Exercice poussé en dialogue familial II

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La Prismillon de sa sœur restait tout près de lui, en jetant des coups d’œil mauvais à Nagisa dès que celle-ci gratifiait son frère cadet d'un regard un tant soit peu méprisant. Si Natsume n'avait pas l'énergie de lui refuser la myriade d'attentions qu'elle lui réclamait, il était toutefois mal à l'aise à l'idée de rester plus longtemps en compagnie de Nagisa alors qu'il attendait la première occasion possible pour s'en aller. Elle le tenait au piège, et se l'avouer lui demandait de ravaler sa fierté une bonne dizaine de fois, de telle sorte qu'il échauffait son cerveau à trouver une solution de secours, mais sans succès.  

« Avant que tu ne files, je voulais te dire quelque chose.
- Épargne-moi les discours, sérieuse-
- Oh bon sang, ça concerne maman. »

Au moins, ces paroles eurent l'effet de faire taire le plus jeune, qui porta un regard soudainement plus attentif vers elle, les sourcils froncés et l'air interrogé. C'était un peu vache de sa part de commencer par ça, en se taisant volontairement juste après pour susciter la curiosité de l'autre, mais il fallait jouer de ces cartes avec Natsume pour attirer son attention, et tirer sur l'hameçon une fois que sa cible y était fermement accrochée. Vu la curiosité du lapin, c'était déjà chose faite de toute façon, et il ne restait plus beaucoup d'efforts à faire de la part de Nagisa.

« Maintenant que tu as décidé de la fermer et de laisser mes oreilles en paix, tu seras peut-être heureux d'apprendre que j'ai reçu des nouvelles de nos grands-parents maternels. »

D'eux, Natsume n'avait jamais rien entendu, hormis des rumeurs ici et là, et ce que lui avait dit Nagisa alors qu'elle-même ne savait déjà pas grand chose. La majorité des choses qu'il avait appris, il les tenait du journal de sa mère, qu'il n'avait plus osé toucher depuis décembre dernier, trop mal à l'aise à chaque fois qu'il parcourait ces pages. C'était stupide ; il aurait pu demander des informations à quiconque, se renseigner, mais non. Il était resté volontairement dans l'ignorance, comme pour se préserver d'une réalité inconnue mais qui, de par les possibilités qu'elle avait d'être aussi décevante que celle de maintenant, aurait pu le blesser. Il était plus simple de ne pas penser à l'existence de cette branche de sa famille que de savoir que celle-ci aussi ne serait rien pour lui. Mais il devait avouer que malgré toute son insistance pour faire l'autruche, la curiosité le rongeait depuis longtemps. Et si Nagisa ne mentait pas ou ne déformait pas les faits, alors elle sûrement réussi à capturer entièrement son attention : le poisson venait de mordre volontairement à l'hameçon.

Exercice poussé en dialogue familial II

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Natsume ignorait beaucoup, beaucoup de choses de ses parents, en réalité. Il ne connaissait d'eux que le portrait qui avait été dressé devant ses yeux depuis son plus jeune âge. Une construction savamment organisée par Miyu qui, malgré la situation dans laquelle elle se trouvait, avait veillé à épargner à ses yeux les visions les plus horribles. L'adolescent ne savait pas si il devait lui en être reconnaissante ou pas, vraiment, et il n'aurait pas été arrogant au point de croire qu'il aurait pu décider à sa place puisque personne n'aurait pu le faire. Mais la vérité était là : il ne savait rien de plus sur eux que ce qu'on lui avait laissé voir. Ironiquement, même ne rien savoir de Kazuo le dérangeait : pour un homme qui avait fait de sa vie un enfer pendant seize ans et avait laissé des marques indélébiles sur sa psyché, il n'en connaissait pas grand chose. Il ne serait pas mort frustré si cela n'avait pas changé, mais ne pas avoir plus d'informations que ça sur sa mère restait mal digéré. Nagisa pouvait donc remonter l'hameçon autant qu'elle le voulait : il mordrait les yeux fermés devant un pareil appât.

« Ils veulent nous voir. Enfin, ils nous ont invité à dîner. J'espère que tu me pardonneras, mais je les ai prévenu à ta place que ce serait un peu impossible pour le moment ; tu leurs diras toi-même pourquoi.
- Faudrait déjà que t'aies le cran de leur dire que tu m'as abandonné. »

Sa remarque eut le don de lui couper le sifflet pendant quelques instants, ce qu'il savoura non sans plaisir alors qu'un rictus mesquin se dessinait sur son visage. La réplique est dite sur un ton sarcastique, et il n'a pas l'air si énervé que ça, mais le reproche sous-entendu ne peut pas être plus clair, ne serait-ce que par tout le poison qui se dégage de ses mots.

« Bref. Je devais te passer leur numéro. Appelle ou pas si tu veux, c'est pas mon souci, je devais juste faire passer le message.
- Tu pouvais pas juste déposer une lettre ? T'es pas mal douée pour ça, ça ne pouvait pas être si compliqué. »

Nagisa aimerait bien rire. Oh, qu'il la fait rire, avec son regard mauvais et rancunier, son langage corporel qui pue la tension et l'envie  d'exploser, et son ton tout aussi sarcastique que d'ordinaire. Oui, à force, tout cela l'amuse. Il y a un moment où cela ne fait plus juste mal. Quand la plaie ne se ferme pas, on finit par rire de la quantité de sang qui y en coule, ou on en devient fou.
Alors qu'elle s'apprêtait à répondre, et honnêtement Nagisa se sentait prête à le provoquer et le chercher, juste pour voir comment il réagirait, des bruits de craquement se firent entendre. Le regard de Natsume se détourna pour chercher la source de ces sons, avant qu'il ne finisse par entrevoir une ombre bleue voleter autour d'eux. Zakuro parut confus, tandis qu'Hideki éclata de rire, amusé par quelque chose qu'ils ne voyaient pas.
Le Banshitrouye se mit à courir après le nuage de gaz bleuté, riant bêtement alors qu'il tentait de le saisir, sans pourtant y parvenir ; à chaque fois que ses bras paraissaient près à saisir la brume, celle-ci se dissipait. Au moins, cet événement eut le mérite de changer les esprits de Natsume et lui faire se demander si la plante spectrale n'avait pas pété un plomb.

Exercice poussé en dialogue familial II

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Bien souvent, Natsume ne cherche pas à comprendre tout ce qui peut passer par la tête de ses pokémon : il a vite réalisé que c'était futile, et ce en dépit de toutes les questions qu'il pouvait se poser sur la santé mentale de ceux-ci. Le fait qu'il en comptait une quarantaine en dépit de son jeune âge n'arrangeait rien, et tant qu'ils ne se faisaient ou ne faisaient pas de mal, Natsume n'allait pas les arrêter ou les embêter plus que ça. Il les laissait vivre leur vie, en quelque sorte, et ne demandait leur aide que de temps à autre : lui qui détestait déjà le concept du « dressage », ou en tous cas ne supportait pas qu'un dresseur se croit maître des pokémon de son équipe car il ne pouvait pas comprendre qu'on se croit figure d'autorité pour une autre conscience, ne pouvait que fonctionner ainsi. Certains étaient étranges, d'autres moins. Et comme les autres spectres de son équipe, qu'il comptait déjà au chiffre de quatre d'ailleurs, il avait ses habitudes qu'il ne questionnait plus. Cleptomane, ça, il le restait et le resterait probablement à jamais : il ne comptait plus le nombre de chaussettes, caleçons et autres affaires qui disparaissaient mystérieusement sans jamais réapparaître, ou du moins sans qu'ils ne soient cachés bien au fond du jardin.

Mais cette fois-ci, c'était un peu différent. Hideki était social, soit, tellement d'ailleurs qu'il s'attirait bien souvent des ennuis avec les membres les moins prompts de l'équipe à la camaraderie : il ne comptait plus le nombre de fois où Yoshiko lui avait envoyé des tornades à la face dans toute sa délicatesse légendaire. Mais il persistait, cet imbécile naïf et bien trop gentil pour ce monde. Toutefois, qu'il courre et tente de faire ami ami avec du gaz, c'était un niveau de stupidité supérieur que Natsume préférait croire non atteint par le Banshitrouye. Il lui restait un peu d'espoir, voyez.
Nagisa, toutefois, paraissait plus informée que lui sur le moment : le lapin la connaissait assez pour savoir que ce rictus-là, celui débordant d'arrogance et de moquerie, avec ce petit air supérieur et goguenard sur son visage, ne pouvait pas signifier autre chose. Et il avait visiblement raison, puisqu'elle éclata d'un rire gras, rendue hilare par quelque chose dont il ignorait lui-même l'origine et qui le frustrait de plus en plus au fil que les secondes passaient.

« C'est une putain de belle ironie, n'empêche... Regarde donc ce qui vient nous rendre visite ! »

Au départ, il ne comprit pas ce qu'elle voulait dire, et croyait qu'elle se fichait simplement de lui. Ce n'était pas si grotesque que ça, au vu du caractère de son aînée, mais les détails prouvant que ce n'était pas le cas commençaient à s'accumuler. Il plissa les yeux et tenta de de distinguer quoi que ce soit près ou dans ce gaz bleuté, avant que finalement il ne parvienne à reconnaître une esquisse de silhouette, qui finit par enfin devenir visible à ses yeux. Oh.
Un nœud se forma dans sa gorge alors qu'il comprenait soudainement le sens de la phrase de Nagisa. Sacrée ironie, en effet, que de trouver ici à ce moment exact une Fantominus, pokémon qui avait été le starter de leur mère. Ce ne fut qu'après qu'il remarqua enfin qu'elle était chromatique, sans que cela ne suscite une grande admiration chez lui autre qu'un léger haussement de sourcils. Son esprit était ailleurs.

Exercice poussé en dialogue familial II

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L'Ectoplasma de sa mère n'avait jamais été très affectueuse, ni particulièrement méchante : seule Miyu arrivait plus ou moins à attirer son attention. Natsume avait compris à force qu'elle était tout simplement hermétique aux autres, et n'était pas plus effrayé que ça. C'est sans doute pour ça qu'il n'a jamais développé la moindre crainte des spectres et des fantômes. Grandir avec un fantôme qui passe son temps à survoler votre berceau, ça a de quoi renforcer. En outre, le lapin ne l'a jamais vraiment connu, et ne s'en souciait pas plus que ça, sauf que voir cette Fantominus à ce moment même lui nouait la gorge. Rendu mal à l'aise par la présence de ce pokémon qui en rajoutait une couche, il détourna le regard et voulut faire comme si il ne la voyait pas, puisqu'il savait pertinemment que Nagisa, toute fière et emmerdeuse qu'elle était, ne bougerait pas, et qu'Hideki chignerait jusqu'à ce qu'il ait pu faire ami-ami avec la fantôme.

« C'est tout ce que tu avais à me dire, donc ?
- Ouais. Tu peux t'enfuir comme un lâche maintenant, c'est bon.
- Je considère plus ça comme cesser de perdre mon temps avec tes idioties. »

Chaque instant semble le pousser à vouloir partir loin d'ici, et à défouler sa frustration sur la première chose qu'il trouverait, surtout inanimé. Mais la persistance du Banshitrouye auprès de la Fantominus, qui paraissait assez gênée et timide face à la plante spectrale qui tentait de sympathiser le retenait ici, à son grand damne.

« Hideki, laisse-la. »

Le Banshitrouye fit une moue attristée, mais en voyant l'air fatigué et excédé de son dresseur, finit par lâcher l'affaire d'un air triste et déçu. Il s'éloigna donc en lançant un dernier regard à la Fantominus, et rejoignit Zakuro qui les observait depuis tout à l'heure, désintéressé au possible, ne faisant rien d'autre que de surveiller Nagisa au cas où les choses tourneraient mal. Ou bien même faire attention à ce que le Skélénox qui traînait plus loin ne soit pas agressif, auquel cas il aurait réagi immédiatement. Maintenant qu'il était sûr qu'il pouvait partir, il fit signe aux deux de les suivre, en adressant à sa sœur qu'un regard froid et mauvais.

« C'est pas la politesse qui t'étouffe, comme d'habitude, se moqua la plus âgée en le voyant partir aussi vite.
- J'imite mes aînés. » répliqua Natsume d'un ton sec.

Il n'attendit pas une seconde de plus pour avancer, jusqu'à ce qu'il soit sûr et certain que la silhouette de Nagisa ait disparu derrière lui, et que Zakuro ne vienne doucement se pousser contre son épaule, inquiet. L'éleveur soupira et caressa machinalement la tête de l'insecte aux yeux rouges.

« Tout va bien. Juste... On va faire un tour, et ça ira mieux. Doit bien y avoir quelques trucs intéressants dans le coin. »

Le Ninjask parut satisfait, et le laissa continuer, mais Natsume entendit alors un son très familier. Il se retourna, découvrant un peu trop tard que son cher Banshitrouye venait de lui subtiliser une rapide ball, et qu'il venait tout juste d'y faire rentrer la Fantominus qui était près d'eux quelques instants plus tôt.

Exercice poussé en dialogue familial II

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Il n'avait même pas l'énergie d'être en colère contre Hideki. Même si le Banshitrouye ne paraissait pas très fier de son coup, et que le Shimomura l'observait d'un air sévère, l'éleveur n'avait pas envie de s'énerver contre lui. Il n'était pas rare qu'il lui fasse des remontrances car ses sales habitudes de voleur reprenaient souvent le dessus sur sa nature adorable et gentillette, mais aujourd'hui, alors qu'il l'observait avec cet air piteux mais en même temps certain d'avoir fait le bon choix, Natsume n'en avait pas l'envie, voilà tout. Il soupira d'un air las.

« De toute façon, je ne suis plus à ça près... » grommela-t-il d'un ton sarcastique, en référence au troupeau dont il s'occupait déjà.

Le Banshitrouye eut au moins la décence de ne pas rajouter et de se faire tout petit, alors que Zakuro le regardait d'un air blasé et agacé. Quant à l'éleveur, perturbé par ce qu'il venait d'apprendre et hésitant énormément sur la marche à suivre, il ne parvint pas à décider de ce qu'il voulait. En même temps, la possibilité d'en apprendre plus sur sa mère et peut être de trouver un membre décent de sa famille le tentait, mais de l'autre côté, la possibilité d'être une nouvelle fois déçu et de voir sa vie à peu près tranquille perturbée le retenait. La peur venait de se loger dans un coin de sa poitrine, et il ne savait plus quoi penser. En plus de ça, partir pour le Japon, ne serait-ce qu'une semaine ou deux, demanderait d'économiser de l'argent, dont il ne disposait pas en masse puisqu'il avait fallu investir dans du matériel de recherche et que son portefeuille était plus que vide, ces derniers temps.
De plus, prendre du retard dans lesdites recherches alors qu'Esther l'attendait bientôt pour qu'ils fassent le point sur l'avancement de son travail et son inscription à l'université (qui serait sûrement pour lui, du moins sur la partie biologique et mathématiques, une petite partie de plaisir pendant un ou deux ans au moins) s'annonçait compliqué. Déjà qu'il était dans une impasse depuis plus d'un mois... Aucun avancement n'avait eu lieu depuis ses derniers progrès, et la frustration à ce sujet s'accumulait, le poussant à mettre encore plus du sien dans son travail, quitte à se coucher à des horaires très tardives pour lui. Comprenez qu'une heure à deux heures du matin, c'est quelque chose d'extrêmement rare pour lui qui est un couche-tôt lève-tôt de première ; il ne comptait plus le nombre de fois où son petit-ami avait dû le tirer au lit, souvent sous ses protestations, ou alors les fois ou il s'endormait tout simplement sur son bureau.

De toute façon, la décision pouvait attendre. Ce n'était pas comme si c'était pressé en même temps, et il faudrait qu'il y réfléchisse, mais il était sûr et certain que l'idée le tourmenterait jusqu'à ce qu'il la réalise, ce qui lui fit penser, sans qu'il ne se l'avoue complètement, qu'il était bien parti pour, un jour ou l'autre, retourner dans son pays natal, et peut-être faire le point, enfin.