« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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 Mûres réflexions |OS|

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Charlotte S. Laurens
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Charlotte S. Laurens
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Âge du personnage : 19 ans
Métier / Études : Championne Dresseur de Zazambes
Pseudonyme(s) : Tabitha, surnom de dresseuse

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MessageSujet: Mûres réflexions |OS|   Mûres réflexions |OS| EmptySam 11 Juil 2015 - 16:14

MÛRESréflexions
J’ai envie de vomir. Je n’ai pas pu, je ne pouvais, pas comment aurais-je pu? Affronter son regard alors que je me sens aussi sale, trahie? Rien de ce qu’Akemi dira ou fera n’y changera quoi que ce soit, je ne retournerai pas à l’Arène où je devrai affronter son regard, possiblement son désarroi. Oui, je ne supporte pas l’idée de m’effondrer devant lui, devant Cesar, refuse de considérer son regard triste par ma faute ou de devoir m’ouvrir et parler. Je préfère qu’il croit que cette histoire me laisse de marbre, ne m’affecte nullement même. Ce devrait être le cas, bordel que j’aimerais me dire que ces mots ne frôlent pas même ma conscience. Or, il n’en est rien. Je bouille, ma colère est d’une puissance telle que je ne parviens plus à me concentrer sur quoi que ce soit sans risquer de m’en prendre aux gens que j’aime. Je me sens coincée, salie, détruite et tellement, tellement blessée. J’ai cru que cette histoire s’était terminée par cette dispute, par ma façon très claire de terminer un combat que j’aurais dû savoir perdu d’avance. Sincèrement, j’ignore totalement où j’en suis à cette heure, j’ai perdu mes repères. Je me retrouve directement devant mes pires craintes. J’ai toujours su me battre, peu importe les enjeux ou les conséquences mais cette fois je me trouve sur une pente glissante, sans espoir de trouver de quoi me raccrocher.

«Elle était déchaînée. Elle a causé des dommages importants à ma voiture. Elle est dangereuse.»
Voilà les paroles recueillies auprès de Nathan Crawford, ex-petit-ami de la Championne de l’Arène de Zazambes, Charlotte Laurens. La jeune femme, suite à une dispute avec ce dernier, s’en serait violemment pris à sa voiture à l’aide d’un de ses Pokémon, Carchacrock, avant de fracturer le nez de Crawford et de fuir la scène. Cet épisode, comme certains autres comportements de Laurens, nous laissent à croire qu’elle aurait quelque difficulté à contrôler sa colère. Effectivement, nous n’allons pas sans rappeler l’incident qui s’est produit pendant le match d’Arène contre le challenger John Armstrong. La Championne avait alors perdu tout contrôle sur ses actions a brutalement lancé son Karaclée contre les Pokémon adverses avant de céder la victoire à son opposant. Nous rappelons que contrairement à plusieurs jeunes Champions prometteurs, Charlotte Laurens n’a pas été désignée par le Compétition pour son poste, mais a été nommée par le précédent Champion, Sky Vassily. Serait-ce possible que ce dernier est fait une erreur en la désignant?


Je repose le journal contre la table. J’ai dû lire l’article une dizaine de fois, sans comprendre. C’est injuste. Je n’ai même plus la force de pleurer. Je ne devrais pas porter attention à ces balivernes mais c’est trop difficile. Et s’ils avaient raison? Et si j’ai vraiment un problème à contrôler mes émotions? Et si cette tâche de Championne était trop difficile? Je devine les regards sur moi, je me demande si on me veut du mal. Si on tentera de me déloger de ma place, si on me retirera mon rêve. Sans ce poste, que suis-je à présent? Une sœur pour Carla, sous peu tante d’un joli petit bébé, l’amoureuse de Cesar, la meilleure amie de Lily… Oui, mais ce qui me définit moi c’est véritablement la battante, la guerrière, celle qui défend son titre plusieurs fois par jour. Alors quoi? Une poignée de mensonges et me voilà dans la soupe chaude, et je sais… je sais qu’ils viendront, qu’ils me feront évaluer. Mais après tous les scandales entourant Phantom, ne me laisseront-ils pas tranquille? Je ne sais plus, plus je tente de me rassurer, plus je m’enfonce dans mes incertitudes. Ce serait si facile de retourner à la maison, de trouver mon amoureux et de pleurer tout ce que je retiens contre ses bras rassurants, oublier, oublier, oublier. Sauf que cette fois, la fuite n’est pas possible. Je dois réfléchir à tout ceci, sans qu’on vienne m’affirmer que ces écrits se trompent à mon sujet. S’il s’agit de la vérité alors je veux la découvrir par moi-même plutôt que la croire d’un autre. Pour la énième fois depuis la dernière heure, je raccroche alors que le numéro de ma sœur s’affiche contre mon portable. Pas aujourd’hui. Laissez-moi tranquille.

Akemi a bien sûr refusé de me laisser en paix, alors qu’elle sait pertinemment que je n’ai qu’une envie : de me retrouver seule face à moi-même. Je sais, elle est fâchée. Lorsqu’on m’insulte, on s’en prend à elle aussi. Mais cette fois, nous ne nous sortirons pas de la même façon. Serrer les poings, crier, frapper… tout ça ne servirait qu’à leur donner raison. Même si j’en ai tellement envie. Nathan s’en est pris à moi, encore une fois. Comment peut-il être si cruel? J’imagine que dans son monde de perfection figée et d’apparences, mon cas l’amuse. Pauvre Charlotte Laurens, n’est-ce pas? La gamine qui ne connaît rien, qui s’est fait berner et qui le pourrait à nouveau. Tout ceci me rend tellement amère. Amère et vide et tellement en colère. J’en viens à penser… Qui sera le prochain? J’en viens à douter des intouchable, de ceux en qui j’ai toujours eu confiance. J’avale une nouvelle gorgée de mon café avec un soupir. Je traîne dans le coin depuis un moment déjà, dans cet endroit plutôt discret, où j’ai l’habitude de me réfugier lorsque j’ai besoin de réfléchir. Cesar lui-même ignore cet endroit, ce café dans une région plus reculée de Zazambes. Tant mieux. Je ne veux pas le voir, ni lui ni personne.

«Excusez-moi, mademoiselle Laurens?»

Je reconnais cette tête blonde, même si je dois chercher son origine dans ma mémoire. Oui bien sûr. Il s’agit de ce jeune policier qui m’a contacté lorsque Hayate est revenu. Je force un sourire en sa direction, tentée de me retourner aussitôt, mais il semble vouloir me parler, même après un salut poli. Je l’observe donc, un peu irritée de devoir me montrer sympathique par un temps pareil. Je dissimule le journal sous mon sac en l’invitant à prendre place à mes côtés. Le jeune homme sourit, je me souviens qu’il était ainsi aussi lors de notre première rencontre. Edward Lokins est son nom, je m’en souviens à présent.

«Je suis désolé de vous importuner mademoiselle, seulement je ne pouvais pas faire autrement en vous croisant au hasard au moment même où je considérais vous rendre visite.»

Je me contente de l’observer, trop lasse pour parler. Il me scrute avec attention, un peu mal à l’aise de mon silence. Probablement aurais-je dû lui demander ce qu’il me veut, mais sincèrement, je m’en soucie peu. J’avale une nouvelle gorgée de ma boisson, jusqu’à ce que le jeune homme reprenne la parole.

«Vous me semblez différente de la dernière fois où nos chemins se sont croisés, mademoiselle. Tout va bien?»

Une étincelle de frustration passe dans mon regard, une frustration qu’il est à même de deviner. Transparente, surtout pour un jeune policier en formation pour devenir enquêteur, il peut lire en moi tel un livre ouvert, une perspective qui ne me plaît guère alors même que je tâchais de me soustraire du regard des autres.

«Vous vouliez me parler, monsieur Lokins?»

Un mur. Presque palpable dans l’air ambiant, venant creuser un fossé entre nous. Un air désolé se peint sur son visage, me forçant à fuir son regard. J’aurais tellement souhaité être seule, même si je me demande bien ce qui le pousse à venir me rencontrer aujourd’hui.

«Écoutez, je vais aller droit au but. J’ai récemment discuté avec le Sergent Shinozaki, vous vous souvenez, celui qui est responsable de l’affaire de votre famille? Il semblerait que Karaclée ne soit pas le seul Pokémon qui fut retrouvé le jour de l’arrestation des suspects du meurtre de votre famille. Il s’agissait d’un groupe organisé, une organisation criminelle réputée. Ils ont volé des dizaines de Pokémon dont la majorité ont été retournés à leurs propriétaires. Ces Pokémon ont été volés, pour la plupart pour régler des dettes. Le groupe en question était très investit auprès des gageures entourant les compétitions Pokémon. Votre père était un grand joueur selon plusieurs témoins et il semblerait qu’il se soit attiré la foudre du groupe en perdant un peu trop souvent sans arriver à rembourser.»

«C’est pour cette raison qu’ils ont attaqué ma maison.»


Ce qu’il dit fait du sens. Beaucoup trop de sens. J’étais trop jeune pour le réaliser à l’époque, mais les problèmes de jeu de mon père ont déjà été évoqués par Carla. J’ai cru alors qu’elle exagérait. Or, je sais à présent que c’est de sa faute.

«Vous êtes venus jusqu’ici pour tarir l’honneur de mon père à mes yeux?»

Mon ton est si calme qu’il m’effraie moi-même. J’imagine qu’au point où j’en suis, peu importe ce qu’il dira, je n’en serai plus affectée. J’ai déjà atteint des sommets de douleur. Un jour, je me concentrerai sur ces aveux, probablement que j’en voudrai à mon père, peut-être que quelque chose se brisera en moi mais pour le moment… pour le moment je me sens vide. Vide et insensible.

«Non, bien sûr que non. J’ai cru que vous étiez en droit de savoir. Votre sœur m’a dit lors de votre dernière rencontre que vous vous sentiez coupable de la mort de vos parents…»

Non, il a tout faux. Je n’aurais jamais pu sauver mes parents. Ils étaient forts et droits, et entourés d’une équipe bien entraînée. Qu’est-ce qu’une gamine de sept ans aurait pu faire pour les sauver? Mais mon frère… Mon petit Tomnen… J’aurais dû être présente, j’aurais dû le tirer de là avant qu’on lui tranche la gorge dans son sommeil. Mes yeux s’embuent.

«S’il vous plaît, partez, laissez-moi tranquille.»

«Attendez, mademoiselle, la vraie raison de ma présence ici… C’est au sujet des autres Pokémon trouvés par les policiers… S’il vous plaît laissez-moi encore une minute de votre temps.»


Je me contente de l’observer. Pour sa part, Akemi a refermé sa patte griffue sur la mienne en adressant au policier un regard peu amène. S’il doit insister d’avantage, elle se retournera contre lui, j’en suis sûre, mais je n’ai pas vraiment envie d’un autre article décrivant mes problèmes de comportement. Pendant ce temps, le jeune homme décoche une Poké Ball à sa ceinture, en soupirant.

«Écoutez, je suis désolé, j’ai été déplacé. J’aurais dû vous demander si vous cherchiez à connaître ces informations. J’ai aussi perdu un parent d’une façon semblable et j’ai cru que vous ressentiez la même chose. Je suis vraiment navré, mademoiselle, je vous promets de ne plus vous importuner mais entendez simplement cette requête.»

Comme personne ne formule d’objection particulière, il décide de poursuivre son idée.

«Parmi les Pokémon récupérés, il y a celle-ci. Chikara est de celle qui n’a pas été réclamée par son ancien dresseur, nous ignorons tout de ses origines. Elle est plutôt renfermée et difficile d’approche, mais aussi très puissante. Le Sergent l’a gardé au poste un certain temps et l’a engagé dans son équipe, mais rien n’y faisait. Il a été décidé d’un transfert ici, dans notre équipe d’enquêteurs, comme je le rappelle, un de mes collègues est un bon ami du Sergent. Or, Chikara ne s’adapte pas mieux à la vie de cette station. Elle est malheureuse.»

J’observe la balle, la prenant dans mes mains sans y être pourtant invitée. Je me demande qui est cette mystérieuse femelle dont il fait mention et quel genre de Pokémon se cache à l’intérieur.

«Et vous voulez que je l’élève, si j’ai bien compris?»

«Oui. Je crois qu’elle trouverait au sein de votre équipe ce qui lui manque cruellement auprès de nous : une famille. Elle se reconnaîtrait nécessairement parmi vos compagnons, comme elle est, après tout, du même type.»


Un type Combat ou Sol donc. Mon intérêt est piqué. J’active le bouton pour laisser paraître une silhouette gracile, puissance sauvage qui m’observe de ses prunelles ambrées. Brutalibré. Mon souffle s’en coupe tellement elle est belle. Même Akemi, d’ordinaire plutôt sociable, reste interdite devant elle.

«Enchantée, Chikara, tu es très belle.»

Mon compliment semble la prendre de court. Comme si elle n’avait l’habitude que d’ordres ou de banalités. Un sourire étire mes lèvres, le premier du jour. Le policier n’a pas tort, elle semble effectivement malheureuse, distante, froide. Sauf que contrairement à moi, elle n’a rien auquel se raccrocher. Elle n’a ni famille ni amis. Que des collègues qui ne doivent pas toujours l’apprécier à sa juste valeur.

«Ton collègue ici me propose de t’accueillir dans mon équipe, Chikara, mais il va de soi que la décision ne me revient nullement. Je ne te propose pas une vie de dangers et de gloire comme celle qui te correspond présentement, mais plutôt une existence paisible, une famille et une équipe, un entraînement rigoureux. La décision t’appartient.»

Chikara se retourne vers le policier, surprise de cette proposition qui, visiblement, la prend de court. De toute évidence, elle n’y était pas préparée et ses prunelles oscillent entre moi et son collègue pendant de longues minutes. Après un silence qui dure bien plus longtemps que les convenances, je m’adresse de nouveau à elle.

«Tu n’as pas besoin de rendre ta réponse tout de suite Chikara. Penses-y bien. Je serai à l’Arène lorsque tu auras pris ta décision, Lokins te mènera à moi. Si tu ne viens pas, j’aurai compris que tu souhaites continuer dans la voie que tu as empruntée.»

Avec respect, la Brutalibré s’incline, venant sceller le marché. Ce soir-là, plusieurs heures après que nous nous soyons quittés, je me repose dans le jardin, seule. Je n’ai bien sûr rien dit à Cesar et j’ai réussi à dissimuler mon trouble du mieux que je le pouvais. À présent je me contente d’observer les étoiles en tâchant de trouver réponse à mes trop nombreux questionnements, quand un jappement de Toshi me tire de mes réflexions. Une silhouette se dessine dans la pénombre du jardin, mais je reconnaîtrais ces prunelles ambrées entre mille. Elle est venue.

(c)Golden

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