J'avais le trac. Un angoisse qui me rongeait le ventre, comme une brûlure au trente millième degré, qui mettait le feu dans mes veines, m'asséchait la bouche et me donnait la fièvre. Je jetais un oeil dans ce qui avait été la salle d'attente et un frisson me parcourut : il y avait là au moins une trentaine de personnes ! Et dire que tout cela était parti de moi, qui voulais faire part de mes avancées dans mes recherches ... Et puis, bon, c'était un peu obligatoire de donner quelques conférences. Je me mordillais la lèvre et remis en place mes lunettes, repoussant une mèche de cheveu rose échevelée. Je portais ma sempiternelle blouse blanche que j'appréciais - Hati beaucoup moins. Isabelle servait à boire et à manger dans la salle, slalomant entre les personnes, esquivant d'autant plus les personnages masculins. Je reconnaissais parmi eux certains collègues, et inspirais encore plus fort. Mon coeur tambourinait dans ma poitrine comme si il voulait en sortir. J'avais la nausée, mais je savais que c'était un effet secondaire du trac, que je n'avais pas vraiment envie de vomir. Mais allez dire ça à mon estomac, alors que mes yeux m'envoyaient des signaux de panique au vu de la foule.

« Thor, tu veux bien rester près de moi ? Pas à côté, mais tout près ... Et puis, surveille l'oeuf. Je l'ai vu bouger, ce matin, comme pris de tremblements. J'ai hâte que ce goupix sorte de sa gangue de coquille. »

Le luxray hocha sa grosse tête entourée de sa crinière, et je m'apaisais à caresser sa fourrure douce. Sa présence était ce qu'il y avait de plus rassurant pour moi. J'avais laissé les autres pokémons au jardin, car même si Gersimi et Freyja étaient sages, les autres l'étaient un peu moins - notamment Hati, qui était connue au centre pour ses bêtises. Son évolution à elle ne l'avait pas faite grandir, et la démolosse bleue, avec sa grande taille élancée, faisait plus peur qu'autre chose quand elle s'approchait pour vous lécher et vous mordiller. Il était l'heure, hélas, et après une inspiration tremblante, j'avançais jusqu'à l'espèce d'estrade mise en place et au micro en plein milieu. Je tremblais, et j'espérais que ça ne se voyait pas trop. Les regards étaient rivés à moi, et j'aurais voulu me cacher dans un trou de souris. Ou mourir, au choix. Je me raclais discrètement la gorge, rouge comme une tomate, et me mis à parler, en essayant de maîtriser ma voix assez aigüe et tremblotante. Je me présentais puis j'entrais dans le vif du sujet.

« Depuis de longs mois, j'étudie notamment l'ADN des pokémons chromatiques. Leurs couleurs différentes varie-telle selon l'individu ou est-ce un schéma prévu ? Car, pourquoi tel pokémon serait de telle couleur et pas d'une autre ? Mes études m'ont prouvés que des pokémons chromatiques réagissaient plus promptement à certains lieux et certaines émotions. Cela a t-il quelque chose à voir avec leur ADN ? »

Maintenant que j'avais débuté dans mon domaine, j'avais pris un peu d'assurance, et un vieil homme au premier rang me fit un sourire rassurant, qui me fit du bien. Je continuais donc sur ma lancée, sans remarquer que, sur ma gauche, cachés par un rideau, Thor avait levé la tête vers l'oeuf posé sur la table sur un coussin. Poc, poc. Il tremblait, et semblait se craqueler doucement.

« Certains pokémons naissent donc avec un ADN très peu différent de leur espèce, et pourtant, dans ces petites hélices d'ADN se cache le secret de leur coloration si étrange. » Poc, poc, poc ! « Car oui, le schéma de couleur est prévu dans leur ADN, comme si les pokémons avaient réalisé que certains individus naîtraient différents, et avaient décidé qu'il n'y aurait qu'une seule couleur, et non pas des individus trop différents les uns des autres. » Poc, poc, poc, poooooc !!! « Mes études ont réussi à avancer grâce à de l'ADN récolté sur mes propres pokémons ou sur celui d'autres, offert par des amis. J'ai donc remarqué que, notamment chez les pokémons qui évoluent grâce à des pierres, il ... Que ... ? »

Je baissais les yeux sur quelque chose qui tirait sur ma blouse, et posais mes yeux roses sur une petite boule de poils rouges. Deux grands yeux bruns, comme du chocolat chaud, brillants, rieurs, se levèrent vers moi. Je clignais stupidement des yeux, puis bondis en arrière alors que la goupix mettait le feu à ma blouse. Je l'enlevais, la roulais en boule et la piétinais à grands gestes stupides, interdite, puis Thor intervint, et prenant avec délicatesse la petite dans sa gueule, il s'éloigna, comme si de rien n'était. Je les regardais disparaître dans le couloir, incertaine de ce qui venait de se passer.

« Je ... Je suis désolée pour ce petit imprévu. » fis-je en me tournant vers la foule, gênée, et je fus rassurée de les voir tous sourire. Inspirant de nouveau, je me remis à parler, le coeur battant non plus de peur mais de joie. Je m'évertuais à faire court, et dix minutes plus tard, la conférence prenait fin.

Une fois tout le monde sorti, je me ruais vers le jardin, où je trouvais la goupix roulée en boule entre les flancs de Thor et Hati. La chienne de feu couvait la renarde du regard, et Thor lui-même avait un air paternel. Je manquais d'éclater de rire ; au moins, elle avait trouvé une famille. J'étais si contente ! Je vins m'asseoir près d'eux, et caressais la fourrure chaude et douce de la goupix endormie ; elle roula sur le dos, me présentant son ventre, passa sa langue sur ses babines sans se réveiller.

« Petite renarde, tu es diablement adorable. Ne grandis pas trop vite, Freki, d'accord ? » murmurais-je avec affection, un sourire larmoyant aux lèvres.