Alors... Il se peut que je sois peut-être encore un tantinet trop peu méfiant. Mais bon, on peut pas trooop m'en vouloir non plus dans ce cas-là : quand mon petit-ami me demande de venir le rejoindre, il ne m'en faut pas plus pour débarquer illico presto. C'est d'ailleurs bien l'un des seuls qui pourraient m'emmener où il veut, même dans les endroits les plus ennuyants. Quoiqu'il en soit, je suis bien heureux de passer un peu de temps avec mon copain. Le hic, c'est qu'une fois arrivé au lieu du rendez-vous, je ne distingue pas tout de suite sa chevelure hérissée si reconnaissable. Je suis bien embêté, j'espère juste que je ne suis pas arrivé trop tard. Puisque j'ai Synkro, me téléporter de n'importe où est facile, alors je n'ai pas hésité quand il a fallu que je le rejoigne tout de suite. Je devrais donc l'apercevoir, non ? La bibliothèque, en outre, n'est pas aussi grande que ça.

« Natsume ? Natsuuu ! Nat-... »

Au même moment où j'appelle le concerné, il semble qu'un autre individu soit également à sa recherche. En le reconnaissant, je m'immobilise sur place, surpris, et troublé. Je n'aurais pas pensé le voir ici, ou plutôt, si le fait qu'il soit à la bibliothèque ne l'étonne pas tellement, il aurait pensé que son copain, en prenant en compte la présence du Donovan au même endroit, aurait pensé à un autre lieu de rendez-vous. L'éleveur n'aurait pourtant pas fait une erreur pareille ; car n'importe qui vivant au sein du refuge est au courant : le jumeau de Faust m'évite comme la peste et coupe aussitôt court à toute conversation à chaque fois que je suis dans son champ de vision. Ces dérobades me chagrinent un peu, mais qui suis-je pour le retenir.
En attendant, je ne sais pas trop quoi faire. Je me tâte à essayer d'engager une conversation, ne serait-ce que parce que l'occasion se présente maintenant. D'un autre côté, je me dis qu'il n'aimera peut-être pas que je le dérange dans ses activités, et de toute façon, Natsume m'attend. En parlant de lui, je sursaute en entendant tout à coup la porte de la salle se refermer dans un bruit sourd, avant que je ne comprenne qu'on a verrouillé de l'extérieur. Loin d'être aussi réfléchi que Clive, je ne pense pas tout de suite au lapin comme étant responsable. Ce n'est qu'en écoutant les protestations et, les coups sur la porte, de l'aîné que je saisis le nom du coupable ; mais ce n'est pas encore tout à fait clair dans mon esprit. Pourquoi aurait-il voulu nous enfermer ? Ce n'est pourtant pas son genre de faire des farces, alors je suis de plus en plus intrigué. Ce qui est sûr, c'est que ça a l'air de drôlement énervé Clive. En baissant un peu le regard, c'est toutefois compréhensible : moi non plus je n'aimerais pas être piéger avec quelqu'un que je n'apprécie pas. Néanmoins, le silence se fait peu à peu très pesant, et je me masse le bras distraitement, gêné, n'osant pas le regarder, quand bien même il ne s'est même pas encore retourné non plus.

« Je... Je suis dé... solé... »

C'est tout ce que je peux dire pour l'instant. Mais tout est flou, notamment la raison pour laquelle le japonais nous a fait ce coup. Pas comme si je n'avais pas espéré que je pourrais parler seul à seul avec Clive un jour, mais je n'aurais jamais imaginé que ça soit si... 'tôt'.

« Je... J'vais demander à mon Gardevoir de nous faire sortir d'ici. »

Ma parole suit mon geste. Je décroche la Poké Ball du concerné et ce dernier apparaît. Mais avant que je ne prononce un mot, le Pokémon Psy décroche par télépathie ma ceinture où sont stockés mes Pokémons, et se téléporte avec, pour aller je-ne-sais-où. Je cligne des yeux, déconcerté. Honteux, me sentant ridicule devant l'autre, je me confonds alors en excuses.

« P-Pardon, je ne sais pas ce qu'il lui a pris, je... Synkro ! Synkro, reviens tout de suite ! »

Rien à faire. Seul le vide me répond. Je ne serais pas si stupéfait d'apprendre que mon allié est de mèche avec l'éleveur. Ce ne serait pas la première fois, après tout, qu'ils forment un duo contre moi. Mais je n'ai à présent plus le choix. Mal à l'aise, je n'ose pas prendre la parole à nouveau de peur de me dégrader davantage.

Je le vois bien, il n'a pas, ou plus, envie d'être là maintenant qu'il sait que j'y suis aussi et qu'il se trouve coincé avec moi. J'en suis venu à croire qu'il ne devait pas m'aimer beaucoup. En même temps, que sais-je réellement de lui ? Je ne le connais pas autant que je le voudrais. Je croyais pouvoir en apprendre davantage sur Clive, mais le fait qu'il se dérobe constamment n'a jamais permis l'affaire. Et j'en ai toujours été navré. Une fois de plus, je soupire en constatant bien qu'il tente de s'enfuir de nouveau, avec cette insistance qui ne m'étonne plus, malheureusement. Même s'il dit que ce n'est pas si 'grave', j'ai l'impression de vraiment l'ennuyer. Oui, ça doit probablement l'embêter de rester cloîtré avec moi, mais il doit comprendre qu'il n'a pas non plus le choix tant que Natsume ne nous laissera pas sortir. Nous pourrions toujours appeler Faust, Isaac ou même Alice, mais à coup sûr, s'ils sont là, l'éleveur aura trouvé un moyen pour qu'ils ne cèdent à aucune de nos requêtes. S'il a réussi à faire plier Synkro... Enfin... Pas qu'il soit si dur à amadouer, quand il s'agit de me mettre dans certaines situations périlleuses. Il s'en donne même à cœur joie. Mais si j'le retrouve, je... ! Graah ! Ce n'est même pas pour moi, que je m'inquiète, c'est pour lui. Moi ça me dérange pas, d'être là, en compagnie du hérisson noir. Seulement, vu tout ce qui nous est arrivé ces dernières années et sa manière de m'éviter... C'est embarrassant, un peu.

J'acquiesce simplement les dires de l'aîné en silence, ne trouvant rien à ajouter, mais tout de même peu rassuré. Je connais mon petit-ami : quand il le veut, il peut aller très loin, à un point que nous n'imaginons peut-être même pas. Alors je doute encore qu'il puisse revenir aujourd'hui nous libérer s'il se rend compte que nous n'avons même pas pris la peine de discuter convenablement. Ce n'est pas par manque d'envie, pourtant. Juste... Que c'est difficile, quoi. Aborder une conversation, déjà, et puis... Que dire à quelqu'un qui passe son temps à me fuir à chaque fois que je le croise ? S'il ne veut pas me voir, c'est bien pour une raison, non ?
Mais puisqu'il ne peut s'éclipser, Clive s'assit à une table et se focalise sur son bouquin, probablement dans l'optique de m'ignorer le plus possible. Je ne sais pas pourquoi Natsume nous a enfermé, mais je ne peux pas faire grand chose si le Donovan ne veut pas engager la conversation. Après tout, je ne peux pas le forcer. Il me faudra toutefois trouver un moyen pour que je sorte d'ici, sinon je sens que ça risque d'être trèèèès très long, d'attendre que le japonais vienne nous délivrer enfin (si seulement il le fait un jour). Quelle surprise toutefois lorsqu'il prend de nouveau la parole le premier, pour me poser une question toute simple.

« Eh bien... Oui, c'est vrai, mais comment tu le sai-... Oh ! Ne me dis pas qu'il... Alors à toi aussi, il... ? »

Con comme je suis, j'avais bien remarqué que c'était la lapin qui nous avait enfermé, mais pas qu'il y avait un rapport avec le message qu'il m'avait envoyé, mais que je trouve bizarre, maintenant. Se pourrait-il qu'il ait aussi envoyé ce message à Clive ? Mais dans quel but ? Et pourquoi moi ?
Interloqué, je me masse l'arrière de la nuque, gêné de la situation. Me voilà dans de beaux draps. Je ne sais même pas ce que nous sommes censés faire pour pouvoir sortir d'ici. Le nippon ne nous a pas même pas donné ne serait-ce que le plus petit indice. Mal à l'aise tout à coup en pensant au nombre de minutes, ou peut-être d'heures, qui nous attendent, je tente un peu d'humour mauvais.

« Ha... Haha... Au moins... Au moins tu pourras pas t'enfuir, cette fois, hé !.. Hé... »

Je n'y avais pas pensé jusqu'alors, mais en parlant à voix haute et en évoquant ce fait, je me suis rendu compte de ce qui était pourtant clair comme de l'eau de roche.

« Est-ce que... Est-ce que c'est pour ça... qu'il... »

Je ravale ma salive, ne sachant pas comment le prendre. Si c'est bien ça... Arceus... Natsume devait-il en arriver à de telles extrémités ? Et d'ailleurs... Depuis quand est-ce qu'il se mêle de ça ?

Natsume devrait savoir, pourtant, qu'on ne force personne ainsi. Si Clive ne veut pas me parler, c'est son droit, quand bien même j'ai tenté par mes propres moyens d'attirer son attention, en vain. Si aucune discussion entre nous n'a été faite encore, c'est parce que je ne peux l'obliger à rien. J'ai remarqué, d'ailleurs, qu'il était devenu plus occupé ces derniers temps. Qui suis-je, pour justifier qu'il me remarque ? C'est vrai, nous n'avons aucun lien. Je suis juste le petit-ami de son cousin, le gamin qu'il a kidnappé, et le gamin qui l'a sauvé. Mais ce ne sont pas des raisons suffisantes pour qu'il veuille aller plus loin. J'ai bien compris qu'il voulait prendre ses distances avec moi. Peut-être que je ne l'intéresse pas, tout simplement. Je suis bien plus proche de Faust que de Natsume, en un sens. Ce dernier, nous l'avons tous vu, s'est rapproché du Donovan réservé en très peu de temps, car tous deux partagent des points communs propres à eux seuls. Quelque part, j'envie un peu le Shimomura. Et il le sait. Il le sait, et c'est peut-être aussi pour ça qu'il nous a amené ici. Qu'il nous a enfermé pour que nous puissions, je pense, nous parler. Mais c'est peine perdue, Natsu, tu sais bien. Comment pourrais-je engager quoi que ce soit avec Clive, s'il ne désire même pas ma présence ?

Sa réponse sèche ne me surprend pas plus que ça, connaissant sa froideur et sa neutralité habituelle, mais j'en sursaute toutefois légèrement, mal à l'aise. Je le dérange, c'est évident. Ce n'est pas comme si je n'avais pas souhaité que nous puissions discuter mais pas comme ça. Pas alors que j'ai l'air de l'embêter plus qu'autre chose, lui qui voulait probablement profiter d'un moment tranquille à la bibliothèque sans que je ne vienne le perturber. C'est plus embarrassant qu'autre chose, à ce stade. Si nous restons ainsi, ça va être interminable, je le sens. Je pourrais toujours essayer de défoncer la porte pendant qu'il reste plongé dans son livre...
J'en viens à me dire qu'il a raison. Qu'il ne reste plus qu'à attendre de manière très gênante que mon copain nous délivre, et que le hérisson noir mette fin à ses jours de façon certainement douloureuse. Mais tout ça ne lui laissait toujours qu'une seule conclusion.

« … Tu ne m'aimes pas beaucoup, n'est-ce pas, Clive ? »

Si Clive est rivé sur les pages de son bouquin avec son habituel regard indifférent, mes yeux se sont posés sur lui. J'y cache cette tristesse que je réserve à son encontre depuis qu'il cherche à m'éviter, mais ils brillent d'une lueur singulière, pénible et chagrinée. L'ancien officier m'a kidnappé parce qu'il voulait uniquement atteindre Faust. Nous avons bien échanger quelques mots dans les montagnes, mais... Apparemment, je suis le seul à en avoir tiré quoique ce soit. Si ça se trouve, il ne s'en souvient même plus.

« Je comprends. Je le vois bien. »

Bah... Je peux pas lui en vouloir de ne tirer aucun intérêt vis-à-vis de moi. Je n'ai rien, comme j'ai dit, qui puisse l'intéresser, et nous ne partageons rien en commun. Il a bien mieux à faire avec Natsume qu'avec moi. J'ai beau être idiot, il faudrait vraiment le vouloir pour ne pas remarquer à quel point il me fuyait, de façon pas toujours extrêmement discrète, d'ailleurs. Ce sont mes prunelles qui dévient de lui, à présent, pour glisser vers le sol, las. Je pousse un soupir fatigué avant de placer ma paume derrière ma nuque pour la masser maladroitement, gêné de cette fâcheuse situation qui me gêne un peu.

« Mais rien ne l'obligeait à en arriver à de telles extrémités. Quel idiot... »

Je tente un très léger sourire peiné, réfléchissant de nouveau à la porte qui nous bloque, que je pense à frapper pour voir si un mouvement de cette dernière se formerait. Mais si l'autre, bien plus expérimenté et musclé, n'a pas réussi à la faire bouger en tambourinant dessus avec force à la manière d'un rongeur stressé et enfermé dans une cage, mes chances de nous faire sortir sont plutôt minces. Faut vraiment que je me fasse respecter un peu plus par mon Gardevoir, je crois...

J'ai beau dire que Natsume n'aurait pas dû faire ça, en vérité, si cela ne me met pas à l'aise, je m'en fiche. Ou du moins, j'en viens à me dire que ce n'est probablement pas une si mauvais chose, après tout. Me connaissant il n'aurait pas été impossible que ça soit moi, qui finisse par craquer au final. Mais en même temps, il était préférable que Shimomura soit celui qui fasse le pas et nous pousse à nous réunir, car il est bien plus proche du Donovan.
Il s'agissait d'ailleurs, en fait, de me rassurer, que ce soit par les agissements de Natsume ou par les mots de l'ex-officier. Cela me fait plaisir que le japonais ait pris une telle initiative de son plein grès afin de me soulager. Toutefois, si hérisson aux cheveux de jais veut également me dire qu'il ne me déteste pas, je n'arrive pas à me satisfaire de sa réponse. Peut-être est-ce son ton, peut-être est-ce son regard, je ne sais pas. Mais je ne peux pas me contenter de ce seul dire pour me réconforter, car ça ne marche pas. Je ne pense pas que ça serait le genre de Clive de me mentir dans un tel contexte, mais je n'arrive pas à me défaire de l'idée qu'il a quelque chose contre moi, ou qu'un problème subsiste entre nous sans que je n'arrive à mettre le doigt dessus. Son timbre sec et cassant, qui ne m'étonne pas mais me surprend toujours un peu sur le coup à chaque fois, est loin de pouvoir faire taire cette crainte qui me ronge à l'encontre du jumeau de Faust.

Je ne doute pas que Clive soit empli d'images affreuses en vue de son passé au sein du Régime. Je ne pourrais probablement même pas imaginer tous ceux qu'il a dû faire souffrir ou tous ceux qu'il a tué simplement parce qu'on le lui en a donné l'ordre. Des proches à moi auraient également pu se faire tués, s'ils avaient été un obstacle sur son chemin. Tout cela, une partie de moi le savait même lorsqu'il m'a kidnappé. Les Officiers du Régime sont parmi de ceux qui ont les mains les plus sales. Et malgré tout... Malgré tout je ne suis pas mieux que Faust, et ça aussi, je le sais. Malgré tout, je n'ai pas pu en vouloir à Clive. Je ne cherche même pas à savoir si c'est une bonne ou une mauvaise chose. J'ai agi comme il me venait, par instinct. Quand il m'a kidnappé, j'avais certes de la colère au début, mais ensuite j'ai ressenti de la peine. Le jour où je l'ai sauvé d'une Polagriffe enragée, je l'a fait naturellement, sans réfléchir, car ça me semblait... normal. Le fait qu'il est le frère de Faust jouait peut-être, je ne sais pas, mais je ne pouvais, dans tous les cas, le laisser dans l'état où il était et l'abandonner à la mort.

Je croyais avoir une piste, mais notre discussion dans les montagnes il y a quelques temps me dissuade de cette idée. À ce moment-là, il ne cherchait pourtant pas à me fuir. Alors non, je ne comprends pas. Et pire, encore, s'il insiste une nouvelle fois pour me dire qu'il ne m'en veut pas, mon poing se serre, en même temps que mon regard qui se fait très légèrement plus dur, et le sentiment qui m'envahit me rappelle un peu la fois où j'ai compris pourquoi Nagisa ne pouvait pas m'encadrer.

« Injuste... C'est injuste !.. Si tu n'as vraiment au-aucune raison de m'en vouloir, comme tu dis, alors tu n'as pas non plus de raison de me f-fuir. »

J'ai bégayé. Légèrement, certes, mais quand même. Je ne voulais pas paraître aussi faible que je n'en ai déjà l'air. Même si je sais, au fond de moi, que je ne serais jamais fort. Que je n'aurais jamais cette force que les autres du monde entier semblent pourtant capables d'avoir. Une force absente en moi mais que j'envie à tous ceux qui arrivent à l'atteindre, même les plus faibles ou les plus lâches.

Je sens qu'il y a encore quelque chose que Clive ne me dit pas. Quelque chose qui explique pourquoi il tient tant à s'échapper à chaque fois que je suis là. Pourtant, à mon grand étonnement, il n'essaye pas de me contredire ou même de m'envoyer balader en me disant un truc du genre « Bienvenue dans la vraie vie » ou « tout est injuste » comme l'avait fait Nagisa lorsque je l'ai rencontré. Clive est bien plus calme que sa cousine, mais il semble tellement réservé... Mais comme je le pensais, il a conscience que ce qu'il fait n'est pas très intelligent. Le Donovan est loin d'être stupide ; il doit avoir ses raisons, à se cacher ainsi. Même si... Eh bien je continue de trouver cela étrange, car je n'ai jamais pu deviner ce qui le poussait à se comporter de cette façon.

Si j'ignore ses motifs, je vois bien que c'est dur pour lui de m'expliquer sa situation. Et honnêtement, j'en suis de moins en moins rassuré. De mon point de vue, je n'arrive pas, effectivement, à voir en quoi cela ne pourrait pas être simple. Nous ne nous étions pas quitté en mauvais termes, la dernière fois. Ou du moins, je ne crois pas... Peut-être que c'était juste moi ? Je le scrute avec une certaine inquiétude. Ce serait problématique, si nous n'arrivions à régler cette distance qu'il met entre nous. De toute façon, le Shimomura ne nous laissera pas sortir sans que ça soit fait. Est-ce que nous pouvons seulement au moins entretenir un bon rapport ? Je ne peux pas forcer Clive à quoi que ce soit, néanmoins, nous ne pouvons continuer ainsi, et si même Natsume le sait, alors c'est qu'il en a conclu que ce manège devait cesser. Interloqué, je penche légèrement la tête sur le côté, cherchant dans son regard, tout aussi fuyant, un indice qui pourrait m'aider à discuter avec lui. Mais je ne comprends. Je ne comprends pas ce dont il peut se souvenir. Est-ce qu'il parle de mon kidnapping ? Est-ce qu'il s'en veut toujours à propos de ça, malgré ce que je lui ai dit dans les montagnes ?
Son rictus amer me peine davantage. Il se sent coupable. Mais je crois que je ne sais pas exactement de quoi. J'ai l'impression que c'est plus complexe encore que mon histoire d'enlèvement. Il y a quelque chose, derrière tout ça. J'ai jamais été doué non plus pour réconforter les autres, moi. Et encore plus avec le hérisson, que mon petit-ami sait bien mieux cerner.
Clive...
Dans un élan de confusion, sans savoir véritablement ce qui me prend, je m'empare du livre que tient -ou plutôt tenait- le Donovan.

« JE... ! »

Je ne sais pas quoi dire. Mais mon regard se porte tout à coup en direction du livre que je viens de lui dérober sous son nez. Un livre d'Histoire, tout ce qu'il y a de plus banal, et venant de l'autre, cela ne m'étonne pas vraiment. Je feuillette quelques pages brièvement de manière rapide. Oui, il aime l'Histoire. Ce n'est peut-être pas une information qui me sera utile, mais je veux tenter de le connaître un peu mieux.

« Je ne comprends pas très bien, mais... Tu n'as pas à te sentir coupable avec moi. »

Je repose doucement le livre sur la table, incertain de ce que je peux lui dire. Il faudrait que j'arrive à le faire parler. Mais j'ai encore des progrès à faire, en ce qui concerne les pingouins.

« Je... Je veux juste apprendre à te connaître. Natsume me l'a dit mais... C'est-C'est vrai, que tu aimes beaucoup l'Histoire ? Je t'envie, tu dois savoir des tas de choses. »

Je tente un mince sourire qui se veut rassurant, sans savoir si je pourrais vraiment tirer quelque chose de l'ancien Officier.

Je ne me préoccupais même pas de son commentaire. Je voulais juste le faire réagir, ce que j'ai réussi à faire, au moins. Il n'est plus concentré sur son livre, puisque je viens de le lui prendre, mais il n'a pas l'air non plus davantage perturbé que ça. Je devine qu'il serait juste agacé que je l'abîme (ce que je peux comprendre, mais bon, se préoccupe-t-il toujours de ce genre de détails ?!), mais là n'est pas mon but, de toute façon. Je ne m'intéresse que de loin à l'histoire qui ne concerne pas Enola, même si je sais que nos lointains ancêtres ne sont pas originaires d'ici, ou du moins, pas les miens, blanc comme je suis. Mais Enola est entouré de tellement de mystères que j'en suis bien plus attentif, même si je connais relativement peu de choses. Au fond de lui, il doit probablement avoir des regrets. J'imagine qu'il fait allusion au Régime. C'est être officier qui l'a bloqué dans ses rêves. Mais... Il n'a pas fait ça par hasard, je le sais.

Sa question, toutefois, me prend un peu au dépourvu. Interrogateur, je cligne des yeux, ne sachant que lui répondre sur le moment. Je ne peux pas nier que Faust... Eh bien, il n'est peut-être pas étranger à tout ça. S'il avait été un gars quelconque, l'aurais-je traité différemment ? Je l'ignore. Je ne pourrais sans doute jamais le savoir si je ne suis pas dans les conditions. Si je l'ai sauvé de la mort il y a quelques années, ce n'est pas seulement parce que sa disparition atteindrait gravement Faust, mais... Je ne pouvais pas le laisser partir sous mes yeux. En outre, son Pokémon m'avait appelé à l'aide. Qui étais-je, pour refuser la détresse que je lisais dans les yeux de son Etouraptor, et surtout pour laisser son dresseur à la merci d'une Polagriffe qui aurait pu le déchirer tout entier ? Aurais-je pu me regarder dans la glace en me disant que je ne l'avais sauvé que pour le désir égoïste de ne pas rendre mon frère de cœur malheureux ? J'ai toujours espéré, quelque part en moi, que je n'étais pas aussi égocentrique. Que je valais mieux que ça, et que mes motifs allaient au-delà de mon affection pour le Conseiller.

« Acceptable ? Mais aux yeux de qui, Clive ? Seulement les tiens ? Est-ce que ça suffit pour que tu m'interdise de te parler ? »

On me dira probablement... Que j'ai tort. Que je ne devrais pas être aussi naïf. Mais je me fiche de ses excuses. Je veux juste lui parler. Me rapprocher de lui, pas comme peut le faire Natsume car les deux cousins se ressemblent un peu et que je ne pourrais pas avoir le même lien de mon côté, mais simplement pouvoir même lui dire bonjour, lui demander une chose ou deux, ou qu'il m'enseigne ce qu'il sait ; car je le sais intelligent. Alors ce qu'il dit ne me plaît pas, parce que j'ai l'impression qu'il ne veut même pas me prendre en compte. Il se fiche sûrement de mon avis, pourtant je ne peux pas le laisser faire son manège indéfiniment. Tout cette comédie doit cesser ; elle ne m'a jamais fait rire. Si j'ai élevé légèrement la voix, elle s'abaisse immédiatement, et je repose son livre en silence, plus mesuré, mais encore bien décidé.

« Je ne sais pas trop moi-même, tu sais... Si c'est à cause de ton lien avec Faust... Je l'ignore. Mais je ne te considère pas seulement comme son jumeau, car tu es plus que ça. Je te considère tel que tu es. Je te considère comme Clive Gabriel Donovan. »

On peut bien dire ce qu'on veut... Que je fais une erreur, ou je-ne-sais-quoi... Peut-être est-ce le cas, me dira-t-on. Mais que voulez-vous, je n'ai jamais prétendu être savant. Laissez-moi être bête. Laissez-moi ouvrir un peu de cette âme qui m'est fermée depuis un coup du sort où il m'a choisi comme appât. Laissez-moi être ce que je suis.

« Parce que tu n'es pas mon kidnappeur. Tu es le frère de Faust, mais aussi l'oncle d'Alice, l'ami de Isaac, un peu le confident de Natsume, aussi... S'ils te font confiance, alors c'est une raison de plus pour moi d'en faire tout autant. Parce que je ne veux pas que tu me resortes la même excuse pendant dix, ou même vingt ans. Parce que je veux que nous puissions avancer. Parce que je n'ai pas envie de subir tes regards fuyants aussi longtemps. »

Mais tout ce que je dis, ça ne va servir à rien, n'est-ce pas ? Tant qu'il aura encore cette culpabilité qui le ronge, nous ne pourrons pas convenablement faire un pas l'un vers l'autre, et il insistera même d'autant plus pour ne pas croiser mon regard, pour éviter à tous prix d'être dans mon champ de vision. Pour qu'il prenne son mal en patience et qu'il attende que je libère le Shimomura pour qu'ils puissent profiter de leurs moments à eux.
Me mettant face à Clive, mon regard se montre inquiet pour lui, mais dedans brille également une lueur optimiste qui ne cesse de vouloir croire à une entente entre nous ; une relation qui serait plus supportable à vivre. Il va trouver ça ridicule et niais, à coup sûr. C'est pourtant ainsi que je suis fait. Si ça n'a pas tué Natsume, je me doute que le noiraud pourra y survivre.

« Parce que je te pardonne, Clive, et que je veux être ton ami.

Je lui adresse un léger sourire amical, essayant de me détendre. J'en connais qui ne nous laissera pas sortir d'ici tant que nous n'aurons pas régler notre problème, de toute façon, je le crains. Mais suis-je nul au point d'avoir besoin de son aide pour ce genre de chose ?

Essayer de faire copain-copain avec un gars qui vous a kidnappé... Y'a bien que moi pour faire ça, pas vrai ? Il m'a dupé en se faisant passer pour Faust afin d'atteindre ce dernier, et de remplir son objectif personnel. Mais après tout, il ne m'a rien fait de plus. J'étais nécessaire pour qu'il parvienne à ses fins, mais je n'étais qu'un détail, et il devait se ficher pas mal de moi. Mais je n'ai rien à voir avec les histoires de mon frère. Ce n'était peut-être pas mon devoir de m'y mêler. Le sauvetage de Clive, il ne s'est produit que par un coup du sort, un immense hasard. J'aurais pu ne pas être là ce fameux jour, et alors, je me doute que le Conseiller n'en serait pas sorti indemne moralement, ou même physiquement, si on avait dû lui ramener le corps sans vie de son jumeau.

J'ignore comment interpréter son silence jusqu'à présent, mais cela me donne l'impression que j'ai dit une bêtise. Me trouverait-il trop naïf ou mièvre ? Je l'ennuie peut-être... Pas comme si je pouvais l'intéresser, en un sens, vu à quel point nous sommes différents. Vu ma curiosité, ce n'est pas étonnant que je sois le seul à trouver de l'intérêt chez l'autre. Clive semble si mystérieux et réservé... A-t-il encaissé si différemment tout ce qui est arrivé à sa famille, ou a-t-il toujours été naturellement ainsi ?
Héhé... Au moins, il a un peu d'humour. me dis-je alors que je ne peux que confirmer les dires de mon petit ami, selon ce qu'il lui a raconté à mon sujet. Mais... Est-ce que ça veut dire que Natsume lui parle de moi, dans leurs discussions ? J'en suis un peu flatté. J'ai beau être son copain, je ne suis pas très passionnant, pourtant... Pas que je sois inquiet par ce qu'ils peuvent se dire, bien sûr. C'est vrai, que je dois être taré et masochiste sur les bords, et rien que vouloir absolument nouer quelque chose avec Clive doit en être la preuve.

Enfin, au moins, il ne paraît pas réticent, ou du moins, il ne m'a pas (encore) opposé de 'non' catégorique à ce que je lui ai proposé. J'ai même cru voir, pendant un fragment de secondes, un sourire se dessiner sur son visage. Cela arrive si rarement... Y'a-t-il quelque chose qui pourrait rendre Clive aussi joyeux que Faust ? Je me le demande. Il mérite de se reposer, après tout ce qu'il a vécu.
Égoïste ! Tu ne penses même pas à tous ceux qu'il a dû tuer ! me dit une petite voix. Je trouve, ma foi, ce résumé de ses actes un peu trop facile. J'imagine aisément qu'il n'a pas agi par plaisir, et que pour avoir autant de mal à me regarder en face, il y a bel et bien quelque chose qui le ronge et le meurtrit. Je ne suis, en outre, pas la plus altruiste et objective personne du monde. Il y a certains sujets où je suis vraiment comme Faust.
Mais Clive est bien modeste, de mon opinion. Je suis sûr qu'il y a des tas d'autres choses dans lequel il est doué. Je sais qu'il a fait barman dans leur auberge familial qu'il a géré pendant longtemps, et qu'il joue même très bien du piano. Il doit avoir d'autres qualités qu'il n'ose pas montrer, j'en suis persuadé. L'évocation de ses talents au combat, toutefois, est ce qui retient le plus mon attention. Ce n'est pas parce que je suis nul en Histoire que je m'en préoccupe moins, mais c'est comme si une ampoule s'était allumée dans ma tête. J'aimerais, par ailleurs, en profiter pour lui prouver que je ne suis pas bien difficile en matière de compagnie. Si celle de Clive me dérangeait, il le saurait.

« Je me doute que... Que nous ne deviendrons pas forcément très proches et que tu dois me trouver bizarre. »

Geste prêté maintes fois à Faust, et peut-être qu'il le reconnaîtra, mais ma main vient distraitement se placer derrière ma nuque, car je me sens encore légèrement gêné à l'idée qu'il me trouve étrange. Il aurait toutes les raisons de se méfier et même de me dévisager pour ce que je suis en train de faire. Juger n'est pas spécialement son genre, il me semble, pourtant je ne pourrais lui en vouloir s'il considère, au final, une entente entre nous impossible.

« Je ne dis pas que ce que je fais est normal ou même logique. Après tout, je ne suis ni l'un, ni l'autre. »

Il ne m'a pourtant rien fait, à moi, hormis m'endormir à coup de chloroforme pour que je puisse me tenir tranquille le temps qu'il m'attache pieds et mains. Je ne suis pas le plus à plaindre parmi tous ceux dont il s'est plus ou moins servi. Puisqu'il s'agit là de mon point de vue et que je me trouve être l'une des concernés dans l'affaire qu'il s'est produit il y a presque trois ans, et pour lequel Clive garde encore des remords, je me suis permis de lui exprimer ce que je ressentais. Il a l'air de commencer à m'accepter, ce qui est déjà un grand pas pour quelqu'un comme lui.

« Mais... Mais si je peux parler un peu avec toi de temps en temps, ou même ne plus avoir l'impression que je suis l'incarnation de la peste à chaque fois que tu m'évites, ça serait... un bon début, je crois. »

Je tente un petit sourire amical. Oh... Cela mettra sans doute du temps. Beaucoup de temps, qui sait, avant que nous puissions discuter librement comme si de rien n'était. Il est probable que pour lui, il y aura même toujours quelque chose, et c'est compréhensible. Je veux juste qu'il pense à autre chose me concernant. Prendre un nouveau départ. Est-ce que je lui en demande trop ?..

« D-D'ailleurs, à propos de combat... Est-ce que je... Tu... »

Je décide de changer le fil de la discussion, de manière peu subtile, mais directe. Inutile de s'attarder sur si oui ou non nous pourrions enfin faire connaissance comme des êtres normaux, puisqu'il m'a proposé un choix, peut-être sans le vouloir, qui a le mérite de m'attirer assez. Je détourne un peu le regard, pensant que ce que je vais lui demander va l'embêter plus qu'autre chose. Pourtant, puisqu'il faut bien que je me lance, je prends mon inspiration et m'incline respectueusement en avant, décidé.

« Tu veux bien être mon professeur et m'apprendre tes techniques de combat, s'il te plaît ! »

Il est doué, très doué en combat. Et ça, je le crois d'autant plus qu'il l'a affirmé de lui-même, sans chercher à se dévaloriser là-dessus. Je le devine confiant en ses capacités, mais de toute évidence, je n'en ai moi-même jamais douté. On ne devient pas Officier du Régime en jouant au Monopoly. Je craignais, seulement, que cela lui rappelle son passé de soldat et que ça ramène en lui de mauvais souvenirs, ce que je ne veux pas.

« Je sais que... Que tu te débrouille très bien dedans. Je-Je ne suis pas du genre à chercher la bagarre mais... Mais je veux pouvoir apprendre à me défendre par moi-même, et... Et je ne veux pas que mes Pokémons soient impliqués à chaque fois dans mes batailles. Je veux pouvoir mener mes propres combats quand il le faut. »

Ce n'est pas une bonne compagnie que je lui demande, si ça peut le rassurer. Je veux juste un professeur pour cette fois-ci. Différent d'un ami, si nous pouvons échanger quelque chose par le combat, alors j'en serai satisfait. Si sa relation avec Natsume se fait tantôt par le calme qu'ils maîtrisent ou même leur compréhension mutuelle, il se peut que le lien que je désire former avec Clive passe par tout autre chose.

Je ne suis pas spécialement bon pour discerner les émotions des autres. Encore plus quand il s'agit de Clive, qui arrive, comme Natsume, à garder cette expression neutre au possible. J'ignore encore par quel miracle ils arrivent à rester aussi imperturbable. Pour cette raison, je m'inquiète un peu du silence que conserve le Donovan pour le moment. J'ai peur de lui avoir demander quelque chose de stupide. Peut-être ne me jugerait-il pas prêt ? En même temps, il doit avoir suivi un entraînement très rude. Me pense-t-il encore trop fragile pour qu'il puisse faire de moi son élève ? Il ne prend peut-être pas n'importe qui comme ça, maintenant que j'y pense. Me suis-je trop précipité ?
S'il referme son livre, son regard est toujours ancré dans le mien, comme s'il cherchait à sonder mon âme. Je l'en croirais tout à fait capable, entre nous. Un Officier comme lui, j'imagine bien tout ce dont il est capable. La première réponse qu'il me donne me fait perdre l'espoir d'un 'oui', même si cela ne signifie rien quant à sa décision là-dessus. Ce n'est pas non plus un 'non', après tout, mais je n'arrive pas tellement à savoir ce à qu'il pense.

Si je ne suis pas très futé, je devine... qu'il accepte. Mais seulement si je lui fais une promesse. J'en suis surpris, mais je ne dis rien, me contentant de hocher la tête pour qu'il puisse continuer, attendant ce que je devrais lui dire. Cela ressemble à quelque chose auquel il tient. En me confiant son savoir, est-ce qu'il a peur que je fasse n'importe quoi ? C'est, après tout, un apprentissage qui me permettra de devenir bien plus fort ; car je compte m'appliquer à fond, et ne pas me laisser distancer. Comme pour Faust, où j'avais bien vu la douleur dans le regard de mon frère quand je lui ai demandé de me prendre sous son aile, je me suis juré de tout faire pour qu'il puisse n'avoir rien à se reprocher. Ce sont mes choix, et mes choix seuls. Arrivé bientôt à la vingtaine, j'espère être en capable de prendre des décisions qui pourront être un minimum mâture, digne du jeune adulte que je souhaite devenir.
Clive est très sérieux, à ce sujet, je le devine aisément. La condition pour faire de lui mon professeur de combat n'est pas impossible à relever. Cependant, elle m'étonne, me rend quelque peu curieux, et me trouble également. Même si, au fond, je peux comprendre sa logique. Il a peut-être peur que je fasse une bêtise, ou que je me serve de mes futurs acquis pour faire du mal. Loin de moi cette idée, pourtant. Je ne suis pas un fan des combats entre humains, pour tout dire. Il n'y a rien d'amusant là-dedans, et généralement, ce n'est jamais un jeu. Je n'ai aucune intention de blesser autrui pour mon propre plaisir, s'il avait peur d'une telle conséquence. Je peux toutefois comprendre ses réticences, et il a raison de me tester un peu d'abord. Toutefois, il se peut que je le désappointe un peu. Je prie pour qu'il ne revienne pas sur sa décision, si jamais je dis quelque chose qui ne lui plaît pas. Mais je ne peux pas m'empêcher d'être sincère. Je me redresse lentement, non incertain, plutôt songeur. Je dois être honnête avec le hérisson avant tout, lui qui veut bien accepter de me donner une chance, de me faire hériter de son talent.

« Je ne sais pas si ma vision de ce qui est juste est la bonne, mais... »

Je ne suis pas hautain ou même assez sûr de moi pour prétendre que j'ai une perception de la justice qui ne peut être remise en question. C'est évident pour moi que de vivre seulement en faisant ce que je crois être bon. Je ne suis néanmoins pas étranger aux erreurs, et Arceus sait que j'en ai fait.

« Les effusions de sang... Je veux aussi les éviter autant que possible. Cependant, je dois être préparé pour les jours difficiles qui risquent de nous attendre. Et pour protéger ceux qui me sont chers. »

Non, faire couler du sang n'a jamais été mon intention, que ce soit inutilement ou non. Je n'arrive à de telles extrémités que lorsque c'est nécessaire, mais j'ai beaucoup de réticence de base. Je n'ai pas un plaisir pour le combat en général, leur préférant de loin ce qui est devenu ma passion : les combats impliquant uniquement les Pokémons ; même si les opposants à cette pratique me diraient que cette dernière est tout aussi barbares pour nos alliés. Je prends toujours soin pourtant que mes compagnons tirent autant de plaisir que moi, et je ne lancerais jamais un de mes amis sur une arène sans leur accord. C'est, à mon avis, la moindre des choses, considérant le lien de confiance qu'un dresseur et son équipe sont censés entretenir.
Mais je suis déterminé à faire de mon mieux. Je me sens prêt à affronter les difficultés que Clive m'opposera, car je les devine déjà nombreuses et ardues. Je ne peux donc de toute façon qu'accéder à sa requête, puisque c'est ainsi que je mène déjà ma vie. Mon regard doré est droit, convaincu, et sans hésitation. Je peux qu'il puisse sentir ma motivation.

« Clive, si cela te convient tout de même, je peux te faire le serment de toujours me battre pour les convictions auxquelles je crois, et les valeurs que je défends. Alors... Alors... ! »

Je m'incline de nouveau avec respect, pour lui montrer à quel point je souhaite de lui comme enseignant, quand bien même ce ne serait, en réalité, pas obligatoire que j'en arrive à exécuter un tel geste pour qu'il comprenne mes sentiments.

« Merci de me prendre comme disciple ! Je ferais mon maximum pour que tu n'aies aucun regret, et pour être digne de ton entraînement ! »

Et qu'on ne compte pas sur moi pour abandonner si la tâche se révèle trop dure. Je tiens mes engagements, et j'assume mes choix. Je veux devenir plus fort, bien plus fort. Je ne désire pas qu'une occasion se présente pour que mes peurs deviennent vraies, mais sait-on jamais. Au moins, je me trouverais prêt à accueillir de potentiels ennemis s'ils cherchent à m'affronter au corps-à-corps. Je ne veux pas être faible. L'entraînement de Faust me permettait déjà de me débrouiller et de me défendre, mais je veux aller plus loin, encore et toujours. En prenant comme professeur un ancien Officier du Régime, je crois que je n'ai pas de doute à avoir quant à l'efficacité de son programme.
Nous ne pouvons pas discuter tous les deux davantage, car tout à coup, nous sommes interrompus par l'arrivée de Synkro, qui vient de se téléporter juste à côté de moi.

« Aaaah bah pas trop tôt ! »

De ce commentaire, je ne reçois qu'un bref petit coup derrière la tête de la part du Pokémon Psy et Fée, qui me fait comprendre que j'aurais sûrement m'abstenir de l'ouvrir. Synkro est un de mes partenaires de longue date. Enfin longue date... Cela doit remonter à deux ou trois ans, je crois, mais le temps passe vite, très vite. Si je sais qu'il me respecte et me reconnaît depuis longtemps comme son dresseur, ça ne l'empêche pas de m'embêter quand il en a la possibilité, et ses alliances avec Natsume ne viennent pas d'hier.

« Aïeuuh ! Synkro, qu'est-ce qu-... Oh ! »

Sur le point de questionner sa présence, me demandant si cela veut dire que nous pouvons sortir, il m'interrompt en nous montrant mon sac. En posant ce dernier, il en sort deux Oeufs, qui bougent beaucoup. Je m'en rappelle, maintenant. Cher avait eu un Oeuf depuis peu de son union avec Toshiro, le Chamallot de mon petit ami, et l'autre est un Oeuf que Synkro m'a ramené tout aussi récemment, mais j'en ignore, cette fois-ci, son origine exact, puisque j'avais plutôt cru voir les sentiments que mon Gardevoir réservait à celui du Donovan.
L'Oeuf de ma Mammochon s'active vivement le premier, tant et si bien qu'il en vient à se briser, laissant apparaître, sous les quelques morceaux de coquilles qui se sont décollés, une petite boule de poils marrons et tigrés. L'Oeuf brisé tombe pour laisser sa prisonnière sortir d'elle-même, laissant son minuscule groin renifler autour d'elle. Sentant les différentes odeurs qui l'entourent, elle se dirige soudainement vers Clive, en le reniflant, avant de pousser un léger rugissement.

« Héhé... Je crois qu'elle veut t'adopter. Je comptais te faire une surprise d'ailleurs, mais... Enfin... Si elle ne t'encombre pas trop, tu veux bien l'accepter dans ton équipe ? Tu sais, en gage de... De notre nouveau départ ensemble. »

Je voulais déjà lui confier cet Oeuf, à vrai dire. Je souhaitais que nous fassions la paix, et je me suis dit que lui donner un Pokémon serait une bonne chose pour ça. Un pas en avant, aussi petit soit-il, comme cette Marcacrin qui tente de monter sur Clive avant qu'il fasse attention à elle. J'ai toujours su que Clive, en dépit de ce qu'il faisait par devoir envers le Régime, était un bon dresseur. Témoin de l'affection que lui portent ne serait-ce que Ezekiel, Zachariah et Castiel, il était impossible pour moi d'être méfiant sur ce point. Son Etouraptor, après tout, a risqué sa vie pour lui venir en aide.
C'est au tour de l'autre Oeuf de craquer. Mais celui-ci a plus de mal de se fissurer. Le Pokémon à l'intérieur est probablement plus faible que sa comparse. C'est moi qui l'aide finalement, en soulevant les morceaux avec lesquels le bébé galère un peu, alors qu'il fait de son mieux. Peu à peu, un Tarsal se dévoile de l'Oeuf, et enfin, il arrive à sortir à son tour, triomphant. Dès son arrivée au monde, toutefois, il trébuche déjà au milieu des morceaux de son propre Oeuf, et c'est Synkro qui doit le prendre dans ses bras pour empêcher sa maladresse de nouveau-né de faire plus de dégâts.
En souriant avec douceur, je m'approche du bébé Tarsal pour lui prodiguer une caresse affectueuse sur la tête.

« Et je crois me souvenir que tu as eu un Tarsal, récemment, non ? Voilà son frère. Il semble que nos Gardevoirs nous aient caché des trucs, hé ! »

Et, pour la première fois de ma vie, je remarque des rougeurs sur les joues de Synkro, qui détourne un peu le regard. Je glousse, amusé, avant de constater ensuite ses yeux rouges emplis de tendresse se poser sur sa progéniture. Je suis touché qu'il ait trouvé un compagnon, même si je ne m'y attendais pas, sur le coup. Enfin, vu que c'est moi son dresseur, aussi...
Pour le coup, j'avais presque oublié que nous étions enfermés. C'est le bruit de la serrure de la porte se déverrouillant qui me le rappelle, et je soupire de soulagement.

« Enfin, nous sommes libres. »

Ne voulant pas ennuyer davantage le porc-épic noir, je m'avance sans trop me presser vers la porte, et m'arrête un instant alors que ma main baisse déjà la poignée.

« Une dernière chose, Clive... »

Je laisse un petit silence s'installer. À lui, je sais que je peux lui dire. Non seulement je lui fais confiance, mais en plus, je ne crois pas qu'il soit vraiment très intéressé par ce que je vais lui dire. Je ne pense même pas qu'il soit attentif à la Compétition, pour tout dire. Je l'imagine très mal regarder des revues à potins, et je ne compte pas faire le crâneur devant lui. Ce n'est pas mon style de m'épancher sur le sujet des heures non plus en prenant sérieusement la grosse tête, surtout avec le Donovan, mais je me devais de lui dire. Parce que j'en ai envie, tout simplement, mais aussi tenter un nouveau pas en avant. Alors je me retourne brièvement vers lui, un sourire plus timide aux lèvres.

« Je... Je suis Sirius. C'est moi, le nouveau Maître de la Ligue. »

Le job de mes rêves, basiquement, mais ça, tout le monde le sait. Je n'ai pas besoin d'en reparler, mais cela me fait encore drôle parfois de me dire que oui, malgré ce que je suis, des adultes bien conscients m'ont nommés au sommet de cette Ligue que je n'avais jamais regardé que de loin jusqu'à il y a quelques mois.

« Si j'te le dis c'est... Bah... J-J'aurais bien voulu que tu viennes assister à mon tout premier match. Je ne t'oblige à rien, mais... Cela me ferait plaisir. »

Il va peut-être trouver ça bizarre, aussi, que je lui demande ça. En vérité, il souhaitera également me voir, mais comme je le crois. J'ignore en effet tout de son projet, de sa volonté d'atteindre en particulier le Maître. Ce dernier, par le plus grand des hasards entre nous, se trouve être ma personne, et je le lui ai révélé en pensant qu'il ne le savait pas. Pourtant, ce que je lui dis, c'est vrai : je serais content s'il était là, car je cherche à nouer quelque chose par tous les moyens possibles, et le voir dans les gradins me rassurerait, me remémorerait tout le chemin que j'ai parcouru pour en arriver là. Car celui qu'il a kidnappé n'était qu'un adolescent qui débutait dans le monde de la Compétition, et que celui qu'il va voir a réussi à parvenir jusqu'à son sommet.