Le sable crissait sous mes chaussures noires. Le vent soufflait de la mer, formait des vagues régulières, qui venaient lécher la berge sablonneuse. Mon regard dur comme de la roche observa un instant un goélise s'approcher, quand une ombre noire vint le heurter, et l'oiseau blanc et bleu s'éloigna sans demander son reste alors que Hannibal revenait moi, fier comme un paon, son plumage irisé dans le crépuscule naissant. Il vint se poser sur ma main, ses serres s'enfonçant doucement dans ma chair, me rappelant ce moment où, plus jeune, bien plus jeune, il m'avait lacéré la peau de son bec acéré. J'en portais encore le stigmate, presque fièrement. J'avais été marqué par mon vieil ami, et rien n'aurait pu me rendre plus heureux quand, alors que je réfléchissait, je posais mes yeux sur cette vieille cicatrice, entre l'index et le pouce de ma main droite.

« Marchons un peu. »  

J'avais parlé plus pour entendre ma propre voix, pour casser cet espèce de décor si beau et si pur. Rien n'était pur ; quand on cherchait, on pouvait trouver la crasse, si on savait où chercher. Détritus, cadavres et squelettes de pokémons dévorés dans la mer, excréments, cette plage n'était pas aussi idyllique qu'elle le semblait. J'avais presque pitié pour les gens assez naïfs pour croire en cette illusion si jolie ; je me mis à marcher, conscient de la présence de Bathory, toute proche, sans savoir exactement où. Quant à Olaf, il dormait, accroché à ma poitrine, sur ma chemise ample et beige.

Il n'y avait personne. Le vent s'était mis à forcer, et j'appréciais cette sensation de froid qui m'engourdissait doucement. Au moins ressentais-je quelque chose d'autre que la colère. L'échec du bloc R, les médias et la presse sur le coup, tout cela formait un noyau dur de haine en moi, et j'avais eu beau corriger certains fainéants et incapables, cela ne changeait rien à la donne. Les prisonniers étaient toujours au dehors. J'aurais voulu tous les tuer, ces immondes fils de chiennes. Eux, et leurs gardiens survivants. Ils auraient mieux fait de crever durant la mission des résistants, car pour le moment, si je ne les avais pas puni, ce n'était pas par bonté d'âme mais parce que je n'avais toujours pas trouvé de tourment assez pénible à leur faire subir. Je fis craquer les jointures de mes mains, puis m'arrêtais. La nuit était finalement tombée, enfin, comme un voile lourd et sombre, et les lumières proches de la ville étaient les seules à offrir de la lumière dans les ténèbres. Cependant, je souris en songeant que je devais sûrement être la créature la plus dangereuse des environs ; avec ma carrure d'ancien militaire, personne ne m'embêtait outre-mesure. Et tant mieux, je n'étais pas d'humeur.

Hannibal s'envola, et je regardais son vol gracieux, alors qu'il se mettait à chasser. J'aurais aimé parfois pouvoir moi aussi me faire pousser des ailes et m'envoler, mais c'était là des pensées inutiles et insipides. Je baissais le regard et me remit à marcher doucement, de ma démarche presque féline, celle d'un carnassier qui sait qu'il est sur son territoire. Hannibal croassa en débusquant un krabby, et s'évertua à casser sa carapace de son bec ; le bruit réveilla Olaf, qui bailla et vint se blottir dans mon cou, à la manière d'une sangsue, sauf qu'il ne me suçait pas le sang. J'inspirais l'air salin et m'arrêtais de nouveau, devant des rochers moussus, pour observer les étoiles qui se reflétaient sur l'eau sombre, comme des diamants noyés.

Je détournais la tête, semblant avoir entendu un bruit, et observais avec indifférence une jeune femme approcher. Malgré la pénombre, quelque chose d'étrange émanait d'elle. Hormis son teint étonnamment pâle que je discernais aux lumières crues de la ville, et ses vêtements des plus singuliers, c'était ses yeux qui relevaient mon intérêt. Ils brillaient d'une lueur rarement entrevue dans un regard. Dans un regard humain. J'écoutais avec une politesse froide ses paroles, et me permis enfin un petit sourire narquois. Old man. Rien que cela. Je me serais senti vexé si cela ne m'avait pas amusé. J'avais beau avoir des cheveux blancs et porter des lunettes, j'étais encore capable de briser un homme à mains nues - peut-être plus aussi facilement qu'autrefois, mais j'y prenais toujours autant de plaisir.

« Vous avez raison, on ne sait jamais sur qui on peut tomber. »  

Je ne mis pas longtemps avant de comprendre qui j'avais en face de moi. En quelques secondes, j'avais mis bout à bout les points qui m'avaient mis la puce à l'oreille. Son apparence étrange, son accent, et puis, surtout, j'étais celui qui autorisais la tortionnaire à jouer sur l'île ; j'aurais fait un piètre chef si je ne connaissais pas mes subalternes. Aussi, je sussurrais, presque amusé :

« N'est-ce pas, A Mulher-Cobra ? Pardonnez mon piètre accent, ce n'est pas un nom que je prononce tous les jours. »  

Moi, joueur ? Oh, rien qu'un peu. Dans mon dos, Hannibal se mit à croasser de panique, et je sentis un courant d'air. Bathory venait de se jeter sur l'ombre dans mon dos, sans que je ne bouge ou ne réagisse. L'insécateur vit ses faux passer sans faire de dégâts au fantôme, et elle bondit sur le côté, ses yeux étincelants de peur et de colère. Je le remarquais, mais ne bougeais toujours pas. J'étais conscient qu'il se passait quelque chose, mais j'étais bien trop occupé à observer la demoiselle en face de moi, par-dessus mes lunettes. Mon propre regard étincelait aussi, à présent, d'une lueur aussi carnassière que ma démarche l'avait été.

Je savais qui j'avais en face de moi, mais la réciproque n'était pas vrai apparemment. J'étais curieux de savoir comment elle allait réagir, en réalisant qui j'étais, et je ne voulais manquer cela pour rien au monde. Je mettais encore une fois ma vie entre les faux étincelantes de Bathory, toute paniquée qu'elle fut. Hannibal vint se poser sur mon épaule, tête tournée vers l'arrière, comme un oiseau de garde, bien qu'il ne bougea ni n'attaquait. Je ne savais ce qu'il y avait derrière moi, mais Bathory avait échoué à le trancher. Je devinais qu'un quelconque danger venait en réalité de la femme devant moi ; c'était presque excitant, en un sens. J'attendais de toute façon un danger potentiel de la part d'une femme aussi mortelle que Mulher-Cobra.

Savoir quelque chose que d'autres ignorent, c'est extrêmement agréable. Et ici, même si la situation n'était pas exactement cela - c'était quand même très bon. Elle n'avait pas dû se douter que je connaissais son nom - bien entendu, je savais quelle personne se cachait derrière ce pseudonyme, mais j'avais préféré utiliser ce dernier. Au moins réfléchirait-elle à cela, et en viendrait sûrement à la conclusion que j'étais du régime. Je ne répondis pas à sa question, me contentant de garder ce sourire amusé, et de la fixer de mes yeux durs et gris comme de la roche, par-dessus mes lunettes. Enfin, elle murmura, et déclina mon nom. Bien ; elle me connaissait. Il aurait été regrettable que j'ai à lui apprendre qui je suis. La plupart du temps, cet enseignement n'est guère plaisant - sauf pour moi.

Je la laissais s'excuser, un peu surpris qu'elle le fasse, mais c'était une surprise agréable. Je préférais cela au fait que l'on se rebelle volontairement. Néanmoins, je n'appréciais pas toujours qu'on se jette à mes pieds pour me lécher les bottes - obéissant et servitude, oui ; bêtise humaine, non. J'émis un grognement de dérision ; pas reconnu dans le noir, hm ? Mouai. Mais je restais toujours silencieux. Je vis, alors, une ombre se propager jusque elle, sans bouger, mis à part que je m'étais crispé, les muscles bandés. C'était donc à cet écho de fantôme que j'avais eu affaire ? Je comprenais la soudaine panique de Hannibal et Bathory, bien que je ne sentisse pas de peur. L'insécateur regardait avec colère la jeune femme et sa robe revenue, faite de son pokémon spectre, sans aucun doute. Le pokémon insecte aux bras faucilles semblait sous le choc ; habituellement, rien ne résistait à ses incroyables lames recourbées. Hannibal se retourna, faisant face à Mulher-Cobra, et l'observa du même regard dur que moi-même. Ses paroles résonnèrent jusqu'à nous, alors qu'en fond, le bruit de la mer se faisait comme moins assourdissant. Une lueur admirative se mit à luire au fond de mes prunelles d'orage ; elle était déçue de ne pas me tuer. Cette femme n'avait rien à voir avec la peuplade féminine et faible que j'avais rencontré - hormis certaines exceptions, bien entendu. Bien qu'elle se montrât à présent respectueuse, il était évident que me tuer ne lui aurait posé aucun problème. J'aurais bien rit, si je n'avais pas préféré m'exprimer de ma voix posée, calme et réfléchie :

« La mort nous attend tous. Qui suis-je pour m'en détourner ? Je n'ai pas peur de mourir. Mais ne vous méprenez pas : je suis ravi de vivre encore. Et, de toute évidence, ma propre vie n'a guère de valeur à vos yeux que celle de pouvoir vous être utile, hm ? »  

Je n'étais pas dupe. Je savais que, devant l'excitation de la mort et le danger que cette femme représentait, il n'y avait une qu'une raison ou deux pour m'empêcher de mourir. Je ne savais pas encore laquelle, de raison, et je m'en fichais. Je vivais, et c'était ça qui importait, non ? Hannibal croassa soudain, et Bathory tourna son museau frémissant de rage vers la droite, au niveau de l'eau. J'avais moi aussi entendu du bruit.

« Il semblerait que nous ayons dérangé les autochtones aquatiques. Bathory, tiens-toi prête. »  

Sur cet ordre, ma voix s'était faite aussi tranchante et inéluctable que possible, comme si c'était elle-même une faux. L'insécateur déploya ses bras, silencieusement, aussi silencieuse et mortelle que la mort elle-même. Hannibal bougea d'une serre sur l'autre, et Olaf lui-même leva sa petite tête pour bouger ses antennes comme pour essayer de voir lui aussi ce que nous allions bien pouvoir détruire. Je me déplaçais de quelques pas, pour pouvoir tourner mon regard vers la mer et pouvoir voir dans la périphérie de mon regard la demoiselle.

[ HRP. Apparition d'un pokémon, plage, nuit, merci :3 ]

J'avais deviné juste. Cette femme était du genre à aimer jouer. Après tout, elle était celle qui s'amusait des tortures des gens - enfin, dans le régime, rares étaient ceux qui n'étaient pas excessivement cruels envers autrui. Chaque homme avait, en lui, cette part sombre, cette curiosité morbide et macabre, cette envie de faire mal à autrui. D'être l'origine de la douleur sans en être la cible. Mais mon attention fut détournée, et Hannibal s'envola en croassant, ses ailes froufroutant dans l'air frais de la nuit. Quant à Bathory, elle s'était presque fondue dans les ombres d'un rocher, ombre parmi les ombres ; seuls ses deux yeux rougeoyants de haine brûlaient dans les ténèbres, et je savais que ses faux étaient prêtes à l'emploi.

De l'eau sortit un crabe à l'air sûr de lui. Je ne bougeais pas, le laissant approcher, ses petites pattes dansant sur le sable alors qu'il claquait ses pinces comme si il désirait nous impressionner. Quand il fut à portée d'attaque, Hannibal croassa et l'empêcha d'approcher plus, en fonçant sur lui, visant les yeux ; l'écrapince sembla comprendre et s'arrêta. Néanmoins, l'envie de se battre continuait de briller dans ses yeux idiots.

« Bathory. Pour toi. »

Je savais sa frustration, et sa colère qui sourdait sous sa carapace d'émeraude. Je savais aussi que cela permettrait de la calmer un peu ; n'avoir pas pu toucher l'ombre qui m'avait menacé la mettait dans tous ses états. Cela me faisait également réfléchir : contre un spectre impalpable, ses faux elles-même ne me seraient pas d'une grande aide. J'allais donc devoir remédier à cela.

« Fais-en ce que tu veux. »

Puis je me détournais. Je regardais Catherine, qui était elle attaquée par une mouette blanche et bleue. Ces pokémons n'avaient guère d'intérêt. Je soupirais dans ma barbe, et me grattais la joue du bout de l'index.

« Est-il vrai que vous appréciez le type poison plus que tout autre ? »

Nous allions continuer notre conversation comme si de rien n'était, calmement, pendant que nos pokémons allaient s'occuper de ces individus des plus embêtants. Soudain, Bathory poussa un cri, et je me retournais vers elle. L'écrapince se tenait à sa faux, ne semblant pas vouloir la lâche de ses pinces. J'eus un éclat de rire réprimé, et délaissant un instant Catherine, je m'approchais.

« Une vraie teigne. Bien, bien. Je te laisse ta chance. »

Je sortis une pokéball, et la lançais sur le homard rouge. Son évolution semblait bien plus cruelle que cette pré-évolution des plus ordinaires. Je souris et regardais la pokéball rouler.

[ Envoi de Insécateur ♀ - Bathory - Technicien - Maline

Attaques Vive-attaque x 1 ; Faux-chage x 1 et lancer d'une pokéball, merci ! ]

Apparemment, la lancer sur un sujet qu'elle aimait la rendait plus sympathique à mon égard. Je n'y avais pas vu de stratégie pour la mettre dans ma poche, c'était juste à cause de ma curiosité, mais si il était possible de la rendre moins sévère, ce n'en était que plus agréable. Je me pris à sourire vaguement quand elle me parla de la peur, que le régime utilisait à foison. Oui, oh oui, j'aimais ce poison qu'était la peur et la terreur ; il était exact qu'un homme subira toujours l'émotion de la peur. Peu importe combien il est courageux, il finira par avoir peur, que ce soit pour lui ou pour d'autres.

« C'est exact. L'homme n'est qu'un animal de plus, subissant ses émotions et notamment la peur. La peur de l'inconnu, de la douleur, que ce soit pour soit ou pour ceux qu'ils aiment. Je vous rejoins sur vos paroles. La peur est sûrement l'un des meilleurs poisons au monde. »

Je hochais la tête, et en même temps, je vis l'écrevisse sortir de la pokéball, l'air furibard. Je haussais mes sourcils broussailleux, avec l'envie mélangée de l'abattre sur le champ et de le faire mien. La dernière solution me paraissait plus appropriée : cette envie de liberté me donnerait le libre champ à ma satisfaction de le voir sous ma coupe. Et puis, une telle combattivité me donnait bien des idées quant à ses pinces coupantes. Il ferait un bon compagnon, si tant est qu'il se laisse capturer. Bathory m'observait, énervée, et obéit à mon ordre muet. Elle s'élança à nouveau, attaquant avec faux-chage pour ne pas le tuer.

Je me tournais, le temps de quelques battements de coeur, vers Catherine : elle avait laissé la place à un mimigal, qui tenait mal la distance au vu du type vol de son adversaire. Interrogateur, je me promis de lui demander pourquoi son choix s'était porté sur ce pokémon. Mais tout d'abord, la capture. Je lançais une nouvelle pokéball, bien décidé à le capturer maintenant. Si il tenait tant que cela à la liberté, je le libérerais de toute sa vie. J'aimais qu'on me résiste, mais un peu. Tout avait ses limites, et ma patience aussi.


[ Insécateur ♀ - Bathory - Technicien - Maline

Attaques Faux-chage x 2 et lancer d'une pokéball, merci ! ]

Bathory était une arme sur pattes, une meurtrière verte aux ailes puissantes, et aux faux dignes de la mort elle-même. Quant au combat d'à côté, je m'y intéressais pas politesse, et parce qu'il valait mieux connaître chaque personne qui nous entourait, amie comme ennemie. L'araignée semblait volontaire, et l'irréalité de ce combat me semblait absurde. Enfin, si sa dresseuse était en toute confiance, pourquoi pas ? J'allais récupérer la pokéball qui venait enfin de cesser tout mouvement. L'écrapince était à moi. Je ramassais la balle bicolore et vis la fin du combat. La migale avait gagné.

« Félicitations, Luìochàn. »

Je souris au pokémon poison et insecte, d'un sourire presque amical. Presque. Bathory souffla par ses naseaux, et je restais immobile, près de la ligne de la mer, à l'écoute des vagues que je percevais avec clarté.

« Beau combat. Malgré votre désavantage, votre pokémon a su tirer dans ses forces pour battre cette mouette bleue et blanche. J'apprécie ce trait de caractère, que ce soit chez les pokémons comme chez les humains. »

Je me surprenais moi-même, à parler pour simplement parler. Mon regard d'acier se posa de nouveau sur la demoiselle d'ombre. Intrigante et étrange, voilà ce qu'elle me faisait ressentir. Néanmoins, une certaine curiosité à son égard était née, également. Malgré tout ce que je savais sur elle, mieux valait apprendre par moi-même.

« Qu'est-ce qui vous a amené à fréquenter cette plage, tard le soir ? »

Simple question. Cherchait-elle quelque chose, ou quelqu'un ? Je ne m'en faisais pas pour sa sécurité ; cette femme émanait une aura de noirceur telle que je me serais plutôt inquiété pour ses attaquants, si fous qu'ils soient pour s'attaquer à elle. Alors que je continuais de l'observer, Bathory tourna sa tête triangulaire vers l'eau. Un nouvel ennemi ?

[ Apparition d'un pokémon ; plages sud, océan, merci :D ]