Baby-sitting non rémunéré

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« Alleeeeeeeez, viens ! Y'a des pokémon partout aujourd'hui !
- Y'en a partout tout le temps ici, on est dans une forêt, Alice...
- Regarde, là ! Des Vivaldaims !
- Ce sont des buissons.
- Mais ça ressemblait quand même beaucoup à des Vivaldaims... »

Natsume soupira d'un air un peu blasé devant l'enthousiasme de la fillette. Si d'ordinaire il n'était déjà pas aussi surexcité qu'elle lors des sorties, sa fatigue du jour ne l'aidait en rien à se motiver davantage. Il n'avait pas refusé à Alice de l'emmener dehors lorsqu'elle le lui avait demandé, mais il commençait tout de même à avoir des regrets. Pas qu'il était un horrible monstre qui détestait la gamine, hein, mais il avait tout de même besoin de sommeil et de repos, ce qu'il n'aurait pas en prenant du temps pour emmener Alice dehors. Mais il fallait dire que cela l'arrangeait bien de faire ça : Faust arrêterait peut-être de lui faire des sermons tous les matins en voyant les cernes sous ses yeux, signe du manque évident de sommeil dont il souffrait ces derniers jours. Et ce n'était pas seulement dû aux causes habituelles, c'est-à-dire une surdose volontaire de travail.
Ou, du moins, s'occuper de ses pokémon (qui même si ils étaient pour la plupart très autonomes, nécessitaient son attention), du jardin (c'est apparemment vital, oui),  de son stage à la pension et enfin de chercher un tout petit peu de temps pour avancer dans ses recherches n'aidait vraiment pas à améliorer son état. Si comme d'ordinaire qu'il se surmène suscitait l'agacement de ses proches, il fallait ajouter à tout ça une chose en particulier : Winter. Foutue Winter qui utilisait tout le reste de son énergie, presque tous les jours, et le laissait épuisé, autant émotionnellement que physiquement. Sa dernière trouvaille étant été de lui faire subir les facéties sadiques de Circée, il en faisait encore des cauchemars la nuit. Revoir le cadavre de sa mère parce que la Branette avait voulu lui faire un coup bas, agacée par le fait qu'il restait bien trop calme, n'avait pas été agréable du tout. Et Winnie n'ayant pas une once de pitié, elle ne se gênait pas pour lui en demander plus à chaque fois, si bien qu'il peinait parfois même à marcher, tant ses membres pouvaient être lourds.

Mais pour éviter que quiconque ne se doute de quelque chose, il fallait serrer les dents et continuer à faire comme si il ne mourrait pas d'envie de s'écraser quelque part pour y dormir. Avec son teint blanc, ses yeux cernés et la lassitude qui se sentait même dans sa voix, il n'aurait convaincu personne, d'ailleurs. Et surtout pas elle.

« En effet. Mais regarde, là, il y en a un, tout près. » dit Katya d'un ton doux en se penchant plus près de la fillette.

Alice écarquilla les yeux en remarquant la petite créature qui broutait tout près d'ici, et des lueurs émerveillées illuminèrent son regard. Natsume ne dit rien, envieux de la capacité de la brune à sourire ainsi et garder la face alors qu'elle était dans un état bien pire que le sien.

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La jalousie n'était pas le grand défaut de Natsume, ni l'envie, d'ailleurs. Mais il ne pouvait pas vraiment mentir sur le fait qu'il aurait aimé pouvoir être comme Katya, à cacher aussi bien qu'elle le faisait maintenant ce qui lui tourmentait l'esprit depuis presque trois semaines déjà. Si les premiers jours avaient été chaotiques, difficiles à abrupts après la mort de Nova, et que la Peterson s'était enfermée dans un silence presque inquiétant, elle était peu à peu revenue vers eux. Avec discrétion comme toujours, sans jamais montrer quoi que ce soit, ignorant plus ou moins bien les regards parfois emplis de compassion et de pitié dirigés vers elle. C'était même elle, une fois, qui s'était chargée de réconforter Alice après que celle-ci se soit mise à pleurer à chaudes larmes, encore sous le choc du deuil. Isaac lui avait dit, toutefois, lorsqu'il avait fait remarqué une fois qu'ils furent seuls le calme étrange de la brune, qu'il ne s'agissait là que d'apparence. Elle s'accrochait car il fallait s'accrocher, voilà tout.
C'était ce qu'il faisait également, en quelque sorte. Si le fait de prouver à Winnie qu'il n'allait pas reculer malgré toutes les immondicités qu'elle pouvait mettre devant lui était déjà hautement satisfaisant (sa tête lorsqu'il l'avait faite tomber grâce à une balayette, il s'en souviendrait toute sa vie et il en souriait encore, c'était dire), ce n'était pas vraiment sa motivation principale. Il n'avait plus assez d'ego ou d'orgueil pour être à ce point obstiné à prouver sa volonté à une seule personne. Mais lorsqu'il envisageait l'idée d'abandonner, il n'y avait plus qu'un vide creux dans sa poitrine : que faire, donc, si il laissait tomber ? Rester dans un coin, à observer, sans jamais lever le petit doigt ? Être un témoin impuissant et inutile, un fardeau de plus pour les autre, une chose pathétique et faiblarde ? Cette simple création de son imagination suffisait à le révulser suffisamment pour qu'il se relève lorsque la championne le mettait à terre, ou quand la fatigue menaçait de l'emporter dans les bras pourtant très attirants de Morphée au cours de ses révisions et recherches. Recherches qui piétinaient d’ailleurs, vu le peu de temps dont il disposait ces temps-ci et l'état de son cerveau, plein d'angoisse, de nervosité et de pensées noires. Alors tant pis, il s’accrochait en serrant les dents, en priant à chaque coup, sans y croire un seul instant, pour que ce soit le dernier, et en sachant pertinemment qu'il ne serait jamais récompensé par sa persistance autrement que par un peu d'estime de soi.

Mais néanmoins, face au sourire de Katya devant Alice et le fait qu'elle mettait le peu d'énergie qu'elle avait dans le seul objectif d'offrir une après-midi sympathique à la fillette, il n'était vraiment pas grand chose. Enfin, ce n'était pas comme si le positivisme naïf ou l'optimisme à deux francs qu'on pouvait lui servir était vraiment son truc, mais même avec toute sa bonne volonté et ses efforts, il n'arrivait pas à agir ainsi. Il fallait croire qu'il était un peu condamné à être l'emmerdeur de service, en dépit de ce qu'il pouvait bien en penser.
La créature qu'avait remarqué la borgne était accompagnée d'une Nanméouie qui s'enticha immédiatement d'Alice, l'invitant à jouer avec eux. La gamine sauta sur l'occasion, sous les regards attendris des deux plus vieux, dont le visage se fendirent d'un sourire court et discret. Au moins, tant qu'elle s'amusait et se détendait, ils n'avaient plus à supporter le fait de la voir pleurer.

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Il n'y pouvait rien, si la fatigue commençait à s'accumuler de telle sorte qu'il ne savait plus où donne de la tête. C'était arrivé à ce niveau où il n'arrivait plus à réfléchir de façon objective, sans que son esprit ne soit envahi d'une centaine de pensées négatives, profitant de la confusion dans laquelle il se trouvait pour venir se précipiter. Pas qu'il soit dans un état de déprime intense, non, loin de là, il a suffisamment de résistance mentale pour ne pas laisser la moindre faiblesse venir l'ébranler, mais disons que depuis quelques jours, son lit semblait à chaque fois le plus grand des réconforts qu'on pouvait lui offrir. Ce n'était pas qu'il était difficile d'être productif et positif quant corps et esprits étaient en même temps épuisés, mais si.
Alice, au moins, gardait le sourire. Enfin, vu la difficulté qu'elle avait eu à s'arrêter de pleurer après la mort de Nova, c'était un miracle qu'elle soit d'aussi bonne humeur aujourd'hui. La présence de Katya y était sûrement pour beaucoup ; si la suédoise venait un peu moins, il n'empêchait que la fillette admirait toujours autant la borgne et que la voir lui redonnait presque automatiquement le sourire. Natsume se demandait parfois comment une jeune femme aussi austère et froide que Katya pouvait bien avoir cet effet sur des enfants ; mais vu la douceur de ses sourires et sa gentillesse avec la petite fille, il n'y avait en fait pas tant de questions que ça à se poser. Il fallait croire qu'elle avait plus de facilité avec les plus petits, même si cela ne l'avait jamais empêché de le frapper.

Toshiro, encore à moitié endormi, ouvrit un œil lorsqu'il entendit les sons de jeux en provenance du Nanméouïe et de la fillette. Si le Chamallot parut vouloir grogner, il fut vite interrompu par un léger coup de pied sur ses pattes de la part de son dresseur, qu'il voulut assassiner du regard, mais sans succès. Tel dresseur, tel pokémon, et le proverbe n'a jamais été si bien présenté que maintenant.
Toutefois, deux rictus amusés, identiques, finirent par s'étirer sur leurs visages devant le ridicule de la situation.

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Il aurait pu s'endormir si il n'avait pas été gardé éveillé par le chant désagréable et suraigu d'une Etourmi d'humeur à gueuler et hurler sans raison. L'air mécontent, il pesta et grommela, jetant un regard mauvais au piaf qui avait eu l'audace d'essayer de le tirer loin des bras chaleureux et doux de Morphée. Un échange silencieux avec Toshiro permit au Chamallot de comprendre ce quil avait à faire, et déjà le pokémon feu lâchait des gerbes de flammes en direction de l'oiseau, qui se vit ainsi forcée de partir rapidement. Peu d'humeur à entendre les caprices d'un quelconque piaf (déjà qu'il avait du mal avec ces bestioles), son humeur maussade ne l'aidait pas à désirer autre chose que le calme. Tant qu'Alice était distraite et que Katya ne retombait pas dans la déprime, il estimait qu'il pouvait s'éloigner un peu des autres, et profiter de manière indirecte du peu de repos qu'il arrivait à obtenir. Tout ce qu'il désirait à cet instant, c'était un bain très chaud, rempli de bulles et de mousse, au point qu'il pourrait s'y perdre ; déjà qu'il aimait beaucoup les bains en temps normal (bonjour les stéréotypes), là, son plus grand rêve était d'oublier ne serait-ce que momentanément ses soucis dans l'eau chaude. Mais bien évidemment, dès qu'il serait de retour dans sa chambre, il suffirait qu'il voit durant ne serait-ce qu'une seconde qu'il avait du boulot sur le bureau et il replongerait dedans. Au départ, ce serait innocent ; il remarquerait une erreur sur une de ses feuilles ou le bordel l'interpellerait, plus il s'installerait, et il finirait par s'endormir deux heures après. Et ensuite, à coup sûr, il aurait droit à des leçons de morale insupportables. Yippee.

Alice avait fini par faire sortir ses autres pokémon, de sorte qu'elle était maintenant entourée de son Sabelette, son Tarsal et  sa Munna participaient à leurs jeux. Le Nanméouie, ravi d'avoir de la compagnie, semblait déborder de joie. Katya gloussa doucement en voyant la fillette se mettre à courir après son Sabelette, car apparemment, « c'était elle le loup ».

« Je me demande d'où elle tire toute cette énergie, quand même...
- Si je le savais, je ferais des expériences et j’extrairais l'essence.
- ... Tu es dérangeant, quand tu t'y mets. »

Un rictus amusé s'étira sur le visage du Shimomura, avant qu'il ne rit légèrement.

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Si ses recherches piétinaient tant que c'en était ridicule, il restait toutefois un point qui le taraudait et lui faisait se poser de sérieuses questions : un petit détail qu'il avait remarqué, la dernière fois qu'il avait eu le temps de travailler sérieusement. Un rien du tout, quelque chose sans aucune importance au premier regard, mais qui continuait de le hanter alors même que de nombreuses nuits s'étaient déjà écoulées. Si il connaissait la composition de certaines espèces chimiques particulières, lorsqu'elles provenaient d'un couple de pokémon spécifiques, il ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui se passerait si il les associait à d'autres espèces. Il avait bien quelque idée, mais son instinct continuait de le persuader que le résultat ne serait pas aussi bénéfique qu'il l'espérait, et ses premières théories confirmaient cette impression. Toutefois, la curiosité dévorante qui existait en lui continuait de lui murmurer et susurrer qu'il n'y avait après tout rien de mal à essayer, ne serait-ce que pour voir et en apprendre plus. Une autre partie protestait, disait que faire des essais en sachant à l'avance qu'elles ne mèneraient à rien de positif n'était qu'une perte de temps prodigieuse et dangereuse. Mais encore et toujours, et avec lui cela n'avait rien d'étonnant, la curiosité continuait de l'emporter. Trop séduisante et maligne, elle se glissait insidieusement dans les formules les plus innocentes, qu'on aurait jamais suspecté de cacher des pensées qui l'étaient moins.

Si il faisait ce qu'il avait en tête, que risquait-il, concrètement... ? Justement, le souci était qu'il ne le savait pas encore, et c'était aussi ce qui rendait toute cette hypothèse si intéressante. Si il voulait le découvrir et en avoir le cœur net, il faudrait tester, et prendre le risque de créer quelque chose de potentiellement dangereux... Mais au moins, sa curiosité serait alors satisfaite. Mais le serait-elle vraiment, un jour ? Est-ce qu'il n'allait pas juste faire un pas là où il n'aurait plus pied ? L'hésitation le démangeait de plus en plus, alors qu'il pesait les pour et les contre dans son esprit, cherchant si possible une échappatoire au dilemme qu'il traversait. La réponse ne lui vint pas, mais en tous cas, son attention fut capturée par un éclair noirâtre, qui zigzaguait par ici. Lorsque la créature s'arrête quelques instants, Natsume put enfin l'identifier, et immédiatement son visage morne parut s'éclairer.

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Son amour pour les chenilles avait commencé tôt. Dès que Nagisa avait capturé Rogue et que celle-ci était devenu sa 'nounou', si l'on veut, les choses avaient été scellées. Il avait commencé par les petits livres de lecture, adaptés à son âge et à sa méconnaissance de ces pokémon, devant souvent s'en réferrer à des dictionnaires quand des mots bien trop compliqués stopaient sa progression. Et oh, ce n'avait pas été simple, loin de là. Il n'était pas née avec une connaissance parfaite des choses, et combien de fois avait-il geint de frustration en remarquant qu'il ne comprenait absolument rien à ce qu'il lisait ? Mais il avait continué à lire, encore et encore, à écouter les documentaires qui passaient à la télévision, à aller écouter attentivement les conférences ouvertes au public, à acheter un livre de temps à autre. C'était peut-être une des seules choses qui pouvait bien l'intéresser à une période, et sa passion pour les insectes s'était développée en même temps que celles pour les végétaux. Il l'avait nourrie patiemment, constamment, et il en était maintenant arrivé à un point où il aurait pu parler pendant des heures et des heures sans s'arrêter. Et tout cela, toutes ces connaissances emmagasinées et ces travaux envisagés avaient commencé par une petite Lépidonille.

Il était donc évident qu’apercevoir une de ces créatures allait lui faire plaisir. Un sourire niais et bêta s'était déjà dessiné sur son visage alors qu'il observait la chenille faire des allers et retours fréquents entre plusieurs points, pour rendre confus l'Etourmi qui lui cherchait des noises. Impressionné par la vitesse de la chenille, le Shimomura cligna des yeux et gloussa un peu, se demandant ce qu'il pouvait bien avoir mangé pour avoir tant d'énergie. Il essaya de s'en rapprocher calmement et sans précautions inutiles, et fut étonné de constater que le Lépidonille le laissait faire, quoique il était curieux. Mais dès qu'il remarqua le Nanméouie, il poussa un cri de joie et se précipita vers lui. Lorsque Natsume, quelques heures plus tard, vit qu'Alice voulait laisser le Nanméouie venir avec eux, et que le Lépidonille n'avait pas vraiment envie de le laisser partir comme ça, un sourire malicieux s'était affiché sur son visage.

« Hé bien, j'ai peut-être une solution au problème... »

Ah, ça... La rapide ball vide à sa ceinture en était une excellente.