Une nouvelle journée sous un soleil chaud commence, et comme tous les jours je répète ce schéma tel un robot. Premièrement je me lève de mon lit de fortune miteux et fait de carton, suivi d’un brin de toilette rapide de l’eau de pluie récoltée la journée d’avant, prêt à partir. C’est alors qu’on sort tous les trois, le Poussifeu sur mon épaule à scruter les alentours telle une tour de garde, et dans mes bras la jeune Ptiravi qui est encore et toujours heureuse de sortir. Je ne la comprends pas, nous sommes miséreux mais elle garde le sourire, pourquoi ? Naïveté dû à sa jeunesse ou bien un optimisme sans nom. Il n’empêche qu’elle me donne la force de continuer.

Nous nous baladons alors dans les ruelles du marché hebdomadaire de la ville, recherchant de quoi faire notre petit déjeuné. Chipant quelques fruits et baie pour nous rafraîchir le gosier, mouvement subtil du poignet, dissimulation dans la toge, j’étais passé maître dans l’art du vol. Nous nous asseyons alors sur le bord de la fontaine de la place centrale regardant les personnes passer autour de nous. Des jeunes, des vieux, des habitués qui viennent faire leurs courses, des touristes venant apprécier les plats d’ici et d’ailleurs, achetant de tout et aussi des arnaques sans s’en rendre compte, et des jeunes des bidonvilles. Cette dernière catégorie est la pire de ce qu’on peut trouver dans un marché. Amateur de vol et d’embrouille en tout genre, ils agissent en bande. Ils sont souvent mineurs pour la plupart et n’ont aucun courage. J’ai réussi à ne jamais me faire chopper et évitant tout contact avec eux, il faut simplement éviter de croiser leur regard lorsqu’ils sont en groupe, et surtout ne pas paraître faible, sinon c’est fini au moment même où tu t’éloignes de la populace.

« Mais qu’est-ce qu’ils font… ? Oh non… »

Et le groupe que j’avais en visuel depuis quelques minutes avaient repéré une nouvelle victime et commençaient à se diriger vers elle. Intrigué, je ne peux m’empêcher de suivre le groupe de loin et c’est avec horreur que je vois la victime, du moins les deux victimes. Une jeune fille d’à peu-prêt mon âge suivi de son Pokémon à quatre pattes, ils vont passer un sale quart d’heure s’ils ne coopèrent pas tous les deux. Et les voilà qu’ils les bousculent, à crier pour avoir son argent, mais sans réaction de sa part, la terreur avait pris le pas sur ses actions, elle est dans le pétrin…

« Eh les trouducs, c’est comme ça qu’on traite une dame ? A cinq contre une ? Et encore je ne compte pas les saloperies qui vous sert de Pokémon qui sont avec vous. »

Ou faire l’entrée en matière la plus provocante qui soit… Bravo Nakhrankh, pourquoi avoir cherché l’agression verbale alors qu’il suffisait simplement de leur faire peur ? Bien sûr avant cet affront j’ai déposé la petite boule rose derrière des caisses pour ne pas qu’elle ait à assister à cela. Et aussi mit en place un plan d’attaque.

« Stand ! Magician’s Red ! »

Face à eux je donne l’impression d’être seul contre une bande, je referme mes poings les serrant fortement, et lors de mon air sérieux, les pointes de mes cheveux s’enflammèrent laissant transparaître une crinière de flamme. Leurs yeux exorbités donnent le bon ton pour la suite, passant mes mains dans le dos, les Poussifeu qui était accroché à ma toge dans mon dos souffla des sphères de feu dans les paumes de mes mains, c’est chaud mais supportable, on s’est entraîné pendant des journées entières pour faire ce tour de magie. Je les repasse donc face à mes opposants en leur donnant l’impression de n’être ni humain, ni Pokémon, un mage sorti d’un autre temps. Je lance alors les deux sphères à leurs pieds, elles explosent en attaquant leurs pantalons qui s’enflamment à leur tour, dans la panique trois des brigands prennent la fuite en emmenant tous les Pokémon qui les accompagnaient avec eux.

« Deux restants. On joue aux têtes brulées ? »

Les flammes sur mon crâne prennent de l’ampleur lorsque ma main commence à s’enflammer, voyant que je ne rigole pas un du duo fuit à en perdre ses jambes. Tandis que l’autre, le chef de la bande à ne pas en douter, ne crois pas à cette « magie » et décide d’engager le combat en prenant une posture de boxeur. Bien sûr je suis le premier à attaquer en lui mettant une droite au visage, avec la main enflammée bien évidemment. Marqué au visage par le coup et la brûlure, il tombe au sol en pleurant sa mère avant de détaler comme un lapin. Petit joueur.

« N-ne prenez pas p-peur, hein. Ce n’est que de la magie ! Fiou ! »

L’air sérieux s’était enfui aussi vite que les brigands et laisse place à un sourire amical et plein de joie. Le « Fiou » se fait sous un mouvement circulaire de la main et peu après, le Poussifeu se montre sur mon épaule, aillant prit soin d’éteindre toute flamme. Bégayant légèrement, j’arrête de parler pour me mettre à genou devant le Vivaldaim, sortant une baie Pecha légèrement cuite à la flamme en lui tendant pour le nourrir. Pour ne pas le brusquer je lui pose devant lui et me recule, souriant comme un béat, la main grattant nerveusement l’arrière de mon crâne.

« Haha. »

Bien joué Nakhrankh, tu as voulu faire ton malin devant une fille en détresse, tu assumes maintenant.

« Hey, salut toi. Comment tu t’appelles ? »

Dis-je en m’agenouillant vers Kanda le Vivaldaim qui était venu se frotter sur moi comme pour me remercier. Je lui gratouille le dessous de la mâchoire tout en caressant son échine de mon autre main. Quel magnifique Pokémon qu’est le Vivaldaim, à pouvoir changer de pelage selon les saisons. J’adore les Pokémons, et je crois que ça se voit un peu trop vu la façon dont je m’extase à caresser le petit Pokémon neigeux devant moi.

« Pardon de te le demander, mais comment est-ce que tu t’appelles ? »

Cette question était destinée à la demoiselle mais visiblement elle ne semblait pas avoir entendu mes propos. En même temps, il me semble que je l’ai chuchoté sans vraiment la regarder. Et d’ailleurs la voilà s’approchant de moi, comme parcouru par un frisson le sang vient frissonner sous mes joues, et bien sûr rougir pour une personne de mon teint ne se voit pas vraiment. La douce blonde vient alors caresser les plumes naissantes de Magician’s Red qui se laisse gratouiller comme un pacha, avançant plus vers la main tendue comme pour en réclamer davantage. Et tout en me levant, le Poussifeu se lança sur la main de la jeune fille pour réclamer encore plus d’attention. Quel charmeur celui-là, à roucouler sur sa main.

Au loin, des caisses tombent derrière moi. Et sans avoir le temps de réagir, une petite boule rosâtre sort de là, caillou à la main en courant vers nous. Star Pink tourna autour du Vivaldaim, grand sourire en faisant de petits bons, oui elle est toujours heureuse de voir du monde, et qu’est-ce que je l’adore, toujours à voir le positif partout, parfois trop candide. Puis grattant mon menton, je me souviens que lorsque les caïds fuient, ils reviennent toujours, et plus nombreux. M’adressant alors vers la demoiselle, je lui fais signe de me suivre tout en m’éloignant d’eux.

« Il ne faut pas rester là, allons marcher un peu. »

Vers mon éloignement en direction du marché, la Ptiravi me suit en sautillant pour que je la prenne à bras, ce que je fais en me tournant vers le groupe restant. Je leur fais un signe de la main pour qu’ils me suivent en reprenant ma route. Magician’s Red, toujours dans les mains de Vanille, se tourne vers elle en battant de ses petites ailes et un piaillant doucement en la regardant, puis se tourne vers moi en continuant de battre des ailes et en se penchant vers l’avant, comme pour avancer sans bouger ses pattes. Le marché est intéressant à visiter, quand on sait où aller.

Oh, je comprends mieux pourquoi je n’avais pas reçu de réponse de sa part, elle est sourde, pauvre petite chose que de ne point entendre le monde, surtout que dans le marché où nous nous dirigeons, du bruit, il y en a, et pas qu’un peu. Sans vraiment me retourner vers ma partenaire, je continue de zigzaguer dans les différents étalages, pensant que mon Poussifeu arriverai à guider la blonde. Au bout de quelques minutes de marche, je m’arrête devant une étale de baie tropicale, parcourant du regard les différents fruits exposés. En prenant une dans ma main, je me tourne à l’endroit où sont censé être les autres… mais personne à l’horizon. Suis-je allé trop vite ?

De l’autre côté du groupe, le Poussifeu essayait de me suivre tant bien que mal en guidant la jeune fille entre les personnes, mais elle était facilement déconcentrée par le monde qui l’entourait. C’est normal pour quelqu’un de sourd de passer plus de temps à observer, et à cause de ça, elle m’a perdu de vue. « Pou ! » cria-t-il en me cherchant du bec. Le voilà bien décontenancé de se retrouver sans moi. La Ptiravi, elle, qui avait remarqué qu’on ne nous suivait plus, sauta de mes bras pour remonter la piste, seule, à la recherche des disparues. Et sans que je puisse faire quoi que ce soit, elle venait de disparaître à son tour de mon champ de vision.

« C’est une grande fille, elle devrait nous les ramener rapidement. »

Et c’est le cas, car derrière ce côté extrêmement mignon de ce Pokemon se cachait une pisteuse hors pair. Tout son temps passé dans mes bras, elle l’avait passé à connaître le terrain, et c’est comme une leçon qu’on apprend par cœur qu’elle remonte la piste de disparu pour enfin se retrouver devant eux. Sautillant autour du Vivaldaim, elle lui dit de la suivre, remontant la piste jusqu’à moi.

« Eh bien alors ? On s’est perdu ? »