Les marais. Trois jours. Et impossible de penser à autre chose qu'à Alex. Je soupirais et m'allongeais sur le bord d'une berge boueuse. Colossinge, occupé à couper du bois, était là, et mes autres pokémons aussi. Notamment, le petit loupio. Son caractère timide commençait à m'agacer. Il avait peur de tout, et je n'avais qu'une envie, lui dire que la vie ce n'était pas se cacher et fuir. Il vivait dans la mare près de ma tente, et je le vis crever la surface.  

« Thésée, tu es faible. Pourquoi être venu avec moi ? Pourquoi me vouloir comme maître ? Tu n'as rien à faire avec moi. Tu serais mieux avec un autre !  » grondais-je.

Etait-ce réellement à lui que je m'adressais, ou à un Alex imaginaire. Je me relevais, et me mis à crier, alors qu'un orage s'abattait sur nous, et que la foudre détrempait les marais d'une eau tourbeuse.

« Va t'en ! Je serais mieux sans toi ! Je suis fort, et tu es faible ! Je ne t'aime pas ! Je ne t'ai jamais aimé ! Va t'en ...  » continuais-je, et je vis loupio s'enfoncer, son regard blessé me transpercer.

Qu'avais-je fait ? Rendu fou de douleur par la perte de celui que j'aimais, voilà que je blessais mon loupio parce qu'il avait le malheur d'être timide. Sans réfléchir, je plongeais dans la mare profonde, et m'immergeais. J'ouvris les yeux, la vue troublée par de la boue et des feuilles qui tourbillonnait sous la tempête. J'attrapais le loupio et ressortis. Il me mordit, et nous glissâmes sur la berge. Je le serrais contre moi, effrayé cependant à l'idée qu'il puisse m'électrocuter.

« Pardon, Thésée, pardon ! Je ne parlais pas à toi. Je parlais à Alex ... Je m'en veux ... Je n'aurais pas dû le laisser me jeter ... Je ne peux pas supporter qu'il soit loin. Je suis navré de t'avoir blessé. Je t'aime, toi aussi. Peu m'importe que tu sois timide, ou effrayé. Tu es mon ami. Je suis tellement désolé. » dis-je d'une voix monocorde, tremblant de froid, sous la pluie glaciale.

Il resta un instant interdit, puis se blottit contre moi. Il acceptait mes excuses. Je me mis à pleurer doucement sous la pluie. Alex. Pourquoi je ne pouvais pas l'effacer de ma vie ? J'avais besoin de mes forces, de mes esprits, mais loin de lui, je me sentais démuni. Je m'effondrais au sol, et colossinge me secoua pour que je bouge. Je reposais loupio au sol, mais après quelques pas, quelque chose se passa. Un éclair traversa les feuilles, et plutôt que d'atterrir sur ma tente, sur moi, ou ailleurs, loupio le mangea. En fait, il sembla l'attirer, et l'éclair l'illumina. Il se mit à luire, doucement, alors que l'éclair avait disparut.

Et quand je fus enfin capable de voir, après avoir été aveuglé, je vis devant moi non plus un petit loupiot mais un lanturn.  Plus gros et plus grand, Thésée semblait également plus sûr de lui. Il me décocha un regard déterminé, et sembla mâchonner les restes de l'éclair, puis la boule devant son front se mit à illuminer les environs. Je l'observais, médusée. Mon petit loupio, si faible et si doux, était devenu un lanturn. Je souris, et essuyais mes joues pour le prendre dans mes bras. Nous étions trempés, et pourtant, pour la première fois depuis longtemps, j'oubliais ma peine et Alex.