L'espoir est permis, unis dans la misère..
L'aurore nous sourit dans le matin si clair..


C'est un hasard, juste un pur hasard qu'elle soit à Zazambes spécialement à ce moment-là. Venue rendre une visite de deux ou trois jours à ses parents & sa sœur (qu'elle savait à la Pension parentale avec Crystal & Mercy pour quelques temps), Maelys est finalement tombée pile au bon moment. Enfin, "bon".. Tout est relatif. Le moment adéquat serait peut-être une meilleure formule, plus appropriée à cette situation n'ayant au final rien du tout de joyeux, mais peu importe au fond. Seule compte maintenant cette photo qu'elle serre dans son poing en quittant le lieu où Solène vient de se réfugier après avoir reçu un cliché destructeurs quelques minutes plus tôt, seule compte la rage qui fait trembler ses membres alors qu'elle rejoint le salon de la Pension familiale. Sans mot dire elle ouvre la porte, presque à la volée, parcourant la pièce du regard avant de se diriger vers la jeune femme assise dans le canapé qui ne se doute de rien, qui va sans doute être bien surprise de la voir dans tel état. Mercedes, ou Victoria peut-être plutôt.. Oh peu importe, il y avait plus urgent que des histoires de nom. Saisissant doucement mais fermement le bras de celle qu'elle est venue chercher, elle lui fait signe de la suivre. Son air grave si tranchant avec sa légèreté habituelle trahissant l'extrême sérieux de la situation dont elle souhaite l'entretenir.

Sans rien dire elle quitte la pièce, tirant derrière elle Victoria, ou Mercedes, ou, enfin, peu importe. Rejoignant sa chambre pour y trouver un peu de tranquillité, elle ferme derrière elle la porte avant de s'assoir sur son lit avec un profond soupir. C'est la seule chose, la meilleure chose à faire que de demander son aide à la journaliste, surtout au vu de l'urgence à laquelle ils vont face. Elle le sait, elle le sent. Même si maintenant seule avec la jeune femme elle ne sait comment aborder la question. Elle n'y a pas songé un seul instant en fait, dès lors où elle a vu la photo seul son instinct a parlé ; & combien la rose doit s'interroger maintenant, devant son étrange comportement & son silence si sérieux. Finalement Lys ne dit rien du tout, ne trouvant de toute façon nulle formulation appropriée ; elle se contente juste d'attirer Paola contre elle de son bras libre, cherchant réconfort & apaisement auprès de la Chinchidou qui se blottit contre elle pour les lui apporter sans protester. & quelques secondes plus tard, la rouquine lève ses yeux de jade vers Victoria, des yeux emplis tant de détermination que de désarroi, avant de lui tendre d'une main toujours un peu tremblante la photo. Lui laisser encaisser le coup de cette image qu'elle allait découvrir tout d'abord, avant de songer à dire quoi que ce soit.

L'espoir est permis, unis dans la misère..
L'aurore nous sourit dans le matin si clair..


Elle devrait regarder Mercedes. Scruter son visage, chercher sa réaction face à ce cliché, pour deviner si elle acceptera ou si elle a une chance de l'en convaincre quand même. Elle devrait parler. Expliquer son geste, son état si différent de l'habituel, dire à quel point cela est si important pour elle, sa famille, pour Solène. Mais elle ne peut pas. Sitôt la photo passée dans les mains de la jeune journaliste, elle ramène son bras contre elle, ou plutôt contre Paola qu'elle serre contre elle tandis que la Chinchidou, tant bien que mal, tente de l'apaiser malgré ses propres tourments, se blottissant contre elle pour lui rappeler sans cesse sa présence chaude & son affection immense. Un long soupir silencieux lui échappe. Arceus.. Quelle horreur. Quelle horreur sur ce cliché, quelle douleur l'étreignant devant l'état du prisonnier. Comme elle comprend que Solène se soit effondrée, même après avoir vu pire pendant les batailles, même malgré toute sa force de caractère. Ce n'était pas n'importe qui, une personne lambda, un ennemi ou un allié s'étant volontairement jeté dans la bataille, non. C'était un prisonnier, un prisonnier de guerre emporte, sans raison. C'était un proche, un frère ou un fils pour les Weber, le seul amour de l'aînée de la fratrie. Comment aurait-elle pu rester aussi droite & solide, devant une photo lui montrant toute la souffrance endurée par celui qu'elle aime d'amour depuis toujours?

& voilà qu'elle tremble, elle aussi. Elle doit rester forte elle, forte pour suppléer sa sœur qui ne peut agir elle-même pour le moment, forte pour réussir malgré son écœurement devant toutes les tortures du Régime à considérer cette photo comme un espoir urgent. Elle aura tout le temps de s'effondrer plus tard, de penser aux souffrances de Damien qu'ils retrouveront pourtant peut-être en vie, d'Angie qui est morte sans avoir vraiment vécu, de son cher jumeau Robin dont elle ignore si elle le retrouvera un jour. Elle aurait bien le temps de pleurer oui, quand ce qui est à faire serait géré.. Pour l'heure, elle doit agir comme Solène, penser stratège, penser urgence. Inspirant profondément elle rouvre les yeux, maîtrisant sa crise tant que possible pour relever un regard combattif & déterminé sur Victoria qui vient de lui poser une seule, une simple question, arborant un air presque aussi grave qu'elle-même. Si elle veut qu'elle le retrouve?

- Si tu le peux.. Oui ce serait bien. Vraiment.

Sinon quoi? C'est déjà un exploit qu'il soit encore en vie. Ce cliché est un avertissement & elle le sait, comme Solène le sait probablement tout aussi bien. Cinq ans de résistance au fond de cette prison secrète qui n'a encore jamais été localisée. Alors sans doute.. Ne tiendra-t-il pas beaucoup plus longtemps. Ou alors ils ont décidé que c'en est assez de ce prisonnier qui ne doit pas leur apporter grand chose sinon une cellule occupée. Dans tous les cas, l'urgence de le trouver est pressante.. C'est déjà impressionnant qu'il ait supporté les sévices du Régime si longtemps ; elle a vu des prisonniers se briser si vite, si vite sous leurs tortures innommables. & pourtant il en en vie. Un maigre sourire vient finalement prendre place sur son visage tendu alors que d'une main distraite, comme pour se rassurer ou garder l'emprise sur sa peur qu'elle contient encore, elle caresse le dos de la Chinchidou toujours agrippée à son chemisier. Sa voix est serrée & un peu tremblante peut-être, mais elle n'y prête pas vraiment gare. Elle a trop important à dire pour s'y arrêter.

- Arceus, ça fait.. Plus de cinq ans qu'il y est. J'avais presque perdu l'espoir de le retrouver.. Je comprendrai parfaitement que tu refuses, que tu veuilles rester neutre pour ton travail ; mais je te le demande quand même, car à ce niveau-là je n'ai plus rien à perdre. C'est vraiment une question.. De vie ou de mort.

L'espoir est permis, unis dans la misère..
L'aurore nous sourit dans le matin si clair..


Les secondes s'écoulent & s'étirent suite à ses paroles. Des secondes de silence interminable, où Mercedes médite sa demande en regardant l'horrible photo. L'affreux cliché témoin de tant de souffrances, de toute la cruauté du Régime, des tourments endurés par celui que Maelys a toujours considéré comme son grand frère, par celui que sa sœur aînée a tant aimé & aime toujours tant. Arceus. L'horreur de cette image la hante toujours, oppressante & violente. Le sang & la douleur, les yeux clos & le corps brisé, pâle comme un mort. Meurtri, meurtri était le mot pour le décrire, ou du moins pour décrire son état. Y a-t-il seulement encore une raison d'espérer, n'est-il pas déjà mort entre temps? Cela, elle refuse tout simplement d'y penser, de l'envisager un seul petit instant. Pour elle, si douloureuse soit cette image, il s'agit d'un espoir si grand, un espoir à saisir rapidement. Mais un espoir réel, grand. Un espoir enfin véritablement permis. Celui de retrouver enfin Damien, si la jeune journaliste acceptait de les y aider du moins. Finalement la voix de la concernée monta dans la chambre de nouveau, signifiant.. Son accord. & à cette acceptation, Maelys ne peut s'empêcher de se sentir grandement soulagée. Le soutien de Mercedes, son esprit aiguisé & son instinct leur serait une aide précieuse, pour localiser la geôle de Dam, pour le sortir enfin de là. Un soupir léger échappa à la rouquine qui passa brièvement une main sur son visage, alors que la sentant moins tendue Paola quittait ses bras pour grimper sur son épaule. A voix basse, la jeune scientifique répondit à son interlocutrice, qui avait en plus de son acceptation émit une revendication. Un moyen de transport.. Comment lui refuser, au vu des risques qu'elle vient d'accepter de prendre?

- Pour cela, Galia t'aidera sans doute. Puis j'ai toute confiance en elle & en son sang-froid. Merci Mercedes, vraiment..

Si proposer le pokémon de sa sœur ne la dérange pas? Oh non, pas le moins du monde. La Gardevoir aurait proposé son aide d'elle-même si elle avait été là, ravie de pouvoir aider dans les investigations de la journaliste & à retrouver cet homme qu'elle sait si importante pour sa dresseuse. Enfin, ravie.. On se comprend n'est-ce pas? & puis Solène n'est sans doute pas en état pour l'heure, d'accepter ou refuser. Dans tous les cas elle n'avait jamais dit non à aider Mercy dans ses enquêtes, sans doute n'aurait-elle pas dit non cette fois non plus.. Surtout en sachant de quoi il retourne, & même si elle n'a jamais voulu impliquer quelqu'un d'autres que les concernés pour ne mettre personne en danger. Cette fois-ci, c'est autre chose. Cette fois-ci il y a une piste solide, doublée d'une urgence, même si Lys se refuse encore à regarder dans les yeux ce risque d'arriver trop tard qu'elle sait hélas trop réel. Ne pas y penser. Car y penser serait s'effondrer, serait perdre cet espoir salvateur au profit d'un désespoir destructeur ; & ce n'est réellement pas le moment. Non, pas du tout le moment, même. Soudainement Mercedes blêmit, tirant la jeune scientifique de ses réflexions muettes, son regard bleu toujours porté vers le cliché. Blanche comme un linge, au point de devoir s'appuyer sur la table de chevet de Maelys pour ne pas tout simplement chuter, la femme aux cheveux roses reprend la parole sur quelques mots, une nouvelle question. Qui arrache aussitôt un petit sourire sans joie à la rouquine.

- Tu as deviné, n'est-ce pas? Que tu occupes sa chambre.

Bien sûr, c'est la seule explication à cette réaction aussi soudaine qu'inattendue chez la jeune journaliste qui avait su rester de marbre devant l'horreur de la photo. La compréhension. Son esprit vif & son instinct. Elle a deviné, émet des hypothèses sans doute.. Très proche de la vérité. Les paroles telles qu'elles ont été prononcées laissent à Lily le choix de ne rien dire, mais en a-t-elle seulement le droit, après lui avoir tant demandé? Pouvait-elle décemment renier à Mercedes ce droit de savoir, cette confirmation de ce qu'elle avait de toute manière en grande partie compris? Non, elle se doit d'être honnête. Pleinement honnête. Doucement, la jeune scientifique monte sa main vers son épaule dans le silence qui s'est installé, caressant doucement le pelage gris de sa Chinchidou pour se donner du courage. La force de prononcer ces paroles douloureuses par les souvenirs encore trop éloignés & si proches à la fois, d'avouer à quel point cette question de vie ou de mort pourrait appeler la mort en cas d'échec. Allez, Lilys. Un soupir lui échappe & elle se lance, la voix un peu éteinte & pourtant tellement neutre ; une neutralité qui est sa seule défense contre le désespoir.

- Il s'appelle Damien Ikeda, & vivait presque exclusivement ici depuis ses huit ans. J'en avais quatre à l'époque donc j'me souviens pas bien des circonstances ; en tout cas mes parents l'ont accueilli comme un fils, Angie, Robin & moi comme un frère. Mais pour Solène, il a toujours été plus ; & durant toutes ces années ils ont bien été les seuls à ne pas se rendre compte de leurs sentiments. Quand il a disparu nous avons tous souffert, mais elle, elle s'est effondrée, & j'ignore encore où elle a puisé la force de se relever si vite -peut-être sa certitude qu'il vivait encore-. Quelques semaines plus tard, elle apprenait pour Crystal.

L'espoir est permis, unis dans la misère..
L'aurore nous sourit dans le matin si clair..


A-t-elle bien fait de tout lui dire? Alors que ces bras se referment sur elle après quelques interminables secondes de silence figé, après toute cette déferlante d'émotions qu'elle a entraperçues sur le visage de la jeune journaliste sans chercher à les interpréter, Maelys s'interroge silencieusement. & en parallèle de ces questions, un brin de culpabilité continue à la tourmenter à l'égard de Mercy ; celui de lui imposer ces tourments, de lui avoir demandé d'intervenir dans ce conflit qui n'est pas vraiment le sien en tant que parti neutre censé rester objectif. A-t-elle bien fait de demander cela, de lui dire tout, avait-elle seulement le droit de livrer ce secret que Solène n'a donné qu'à elle & à Louna seules? ... Oui. Oui, au fond d'elle même si elle s'interroge en silence, elle le sait. Mercedes a le droit de savoir après tout cela, après avoir choisi de mener ces investigations qu'elle lui a demandé presque à genoux de mener ; elle a le droit d'avoir des confirmations plutôt que ces interrogations qui l'auraient hantée. & puis en un sens elle n'a rien dit, n'est-ce pas? Rien de plus que ce que les autres qui soient dans la "confidence" ont jamais su. Juste donné les circonstances, le contour, laissant son interlocutrice deviner le reste, avec les exacts mêmes éléments qui ont permis à ses parents de deviner eux aussi sans jamais avoir eu besoin de confirmation.

Un petit soupir échappe finalement à Maelys un peu malgré elle, léger & discret, alors que levant les bras elle rend finalement cette étreinte réconfortante à cette jeune femme, cette presque inconnue qu'elle a pourtant traitée comme une proche en lui dévoilant des secrets si jalousement gardés par les siens, à qui elle a offert sa plus grande confiance, & qui en retour la traite comme une amie en venant tout d'abord lui offrir ce réconfort dont elle n'avait pas réalisé avoir tant besoin. Muette dans cette étreinte où elle sent que Mercedes cherche elle aussi à s'apaiser un peu apte ces révélations qu'il lui faut désormais assimiler, la jeune scientifique ne peut refouler quelques larmes légères & silencieuses. Les premières, les seules. Elle les laisse s'écouler, car elle sait que d'ici que Damien ait été retrouvé, elle n'en laissera échapper aucune autre. Rester forte pour les siens, pour les soutenir, c'est un peu tout ce qu'elle peut faire, alors elle le fera sans hésiter. Pas un seul instant.

Finalement la jeune femme s'écarte, la relâche. Réitérant sa promesse de retrouver celui qu'elle considère comme un frère bien que ce ne soit pas tout à fait le cas, & à l'entente de ces mots un maigre sourire se dessine sur le visage de la rouquine, un sourire de gratitude. Plus qu'une promesse, c'est le droit de continuer à espérer qu'elle lui offre ; & ceci est inestimable. Inestimable au cœur de cette guerre dévastatrice dans laquelle elle vient d'entraîner malgré elles une femme qui jusque là s'était tenue à l'écart, lui demandant de prendre un parti malgré l'objectivité dont elle a tenté de faire preuve en tout temps jusqu'à maintenant. Si elle en avait le droit elle l'ignore, & préfère continuer à l'ignorer, ne pas se poser plus de questions. Car celle-ci serait juste un casse-tête sans fin. Mercedes s'éloigne finalement, quittant la chambre de Lys pour aller se préparer en quatrième vitesse après avoir brièvement demandé où a disparu Damien & obtenu l'instant d'après la réponse en un seul mot ; Baguin.

Quittant finalement à son tour sa chambre, elle arrive juste à temps pour voir Galia emporter la journaliste dans un Téléport. Adressant à cette dernière un bref signe de la main, remerciement, encouragement & au revoir amical un peu tout à la fois, elle s'éloigne ensuite vers la porte d'entrée de la demeure. Un instant elle croise le regard interrogatif de son père à qui l'agitation & le départ de Mercy n'on pas échappé, mais elle n'y répond pas, se contentant d'un bref hochement de tête négatif comme pour dire "plus tard". & sans ajouter un mot elle se détourne, la tête comme un tourbillon de pensées voltigeantes dont la principale est, à cet instant, qu'approche probablement un grand affrontement & qu'elle doit s'y tenir prête. Elle doit aller s'entraîner même si elle ne participera probablement pas, comme d'habitude. Elle doit aller s'entraîner comme le ferait sa sœur. Sans mot dire elle s'échappe alors, Paola sur son épaule & ses pokéballs à sa ceinture, quittant la Pension familiale au profit des ruelles les plus sombres de la ville où elle trouvera bien quelque adversaire.

FIN