu'il voulait dire, mais il n'en avait pas le courage.

« Quand Adélia a été... Enfin, qu'il s'est passé la même chose, elle a fugué. C'était en partie de ma faute, mais j'ai passé longtemps à la chercher dans les rues. Elle tremblait, elle pleurait... Mais quand on lui a dit pour toi, elle s'est empêchée de pleurer en disant ça. Et je me demande à quel moment une fillette de sept ans est devenue plus résistante que moi. Pas que ça soit difficile, d'un côté... »

Il se mordit les lèvres, hésitant sur ce qu'il devait suivre par la suite.

« Je vais... Probablement te coller comme un cas désespéré même si Faust et Isaac vont m'emmerder avec toutes leurs blagues. Et prier pour que tu te reposes même si je sens qu'il va falloir s'y mettre à plusieurs pour te forcer à ne pas courir partout et te mettre en danger. Et sérieusement, l'infirmière qui te fait toujours des grands sourires, je suis sûr qu'elle cache un truc. »

Jaloux, lui ? À peine... Oui, si, il ne pouvait pas le nier, même si c'était hautement puéril et que ce n'était pas vraiment le moment, mais au moins il pouvait le dire ; il profitait peut-être un peu trop de cette opportunité pour dire tout ce qui lui passait par la tête sans retenue quelconque. Et ces derniers temps, il en avait grandement besoin, vu la dose de self-control dont il devait faire preuve et le fait que c'était comme si la moindre de ses pensées était conservée derrière un mur qu'il ne parvenait pas à franchir lui-même.

« Enfin, si, pour être honnête... Je vais faire une chose. »

Il y eut quelques secondes d'un lourd silence, ou du moins Natsume le perçut comme étant ainsi, avant qu'il ne parle de nouveau.

« Je vais m'assurer de ne pas me rappeler de ce que j'ai deviné. C'est trop risqué, que je le sache. Si jamais je gaffais ou qu'on lisait dans mon esprit, je... Je ne peux pas prendre le risque de te mettre en danger. J'ai demandé à Isaac de me trouver un membre de sa famille qui a un Neitram pour me faire oublier ça. Ça ne va probablement pas être très agréable, il m'a prévenu, mais c'est pour le mieux. Peut-être que je le devinerai une nouvelle fois, mais ce dont je me souviendrai, ce sera qu'il ne faut pas que je me pose de questions. Peut-être qu'avec un peu de chance... J’espérerais presque que ça se finira avant que je m'en rappelle. Parce qu'après, plus rien ne pourra être fait. »

La décision avait été réfléchie, et c'était la seule que Natsume pouvait véritablement envisager. Il avait remué le problème dans tous les sens, mais une seule réponse s'imposait vraiment à lui sans qu'il puisse la juger stupide ou véritablement inutile. Car il pouvait bien tenter de lui faire des gâteaux à moitié réussis, mais sur le long terme, ça n'aurait aucun impact.

« … C'est la seule chose que je puisse faire pour t'aider et te soulager d'un poids sur la conscience. Même si je ne sers à rien, je peux tenter de vous alléger l'esprit de temps en temps. Je vais même oublier avoir dit tout ça, alors... Je peux bien dire tout ce que je pense, je ne serais pas embarrassé de l'avoir pensé d'ici peu. »

Il sourit un peu tristement, peiné.

« Je comprenais pas ce que Katya voulait me dire par le fait qu'elle me jalousait. J'avais aucune idée de ce qu'elle pouvait ressentir. Et maintenant que j'en ai eu même l'exemple pendant une journée tout au plus... Je... Je comprends. Et j'ai pas envie de te perdre et de vivre ce qu'elle vit. Parce que j'ai pas envie de me réveiller tous les matins en me disant que je ne pourrai plus jamais te voir. Mais ce n'est pas en me plaignant que je vais changer quoi que ce soit. Et je suppose que quelque part... Tu serais malheureux, si tu pouvais pas faire ce que tu fais, je me trompe ? Ça te rendrait sûrement fou d'être impuissant. Je comprends, maintenant. Un peu trop, peut-être. Ou pas assez, justement. »

Sa voix s'était faite plus faible, moins sûre, comme si il était apeuré.

« J'te rends un peu la vie impossible, des fois, avec mes sautes d'humeur et mon côté grognon. Et j'suis sûrement pas assez affectueux, mais bon.... Enfin, tu le sais que je t'aime, t'as pas besoin de l'entendre maintenant pour le savoir. Même si t'es un abruti, t'es mon abruti favori. Alors je... Je vais faire de mon mieux. Et j'ai peut-être une idée. Mais... Récupère tes forces, s'il te plaît. Je le sais que tu vas revenir plus fort, mais pour l'instant, il faut que tu te permettes de récupérer. Et moi, je vais essayer de t'aider comme je le peux, même si c'est pas beaucoup. »

En soupirant, il se releva calmement. Le cœur plus léger, même si il avait l'étrange impression que d'avoir dit tout cela l'avait engourdi, il put jeter un coup d’œil à Kaito qui l'attendait déjà à côté de lui, étant sorti de sa ball il y a quelques secondes. Le japonais jeta un dernier coup d’œil vers Samaël avant de passer doucement une main sur sa joue pour chasser quelques mèches de cheveux qui traînaient là avant déposer un rapide baiser sur son front. Il se retourna ensuite vers l'Alakazam pour hocher de la tête. Le pokémon psychique saisit alors sa main et ils se téléportèrent dans la chambre du japonais.
L'adolescent poussa un long soupir en voyant le tas de gâteaux brûlés posés sur son bureau. Oui, comme il le pourrait, mais il allait avoir de nombreux efforts à faire. Mais de toute façon, il savait que cela en valait et en vaudrait toujours le coût.
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