Cette période présente est assez étrange pour moi. J’ai encore fait d’autres rencontres, dont celle avec mon lointain passé et ma tante, en quelque sorte. Pour être tout à fait honnête, je n’en suis pas à me dire que ma vie va changer pour ces 5 premières années oubliées depuis si longtemps, et dont je peine encore véritablement à me rappeler. Il m’est difficile de juger si cela est important, mais pour sur, j’en reviens encore et toujours à m’interroger sur ce qui je peux bien être, dans ce monde complètement frapadingue. Nagel, Onizuka, « notre Riku », « Sa Riku », Miss Anarchy, Riku. C’est bien étrange. J’ai du mal à mettre des mots sur ces doutes existentiels, probablement car ce n’est pas le genre de chose dont on peut parler à tête reposée. Et sûrement pas avec l’énergumène qui trimbale son panier rempli de cèpes et des quelques trompettes de morts (apparemment c’est hyper bon, mais pour moi, ça reste des moisissures géantes et gluantes)… Quoique, je sais pas trop. Nous nous sommes arrêtés un petit moment dans une clairière pour laisser le temps à Ludwig de réaliser sont grand rêve de faire sa petite commission au milieu de la nature (sisi), surveillé d’une oreille attentive par Sophie et Irma, ainsi que ses cousins adorés. S’agirait pas de nous refaire le coup du lac! On est bien ici, un peu au soleil, ça me plairait de rester dans le coin, et je crois que ça va être le cas, car Ludwig est déjà reparti dans les feuillages en balançant un bâton en tous sens, accompagné de ses fidèles loutres, en criant comme un tout petit chef de guerre.

« T’éloignes pas trop, hein? »

La phrase d’Alex me tire de mes pensées alors qu’il s’accroupit pour faire l’inventaire de la cueillette de champignon du jour, et que Lulu répondit d’un « ouiiiiiiii » tout mignon en agitant son baton pour nous faire coucou.

« Regardes-toi, t’es un vrai daddycool ringard. Et tu cueilles même des champignons. »
« Oh, je fais ce que je peux. »

Oh, ça, je le sais, moi aussi, c’est pas facile tous les jours! Ludwig à totalement chamboulé nos vies. Bon, pas plus que ce message vocal écouté il y a une demi-heure qui vient de changer mes perspectives de vie (enfin, non quand même pas, mais c’était marquant). Elever un gamin est probablement la chose la plus difficile qu’on ait jamais eu à faire.. Il n’y a pas que ça… Bon, c’est probablement un argument à la con pour parler indirectement de mes doutes.

« Eh Alex? Euh… Ça t’es déjà arrivé d’être un peu euh… fasciné par quelqu’un? »
« ... Hm.. Je crois bien oui. »

Vraiment? Je m’attendais à une moquerie prévisible. Il semble très sérieux et fait même volte-face vers moi, l’air grave. Non, il a vraiment l’air sérieux, que ça en fait peur. Sa voix est hésitante, semble un peu penaude.

« Sérieux? Je peux te demander qui? »
« Ouais.. J’en ai jamais trop parlé, tu sais. Enfin, tu serais bien la première à qui j’en causerais. »
« Arrêtes, t’as vraiment eu ce genre de… de lien? Toi? Enfin, c’est étrange comme truc, pas vrai? Allez, tu me dis qui c’est? »
« Ah, ça, oui, c’est quand je me lève tous les matins, que je marche quelques mètres vers le nord et… que je me vois dans le miroir de ma chambre. Je suis tellement beau et fascinant, je n’en reviens toujours pas.. Arceus me tripote, quel étrange impression passionnante. »

Silence consterné. Je lance un regard noir et une moue dégoûtée à l’autre débile. Puis je me renfrogne. C’est bien ce qui me semblait, j’aurais pas du lui demander.

« Mais t’es vraiment trop con en fait... »
« C’est mon métier! Pauvre débile, tu t’attendais à quoi?! »
« C’est bon, ta gueule, crétin, arrêtes de sautiller dans tous les sens, on dirait que t'as 3 ans! »
« Wow, tu me surestimes! La tête que t’as tiré, c’était trop bon genre… « Oh, oh.. Alex va… oh, il va se confier à moi il a donc… un petit cœur de beurre tout mou… ? ». J’adooore comment tu t’es décomposée, tu ressemblais à ce vieux cèpe tout rongé par les vers, là, miam! »
« Espèce de petit merdeux de cabotin minable, ne me traites plus jamais de cèpe! J’vais te tuer! »

Donc, voila, ma dernière phrase à peine finie, j’ai commencé à me jeter sur Alex pour lui tirer les cheveux et les joues, et que ce dernier a commencé à riposter en faisant de même, et en entreprenant de me débarasser de mes docs martens pour m’infliger l’ultime supplice des chatouilles sous la plante des pieds. Oh, non, je ne le laisserais pas faire! Comme enragée, je roule en tous sens et donne des coups à l’autre qui ne me lâche pas d’une seule semelle et me tient bien fermement, et parvient le premier à me plaquer au sol. Oh, ce n’est pas fini! Je pourrais à mon tour lui balancer un bon coup de pied dans les bijoux de famille, enfin, vous voyez. Quoique, ce serait peut-être un peu salaud. Ah, trop tard je peux plus bouger. Merdouille! Mais non, il me reste encore une échappatoire! Pendant un moment d’inattention, je choppe ses lunettes en train de se casser la gueule à force d’agitation, et commence à baver dessus de manière copieuse. Hilare, le cousin réplique que cela ne change rien, car il m’a de toute façon à sa merci, et qu’il faudra bien que j’abandonne tout espoir, au nom du supplice ultime qu’il est prêt à me faire subir, paré à se vautrer en travers du chemin pour faire prisonnier mon pied. Iiiiiiih… Non, je veux pas que ce pied soit chatouillé, pitié!

« Pouah, c’est tout ce dont t’es capable?! »
« Prépares-toi à implorer pour ta vie, espèce de fripouille! »

Je fais la maligne, mais vu que ma Doc’s est partie visiter les feuillages, je n’ai plus trop d’espoir de m’en sortir,  peut-être devrais-je implorer pour ma vie? Car je vais crever de rire là. Mais mon sauveur blond vient peut-être d’arriver en courant sur son cheval blanc. Enfin, pas un cheval blanc, mais accompagné de ses deux loutres valeureuses!

« Hé! Qu’est-ce que vous faites, j’peux jouer aussi?! »
« Oh, Chevalier Doré de la Loutre! Aides-moi! Libères-moi de l’Empereur maléfique Blondasse! »
« Mouahahahahaaaaaa! Comment la vulgaire guerrière Anarchy et le minuscule Chevalier Loutre peuvent être de taille contre moi, le fabuleux empereur Blondasse l’Escatologique?! »
« Quouaaaah?! Il est scato, l’empereur, en plus?! »
« Ahah! Une ouverture! »

Merde, ce mot compliqué nous a confus! Ça y est, mon pied est prisonnier et je ne peux plus rien faire, car je suis trop occupée à mourir de rire à en perdre mon souffle! Et pendant ce temps, Ludwig, ravi, s’est jeté sur son grand frère à son tour, se perchant presque littéralement sur sa tête, en grognant de manière certainement très féroce, tout en l'ébouriffant et en tentant de le chatouiller à son tour, cherchant le point faible du redoutable empereur. Et pendant ce temps là, Sophie dort, Irma reprend des couleurs pures dans ses flammes bleutées, son moral et sa joie de vivre habituelle revenant ces derniers jours, et une Medhyena adorable nous observe faire les dingues sans même sourciller. Oh, punaise!

« AAAAAAAAH! Alex, lâches-moi, je veux la capturer, elle est trop mignonne!! »

Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’argument Medhyena me permet de m’échapper temporairement de la bagarre. Gare à moi si j’avais eu l’audace de mentir! Péniblement, je m’extirpe du tas de chair constitué des deux blonds et de moi-même pour me rapprocher à quatre pattes de la petite canidée grise stoïque, désormais occupée à faire soigneusement sa toilette. Je me redresse sur mes genoux et la Medhyena lève alors ses yeux canins dans ma direction, toujours inafectée par toute cette agitation. Son détachement est presque amusant à observer. Derrière moi, j’entends les deux garçons occupés à se faire des messes basses, et cela ne me dit rien qui vaille… Peut-être aurait-je du prendre garde avant de partir, une nouvelle alliance risque de se former à mon encontre! Enfin, je suis encore occupée à approcher la petite chienne qui est finalement la première à m’apprivoiser, reniflant tout d’abord ma main du bout de la truffe, pour ensuite réclamer d’elle-même une caresse en se plaçant sous ma paume, grognant, toute ravie. Elle continue son manège un petit moment puis saute avec un naturel interpellant en direction de mon épaule. On dirait qu’elle m’a choisi sans véritable raison.. ma jolie Anett est drôlement spontanée, et elle apportera certainement un peu de calme dans ma team un peu fofolle. Il y a de toute manière de la place à revendre dans la fameuse niche géante du château que Alex a construit pour, entre autres, tous nos Pokémon canidés. Anett fera une bonne amie pour la jeune Valentine qui doit avoir plus ou moins son âge.

« Rikuuuuuu? »

Ouhla. Cette petite voix au ton mielleux ne me dit absolument rien qui vaille. Cautionneuse, je me retourne d’un mouvement mécanique un peu rouillé. Et je sursaute en apercevant les deux blonds dont les visages sont ornés de sourires absolument terrifiants tant ils semblent cacher un bon plan bien pourri pour m’ennuyer.

« Vous deux… Vous allez me demander un truc chiant. »
« Naaaaan! »
« Hihi! »
« Bon, Ludwig, c’est à toi de lui demander! »
« Ok! Riku, de qui t’es amoureuse?! »
« … »

Hein?! Quoi?! Je mate le regard provocateur d’Alex qui est visiblement derrière tout ça en fulminant intérieurement, car je sais très bien ce qui lui aurait fait penser ça, cet abruti.

« Qu’est-ce que tu lui as raconté, toi?! Et qu’est-ce que t’y connais?! »
« Baaah.. Rien, c’est toi taleur avec tes "oooh, je suis fascinée, hihihi, kyaaah". Fais pas genre. »
« Riku est amoureuuuuuseuuuuh! »

Bon, ok, j’ai bien compris que c’était bien pour amuser Ludwig que toute cette scène doit avoir raison d’être. Je m’empourpre malgré moi, finalement embarrassée d’avoir dit une telle chose à mon cousin sans me douter qu’il allait forcément le retourner contre moi. Et forcément, ça les fait encore plus marrer.

« Mais! Ça n’a rien à voir! T'as rien compris! »
« Arrêtes ton char, on sait très bien à qui tu penses quand tu dis ça, t’en parles à longueur de journée! »
« Riku et Winteeeeer! »
« Toi, la ferme! »
« Quoi? C’est vrai! Hein Alex que c’est vrai?! »
« Ouaip. »
« Même que moi aussi, j’ai pleins d’amoureuses! »

Sont cons ou quoi? Bon, c’est vrai que je suis très fascinée par Winwin, et que je parle très souvent d’elle ces derniers temps, que je me compare, que je pense beaucoup à nos jeux, nos rencontres.. Mais je ne suis pas amoureuse. C’est juste que..  J’aimerais être comme elle. Plus gênée par le fait que les deux garçons se moquent de moi ouvertement que par leur insinuations, je me détourne les joues rosies et en roulant des yeux, plutôt irritée. Je caresse Anett la zen perchée sur mon épaule et pars un peu plus loin des deux gamins en train de ricaner comme des concierges. Non, je ne suis pas vexée ni honteuse, mais parfois, ils sont cons, les mecs, que voulez-vous. Et je sais bien que derrière ces questions, Alex doit être fort interpelé.. Et peut-être un peu jaloux.

Quelle bande d’andouilles. Les voila qui se tordent de rires comme des couillons, très fiers de leurs coup. Je suis niaise, et ce n’est guère la première fois que je me fais narguer sur le sujet. Ma réputation de craquer un peu trop facilement pour un beau garçon n’est plus à faire. Encore que je n’ai jamais eu la sensation de me faire briser le cœur. C’était on s’amuse puis on se barre, sans plus. Bien entendu, j’ai tendance à copiner et m’attacher facilement, mais j’ai l’impression que dépa&sser le stade amical est presque infaisable de mon côté, même si l’autre a envie de plus. Ah, oui, et je suppose que mon obsédé de cousin a d’autant plus envie de me vanner du fait que Winter est une femme, et qu’il sait que je ne me suis jamais vraiment intéressée au individus de sexe féminin de cette manière. Enfin… J’ai des choses contre lui qui lui feront se hérisser le poil. L’air sournois et finalement irritée, je revient vers les deux garçons d’un pas tempétueux.

« Et toi, avec Sunny, ça progresse? »
« J’vois pas de quoi tu veux parler! »
« Tu crois que je les aies pas vues, tes petites coupures de journaux dans ta commode? My, my, après le champion de Zazambes, on veut se taper le Maître? Après ce sera qui, Méphisto? »
« Tu veux que je te gerbe dessus?! Et d’où tu fouilles dans mes affaires, toi? »
« Pauvre con! »
« Conasse en jupe tartan! »
« Wah, venant du débile qui met des cravates motif plaid et des boxers motif saucisses swag… »
« Tu me mets au défi de me taper toute l’Elite là?! Bah juste pour t’emmerder, je vais pas le faire! »
« Ha! Mais qui voulait voir ça, de toute manière? »

Ludwig nous observe avec un sourire figé, son regard passant de l’un à l’autre sans comprendre (et ce n’est pas plus mal) ce que nous nous envoyons à la figure à la manière de deux collégiennes. Mais cela l’amuse plus qu’autre chose comme il commence à ricaner devant notre petit numéro de comiques. A force, il a l’habitude de ce genre de chicanes débiles et loin d’être véritables méchantes. Actuellement, je ne sais pas qui sera le premier à s’interrompre dans ce flot d’insulte, et ça pourrait aussi bien se terminer en rap battle si une effluve assez particulière n’avait pas décidé d’envahir nos narines et nos bouches grandes ouvertes, et manqué de ne rendre malades tous les deux d’un coup.

« OH BORDEL CA SHLINGUE! FUYONS!  »
« Pour une fois je suis d’accord, Guerrière Anarchy! RETRAITE! »
« COURREEEEEEZ! »

Bien entendu, en partant, il ne faut surtout pas oublier nos champignon (j’aurais préféré qu’on les zappe, personnellement, pourtant, on aurait probablement eu des frittes au repas, comme ça, enfin bref) ! Dans tous les cas, nous voici trois clampins occupés à fuir aussi loin que possible de cette odeur infecte probablement tout droit sortie du derrière d’une Moufouette. Si ces trucs ne puaient pas autant, je pourrais presque craquer et m’en capturer une… Mais non. Ca pue trop. J’imagine que certains individus de cette espèce sont bien plus propres et domestiqués et sentent moins la mort. Mais après cette expérience, je n’en suis plus très convaincue. Mais il y a bien pire dans la vie après tout, n’est-pas? Mais y’a aussi bien mieux. Maintenant que nous avons trouvé une nouvelle clairière dans laquelle nous poser, les deux cousins parlent de retourner chasser les champignons parce que « c’est bon on s’est bien marrés mais y’a juste deux cèpes et trois trompettes des morts qui jouent à touche kiki dans le panier, il nous en faut d’autres ».

« …Sérieuuuuuux? Mais à part toi qui va manger des moisissures en éponges? »
« T’as plutôt intérêt à manger autre chose que du fast-food, toi, tu prends du bide. »
« .. Q-QUOI?! MÊME PAS VRAI! Qu’est-ce que t’en sais d’abord ?! »
« Je te vois assez souvent en maillot de bain pour- »
« MAIS!! »
« C’est vrai, Riku, t’as un petit ventre! »
« Toi aussi, Lulu, toi aussi. »
« Maieuh… même pas vrai.. »

Je gonfle mes joues dans une moue boudeuse et plaque mes bras contre mon bidon qui a effectivement un peu engraissé ces derniers temps.  Je me relâche et je ne bouffe pas hyper équilibré. Et il faut dire que depuis qu’on vit ensembles dans ce château, je grignote beaucoup en tapant dans le garde-manger. Mais.. ; je veux pas manger des léguuuumes! Je vais devenir verte et dépressive, si j’en mange à tous les repas! Et qui lui a dit que ça me fera maigrir, en plus? Si ça se trouve, ça va avoir l’effet contraire que celui escompté! Enfin.. c’est reparti pour la chasse aux champignons, je suppose… Yeepee kaye.