Bon, bah c’est reparti pour cueillir des putains de champignons. Allez, les enfants, répétons tous ensembles : « yeepee kayyy, on adore les champignons! », tous avec moi! Roh, mais sérieux. J’aurais bien suivi les deux gars à contrecœur si mon portable ne m’avait pas signalé un appel de ma grande sœur adorée, sur lequel je saute sans attendre une seconde, lâchant les deux blondins occupés à avancer plus profondément dans les bois pour trouver des nouvelles espèce ré-vo-lu-tio-naires de moisissures à un pied. Je préfère dix-mille fois me pendre au téléphone avec ma sister.. Qu’est-ce que je dis, moi, il n’y a même pas lieu de comparer, ma sister avant toute chose! Ca fait au moins euh… 48h qu’on s’est pas parlées!

« Hiyaaaaa, my bitch! »
« Who are you calling a bitch, you bitch?! »

Oui, bon, pas de commentaires, je sais très bien ce que vous pensez. Qu’on est pas bien malignes, et qu’on a l’air de deux conasses de collégiennes. C’est fait exprès. Cela fait bien 8 ans qu’on se salue comme ça. Tiens, maintenant que j’y pense, je crois que je comprends mieux pourquoi Klaus et Ellias étaient devenus blancs le jour où on a zappé qu’il ne fallait pas saluer Helmut de cette manière, à cause de l’habitude. Heureusement que ce grizzli est comme son fils : complètement nul en anglais, et que son épouse n’était pas dans le coin pour faire la traduction. Quoique si le niveau d’anglais d’Alex est mauvais, je crois que celui de son père est pire encore, car mon cousin blond, lui, avait compris l’interjection et c’était bien marré en arrière plan. C’est probablement à cette époque qu’il a commencé à m’adresser occasionnellement la parole. Enfin, je veux dire que c’était pour lui exceptionnel, car il ne s’adressait exclusivement qu’à sa sœur, de ce temps.

« Bordel, Liza, tu devineras jamais où j’suis! »
« Euuuuhm… dans les bras musclés d’un beau mec?! »
« Eh, fais pas genre ça m’arrive jamais! »
« Dans une église! »
« …Vrai que ce serait improbable, ça… Mais non. »
« Bon, bah, accouches! »
« J’suis en train d’accompagner mes bollos en forêt pour cueillir des putain de champignons! C'est la mega loose! »
« Oh fucking shit c’est graaave! Comment c’est trop une activité de puceau du troisième âge! »
« I know, right?! »

Nous continuons d’échanger avec enthousiasme et virulence dans notre langue maternelle d’adoption (ça veut dire l’anglais) commune, en y mélangeant comme d’habitude d’autres langues pour créer notre dialecte si particulier. Ne pensant plus à rien, je continue mon chemin à travers les bois en ricanant et gloussant haut et fort comme une grosse dinde aux propos de ma grande sœur.

J’adore parler avec ma sister au téléphone. Même si on a l’air de deux pouffes immatures, et qu’on parle vraiment de trucs pas très intéressants, dans le fond, et qu’elle, pour sa part ne parle parfois que de mecs ; pas que ça ne m’intéresse pas, mais on dirait une adolescente parfois… oui, je sais que dire ça, c’est l’hôpital qui se fout de la charité. L’essentiel c’est qu’on s’amuse, après tout, non? Quelque part, quand je l’entends parler, j’ai la sensation d’avoir changé tout en restant la même. Même si je suis loin encore d’être adulte, cela me rassure de constater que je peux encore rire des même conneries, et que je peux moi-même continuer à en faire. Même ici, sur Enola, avec les évènements qui se passent tous les jours à la surface de l’île, et qui peut faire que j’aurais pu cesser d’y croire. Probablement que je suis trop égoïste, après tout, ce n’est pas plus mal. Bref. Pendant quelques secondes, mon regard est attiré par de l’agitation venant d’un buisson, d’où sort un tout jeune Balignon, visiblement volontaire de se battre avec la première venue.

« Hé, sistah, ce serait cool de m’écouter quand j’te parle! »
« Euh, hein, quoi? »
« Ah, bah, voila, tu m’écoutais pas du tout!! »
« Non mais y’a un Balignon, là, il veut se battre, il me cherche! »
« T’es en train de t’énerver et de m’ignorer pour un fucking Balignon?! »
« Mais nan, il est cute! »
« Non mais vas-y, capture-le ton truc mignon, j’irais voir ailleurs si j’y suis pour mes soucis! »
« T’es en train de mal le prendre, là?! »
« Nan! »

Fait-elle en me raccrochant au nez…

« That bitch… »

Fis-je en maudissant le téléphone du regard et en le rangeant. Elle aura qu’à me rappeler, cette idiote, non mais alors! Enfin, au moins, j’ai un petit combat qui se profile qui va certainement bien m’amuser, avec ce Balignon au regard qui me défie, me provoque.

« A nous deux, little guy! »

Face à ce petit teigneux, c’est Floor qui sort l’affronter. La Tengalice peut-être très fougueuse, à ses heures, mais le petit Balignon n’est pas en reste, car il sautille dans tous les sens, et mon alliée a bien du mal a rattraper le lilliputien vert, qui rebondit sur sa tête, se cache dans sa crinière blanche, pour atterrir sur le sol, sautiller de nouveau jusqu’à se percher sur ma tête. En voyant son adversaire si bien installé, Floor fulmine et son regard féroce transperce le Baligno arrogant. Car elle est trop gentille pour risquer de me faire du mal en visant son ennemi. Je lui envoie un sourire sournois, et à la vitesse de l’éclair, lance mes bras au-dessus de ma tête pour me saisir du Balignon, qui se met à hurler de surprise et à se débattre en tous sens en criant, ses tout petits pieds battant en l’air. Comme je le tiens fermement, le petit Pokémon plante finit par s’essouffler et s’arrêter, mais me défie toujours du regard, ignorant Floor qui glousse comme une baleine pour se moquer.

« J’t’aime bien toi, t’es trop mignon! »

Le Balignon s’insurge et grogne, rougissant quelque peu en entendant ce mot. Ahah. Ca fait pas plaisir, hein? Il préférerait être le redoutable Big Foot? Mais c’est vrai, il a l’air costaud, mais il est aussi très adorable avec sa bouille toute grumpy.

« Bon, allez, champion, tu veux venir avec nous? »

Mon interlocuteur renifle d’un air dédaigneux et fier, comme pour jouer à l’insensible. Mais il ne s’enfuit pas pour autant, alors qu’il le pouvait, maintenant que j’ai desserré mon étreinte. Le Balignon se retrouve de nouveaux les pieds sur le sol feuillu, juste à temps quand les garçons reviennent et m’informent que nous allons prochainement rentrer. Au moins, on ne pourra pas me reprocher de n’avoir pas aidé pour les champignon.. j’ai trouvé bien mieux que ça!