» The Mountain

Avec une délicatesse qui tranchait avec la laideur des mains qui le tenait, un couteau d'argent ouvrit les bordures du colis. Les doigts gourds et raidis par l'arthrose qui empoisonnait ses articulations, Lester laissa échapper la boîte de carton. C'est Rickon, endormi sous la table, qui arrêta le colis de la tête et mordant dans une enveloppe, sautilla jusqu'à la table pour la donner à son dresseur, avec le regard vide mais affectueux du benêt adorable. Lester le remercia d'une caresse imprécise et ouvrit la lettre cachetée.

«  Cher Lester,

J'espère que tu vas bien. Ton père sera bientôt à la retraite, et tu n'imagines pas combien il en est heureux. Cela fait des années qu'il rêve d'avoir tout son temps pour cultiver son petit potager au fond du jardin. Mais en attendant, il continue de se tuer à la tâche. Maçon, ce n'est pas de tout repos. En tout cas, il te passe le bonjour.

Comment se passent tes journées ? J'espère que le cabinet de psychologie fonctionne. J'ai appris que tu avais édité deux livres pour enfants ? Nous irons en acheter pour tes petits cousins. D'ailleurs, une nièce de ton père a eu un enfant. On lui offrira comme cadeau de naissance. Félicitations en tout cas.

Nous t'offrons un petit quelque chose pour te féliciter. Nous sommes fiers de toi, tu sais, même si nous ne te le disons pas assez souvent. Nous espérons que tu feras bon usage de ce pokémon. Ton père l'a trouvé sur un chantier.

Bon courage à toi, mon chéri.

Maman.

« Oh, mère chuchota t-il en prenant dans le colis la pokéball rouge et blanche. L'éclat métallique laissa place à un rayon rougeoyant, mais Lester réalisa soudain que ce n'était guère intelligent, quand le pokémon qui se révéla forma un gigantesque serpent de pierre ... dans son salon. « Zut ! Reviens ! Non ! Sort, sort ! s'écria t-il en échangeant un regard paniqué avec le Onix éberlué de son nouvel environnement.

Après dix bonnes minutes qui furent nécessaires au dégagement du salon du gigantesque pokémon, suite à divers bibelots brisés et à une fenêtre défoncée, ils finirent par se tenir immobiles dans le jardin. Les embruns de la mer proche offraient une odeur iodée et un goût de sel. Lester observa avec timidité le pokémon géant - en quoi ce pokémon avait-il fait penser à lui ? Puis il réalisa en le voyant bouger - non pas facilement, comme un serpent, mais comme un bonhomme de pierre, de façon hachurée. Avec une empathie réelle, il posa une main déformée par la douleur sur une partie du corps de pierre et sourit avec toute la douceur du monde.

« Je propose que tu évites la maison, jusqu'à ce que j'ai créé une annexe pour toi, d'accord ? chuchota t-il avec un sourire. Le onix resta silencieux, puis son regard brilla d'intelligence et d'amusement. Comme deux statues, ils se tournèrent vers la mer et partagèrent, une seconde durant, la compréhension des êtres dont le corps n'est, hélas, pas si parfait que cela.