Juste un compromis

Éclosion de Kilgarra

Putain. Fais chier. Un bon nombre d'insultes passent dans la tête de Winter alors qu'elle expire lourdement dans la salle d'attente de l'hôpital, tentant de faire de son mieux pour garder son calme. Ce n'est pas aisé. Loin de là. Et elle meurt d'envie de hurler à la face de ce foutu pédiatre à la con qui vient de passer une heure à lui faire de la culpabilisation et du blabla pour la pousser à se décider. Elle ne peut pas néanmoins, et inspire profondément, en cherchant comme elle peut à se retenir de sortir d'ici en courant, alors que c'est pourtant diablement tentant. Elle a envie de fuir, tout simplement. De partir en courant de cet endroit qui la met mal à l'aise et qu'elle a toujours évité, depuis le jour même où on lui a révélé son infertilité. Mais là le couteau est retourné dans la plaie, et il va peut-être même falloir qu'elle le fasse elle-même, ce qui ne la met pas en joie, loin de là.
Néanmoins, on attend sa réponse. L'infirmière la regarde d'un air triste, l'air pas vraiment ravie d'avoir à lui poser cette question maintenant alors que Winter peine autant à choisir.
Ce serait bien plus pratique de dire non, en fait. D'envoyer chier ce gosse bourré de problèmes, de le laisser là avec la bonne conscience qu'elle a déjà pris le temps de lui sauver la vie et de ne plus jamais y repenser. Ça n'aurait pas été si difficile : des cas malheureux, elle en voyait tous les jours presque, et ne s'y intéressait que rarement, peu encline à la compassion pour la veuve et l'orphelin. Mais quelque chose la dérange dans cette possibilité, et elle ne parvient pas à mettre le doigt dessus, à son grand regret. Sans Orion ou même Orphée pour la calmer, elle est seule face à sa décision et l peu de conscience qu'elle écoute, oscillant entre oui et non, sans jamais vraiment réussir à trouver le bon choix, si il en existe un.

Néanmoins, personne ne va l'attendre. Il n'y a pas qu'elle ici, même si elle aimerait bien pouvoir prendre tout son temps. Elle presse une des lanières de son sac dans sa main et ravale sa salive, étrangement nerveuse alors qu'elle n'en a pas l'habitude. Elle se sent pressée, mise sur le fait, sans trop de choix car il n'y en a qu'un qui s'impose peu à peu, en dépit de ses protestations internes et des débats qui l'animent. Elle tente pourtant le tout pour tout afin de s'assurer que ce ne soit pas ce qu'elle fera au final, en sachant pertinemment qu'elle ne parviendra jamais à se convaincre. La décision est déjà prise : ne reste plus qu'à l'accepter, même si c'est bien trop dur pour elle qui avait cru qu'elle n'aurait jamais à vivre ça, et qui voit certains démons reprendre du poil de la bête alors qu'elle avait cru les avoir solidement enfermé.
Elle inspira puis expira de nouveau, cherchant les mots alors qu'elle jetait un coup d’œil vers le garçon dans sa chambre, couché sur son lit, encore amoché. Il s'était remis de l'accident et n'avait pas pour l'instant de séquelles apparentes, hormis les traces de brûlures et de coupures qui avaient l'air bien plus vieilles, mais n'avait accepté de parler avec personne. Hormis elle, bien évidemment. Ahaha. C'était tellement mieux quand un gosse à problèmes la voyait comme seule référent stable. Tellement plus simple de l'abandonner alors qu'il avait besoin d'aide. Elle ravala sa frustration comme elle le put, en priant pour que tout cela soit temporaire.

« Je vais m'en occuper. Jusqu'à ce qu'on ait retrouvé sa famille, ensuite ce sera fini. »

Le pire dans tout ça, c'est qu'elle y croyait vraiment.  Un son de craquement attira son attention et elle se leva immédiatement, sans prendre le temps d'entendre la réponse de l'infirmière ou quoi que ce soit, avant de se diriger vers sa chambre à grands pas, pressée, alors même qu'une étincelle de peur avait fait rater un battement à son cœur. Elle se calma immédiatement quand elle vit qu'il ne s'agissait pas d'une bruit de chute ou quoi que ce soit, mais de l'éclosion lente de l’œuf de Mucuscule qu'elle avait amené avec elle. Le gamin gloussa doucement en voyant le bébé se débattre avec ses petites antennes pour se débarrasser des derniers morceaux de coque, et rit quand il tomba sur le lit, tête la première.
Lorsqu'elle eut le malheur de sourire même durant une demie seconde et qu'elle le réalisa, elle pesta.