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Un Girafarig mâle vient bientôt se rejoindre à la nouvelle venue de son espèce, mais trébuche maladroitement en éclaboussant ceux autour de lui. Inquiète, Cheza l'aide à se relever grâce à ses lianes, et la petite girafe continue sa parade devant sa belle congénère. Mais cette dernière n'a l'air nullement impressionnée. Elle paraît plutôt amusée par le comportement de l'autre. Ce dernier, déçu et un peu triste, ne se permet alors plus de l'approcher. Je m'avance alors vers lui pour tenter de le consoler. Près de moi, Espoir me tire le pantalon pour attirer mon attention. Avec ses yeux pétillants, elle me tend un petit bouquet de fleurs qu'elle vient de cueillir elle-même, avant de me désigner la girafe accablée. Je prends dans mes mains les fleurs colorées, puis les tends au Girafarig.

« Allez... Tente une nouvelle fois ta chance, tu ne perds rien à essayer. »

Le Girafarig me regarde, hésitant, puis louche sur sa camarade. Enfin, il accepte la tentative et prend les plantes dans sa gueule, pour aller voir sa compagne. Celle-ci se relève vers lui, avant d'apercevoir les fleurs. Elle semble tout à coup ravie. Je souris, plein d'espoir, puis remarque qu'elle ne tarde pas à... les manger. Bah... J'imagine que c'est ça, que font certains Pokémons pour se rapprocher. En tout cas, ça a l'air de marcher. Je crois que la femelle est contente. Elle se rapproche du mal en lui donnant des petits coups de tête avec douceur. Ma mère, qui a assisté à la scène, est toujours perdue dans ses pensées. Le Couaneton contre moi gigote de mes bras puis en saute, avant de grimper sur Maman et de s'installer sur son épaule. Je m'installe encore à ses côtés après que le petit canard ait eu ce qu'il désirait.

« C'est à elle que tu penses à chaque fois que je te vois sourire sans raison apparente... N'est-ce pas ? »

Ses rougeurs reprennent, mais elle ne cherche pas à nier. Ce n'est pas son genre de toute manière. Fuir le problème, oui, mais mentir là-dessus, non.

« Cela faisait longtemps que je ne t'avais pas vu aussi... vivante ? J'ai l'impression que tu renais devant mes yeux un peu plus chaque jour, depuis... Eh bien depuis... elle. »

Depuis que je sais, maintenant, qu'il s'agissait de Kagami depuis tout ce temps ; et alors tout ce qui s'est passé jusqu'à ce jour ne m'avait jamais paru aussi clair et justifié, après tout. Il y a des tas de choses que je tends à mieux comprendre, dorénavant, et tout fait sens.

« Toi aussi, tu souris de façon hasardeuse, quand tu penses à ton japonais. »

Elle me sourit tendrement, comme si elle se rappelait tout à coup d'un de ces moments où, en effet, je devais avoir une tronche d'imbécile heureux lorsque je repensais au Shimomura. Mes sentiments pour lui me perdront sûrement, mais c'est vrai, je ne peux et ne veux pas cacher de quoi j'ai l'air quand je suis amoureux. Je me le permets. Et que ma réputation aille au Diable si jamais elle m'empêche de montrer ce côté de ma personnalité.

« Alors c'est bien vrai, peut-être que je suis tombée amoureuse d'une japonaise, moi aussi. »

« Alors... C'est bien vrai ? Tu ne chercheras plus à le nier ? »

Je lui offre de grands yeux brillants et pleins d'espoir. Ce serait merveilleux pour elle si son cœur s'ouvrait à nouveau et qu'elle pouvait y accueillir quelqu'un avec qui elle se sentirait aussi proche. Je ne pourrais jamais combler le vide que mon père a laissé, c'est évident, mais peut-être que Kagami le pourrait, elle, si ses sentiments sont semblables. Combien de chance y'a-t-il cependant à ça, je l'ignore. Mais moi qui pousse Maman à avouer ce qu'elle ressent, je ne compte pas lui donner de vaines espérances. À défaut, je ne pense pas que la Donovan soit réfractaire à l'idée de rester son amie. Potentiellement une confidente ? J'ai l'impression que c'est plutôt ce qu'elles sont devenues, au fil du temps. Oui... Ce devait être avec elle, ses longues minutes au téléphone. J'y pense aussi, mais est-ce pareil du côté de la japonaise, d'ailleurs ? Se sentait-elle un peu seul, à cause de l'absence de Karl, ou même celle de Faust puis de Clive, qui l'a quitté plus récemment et qui s'est mis en danger auprès du Régime ? Maman, quelques fois, me parlait d'urgences, ces derniers mois, quand elle devait sortir. Si je la savais occupée à la clinique, je sais aussi qu'il ne s'agissait pas uniquement de son lieu de travail, pour toutes les fois où j'ai appelé son cabinet pour tomber sur l'une de ses remplaçantes. Je la soupçonne maintenant d'être en fait allé à l'auberge, soit pour chercher du réconfort sans m'inquiéter, soit pour en donner. Aider les autres, quand ce n'était pas ses petits patients, c'est sûrement, comme moi avec la Compétition, une des choses qui lui a permis de tenir malgré la perte de Papa. Fidèle à elle-même, j'ai cependant eu bien trop peur à de nombreuses occasions qu'elle s'épuise, à force. Je veux croire que la présence de Kagami l'autorise à prendre du repos, et inversement.

« Je ne l'ai jamais nié. Mais... C'est plus compliqué. J'ai un peu peur de lui parler, tu sais. Si ça se trouve... »

Elle laisse sa phrase en suspens, comme si elle redoutait de la finir. Mais quoi ? Que voulait-elle dire ? Je m'accroupis pour chercher son regard, attendant une suite. Celle-ci ne vient pourtant pas, et si ma mère désirait reprendre la discussion, je suis surpris de constater d'étranges bulles qui flottent à la surface de l'eau. En les voyant, Maman fronce les sourcils, puis sursaute et se lève d'un coup, avant de tourner la tête vers l'origine de cette écume. Je ne comprends pas ce qu'elle a de si étrange, en fait, mais en suivant sa vue, je constate à mon tour qu'un poisson, encore un Ecayon, montre les crocs et tente d'effrayer ses congénères. La femelle est d'ailleurs plutôt grosse, pour son espèce ! Sa venue près de nous a le don d'effrayer les quelques Pokémons qui nous avaient paisiblement encerclés, comme si son arrivée était suivie du thème des Dents de la Mer.

« Mais c'est pas vrai, ça ! On peut plus être tranquille pour discuter, ici ! »

Je bondis sur place, un peu énervé de pas pouvoir parler de choses sérieuses avec ma famille sans qu'on nous embête. Je croise les bras et toise l'Ecayon pour lui montrer que je suis nullement impressionné. J'en viens même à taper du pied. Le poisson coloré ne veut pas bouger non plus, et c'est moi qui finis par siffler d'agacement.

« Cheza, tu peux t'en occuper, si tu veux. »

Et la demoiselle plante ne se fait pas prier. La nouvelle venue a fait peur à l'Ecayon shiney dont elle s'occupait, et ça ne lui plaît pas du tout, qu'on dérange ses amis ainsi. Alors ni une, ni deux, la Herbizarre prend le Pokémon Eau entre ses lianes, avant de la faire tournoyer hors de la rivière, en accélérant la vitesse de rotation. Enfin, quand elle juge que c'est suffisant, elle relâche aussitôt ses lianes pour envoyer balader la perturbatrice.

Je me rassois en soupirant, espérant qu'on ne soit pas dérangé une énième fois. Ma mère, elle, reste debout, pensive, mais plus préoccupée qu'autre chose. Je sais à quoi elle pense. La petite flamme qui s'est mis à grandir en elle la rend nerveuse. Elle n'y est plus habituée, cela fait si longtemps, après tout. Remonter la pente après ce qui s'est passé au nouvel an d'il y a quelques années était déjà chose difficile, mais elle a passé le cap le plus difficile. Elle s'est autorisée à aimer quelqu'un d'autre, pour des raisons hautement légitimes, je n'en doute pas. Maman n'est pas du genre à tomber dans les bras du premier venu ; c'est d'ailleurs elle qui a souvent eu tendance à repousser les plus lourds. Elle n'est pas fragile non plus : je la pense capable de se défendre quand on cherche à la nuire, mais personne n'a le droit de la blesser, ou il aura affaire à moi.
Je me lève d'ailleurs pour me rapprocher d'elle et la prendre doucement par les épaules. Mon expression est ferme, déterminée. Si je fais tout ça, après tout, c'est pour qu'elle soit heureuse.

« Il faut que tu lui dises !
- Hm ?..
- Ce que tu ressens ! Il faut que tu lui dises ce que tu ressens ! »

Elle détourne de nouveau la tête, gênée.

« Je... Je sais bien, mais... Je ne crois pas en être capable.
- Bien sûr que si, M'man ! Tu dois tenter le tout pour le tout ! »

Elle cligne des yeux face à mon regard qui s'est tout à coup embrasé, ne sachant que dire. Mais je n'ai pas envie de lui faire peur. Je sais que ce que je lui demande est loin d'être facile. Moi-même, je n'ai pas été capable de faire preuve d'autant de courage avec Natsume ; mais c'est justement pour ça que je veux l'inciter à faire ce pas, afin qu'elle n'ait aucun regret. Je la relâche, baissant légèrement la tête. Repensant à la manière dont le Shimomura m'a fait sa déclaration, je ne peux que me rappeler de la tristesse que je lui ai apporté à cause de mon silence. Si j'avais su ce qu'il ressentait pour moi... Non. Même sans ça, j'aurais dû être en mesure de le lui avouer. Moi qui me pensais courageux... Je n'ai fait que lui apporter de la douleur, alors qu'il ne la méritait pas. Je craignais simplement qu'il ne veuille plus me voir après ça. J'avais beau appris à mieux le connaître, je ne pouvais me détacher de la tête que des sentiments à son encontre pouvaient le dégoûter, sans même parler de son pays d'origine que je sais encore assez conservateur.

« Ne fais pas la même erreur que moi. Je ne veux pas que tu aies à souffrir à cause de ça, alors... Je... »

De quoi je me mêle... C'est la vie de ma mère, pas la mienne. Je suis son fils, mais quand même, ça ne me donne pas le droit de décider à sa place ou d'insister ainsi auprès d'elle. Je pensais simplement lui donner des conseils, mais ne va-t-elle pas trouver que j'en fais des tonnes et que je m'éloigne de mon objectif qui est, à la base, de la soutenir comme je peux ?
En soupirant discrètement, je ne fais même pas attention au Bargantua qui vient taper sans violence sa tête contre ma jambe, à répétition, comme si c'était un robot pour lequel je constituais un obstacle dans son avancée.

Il en fait des tonnes, mais il n'a pas tort. Lyra, cependant, ne souffrirait aussi douloureusement pour ça. Elle ne s'attend à rien, après tout. La présence de Kagami lui suffit déjà amplement, et si elle veut toujours garder leur amitié intacte même après cette histoire, elle en serait plus que satisfaite. Qui sait ce que donnerait quelque chose de plus intime que cela, mais elle ne va pas en demander trop à Arceus non plus. Elle avait déjà l'impression, depuis leur rencontre, de pouvoir partager sa peine avec quelqu'un, et de pouvoir comprendre la japonaise tout aussi bien. Elle ne s'en offusquerait nullement si ses sentiments n'étaient pas partagés, mais espère ne pas trop embarrasser la Donovan avec ses histoires. Tourner la dernière page pour commencer un nouveau livre, elle est largement capable de le faire. Les premiers mois difficiles sont derrière elle, à présent. L'italienne doit se faire une raison et emprunter la voie qui vient de lui apparaître. Alors qui sait, peut-être, qu'elle pourra enfin être en paix. Tout ceci pour juste une émotion un peu trop forte, elle n'aurait plus cru cela possible. Elle n'en ferait sûrement pas un drame, dans tous les cas ; interdiction de pleurer comme une adolescente de quatorze ans, puisque la mère du dresseur est bien au-dessus de tout ça. La nature calme et plus réservée de l'asiatique avait tendance à la rendre curieuse au début, elle dont le défunt mari était aussi câlin que l'ourson qui lui sert de fils, mais elle a appris à s'y faire, à être celle qui préconise les élans d'affection alors qu'elle n'en donne qu'à ceux dont elle est réellement proche. Kagami est devenue une confidente, en quelque sorte. Il lui est déjà arrivée de lâcher quelques larmes en sa présence quand elle sentait qu'elle en avait besoin. Au départ de Clive, la Sicilienne avait également proposer son aide en retour pour la soutenir à l'auberge, bien que ses petits jobs dans l'hôtellerie remonte à il y a plus d'une trentaine d'années, maintenant. Lyra était heureuse, néanmoins, de pouvoir se rendre utile lorsqu'on l'appelait, pendant son temps libre hors de sa clinique.

« Ne t'en fais pas pour moi. Ta maman n'en est pas à sa première relation, tu sais. »

Une chose que Sam a tendance à oublier quand il tente de se comparer à sa mère. Mais c'est bien vrai, il s'en rend à peine compte. Elle est, techniquement, plus expérimenté dans ce domaine que lui. Mais on peut toujours apprendre de nouvelles choses. Il s'agit, en outre, d'un terrain que la quarantenaire a certes arpenté, mais il y a de cela plusieurs années. Peu importe comment cela se finit avec Kagami ; son deuil est franchi, et elle l'a définitivement réalisé avec elle. Rien n'est perdu, elle n'a qu'à essayer. Lyra lui sourit, avec cette douceur qui la caractérise. Son pauvre garçon s'inquiète pour elle, mais qu'il soit rassuré : sa mère ira bien, quoiqu'il arrive, tant qu'il ne se met pas en danger.

« Il me semble que tu as encore du temps, avant ton tout premier match de Maître. Est-ce que tu penses avoir quelques soirées de libre, à m'accorder ?
- Hmhm ! Euh... Mais pourquoi, au juste ? »

L'Elite cligne des yeux, curieux. Il ne voit pas le rapport avec sa question et leur discussion. Enfin... Il n'y a peut-être pas de raison, après tout. Sa mère n'a pas besoin d'en avoir, pour retrouver son fils. Mais d'habitude, elle ne lui demande pas. Pour s'assurer qu'il n'a rien de prévu avec Natsume ? Ou pour voir ce dernier ? Il faut dire que la vétérinaire adore les visites de l'éleveur. C'est bien l'un des seuls avec lequel elle peut parler de sciences et faire des blagues du même style. Un humour que ni Ikaël, ni son enfant n'ont jamais pu comprendre, mais elle n'hésite pas à en placer une, désormais, lorsque le Shimomura passe à la maison.
Le regard doré de l'ourson scrute sa génitrice à la recherche d'un quelconque indice sur son visage, mais son attention est portée tout à coup vers une feuille... qui bouge. Ou plutôt qui marche. Pas que les feuilles ne bougent pas, puisqu'elles se forment et changent bien de couleur, mais jamais elles ne se déplacent d'elles-mêmes, du moins, pas à la connaissance de l'Enodril. C'est le Couaneton qui résout le mystère le premier en sautant dans l'eau et en arrachant la feuille, pour y découvrir une Ptitard qui sursaute, démasquée, avant de plonger dans l'eau, comme pour s'y cacher. Timide, le Pokémon Eau à spirale est abordé par la Farfaduvet de l'ex-compétiteur qui la rassure avec de grands sourires amicaux.

« Si l'avenir le veut... »

La veuve prend une grande inspiration. 'Chi non risica non rosica', qui ne risque rien n'a rien, lui disait souvent sa propre mère lorsqu'elle était plus jeune. Lyra s'était promis de faire en sorte de n'avoir jamais aucun regret, lorsqu'elle est morte. Peut-être en aurait-elle, après tout, si elle ne faisait rien. Oui, c'est bien probable. Elle regretterait sûrement, le plus, de n'avoir pas pu dire à Kagami à quel point elle était merveilleuse, et à quel point elle avait trouvé en elle un soutien immuable. Elle ne peut pas se taire, pas vrai ? Pas après toutes les belles journées que l'aubergiste lui a offerte, dans les moments où elle pleurait encore parfois la disparition de celui qui avait partagé sa vie durant tant d'années. C'est un peu plus confiante qu'elle s'approche de son fils avant d'ébouriffer ses cheveux tendrement, le regard pétillant.

« Alors j'aurais bientôt quelqu'un de très spécial à te présenter. »