Roh, il ne peut pas me lâcher, s’il n’a absolument rien à dire? Il cherche ses mots, et les secondes passent sans qu’il ne puisse être concis. Il bafouille dans tous les sens, et finit par trop s’embrouiller, en s’énervant tout seul. Bon, le fait que je le coupe sans arrêts pour lui rappeler qui lui reste peu de temps ne doit pas trop l’aider, j’avoue. Mais bon, j’y peux rien, c’est plus fort que moi!

« Temps écoulé! Merci, au revoir! »
« … Vous m’avez même pas laissé parler, aussi… »
« Ah, oui, ça se peut! »
« Vous être vraiment une petite diva prétentieuse, c’est vrai ce qu’ils disent. »
« Oh, oui. Et puis quoi? Qu’est-ce que tu espérais? »

L’autre me regarde, plus décontenancé qu’agacé ou lassé. Je crois qu’il a du mal à me suivre. Il ne serait pas le premier dans ce cas.

« … Je vous ait dit que j’ai moi aussi rendu mon tablier, pour vous causer de.. »
« Ah? Mais que veux-tu que ça me fasse? »
« Bah, je sais pas, moi. Rien, en fait, c’est juste que là, on risque vraiment d’être boycottés par les plateaux de tournage, quoi. »

Je me retourne, veste sur l’épaule, en arquant un sourcil, franchement perplexe. Je crois que mon air suffit à lui faire comprendre « Mais je le sais captain obvious, es-tu venu ici pour te plaindre? », ça en dit assez long pour que je ne gaspille pas ma salive. Je hausse les épaules, et repars sans rien dire sur mon chemin. L’autre soupire de stupeur en me voyant l’abandonner en pleine forêt et me courre de nouveau sur les talons.

« Attendez! »

Je grogne, et lève les yeux vers les cimes, autour desquelles tourne l’ombre peu rassurante de Chris, histoire d’attirer l’attention de mon « accompagnateur » sur le Scorvol qui a toujours la dalle.  Je lève l’index vers le haut.

« Tu le vois? »
« Euh, oui? »
« Bien. Lui aussi, il te voit. »
« Et…? »
« J’crois que tu peux deviner tout seul. »

Sourire d'adorable psychopathe. Le jeune homme qui doit être peut-être un peu plus âgé que moi inspire, visiblement effrayé. Mais, il n’abandonne toujours pas, et là, c’est Wawa qui commence à s’agacer, ce qui n’est pas très bon signe.

« Non, mais...! J’ai peut-être une proposition à vous faire!! »

Une proposition, hm? On a eu beau m’apprendre qu’il y avait pas de sous-profession, je me demande bien ce qu’un mec planqué derrière sa caméra peut bien avoir à m’offrir. Hm. Je suis vraiment devenu une diva. Encore plus qu’avant, je veux dire. J’ai appris a ne pas sous-estimer autrui, peut-être ne devrais-je pas être ainsi avec ce pauvre gars. Mais je ne lui ait rien demandé. Ouaip, c’est exactement ça. Il avait un boulot bien rentable, avec ce connard, pourquoi s’être cassé de cette façon pour me faire une proposition, c’est stupide, si il avait voulu, il aurait pu me retrouver, j’allais pas m’évaporer dans la nature. Enfin, comme d’habitude, surtout, ne pas chercher à comprendre.

« Dis-donc, mec, tu sais que je t’ai rien demandé. Pourquoi t’insistes? Tu pouvais pas attendre avant de lâcher ta caméra, et juste aller dans un bureau trouver mon numéro et me passer un coup de fil, plutôt que m’emmerder comme ça? »
« C’est euh, c’est… »

Hm, en fait, c’est juste un simplet. En réajustant ma veste sur mon épaule, je l’observe de nouveau, bien incapable de comprendre. Bon, je ne me considère pas plus intelligent, comme je me comporte comme une véritable tête de con. Enfin, là c’est juste devenu gênant, le mec semble à peine commencer à comprendre qu’il s’est mis dans la merde pour pas grand-chose. Bah, c’est ses choix. Je lève la main pour signaler à mes alliés de ne pas se préparer à attaquer.

« Bon, balances. »

Je roule des yeux, histoire de lui faire comprendre que je vais pas non plus être trop patient. L’autre relève le visage, l’air plein d’espoir.

« Super! Merci m’sieur Nagel! »
« Ouais bah arrêtes de remercier, tu perds du temps. »
« Bon je sais pas trop par où commencer, mais, voila, j’ai un pote, il a un imagination de fou, et il a trouvé des idées pour un scénar' de film qui… »

Pendant que je l’écoute raconter ses projets, j’aperçois une Ningale passer dans le décor, qui n’est pas sans me rappeler Blitz. Je ne m’appesantis pas sur le pincement au ventre que cela me fait, et pour cette fois, je décide de me concentrer sur le blabla du monsieur.

Hmm… Il me faut quelques secondes pour digérer le scénario rocambolesque (le mot est faible) que vient de me sortir le gamin en face de moi. Je cligne une fois des yeux, ouvre la bouche pour répondre, puis la ferme, en me grattant le menton, avant de reprendre.

« Hmm… Alors… »
« C’est cool, non?! »
« Dis-moi si je me trompe mais donc, le synopsis, en gros, c’est… La mafia de l’Autriche du futur de 2341 qui est à la poursuite d’un héros lambda qui voulait simplement faire succès dans le meilleur théâtre de la capitale, mais il se fait poursuivre par les 7 Chefs d’orchestre ninja médium et qui tirent des lasers avec les yeux de l’orchestre international de Vienne car il a osé.. euh… entrer sur scène pendant la répétition générale? »
« Oui, non, en fait, c’est qu’il visitait les coulisses, et c’est pas la générale, mais… »
« Ouais, bah, pareil, mais donc, à la fin, il devient maître d’un art martial du futur nommé le Van Ka Gao et finit par réaliser son propre spectacle a succès qui ravira petits et grands? »
« Ouiiii! »
« … Et moi, ton pote voudrait que je fasse… ? »
« Le méchant. »

Je prends deux secondes pour penser. Sérieux, c’est n’importe quoi. Mais c’est pour ce genre de conneries que je vis, je crois, depuis toujours. Vais-je vraiment rater une telle occasion? Car, oui, bordel, ce scénar probablement écrit par un gamin de dix ans, je trouve ça génial.

« … D’accord, tu m’as intéressé. »
« Je le savais! Mon pote est génial, non ? »
« Il a quel âge, dix ans? »
« Ba-euh, non? »
« Laisses tomber. Vous voulez en faire un film, donc? Mais faut du budget pour un truc comme ça. »
« Aaaaah mais vous en faites paaas! Mon pote vient de toucher l’héritage de toute sa famille, il est riche, et donc, il veut faire un film. »

Oui, d’accord, c’est totalement irréaliste, mais je trouve pas ce qui me retient d’aider ce projet de gamins pourris gâtés. Puis franchement, si j’agissais pas toujours comme si j’avais rien à perdre, ce serait pas moi. Vous croyiez que j’avais grandi, hein. Huhu. Le pire, c’est qu’en y mettant les moyens et les bonnes personnes, ça pourrait presque être bien. En fait, j’en sais rien, j’ai juste besoin d’un truc complètement aléatoire pour briser la monotonie de ma vie, mes foirages, et la stagnation de cette année.

« Bah, c’est totalement irréaliste et immature comme projet, tu le sais? Et vous allez probablement perdre des milliers d’Opals. »
« … Bah… euh… »
« M’en fous. Ça me plaît, j’aime les risques. »
« …Vous allez nous aider?! »
« J’en sais rien, ça. Mais ça m’intéresse. »
« Wah! Mon pote va être.. »
« Ouais. Tais-toi deux secondes, par contre. »

Je lève la main pour le faire taire, mes yeux s’étant mis à briller à la vue d’un Passerouge a l’air joyeux, qui vient de se poser non loin de moi.

Vous savez quel Pokémon me ressemble le plus ? Probablement Flambusard. Eh oui. Franchement, quoi de plus kéké qu’un Flambusard? Et puis, je suis tout le temps en colère ou agité, donc l’élément du feu, ça me convient bien.. Même si en vrai, le feu me rend totalement taré, dans le mauvais sens. Brrr. Dès que je vois une flamme, je voix rouge, c’est plus fort que moi. Enfin, voila, j’adore Passerouge et donc Flambusard, et j’agrandis encore mon armée, pourvu que le bois du jardin repousse vite, quand même. Foutu Helmut et sa pyromanie inavouée. Je suis certain qu’il a kiffé, cet enfoiré, aussi pacifiste qu’il dit être. Ou alors il est vraiment bipolaire. Je pensais que c’était juste un gamin gâté et capricieux, mais chelou comme il est, je crois que dans sa tête c’est vachement le bordel aussi. Y’a qu’à voir les calmants qu’ils s’envoyait, à une période, c’est pas très très net, tout ça, m’voyez? Bref, daddy issues, ça va bien deux secondes.

« Wah, vous êtes doué. »
« … Ah bon, tu crois? »

Mec, j’ai gagné la compétition Enolianne, je sais quand même lancer une Rapide Ball sur un moineau. Devant mon air sarcastique, le gars ne se retrouve pas trop, tandis que je fais tourner la sphère bicolore de mon nouvel allié sur la pointe de mon index.

« Bon. Pour ce film de gamins gâtés, vous avez besoin de moi quand? »

Allez, aux causes perdues, on donne le gros taré lunatique insouciant de service! Pourquoi pas après tout? Peut-être qu’un succès du style de celui de Trolls 2 nous attend? Du genre "c'est tellement naze que ça en devient génial", m'voyez?