« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

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 Stains of Time I [OS]

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Natsume Shimomura
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Natsume Shimomura
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MessageSujet: Stains of Time I [OS]   Stains of Time I [OS] EmptyMar 16 Fév 2016 - 20:59



Stains of Time I

Il y avait eu un moment où tout était devenu blanc. Le vrillement perçant dans ses tympans ne faiblissait pas, occultant même le son des détonations autour de lui, alors même qu'il voyait la terre sauter et tomber régulièrement. Tournante, sa tête ne cessait de se rappeler à lui par la douleur aiguë et brûlante sur son crâne, tandis que les fourmillements dans ses pieds lui rappelaient qu'il disposait encore de jambes. La langue rappeuse, la gorge sèche, il ne parvient même pas reconnaître quoi que ce soit devant lui. Sa vision floue et vague ne lui apprend rien. Ses bras ankylosés tentent de soulever tout son poids en dépit des tremblements qui les animent. Inutile. Son visage s'écrase lourdement au sol, dans l'eau et la terre ; la boue l'étouffe, et il se voit forcer de reculer brusquement pour ne pas s'y noyer, les cheveux trempés et le regard vide. Il inspire vivement, la respiration crachotante et sifflante, les yeux écarquillés, la bouche ouverte dans une vaine tentative d'emmagasiner un peu plus d'air.
Dans un grognement de douleur étouffé par la morsure de ses propres lèvres, il peste. Il ignore le goût de métal dans sa bouche, plus occupé à relever les yeux, le regard hagard, pour distinguer quoi que ce soit de familier dans cet horizon. Mais alors même que ses pupilles s'activent à capter quelque chose de connu, il ne remarque rien. Difficilement, il relève son corps rendu lourd à l'aide de ses deux mains, qu'il appuie au sol pour se donner de la force et parvenir à mettre un genou à terre, puis à se mettre sur ses jambes. L'action est difficile, et la vive douleur qu'il ressent alors à la jambe gauche le fait s'arrêter net dans sa course. Il tombe une première fois, puis une seconde, plus abruptement, quand une sensation de brûlure déchirante sur sa jambe le met à terre. Un râle lui échappe alors que son regard rouge se pose enfin sur la tâche qui l'est tout autant au niveau du haut de sa jambe gauche. Un morceau de métal y est planté.

Il ne sait pas exactement ce qui se passe, mais il comprend quelque chose : la douleur est là, et elle ne va pas partir. Mais les détonations et le chaos, eux, semblent confortablement installés, le narguant presque alors qu'il peine même à se concentrer sur autre chose que sa vision trouble et la douleur brûlante dans sa jambe. Une fumée opaque et épaisse s'échappe d'un tas de ruines qui brûle à plusieurs mètres de lui, où des individus s'amassent pour en sortir des cadavres ou tout simplement s’entre-tuer. Il entend des voix, multiples, sans qu'il n'en reconnaisse une seule. Quelque chose le saisit par l'épaule et le traîne presque, mais le contact brusque le fait immédiatement sursauter et réagir. Sur la défensive, il saisit brutalement la chose qui l'a attrapé et se débat fermement, en dépit du fait qu'il ne fait que faire couler davantage son sang et que cela ne sert à rien. L'autre beugle un borborygme incompréhensible, qu'il comprend vaguement comme étant des insultes ou des propos moyennement positifs, mais le blessé peine encore à réaliser ce qui se passe. Il finit même par le frapper au ventre avec un coup de sa jambe droite, faisant pester celui devant qui parvint tout de même à le bloquer. La faiblesse qu'il sent dans ses muscles l’enrage encore plus et il persiste donc à se débattre, décidé à se débarrasser de la pression menaçante qu'il sent.

« Putain, fallait que tu te foutes à l'avant, hein ! On t'avait dit de rester à l'arrière jusqu'à ce qu'on nettoie, imbécile ! »

L'avant, en effet, semble être la définition même d'un enfer. Il ne se passe pas une minute sans qu'un cri ne résonne ou que les assauts des armes ne résonnent comme des sons de cloches funèbres autour d'eux. Mais adossé à un mur éventré, la respiration lourde et lente, tandis que ses mains et ses bras sont encore soumis à des fourmillements interminables, il ne réalise pas vraiment si il en est éloigné ou non. Parce que l'arrière n'a pas l'air si différent, si ce n'est qu'il repère plus de silhouettes que celles fugaces et rapides qui passent près de lui. En outre, il ne saurait même pas différencier sa droite de sa gauche ; comment diable pourrait-il comprendre les marmonnements incompréhensibles qui sonnent pourtant à ses oreilles ?

« Athéris, tu me réponds oui ou merde ?!
- ... 'théris ?
- Bah oui, toi ! »

… Moi ?
Il plisse les yeux, peu conscient de ce qui se passe alors que de plus en plus d'interrogations et de doutes commencent à remuer le brouillard qu'il y a dans son esprit. Plus il se pose de questions sur la raison de sa présence ici, et plus il est mis face à un noir complet. Un vide d'informations. Sans porter attention à son air hébété et lent, son compagnon d'infortune le saisit sans délicatesse par l'épaule pour l'emmener plus loin. Les yeux du soigneur se posent sur le groupe de personnes, plus loin, qui de temps à autre tire en direction d'un monticule de terre plus loin, dissimulant des soldats en blanc.
Il aurait été incapable de dire ou même de décrire ce qui était en train de se passer. Il entendait juste le grognement régulier des armes automatiques, les tirs qui effleuraient ses oreilles, le vrillement aigu dans ses tympans, les hurlements et autres cris de douleur qui suivaient généralement bien vite. La sienne ne s'est pas arrêtée, et il peine même à rester conscient face à cet assaut constant de ses nerfs, à peine capable de différencier les pics de douleur des moments normaux tant ils se ressemblent. Sa gorge est bloquée, et il sentait la conscience lui échapper peu à peu, sans jamais vraiment que les bras réconfortants de Morphée ne viennent l'emmener loin de tout cela. Dès qu'il avait l'impression d'être en paix, celui qui l'accompagnait le frappait et le secouait dans tous les sens, en beuglant quelque chose comme quoi il devait absolument rester éveillé. Mais il ne l'écoutait pas, bien trop attiré par l'idée diablement tentante que la douleur se stoppe. Ses tentatives furent infructueuses grâce aux efforts de l'autre résistant, qui continuait de le tirer avec lui vers un endroit plus sûr.
Une fois qu'ils furent arrivés et bien dissimulés à quelques mètres d'écart d'un véritable enfer vivant, l'autre se permit une pause et expira profondément, tremblant et livide. Il passa une main derrière sa tête et grimaça, l'air presque inquiet. Enfin, ça, c'était ce qu'il supposait : même ses traits étaient flous, et il aurait été complètement incapable de le différencier de la masse informe qu'était pour lui le reste du monde. Toutefois, il pouvait voir la tâche rouge qui paraissait avoir recouvert ce qui, de ce qu'il supposait, étaient les doigts qu'il avait passé sur son crâne quelques instants plus tôt.

« On va te bouger. Tu saignes de partout. Dans cet état-là, si on te laisse seul, tu vas crever. »

'Crever'. Le mot lui fait moins peur qu'il ne le devrait. Il sonne creux, sans conséquence, comme un bâton agité avec comme but de l'effrayer. Mais pour le moment, la seule chose qui fait naître des frissons de crainte de son échine à la dernière de ses vertèbres, c'est l'absence totale de réponses aux questions qu'il se pose. Rien du tout. Quelques informations, quelques détails vagues, des mots, des flashs brefs et vagues. Mais pas plus. L'obscurité absolue. Ce trou noir le terrifie bien plus que l'idée d'une mort vague et imprécise, comme un spectre menaçant qu'il ne parvenait même pas à comprendre.
Athéris. C'est mon nom, c'est ça... ?
Ou du moins, c'est ce qu'il a cru comprendre et il a l'infime intuition que c'est effectivement le cas. Mais là encore, ce n'est pas clair. De ce qu'il suppose, ceux qui l'ont récupéré (les « résistants », lui chuchote une voix dans sa tête) sont ses alliés. C'est ce qu'il a compris et qu'il parvient à croire le plus aisément. Pourtant, le reste ne se révèle pas, malgré tous ses efforts. Il essaie, encore et encore, de chercher pourquoi. Au départ, rien ne vient. Mais après quelques minutes, son intuition continue de lui chuchoter des idées, et de ce que son cerveau fatigué et sous pression parvient à comprendre, il en arrive à une seule hypothèse.
Et je... Je soigne des gens. C'est ça, mon but. Je crois... ?

L'autre résistant l'aide encore une fois à se déplacer, pendant quelques minutes. À plusieurs occasions, ils esquivent des balles qui filent très près d'eux, en se réfugiant derrière des pans de murs ou des voitures en flamme.
Je... Je ne sais pas.
Impossible de s'y retrouver. Il cherche désespérément des repères, mais rien ne lui vient, si ce n'est la preuve qu'il n'a que lui-même pour survivre, à l'instant. Blessé, alors même qu'il était encore en train de saigner et que sa jambe gauche, coupée à plusieurs reprises, plus ou moins abondamment. Il ne sait même pas d'où viennent ces blessures qui se rappellent pourtant à lui à chaque seconde, dès qu'il entame un geste ou qu'il respire un peu trop fortement. L'horreur et l'épouvante qu'il ressent en comprenant qu'il ne sait rien lui donnent une nausée si grande qu'il ne savait pas si elle était seulement due à cette découverte, ou si l'odeur infâme de sang et de poudre qui violentait ses narines y était pour quelque chose. Le goût de sa propre hémoglobine dans sa gorge le révulse autant que celle qui couvre ses habits et qui réchauffe ses mains.
Ça doit être ça. Ça ne peut pas être autre chose.
Parce qu'il n'y a rien d'autre, justement. C'est bien la seule chose à laquelle il peut tenter de se raccrocher, presque désespérément. La seule information dont il est sûr.

Il faut un certain temps qu'il ne parviendrait pas à quantifier pour qu'ils parviennent enfin à s'éloigner du front, et se retrouvent dans ce qui semble être un arrière bien plus dégagé et où les survivants se cachent dans les différentes ruines, en silence, tremblant de peur. L'autre résistant lui offre un maigre sourire sincère malgré son visage livide, comme si le fait d'avoir pu échapper même brièvement à la mort lui faisait oublier le son des kalachnikovs près d'ici. Un soulagement temporaire, évidemment, car les saignements de son compagnon d'infortune et son état presque mi-comateux ne présageaient rien de bon tant soit peu qu'on y réfléchisse quelques secondes. Pourtant, il s'obstinait à vouloir l'aider, comme si il en avait fait son objectif personnel, son but pour l'instant.

« Ça devrait aller. Je vais appeler les renforts et on va pouvoir te téléporter avec les ble- »

Le résistant n'aura pas le temps de terminer sa phrase. À peine est-il en train d'esquisser un sourire doux qu'une partie de son crâne part s'écraser contre le sol, avec une gerbe de sang et de cervelle qui éclabousse le blessé.
Celui-ci écarquille les yeux, tétanisé, alors que son visage déjà blanc et grimaçant s'emplit d'horreur. Il tombe au sol en même temps que le cadavre, qu'il éloigne brusquement et rapidement de lui, répugné par l'hémoglobine qui coule sur lui. Il recule brutalement, le teint cadavérique.
La respiration rapide, il sent ses poumons se contracter, et une vive douleur de coupure l'immobilise. La surprise l'empêche de bouger, et il a l'impression de s'étouffer à chaque seconde. Le coup de poignard à l'intérieur même de sa poitrine le paralyse et des sons aigus, sifflants, s'échappent de sa gorge éreintée. Sans qu'il ne puisse comprendre quoi que ce soit, il se retrouve au sol, luttant pour même une bouffée d'air.
Il peut distinguer une silhouette, près de lui, alors même qu'une partie de son visage baigne dans un sang chaud et odorant qui n'est pas le sien. Il a tout juste le temps de relever le regard avant que quelque chose ne frappe sa nuque, l'assommant définitivement pour le faire sombrer vers un sommeil qui ne serait qu'un repos temporaire.
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