« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

''Dégage'', de Bryan Adams.
 
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Natsume Shimomura
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MessageSujet: Jusqu'au dernier moment [OS]   Jusqu'au dernier moment [OS] EmptyJeu 15 Oct 2015 - 0:24



Jusqu'au dernier moment

Nova s'était toujours battue.
D'aussi loin qu'elle ne s'en souvienne, elle avait toujours été cette fillette aux longs cheveux bleus qui courrait partout, malgré les innombrables réprimandes de ses tuteurs et nounous, qui revenait toujours couverte de boue et de sable, des pieds à la tête, un grand sourire sur son visage alors que ses parents pleuraient l'état catastrophique des robes qu'ils la poussaient à mettre. C'était toujours avec une fierté non dissimulée, et en dépit des punitions qu'elle accumulait (et dont le record avait même atteint 17 en une semaine, comme elle se plaisait à le répéter dès qu'elle en avait l'occasion), qu'elle n'hésitait jamais à relever les défis des autres enfants de son âge, ou à distribuer quelques coups de poing et autres coups de pied à ceux qu'elle jugeait "méchants". Combien de fois Katya l'avait-elle retrouvée avec des hématomes et autres coupures sur son visage d'ange ? Elle était du genre à se battre encore et encore, jusqu'à trouver satisfaction, jusqu'à pouvoir se dire qu'elle avait tout ce qu'elle pouvait faire, et n'abandonnait en aucune occasion. Katya l'avait toujours admiré pour ça ; après sa tentative de suicide, sa vieille amie lui était apparue comme un modèle de courage et de force, qu'elle ne pouvait qu'espérer égaler un jour ou l'autre, sans jamais trop y croire.
Et même sans ses jolis cheveux bleus dans lesquels elle aimait passer ses mains, sans ses vêtements de garçon manqué qu'elle avait réussi à obtenir à force d'exaspérer ses parents, sans la teinte halée de sa peau dorée par le soleil qu'elle aimait tellement, malgré la maigreur de sa taille, ses os saillants et toutes les machines qui paraissaient la retenir emprisonnée dans ce lit tristement blanc, qu'ils avaient tenté de rendre plus accueillant par des draps, sans succès, elle n'avait pas arrêté de combattre un seul instant. Il y avait toujours dans ses yeux cette même petite lueur joueuse et insolente, ce petit truc qui l'avait tant attiré chez elle, cette joie, cette envie et force de vivre qui la caractérisaient tant. Elle n'avait pas lâché un seul instant.

Elle s'y était attendue, en quelque sorte. Même lorsque la maladie commençait à la ronger de l'intérieur et qu'elle crachait si souvent son propre sang, elle continuait à sourire, les lèvres maculées de pourpre, le teint pâle et les yeux cernés. Les fois où elle l'avait vu pleurer, elle les comptait sur les doigts d'une seule main, et encore ; elle en avait honte, mais bien souvent Nova était celle qui avait dû la réconforter, comme elle le pouvait.
Mais comment allait-elle faire, maintenant, sans elle ? Continuer à vivre comme si elle n'avait pas perdu une part importante d'elle-même, comme si la vie dans toute sa cruauté ne lui avait pas arraché la moitié de sa vie. La question la hante depuis un an maintenant, mais elle n'a toujours pas trouvé de réponse, et elle sait qu'elle n'en trouvera jamais. C'est une interrogation rhétorique qui n'a qu'une seule solution : il n'y a pas de remède. Et l'accepter demande bien plus d'efforts que tous ceux qu'elle avait jamais produit dans sa vie.

« Hey, ma jolie. »

Katya gloussa un peu, doucement, sans enthousiasme, ses lèvres légèrement tordues en ce qui se voulait être un sourire mais qui n'en avait pas l'énergie. Elle alla s'asseoir doucement sur le lit, avant de s'allonger avec lenteur et la plus grande des délicatesses contre elle, le regard posé sur le corps frêle et affaibli de sa petite-amie.

« Avec la tête que je fais, tu arrives encore à dire ça sans avoir honte ?
- Aux dernières nouvelles ce sont mes poumons qui me font défaut, pas mes yeux ! »


La pointe d'humour de la dresseuse ne fit naître aucun sourire sur les lèvres de la brune, qui au mieux grimaça et détourna le regard, mal à l'aise. En la voyant ainsi, Nova soupira et eut une moue peinée.

« Roh, allons...
- Ça va, ça va. »
la coupa assez sèchement la pâtissière.

Puis, après quelques secondes et s'être rendue compte du ton désagréable qu'elle avait emprunté, l'expression de la borgne se fit plus triste et honteuse.

« Excuse-moi.
- C'est pas grave. Oublie. »


Nova tira un peu sur le haut de l'autre jeune femme, et celle-ci, comprenant plus que bien ce signal, se rapprocha et passa ses bras autour du corps collé contre elle. Dans cette position, en fermant les yeux et en oubliant tout autour d'elle, elle pouvait se faire croire qu'elle n'était pas dans une chambre d'hôpital, qu'elles étaient toujours en Suède, quand la crainte d'un examen était encore la chose qui les effrayait le plus. L'illusion ne durait pas, rapidement perturbé par les bips réguliers des machines qui les entouraient comme des présences oppressantes et menaçantes

« J'ai été chercher un peu d'eau, si tu en veux.
- Reste là. »


Katya ne protesta pas. Comment aurait-elle pu, devant un ton qui s'approchait aussi dangereusement de la supplication, sans jamais pourtant franchir la frontière invisible entre cela et la simple demande ? Nova se rapproche le plus possible, comme si elle espérait pouvoir se coller plus alors que c'était pourtant complètement impossible.
Les secondes passent, longues et pourtant loin d'être interminables, s'écoulant bien trop rapidement et lentement à la fois, juste assez pour qu'elles aient le temps de se rendre compte de la vélocité du temps qui passe. Et ce mutisme constant ne disparaît pas, lourd et pressant alors qu'il n'avait pas lieu d'être, comme si elles s'interdisaient de parler par un accord commun pourtant jamais prononcé.
Une main tiède caressa la joue de la malade, qui sourit doucement en sentant ce contact, attendrie par la lueur aimante dans l’œil unique de la jeune fille à côté d'elle. Doucement, et lentement, sans faire attention à son bras tremblant et rendu faible, elle alla attraper d'une main le bandeau de la borgne qu'elle retira  patiemment, sans hâte, en observant son visage pour voir si elle allait l'arrêter, mais ce ne fut pas le cas. D'un air curieux, elle l'observait patiemment, en se demandant ce qu'elle pouvait bien avoir en tête. Puis, finalement, après l'avoir posé sur un oreiller, Nova sourit un peu plus, avec un peu plus de joie sur ses lèvres tant de fois mordues sous le coup de la douleur pour ne pas se retrouver à hurler et crier alors même que tout en elle lui ordonnait de le faire.

« Tu devrais vraiment l'enlever, tu sais. Tu n'as pas à le cacher, cet œil.
- Tu sais pourquoi je fais ça.
- Je pense toujours que ça te va bien mieux. »


Katya soupira, ignorant volontairement les gloussements taquins de sa petite-amie.

« Tu vas me bouder ?
- Pas aujourd'hui. »


Sa phrase est accueillie par un très lourd silence. Même Nova ne se risquerait pas à faire de blague sur ce sujet, vu à quel point l'amertume dans le ton de la jeune fille à l’œil rouge était palpable.

« Je peux te dire quelque chose ? »

Katya la scruta du regard, interdite et curieuse tout à la fois, oubliant momentanément le bip régulier des machines autour d'elles. Elle hocha de la tête.

« Tu sais, à la base, je voulais vraiment, vraiment, qu'on ait une vie banale. »

Nova gloussa un peu, sans grand enthousiasme, un rictus amusé au coin des lèvres, quoique il avait en réalité l'air plus caustique qu’autre chose.

« C'est con parce que la vie banale, je l'ai eu pendant toute mon enfance. Je sais que y'a pas plus chiant que se coltiner toute la journée les mêmes conneries et les mêmes habitudes. Quand j'étais gosse, je voulais à tout prix échapper à ça, de n'importe quelle manière. Je voulais vivre sans jamais avoir une seconde de repos. »

La jeune femme rit un peu.

« J'étais tout autant stupide que mes parents, à vouloir me rendre intéressante et originale comme ça, à chercher avant tout à être différent d'eux plutôt que de vivre pour moi. Et je l'avais même pas remarqué, persuadée que j'étais d'avoir raison et d'être la seule à avoir un peu de bon sens. »

Katya reste silencieuse. Elle aimerait l'arrêter et la contredire, mais elle se rend compte qu'ici, Nova ne cherche pas de débat : elle pose son point, sans concessions. Jamais de toute façon n'était-elle tombée dans les excès d'excuses au sujet de sa propre personne, ce qui était d'ailleurs une capacité qui avait toujours plu à la borgne, charmée par la lucidité de l'autre depuis quelques années déjà. Toutefois, quand ces yeux bleus aimants et teintés de tant d'affection qu'il en devenait impossible de ne pas la voir se posèrent sur elle et qu'un sourire tendre se dessina sur ses lèvres, Katya su tout de suite qu'elle allait perdre en objectivité d'une seconde à l'autre.

« Mais fallait que tu viennes tout foutre en l'air, hein ? »

Une des mains de la dresseuse passa doucement autour de la taille de la coordinatrice pour la rapprocher, sans pression, et la force qu'elle avait mis était si minime que Katya avait en réalité dû se rapprocher par elle-même.

« Fallait que tu me fasses penser que c'était pas si mal que ça en fait, le calme. Que c'était même quelque chose que je voulais. De me dire que ce que je préférais c'était pas de faire les choux gras des journalistes en manque d'info qui sautaient sur les informations au sujet de mes conneries, mais plutôt de savoir que t'étais en sécurité contre moi. »

Ignorant la teinte légèrement rose qui commençait à orner les joues de la Peterson, elle continua sans la moindre honte.

« T'as tout remis en question. Tout le temps. Et moi j'étais trop stupide pour ne pas voir la vérité en face, et je t'ai abandonnée. »

Nova baissa les yeux durant quelques secondes.

« Je... Je relancerais pas le sujet. Tu sais que je m'en veux et que c'était la pire connerie de ma vie. Mais quand t'es partie, je... Je comprenais petit à petit que c'était fini. Je ne l'avait pas compris moi-même avant, tu sais, même si c'était de ma faute. Et à chaque petite chose qui me faisait penser à toi, je crois que j'avais envie de hurler. De faire tout le chemin en avion, d'envoyer tout voler, et si il le fallait me mettre à genoux pour que tu me pardonnes, je l'aurais fait. Je... C'est con hein ? J'avais toujours voulu éviter d'être enfermée d'une quelconque façon que ce soit, et j'aurais jeté la clé moi-même si ça avait voulu dire que je pouvais te récupérer. »

Elle déglutit, puis finit par rire d'un air mal à l'aise.

« Et là, on me dit que j'ai un cancer. Comme ça, bam. J'avais rien vu venir. Alors oui, je respirais un peu plus fort après avoir fait du sport, mais je croyais que au pire, c'était une connerie du style asthme temporaire, et ça s'arrêterait à ça. Mais non. Le médecin a eu beau enveloppé tout ça dans des tonnes et des tonnes de jolis mots rassurants, ben.. J'allais quand même crever. Ils m'avaient moins de deux ans au départ, on va dire que c'est déjà pas mal que je leur ai prouvé le contraire. »

Des tremblements agitent Katya alors qu'elle parle. La borgne ferme hermétiquement ses yeux et la dresseuse voit rien qu'au froncement de ses traits qu'elle se démène pour ne pas pleurer comme elle aurait pourtant sûrement envie de le faire.

« C'est con que j'ai seulement réagi là, hein ? Que je me dise que je devais venir te voir, même si tu me jetais. J'avais plus trop de temps pour réfléchir aux conséquences de toute façon. »

La voix de Nova perd de son assurance.  

« Et j'étais tellement folle de joie que tu veuilles bien me pardonner que j'ai cru que je pourrais éviter le sujet pendant des mois. »

Elle ne reparlerait pas de ce fameux jour. Il avait suffit d'une seule fois où elle avait oublié ses papiers pour que Katya les trouve, et Arceus, elle ne l'avait jamais vu dans un tel état de colère ; brièvement, Nova avait cru que si ce n'était pas le cancer qui le tuerait,  ce serait la coordinatrice en lui dévissant manuellement la tête.

« Maintenant, le seul truc que je veux, c'est de pouvoir avoir cette vie monotone à la con. Les dimanches sans fin devant la télé à s'emmerder parce que y'a que des documentaires sur le ping-pong. »

Sa phrase fit ricaner la Peterson qui, durant une seconde, en aurait presque oublié la toux crachotante de l'autre.

« C'est dommage. Je voulais vraiment, vraiment qu'on aille faire ce tour du monde, tu sais. Et qu'on ait une maison qu'on réparerait jamais vraiment complètement, avec une gamine ou deux qui nous prendraient tellement de temps qu'on en aurait perdu la tête. »

Katya gloussa.

« Tu aurais fait une mère catastrophique.
- Et j'aurais jamais su comment bricoler la moindre chose. On aurait passé des journées entières à pleurer sur des meubles ikea.
- L'ironie est assez belle.
- Pas plus que toi en robe, en tous cas. »


Une ombre de rouge passa sur le visage de la brune, qui leva les yeux au ciel d'un air exaspéré, tentant naïvement de dissimuler son embarras.

« Tu fais l'inventaire des choses les plus niaises à me dire ?
- Exactement. »


Pas d'humour ici. La voix de la dresseuse est étonnamment sérieuse, teintée d'une certaine douceur et d'une tendresse à peine dissimules, surtout pas dans son regard aimant qui fixe la borgne sans qu'elle ne perde une seule seconde de son intérêt.

« Je veux que tu te souviennes de tout ce que je t'ai dit quand tu en auras besoin. Que tu aies ce souvenir de moi pour t'accompagner, et pas celui de la fille qui vomissait du sang à tes côtés pendant des mois. Parce que je veux que tu continues. »

La gorge de Katya s'est nouée. Elle ne parle plus, rendue muette, l’œil humide.

« Parce que tu vas continuer. Ce n'est pas une question. Je ne serais pas là pour le voir, mais tu vas continuer à faire tout ce que tu faisais.
- Tu-
- Non. Tu iras bien, Kat. Même sans moi. »


Les premiers sanglots viennent de briser le calme religieux de la chambre. Nova soupire alors que les pleurs de sa petite-amie achèvent de détruire le peu de normalité et de paix qu'elles avaient tenté de faire survivre. C'était un espoir inutile de toute façon, que de croire que cela aurait changé quoi que ce soit que d'ignorer l'éléphant dans la pièce.  

« Tu peux les faire rentrer, s'il te plaît ? »

Durant quelques secondes, Nova a l'impression que Katya n'y arrivera pas. Elle semble sur le bord de la crise de larmes, mais elle finit par serrer les dents, hoquette et sursaute, puis hoche péniblement de la tête. La borgne dépose un baiser doux sur le front de la dresseuse et s'éloigne avec lenteur, cherchant à drainer ce moment en longueur alors qu'elle sait très bien qu'au final, rien ne changera.
Etrange, à quel point elle est entourée maintenant, alors qu'elle avait passé la plus grande partie de sa vie dans une cage dorée, enfermée dans sa chambre, loin du monde extérieur qu'elle avait tant tenté de connaître mais que l'on lui refusait encore et encore. La pièce se remplit vite, et un sourire un peu amusé se dessine sur son visage en voyant Natsume porter aussi attention à Katya, malgré le fait qu'il tente de le dissimuler.

« Tu prends soin d'elle, d'accord ? Si y'a vraiment quelque chose d'après et que j'apprends que tu ne l'as pas fait, je reviens d'entre les morts en zombie pour te bouffer ton cerveau. »

L'éleveur ne parvient pas à rire ; un rictus sec naît, mais rien de plus. Il a cette tête que beaucoup ont, aujourd'hui. Isaac est tout près, juste derrière Katya, le visage grave. Faust est peut-être le seul à ne pas afficher de peine sur son visage, mais Nova sait bien que la seule et unique raison est qu'elle lui a explicitement demandé il y a plus d'un an maintenant. Le conseiller, à force d'habitude, parvient à rester de marbre ; ce n'est après tout qu'une apparence qu'il maîtrise pourtant diablement bien, comme une seconde peau qu'il revêt sans difficulté. Près de son lit, ses pokémon font une ronde et l'observent en silence.

« J'suis célèbre, faut croire... »

Les seuls rires que ses mots émettent sont des rires gênés. Rien de plus. La pointe d'humour qu'elle a tenté de glisser avec la discrétion d'un dromadaire dans un couvent ne passe tout simplement pas.
Un silence finit par s'installer alors que Katya est retournée près d'elle, sans gêne alors même qu'elle s'est collée contre sa petite-amie en s'y accrochant presque. Natsume n'arrive même pas à répliquer, le visage sombre et les dents serrés, la gorge nouée.

« Donc, quelqu'un veut poser une question ? C'est le moment ou jamais. »

Même parler est difficile pour elle, c'est visible d'un simple coup d'oeil. L'adolescent ne sait pas par quel miracle elle arrive à le faire, ayant lui-même une idée de ce que peut être une douleur au poumon alors que les siennes ne sont rien en comparaison de celles qui tourmentaient continuellement la jeune femme depuis plus d'un an. Lui, il se souvenait s'être déjà tordu, avoir perdu toute capacité à réfléchir et parlé, tant la douleur de ce qu'il ne pourrait pas qualifier autrement que celle d'un million de petites lames édentées s'étendant encore et encore dans son corps. Et ce qu'il savait, c'était qu'elle avait vécu bien, bien pire. Tous les jours. Chaque nuit en tentant d'apaiser Katya, rendue folle d'inquiétude par les toux ensanglantées qui maculaient le blanc de chaque évier qu'elle approchait, ou parfois même le sol quand la fatigue était telle qu'elle ne parvenait même plus à se déplacer.
Elle avait essayé. Encore, encore, et encore, alors même que son corps tout entier l'abandonnait et qu'elle se retrouvait affaiblie par les médicaments. Mais même toute la volonté du monde n'avait pas suffit.

« A-arrête. S'il te plaît. »

Nova se tait, et une expression de peine se dévoile sur son visage alors que ses mains, alourdies et marquées par les perfusions, viennent tendrement écarter les cheveux qui voilent le regard de la brune. Elle expire comme elle le peut en lui caressant la joue, la respiration toujours aussi sifflante, puis finit par soupirer. Saisie d'une quinte de toux, elle éloigna brusquement sa tête, mais la dresseuse soupira de soulagement en voyant que ses mains étaient intactes. Elle finit par sourire un peu tristement.

« Donc, on y va ? »

Un mutisme complet lui répond. Elle a même l'impression, durant un instant, que personne ne lui répondra. Puis finalement, alors qu'un premier sanglot se fait entendre dans la plus grand discrétion, Katya hoche de la tête. S'en suit un plus puissant, qui semble venir de loin, bien plus sonore et désarticulé. Mais elle se mord les lèvres, obstinée à se taire. Sans rien dire, Isaac sortit, laissant la pièce das le silence alors que Nova tentait, sans succès, de réconforter la jeune femme contre elle.

« Je... Je s-sais que c'est égoïste mais est-ce que tu pourrais... »

Elle ne parvient pas à terminer sa phrase, car Katya comprend bien vite. Avec rage et frustration, la Peterson efface ses larmes et se frotter les yeux presque brutalement, avant de ravaler sa salive et de, par un miracle pur et simple, parvenir à s'empêcher de pleurer.
Quelques instants passent, puis un médecin rentre, salue platement les personnes présentes dans la salle, et, sous la surveillance de deux infirmières et d'un de ses collègues, finit par présenter seringue remplie d'un liquide translucide. Le cœur de Nova manque un battement. Une nouvelle fois, on lui demande si elle est bien sûre et certaine de son choix, au point qu'elle finit par soupirer, lasse d'entendre encore et encore cette question depuis des mois maintenant.

Un ange passe. Pas un mot n'est prononcé alors que l'aiguille s'enfonce dans une des veines de la malade, qui sourit doucement. Le personnel reste dans un coin, sans se faire remarquer.
Si Nova ne les a pas remarqué, Natsume les voit, lui, les traces rouges dans les paumes de Katya, griffées par ses propres ongles jusqu'au sang. Mais elle ne pleure pas, encore, la tête posée contre la poitrine de sa petite-amie, l'oreille près de son cœur, pour pouvoir en entendre les battements jusqu'au dernier moment
Mais finalement, ce n'est pas Katya qui craque. Non, à la place, ce sont les yeux de Nova qui s'humidifient, et ses bras frêles finissent par serrer le corps de l'autre contre elle, alors que des pleurs lui échappent sans qu'elle ne puisse les contrôler.

« P-pardon... »

Katya sait qu'elle n'a pas beaucoup de temps. Plus grand chose, à vrai dire, alors elle s'empresse de déposer un baiser chaste mais empli de tendresse sur ses lèvres, puis de la forcer à relever le regard pour lui offrir le sourire le plus sincère qu'elle peut faire naître en cet instant où tout son être se déchire de l'intérieur.  

« Je t'aime, tu sais ? »

Nova hoche de la tête aussi vivement qu'elle le peut, mais on sent déjà dans ses gestes une certaine lenteur. Sa respiration semble se calmer tandis que Katya la pousse à poser sa tête sous son menton, pour qu'elle puisse s'enfouir et se cacher, calmée par l'odeur qui inhibe ses narines et la présence douce, rassurante et chaude contre elle. Les sanglots disparaissent, remplacés par le son des inspirations et expirations de Nova contre Katya.
Petit à petit, elles se font plus longues. La borgne embrasse le sommet du crâne de la jeune femme, et encore une fois après cela, jusqu'à ce qu'elle ne sente que la poitrine de l'autre ralentit son mouvement. Elle s'écarte un peu, les yeux écarquillés et remarque que la malade a fermé les siens.
Les bips aigus continuent pourtant, même si la machine montre que les battements diminuent peu à peu en intensité et que leur rythme s'est fait moindre.
Katya resserre un peu sa prise, et l'atmosphère se fait de plus en plus lourde.
Puis, finalement, un son strident résonne dans la pièce.

Les médecins, respectueusement, vont débrancher les machines dans un silence religieux. Personne n'ose dire quoi que ce soit. Un geignement résonne alors dans la pièce, jusqu'à ce que les épaules de Katya ne commencent à tressauter. Puis finalement, elle pleure, de toutes ses forces, à s'en déchirer la voix, au point que sa vision ne doit être plus qu'un tas d'images floues.
Natsume est le premier à réagir, à sortir de cette transe lourde et pesante qui semblait tous les paralyser. Il n'attend pas pour se rapprocher, il vient attraper la borgne contre elle, l'emprisonne dans ses bras alors qu'elle hurle, sous les regards peinés, parfois humides, des autres témoins. Il serre les dents en la sentant le blesser à cause de la force de sa poigne, et n'abandonne pas avant qu'elle n'ait fini par cesser de se battre, et finalement pleurer toutes les larmes de son corps contre lui.
Nova s'était toujours battue. Et maintenant, c'était à leur tour ; il  leur faudrait trouver cette énergie pour trouver la force de continuer, et que cet esprit les accompagne. Mais ils déposaient les armes aujourd'hui, vaincus par une douleur qui resterait à jamais enracinée dans leurs cœurs.
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