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Feat Samaël Enodril

En vérité, la réaction quoique un peu puissante et déstabilisante de Sam était attendue par le conseiller qui ne doutait pas un instant que la nouvelle risquait d'être reçue de manière assez particulière. Toutefois, il n'avait pas au départ trouvé de façon d'annoncer ça décemment, et maintenant que c'était fait, en partie parce que la cause de l'annonce s'accrochait encore à sa taille, il ne pouvait pas dire qu'il se sentait plus soulagé. Il avait même carrément l'impression d'avoir pris un coup au moment même où l'adolescent était tombé. Étant donné que la fillette s'accrochait encore à sa taille, il était impossible pour lui d'aller aider l'autre dans l'immédiat, principalement parce qu'il ne tenait pas à ce qu'elle tombe, pour l'amour d'Arceus. Mais bon sang, le voir se mettre dans un tel état le fit grimacer et ne manqua pas de lui faire de la peine. Sa fille lui jeta un regard interrogatif, ne comprenant déjà pas qui était le nounours par terre et pourquoi il se mettait dans un état pareil, alors si en plus son père affichait cette mine sombre et inquiète... Disons qu'elle avait des raisons d'être un peu confuse.

Faust réfléchissait. Il réfléchissait à ce qu'il devait et pourrait dire, à ce qu'il était capable ou non de prononcer, ce qu'il savait déjà banni de son vocabulaire mais bon sang... Disons que pour être tout à fait honnête, il n'y avait pas de discours tout fait pour dire à votre petit frère que « hey, surprise, j'ai une gamine de six ans ! ». Il avait passé des jours et des jours à réfléchir à la manière dont il allait amener le sujet et l'annoncer à Sam, mais à chaque fois, il avait fini par abandonner en se disant qu'il verrait bien au moment venu. Autant dire qu'à force de procrastination, c'est-à-dire de se dire ça tous les jours, le temps avait fini par s'écouler et le moment fatidique était arrivé bien trop rapidement à ses yeux. Et au final, tout compte fait, eh bien bordel de merde il aurait mieux fait de réfléchir convenablement à ce qu'il ferait plutôt que de rester là comme un glandu pendant que son petit frère se torturait l'esprit à essayer de comprendre une situation qui était aussi emmêlée qu'un Saquedeneu s'appliquant à faire des nœuds marins avec ses tentacules pour le fun de la chose.  

Il poussa un long soupir et rapprocha un peu la fillette de lui pour lui offrir un bref câlin et ainsi lui assurer qu'elle n'avait rien fait de mal et ne pas la blesser par son silence et son état de paralysie temporaire. Il n'y avait pas à dire ; la sentir proche, en sécurité et dans ses bras lui amenait toujours une sensation de chaleur plus bienvenue dans sa poitrine. C'était bien l'une des seules choses qui faisait qu'il acceptait volontiers de continuer à se battre, qui faisait qu'il essayait de se relever et qu'il tentait même de voir la lumière au bout de ce tunnel de merde. Il déglutit et prit une grande inspiration avant d'enfin répondre, même si la terreur l'habitait. Il avait peur de ce qu'il pensera et surtout, il était complètement paniqué à l'idée qu'il lui en veule, mais il était prêt à assumer les conséquences, parce que tout ça, tout ce calme, tout ce silence, tout ce secret sur son existence, il l'avait fait pour elle et pour qu'elle arrive à se relever de l'épreuve qu'elle avait traversé il y a peu. Parce qu'elle avait besoin de calme et de paix.

« C'est... C'est une longue histoire. Je voulais t'en parler, mais crois-moi, j'ai encore un peu du mal à y croire. » balbutia-t-il alors qu'un sourire  triste étirait ses lèvres.

Visiblement, la petite ne comprenait rien à rien, et sa timidité naturelle la poussa à poser la question qui lui brûlait les lèvres.

« Pourquoi est-ce qu'il est triste, le monsieur ? »

Faust grimaça. Il fallait vraiment qu'il commence à lui parler du timing aussi tiens, mais c'était loin d'être la première chose à l'ordre du jour. Il posa son regard bleu dans les yeux marrons de sa fille et instantanément, il eut l'impression de se sentir plus léger.

« Il a... Il faut que je lui parle, ma grande. »

C'était bien l'explication la plus boiteuse du monde, mais la petite parut l'accepter malgré les quelques doutes qui prouvaient leur présence par des lueurs dans le creux de ses iris. Après s'être rendu compte d'une chose, il fronça les sourcils. Si elle était là, cela voulait donc dire qu'Isaac était rentré avec elle malgré ses consignes (et Arceus, il allait vraiment lui faire la peau une fois que tout ça serait terminé, c'était juré). Il avait besoin qu'elle parte un peu, qu'il puisse avoir une discussion plus que nécessaire avec son petit frère, et la présence du suédois l'aiderait considérablement dans sa tâche (tâche dont il devait s'occuper ainsi parce que ce putain d'abruti n'avait pas été capable de l'écouter dans une fois de sa vie de merde et- oui pardon on continue).

«  Dis-moi, est-ce qu'Isaac est là ? Demanda-t-il du ton le plus doux qu'il pu utiliser dans son état de stress.
- Il est parti y'a pas longtemps. Il va faire des courses, mais y a Debrah et Demy avec moi pour me surveiller. » expliqua-t-elle naïvement, ne se rendant pas vraiment compte de ce que ses paroles impliquaient.

Oh l'enfoiré. Ce gros lâche a fait EXPRÈS de la ramener et en plus, il s'est enfui ! Si je le chope, on va transformer la baraque en KFC, c'est juré.
Il serra un peu les dents et afficha la façade la plus calme qu'il pouvait montrer et se dit qu'au moins, avec une Kangourex et une Tyranocif, la petite n'avait pas été trop dérangée (après tout, elles étaient ses principales baby-sitters derrière Isaac qui assumait le rôle en grognant énormément). Bon, au moins, il savait sur qui se rabatte quand son idiot de meilleur ami lui faisait de pareils coups de putes.

« Tu veux bien aller jouer un peu avec elles, s'il-te-plaît ? Je dois parler avec le monsieur, si tu veux bien. » demanda-t-il calmement.

Elle hésita un peu, mais après l'avoir fixé pendant moins de deux secondes, hocha la tête en silence et quitta la pièce en passant par la véranda. Il pouvait même voir Déméter et Debrah d'ici, tiens. Tant mieux. Il pourrait garder un coup d’œil sur elle d'ici et même s'il savait pertinemment que les deux colosses la gardaient en sécurité sans la moindre erreur, il ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter au moins un peu lorsqu'elle s'éloignait.
Quelques silences passèrent, durant lesquelles Faust se pinça l'arrête du nez avant de faire quelque chose. Okay. Calme, relax, tout ira bien avec un peu de courage et de cran. En tous cas, c'était ce qu'il se répétait pour ne pas faire une crise de panique qui n'aurait franchement rien arrangé et qui aurait apeuré quelqu'un d'autre qu'il ne voulait vraiment pas traumatiser non plus.
Il se mordit les lèvres et s'approcha lentement de l'adolescent et lui tendit sa main. Il supposait que l'autre refuserait, mais au moins, il faisait le geste. Tant pis s'il se faisait repousser violemment, même si ça lui aurait fendu le cœur, à nouveau.

« … Au risque de me répéter, thé ou café ? Je suppose que tu as un paquet de questions. Assieds-toi s'il le faut et... Enfin, qu'est-ce que tu veux savoir ? Je ne sais pas vraiment comment t'expliquer tout ça d'un coup, alors...  » dit-il avant de laisser un rire jaune s'échapper de sa gorge.

Pas doué, on vous dit. Et maintenant, ce débile a une gamine.
Putain, le monde est mal fait quand même.

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C'est compliqué.
Ça, c'est ce qu'il aimerait dire. Le truc, c'est que ce genre de réponse lâche, ça n'arrange strictement rien et Faust n'est pas encore assez stupide pour se permettre de dire ça pour gagner du temps. Il aimerait bien avoir une réponse toute faite, une simple phrase qui suffirait à expliquer toute la situation et surtout à dire de façon simple qu'il a une fille et comment... Eh bien comment c'est arrivé. Il faut dire que de lui-même, il se sent encore incapable d'assimiler l'information et d'en saisir toutes les conséquences sans avoir l'impression d'avoir fait une gigantesque hallucination. Pourtant, ça fait quatorze jours exactement qu'il vit avec cette gamine, gamine qui est sa fille au passage, et ça ne change rien au fait qu'il a toujours du mal à se faire appeler 'papa'. Ce n'est pas que l’appellation ne lui fait pas chaud au cœur, loin de là, il a toujours l'impression de recevoir (et bon dieu sortez l'insuline) le plus beau compliment du monde lorsque l’appelle ainsi, mais c'est surtout qu'il peine à se dire que lui, le raté de vingt-quatre ans avec un lot d'emmerdes puant à quatre-vingt kilomètres, l'abruti instable de service, est père. Père d'une gamine tout ce qu'il y a de plus gentille, quoique un peu excentrique. Après tout, la première fois qu'elle était entrée dans la maison, elle avait tout de suite été attirée par la bibliothèque et il avait par ailleurs fallu faire de nombreux ajustements, comme par exemple mettre hors de sa portée les livres non adaptés et faire un achat en masse de livres pour enfants. En fait, la vérité, c'était qu'il s'adaptait encore. Tout demandait à être revu, sa vie en général avait été entièrement bouleversée ; plus question de partir à l'autre bout de l'île sans penser un seul instant aux conséquences comme il le faisait avant, impossible de la laisser seule (surtout vu que le traumatisme était encore frais, mais nous en parlerons plus tard si vous le voulez bien)...

Alors donner des explications claires et précises, c'est un peu beaucoup lui demander puisqu'il est lui-même incapable de tout comprendre alors qu'il est l'un des deux principaux concernés. Certes, il aurait dû en parler à l'adolescent avant, mais il y a cinq jours, il aurait été complètement incapable de se considérer comme 'père'. Il y a une semaine, il n'aurait même pas considéré la gamine comme sa fille. Il y a deux jours, il était encore en train de se dire, le soir alors qu'il la berçait pour chasser les cauchemars qui étaient venus troubler son sommeil, qu'il n'était vraiment pas fait pour ça et que peut-être, il avait fait un mauvais choix. Alors il n'a pas de réponse toute claire à donner à Sam, même s'il aimerait beaucoup que ce soit le cas. Il n'a jamais de réponse en fait, et il n'a que l'improvisation comme seul moteur de réussite.
Il grimace. Il a envie d'arrêter Sam, de lui jurer que ce n'est pas une question de confiance, de lui dire que ça n'a aucun rapport. Il a toute confiance en l'adolescent,  bien au contraire ; il lui confierait sa vie et tout ce qu'il possède et est sans la moindre hésitation. Mais aujourd'hui, c'est différent.
Pendant que l'autre parle, il prépare deux thés et s'assied à ses côtés. Il a pensé à se mettre à l'autre bout de la table, mais ce serait mettre entre eux une distance qui le terrorise plus que tout. Parce que maintenant, c'est une de ses plus grandes peurs. Maintenant qu'il lève peu à peu ses barrières et les murs qu'il met entre lui et le monde pour son petit frère, le perdre est devenu une de ses plus grandes peurs mais ça, il ne peut pas le dire. Trop de fierté.

Il se tait, et il lui semble qu'à force de tenir sa tasse comme ça, la brûlure qu'il ressent aux mains est plus que naturelle. Il faut dire qu'en même temps, il a besoin de sentir ça pour se dire qu'il est bel et bien en train de vivre cette situation et que ce n'est pas un cauchemar bizarre inventé par son esprit tordu pour troubler son sommeil. Il ne sait pas vraiment par où commencer et il doute fortement qu'il y ait un ordre exact, d'autant plus qu'il sait que l'adolescent ne doit pas en  mener plus large que lui sur le coup, mais il faut qu'il se montre adulte pour une fois, qu'il laisse le bordel que ce sont ses émotions de côté pour retrouver un tant soit peu de logique et de raison. En même temps, son manque de logique et de raison est ce qui fait qu'il a une fille, et c'est foutrement ironique de vouloir appel à ces qualités aujourd'hui, en sachant en plus que chez lui, elles sont bien enterrées.

Il prend une grande inspiration et offre un maigre sourire à son petit frère. Ça y est, il va se lancer. Il a eu le temps de remettre un peu d'ordre dans ses idées et de toute façon, il doit bien aborder le sujet. Étrangement, il n'a plus peur de se ridiculiser et sa fierté s'est faite renvoyer d'où elle vient. Peut-être que c'est parce qu'il sent que cette fois, il a vraiment merdé et qu'il ne peut plus se permettre de commettre de telles bourdes, surtout des anneries causées par sa fierté stupide.

« Ce n'est pas que je ne te fais pas confiance, Sam, loin de là. Je ne t'ai pas révélé mon identité la première fois que l'on s'est vu pour rien ; tu as toutes les armes en main pour causer ma perte, et je te les ai données de mon plein gré. Je... En fait, il y a un mois, je n'étais même pas au courant de son existence, et pour être parfaitement honnête, je ne suis 'père' que depuis quinze jours. Officiellement en fait, c'est encore en pourparlers mais j'ai réussi à faire en sorte qu'elle reste avec moi même si tous les papiers ne sont pas encore exactement en règles. »

Il prit une gorgée de son thé (aux fruits rouges tiens, parce qu'il avait définitivement besoin de quelque chose de sucré) et poussa un long soupir avant de se forcer à continuer à parler bien qu'il aurait préféré disparaître. Il en profita pour jeter un bref coup d’œil à l'extérieur en regardant au travers du verre de la véranda pour vérifier que la petite ne s'apprêtait pas à entrer ; il ne voulait vraiment pas qu'elle arrive alors qu'il s'apprêtait à parler de ça. Déjà qu'il évitait au possible le sujet de la mère pour ne pas la rendre plus triste qu'elle ne l'était déjà...

« C'est... C'est ma fille. Je crois. Enfin, pas qu'il y ait de doute, mais... Enfin, biologiquement, ce n'est pas le cas. Disons que je l'ai rencontrée quelques heures après la mort de sa mère, qui est arrivée devant elle d'ailleurs, et que... Je ne sais pas trop, en fait. Je suppose que j'étais là au bon moment, et en quelques jours, ça s'est fait. Je n'arriverai pas à te dire pourquoi, mais je sais juste que ça me paraissait la chose la plus logique à faire, à ce moment-là. J'ai encore du mal à croire que je suis vraiment en train de l'adopter, tu vois. Même avec les papiers et la procédure en cours, qui est horriblement fastidieuse d'ailleurs, j'ai encore l'impression de faire une gigantesque hallucination. »

Nouvelle pause, plus courte cette fois. Il ne s'agit que de reprendre son inspiration pour pouvoir continuer, et il se demande s'il va passer encore longtemps à s'expliquer. Ça ne le dérange plus, maintenant qu'il s'est lancé. Il a perdu tout ce qui l'angoissait pour finalement se dire que la meilleure chose à faire, c'est de tout dire. Sans tourner autour du pot ou même d'éviter certains sujets ; c'est pour ça qu'il a mentionné la mort de la mère biologique de la petite, et non pas pour ajouter un détail larmoyant ou glauque à son récit.

« Quand je l'ai récupérée... Elle ne parlait quasiment pas, les premiers jours. Je suis moi-même étonné du fait qu'elle soit capable de se montrer si énergique malgré ce qui est arrivé il y a si peu de temps, mais il faut croire qu'elle s'est très vite adaptée à la situation. J'ai... Parfois, quand elle m’appelle 'papa', j'ai du mal à me dire que c'est moi ; je n'ai vraiment pas l'étoffe d'un père et pour être tout à fait honnête, j'ai vraiment peur qu'elle regrette son choix. Quand elle a demandé à rester avec moi, j'ai accepté par instinct, parce que c'était ce qui me semblait le meilleur choix. Pourtant, je ne sais pas si.... Enfin, je... »

À nouveau, il expire profondément et sent ses doigts se serrer autour de sa tasse, parce que dire tout ça, c'est beaucoup pour lui qui est si réservé sur ce qu'il pense d'ordinaire.

« J'ai et j'avais peur qu'elle regrette, je pense. Isaac était le seul au courant avant toi, et franchement, je ne sais pas comment je vais annoncer ça convenablement au grand jour. Tu m'imagines aller voir quelqu'un que je connais en disant que 'hey, surprise, j'ai une fille maintenant !' ? C'était supposé être temporaire, mais... Mais je sais pas. Je peux pas m'imaginer me séparer d'elle, maintenant. »

Car oui, lui aussi a besoin d'elle. Il a besoin de ce sourire si rare mais qui met pourtant de la lumière dans ses journées les plus sombres à chaque fois qu'il le voit, de ce rire qui lorsqu'il résonne dans ses oreilles lui apporte une sensation de chaleur incommensurable, de voir ces jolis yeux marrons pétiller à chaque fois qu'elle découvre quelque chose ou même s'amuse simplement. Mais pourtant, il a aussi besoin de Sam, aussi égoïste que ça soit, parce que il se demande s'il arriverait à vivre convenablement en le sachant opposé à lui. Parce que c'est savoir Sam heureux arrive à lui remonter le moral, parce que le voir joyeux suffit à faire naître un sourire sur ses lèvres, un vrai, pas un de ces faux qu'il produit à diverses occasions pour que personne ne s'inquiète de son sort.

« J'avais prévu de te parler d'elle aujourd'hui, et Isaac était supposé la tenir éloignée pour que j'amène le sujet en douceur, mais cet d'abruti ne m'écoute jamais quand il le faut et résultat... Enfin, tu as bien vu. »

Il rit doucement, plus fatigué et agacé par le timing de merde de sa vie qu'autre chose. Avec un peu de temps et surtout, si ce foutu nugget de merde avait été capable de lui laisser gérer la situation seul, alors TOUT se serait mieux déroulé. Néanmoins, il avait encore le temps de lui exploser le visage contre le mur plus tard, alors il se concentrerait d'abord sur ce sujet-là.
Maintenant qu'il avait tout dit à ce sujet, son instinct lui intimait de continuer et de ne pas s'arrêter, parce qu'il ne doutait pas que si il 'oubliait' de dire le reste, alors il le blesserait de nouveau, et il ne pouvait décemment pas se permettre ça.
Il fixa le contenu de sa tasse pendant quelques secondes, espérant trouver du courage dans son thé, sauf que évidemment, ça ne se passait pas comme ça dans la vraie vie. Un maigre sourire triste s'esquissa sur son visage.

« … Je suppose que maintenant, si je te dis qu'il reste quelque chose d'autre, en plus du fait que j'écris des romans de merde sous pseudonyme, tu vas me haïr, hein ? » confia-t-il en baissant les yeux alors que sa voix se faisait plus faible.

Il a volontairement fait passer le secret de son travail de romancier en éclair pour ne pas avoir à développer le sujet ; il en a honte, alors autant faire vite.
Il ne devrait pas se permettre de montrer une telle faiblesse dans sa voix, mais aujourd'hui, il lui semble qu'il peut le faire. Il grimace ; ce n'est peut-être pas le meilleur moment, mais il se connaît et sait que si il ne dit pas tout ça maintenant alors il l'oubliera et finira par blesser Sam lorsqu'il le découvrira de lui-même. Il se rend compte maintenant, que ce qu'il omet de dire blesse ceux qu'il aime, et c'est difficile. Extrêmement ardu même.

« Je... Je suis conseiller. Le spécialiste des pokémon ténèbres, c'est moi. Je comptais t'en parler après t'avoir annoncé son existence, et même si question timing, c'est complètement raté, je pense qu'il faut tout de même que j'amène le sujet. Je crois. J'sais plus, en fait. Je sais jamais. » avoua-t-il d'une traite.

Les yeux baissés, il déglutit et prit une grande gorgée de son thé. Gorgée qui, vu que le thé était encore brûlant, était loin d'être agréable et le fit grimacer fortement. Sa gorge le brûlait mais au moins, il se sentait un peu mieux, ou du moins il avait réussi à s'empêcher de penser. Il refusait de rencontrer le regard de Sam, trop honteux et fatigué. Un maigre sourire triste étira ses lèvres.

« Je... Je suis désolé. Je pensais pas que ça te ferait mal. Quand j'te dis que y a plus grand chose à sauver... »

Bonjour, la dévalorisation, ça faisait moins d'une demie-heure qu'on ne vous avait pas vu !

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Il savait depuis le début que cette annonce ne serait pas simple, et honnêtement, il s'était attendu à se faire hurler dessus, à se faire houspiller, ou au moins entendre quelques reproches basés sur le fait qu'il avait 'omis' de parler de tout ça au cadet. Néanmoins, la réaction de l'autre n'est pas plus agréable, elle est même bien pire à supporter que des cris enragés et indignés ; pour lui, c'est bien pire de le voir pleurer par sa faute que de le savoir en colère. Il n'ose pas parler de peur de le blesser encore un peu, ne proteste même pas lorsque l'adolescent le force à le regarder, se contentant d'essayer de ne pas baisser les eux parce que cette lueur dans le regard de son petit frère est bien trop dure à supporter. C'est égoïste et il le sait, mais il n'aime pas le voir comme ça, et il se haït d'avoir causé tout ça à cause de sa propre idiotie. Il déteste amener du malheur aux autres, et pourtant il lui semble que c'est bien l'une des seules choses qu'il fait, mais alors qu'il observe les larmes de l'autre couler, il se rend compte que non, il ne doit plus penser à ça. Parce qu'il ne peut aider personne si il ne se relève pas seul, sans avoir besoin de s'appuyer sur l'épaule de quelqu'un de tout aussi endommagé que lui et il est temps qu'il arrête de se dire que ce n'est pas grave s'il s'écroule ainsi, parce que maintenant, si il le fait, alors Sam continuera d'être triste et il ne se donnera jamais le droit de le laisser être malheureux.

Lorsqu'il sent les bras du jeune garçon se refermer contre son cou, il manque presque de tomber étant donné qu'il est assis sur une autre chaise, mais se rattrape bien rapidement (heureusement qu'il avait de bons réflexes tiens, sinon la scène aurait été particulièrement comique et peut-être même un poil difficile à expliquer si quelqu'un rentrait) et laisse l'autre l'attirer dans ses bras. Il n'a pas encore l'habitude d'être dans la position de celui qui ne fait pas le premier geste, mais il ne manque pas de rendre le câlin autant qu'il le peut. Sa main droite dessine des cercles dans le dos de l'adolescent pour le rassurer et sa main gauche se pose dans ses cheveux pour le masser et faire taire les pleurs qui agitent le corps du plus jeune. Il a l'impression de revivre ces fois où il réconfortait Clive après que celui-ci se soit réveillé d'un de ses cauchemars suite à la mort de leur père, et ne manque pas de se dire qu'il doit rester fort pour permettre à l'autre de se relever. Alors oui, l'entendre sangloter lui fait un mal de chien, mais il gifle cette partie de lui-même qui veut elle aussi se mettre à pleurer et la renvoie au fin fond de sa conscience pour ne plus avoir affaire à cette tentation. Faust ne veut plus pleurer, pas tant que tout ne sera pas fini, c'est hors de question. Maintenant, il a besoin de surmonter sa propre peine et de laisser celle du cadet s'exprimer, même si il doit déglutir plusieurs fois et calmer sa respiration pour ne pas craquer devant cette douleur.

Il serre les dents et fait taire les protestations qui veulent s'échapper de ses lèvres lorsque Sam commence à se blâmer. Non, non et encore non par Arceus ! L'égoïsme et la colère sont deux des plus grandes racines de l'être humain, et il ne comprend que trop bien que l'omission de ces détails de sa part ait pu provoquer une forme de rancune et de rage chez son frère. Il n'est pas assez arrogant pour dire qu'à sa place, il aurait été furieux et franchement moins sympathique que lui, bien au contraire. Et c'est pour ça en un sens, qu'il le respecte bien plus qu'il ne respectera jamais Clive, pour l'exemple ;  Sam était bien trop gentil pour se laisser aller à des émotions pourtant aussi naturelles que le fait de respirer pour les êtres humains. Alors lorsqu'il l'entend dit ça, il referme sa prise sur lui et grommelle un peu pour faire passer le message. Il faut dire qu'avec sa tête posée sur l'épaule du cadet, ça doit bien résonner.

Même s'il veut protester pour que l'autre arrête de se blâmer de tout et de rien, il sait qu'il doit se montrer patient et écouter jusqu'au bout, même s'il meure d'envie de contester tout ce qu'il dit. Il a besoin de savoir quels sont ces petits mensonges insidieux que son frère s'obstine croire pour pouvoir les chasser de son esprit, et pour ça, il doit supporter la morsure froide que provoquent ces mots contre son cœur. Il ne dit rien et il écoute, tout simplement. Il serre les dents et se retient de jurer en l'entendant dire qu'il n'a plus besoin de lui, se fustigeant mentalement d'avoir dit la même chose il y a peu de temps à peine. Bordel, mais qu'est-ce qui lui avait pris ? Il ne sait pas d'où lui vient cette force d'un coup, mais il serait bien sot de ne pas en profiter. Il attend, calme et serein, sachant déjà ce qu'il va répondre car il n'a pas eu à chercher ses arguments longtemps tant ils sont évidents.
C'est à contrecœur qu'il le laisse s'écarter et un maigre sourire triste se dessine sur son visage quand il lui demande le nom de la petite. Il prend une grande inspiration et enfin, prend son courage à deux mains et renvoie sa fierté loin de là pour pouvoir parler et ne pas se cacher, pour pouvoir lui prouver une fois pour toute que le problème n'est jamais, oh grand jamais, venu de l'adolescent, mais d'un adulte de vingt-quatre ans incapable de gérer ses émotions.

« … Arceus, non, tu n'es pas un fardeau. Et j'aurais toujours besoin de toi, comme j'ai besoin d'Isaac ou d'elle, parce que si tu n'avais pas été là, alors... »

Il grimace, et même s'il ne veut pas rencontrer son regard quand il dit ça, le fait tout de même. S'enfuir est hors de question.

« … Si tu n'avais pas été là, je n'aurais eu personne pour m'arrêter dans ma bêtise. Peut-être que Isaac t'en a parlé, mais je n'ai pas vraiment été un modèle de bonté en janvier, et je ne doute pas que si tu n'avais pas été là, alors j'aurais probablement tout lâché. »

Parle-t-il de se laisser mourir, parle-t-il de se laisser succomber à des démons les plus mesquins ? Il ne sait pas vraiment lui-même en fait, et même si avouer tout ça le mettrait très mal à l'aise en temps normal, il n'en est rien aujourd'hui puisqu'il doit à tout prix persuader l'autre d'arrêter de se croire inutile. Parce que sans la gentillesse lumineuse de Sam, il se serait probablement enfoncé dans sa croyance que l'homme ne pouvait être que mauvais et égoïste. Sans des gens comme l'adolescent, qui par leur bonté ne cessaient de contredire cette petite voix dans sa tête, il serait devenu fou et bien plus cruel que ça depuis bien longtemps, et il est loin d'en être fier. Maintenant que le temps s'est écoulé et qu'il a eu le temps de regarder ses actions en face, il comprend qu'il a peut-être tort, et c'est une excellente chose pour sa santé mentale.
Petite pause. Il expire avant de parler et passe nerveusement une main dans ses cheveux ; ce foutu tic allait le suivre jusqu'à la fin de ses jours, tiens.

« Tu n'as pas t'excuser ; ta réaction est normale, et je ne vais pas te blâmer alors que j'aurais fait bien pire, mon grand. Mais ne pense jamais, jamais tu m'entends, que je n'aurais plus besoin de toi. »

Sa main gauche vint ébouriffer doucement les cheveux de l'adolescent alors qu'un sourire tendre, débarrassé de toute tristesse, s'affichait sur ses lèvres.

« Elle n'est pas là pour prendre ta place, et ça ne sera jamais le cas. Tu seras toujours mon p'tit frère et ce jusqu'à ce que tu ne lui veuilles plus ; que je sois père ne changera jamais rien à ça. J'aurai toujours besoin de te voir heureux pour l'être moi-même, tout comme je vais avoir maintenant toujours besoin qu'elle le soit. Alors tu oublies tout ce que tu viens de dire et tu ne le penses plus jamais, d'ac ? »

Ce genre de discours n'est pas habituel pour lui qui est bien plus renfermé d'habitude, mais il n'est plus à ça près et il se doit de faire taire tous ses mensonges que Sam se dit. Un grand sourire éclaire alors son visage, un vrai de vrai, avant qu'il ne se lève de sa chaise et invite le cadet à faire de même.

« Quant à son prénom... C'est Alice. Tu sais, quand je lui ai dit que j'avais un petit frère, la première chose qu'elle m'a demandé, c'est si elle pourrait te voir un jour. » dit-il avant de glousser un peu sur la fin.

Et car il sent qu'un peu d'humour et de légèreté ne feront absolument aucun mal vu l'ambiance lourde qu'ils viennent de supporter, un rictus un peu provocateur étire ses lèvres alors qu'il hausse les sourcils et que son visage affiche une moue moqueuse plus que maîtrisée.

« Tu n'as pas peur tout de même, dis-moi ? »

Oui, il le nargue un peu pour rire et pour lui montrer que tout ça ne changeait rien, et que ce n'était pas ce genre de petit affrontement qui allait le convaincre de l'abandonner. Jamais.

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Okay, calme, relax, tout ira bien, pas besoin de se stresser et avec un peu de courage, tout ira bien. En fait, pourquoi est-ce que ça irait mal, hein ?
Faust ne savait vraiment pas pourquoi il commençait à paniquer alors que pourtant, il ne risquait absolument rien. Il supposait que c'était peut-être la nervosité qui le faisait parler, surtout que Sam devait être la première personne à qui il présentait Alice, en fait. Il avait jugé bon d'éviter à la gamine de trop nombreuses rencontres pour ne pas la bousculer et lui laisser le temps de s'habituer à sa nouvelle vie, ou bien même de changer d'avis. Il aurait sûrement du mal à accepter ce cas de figure, mais il lui avait dit depuis le début ; si elle souhaitait partir, alors il la laisserait faire. Il avait bien imaginé en parler à quelqu'un d'autre, par exemple à Solène qui s'y connaissait plus en petites filles que lui (parce que oui, élever des jeunes garçons et élever une fillette, ce n'est pas du tout la même chose), mais il n'avait pas voulu s'emballer dans les démarches et Arceus, l'adoption lui donnait déjà des migraines. Bien qu'il s'était sans la moindre honte servi de son rôle de conseiller pour faire avancer les choses (parce aussi abject que ce soit, l'argent et la renommée aidaient beaucoup dans les procédures), le fait était que celui qui avait mis au point le système d'adoption devait être un énorme sadique. Sérieusement, pourquoi avaient-ils besoin qu'il leur donne sa fiche de paie d'il y a deux ans ?! Enfin bref, tout ça, c'était encore très nouveau pour lui et autant dire qu'il galérait. Beaucoup même. Il faudrait qu'il s'y habitue, et il comptait bien le faire.
Bon. Il offrit un sourire à l'autre et hocha de la tête pour montrer qu'il appréciait l'idée et lui fit signe de le suivre à l'extérieur ; ils seraient bien plus à l'aise dehors qu'à l'intérieur où la place viendrait peut-être à manquer tiens.

En tous cas, Déméter et Debrah étaient vraiment douées avec la petite ; les deux colosses poussaient la balançoire (qu'il avait acheté il y a deux jours parce qu'il n'avait pas encore eu le temps de penser à des jouets, surtout que les combats officiels avaient commencé il y a peau et il était complètement crevé) sur laquelle Alice était assise, et celle-ci n'avait visiblement pas peur de la hauteur. Bon en même temps, elle avait une Kangourex pour la rattraper en cas de pépin et vu que Hadès surveillait les environs en se tenant sur le toit, elle ne risquait pas grand chose. Lorsque Faust ouvrit la porte menant au jardin, les regards des pokémon et d'Alice se portèrent sur lui et le sourire qu'offrit le conseiller à la petite suffirent pour la rassurer quant au fait que tout s'était bien passé. Elle avait déjà été probablement inquiétée par les blessures qu'ils portaient tous les deux, alors qu'il lui demande de les laisser seuls quelques minutes n'avait dû rien arranger. Toutefois, elle se contenta de descendre en douceur de la balançoire.

« Alice, tu peux venir, s'il-te-plaît ? »

La fillette le fit sans la moindre protestation, apparemment impatiente de venir même si elle ne l'exprimait pas vocalement. Néanmoins, la petite lueur pétillante de curiosité dans ses yeux confirma bien ses suppositions et elle s'approcha timidement d'eux, non sans jeter des coups d’œil hésitants à l'adolescent. Ce n'était pas qu'il lui faisait peur, mais disons surtout qu'elle se comportait ainsi avec tout le monde et que le contact social, ce n'était pas son fort.
Faust s'agenouilla pour être à sa hauteur (pas de blague sur la taille pitié, ça serait juste trop facile là) et lui offrit un sourire tendre.

« J'aimerais te présenter quelqu'un, tu veux bien ? »

Sa fille se mordit les lèvres, mais timidement, hocha de nouveau de la tête. Elle avait tendance à ne pas beaucoup parler quand elle était en présence de quelqu'un qu'elle ne connaissait pas. Il lui fit signe d'approcher et lorsque ce fut fait, la souleva avec ses bras de sorte qu'elle fasse face à l'adolescent et ne sente pas davantage gênée vu leur différence de taille. Bon, d'ici trois ou quatre ans, il ne le serait plus capable de le faire, c'était sûr et certain.

« C'est Samaël, mon petit frère. »

La fillette écarquilla les yeux, surprise de rencontrer le monsieur dont son papa lui avait parlé une fois, quand elle lui avait posé des questions quant à sa famille. Il n'avait pas parlé de Clive, mais en tous cas, il avait bel et bien mentionné le nounours et elle se rappelait d'avoir déjà entendu son nom.  Alors qu'elle n'osait pas rencontrer son regard auparavant, la gêne avait disparue, entièrement replacée par une curiosité dévorante envers cette personne apparemment très chère aux yeux de son père. Finalement, elle arriva à une conclusion qu'elle ne s'empêcha pas de partager.

« Donc si vous êtes le petit frère de papa, vous êtes mon tonton ? Vous êtes dresseur comme lui ? »

Tact : zéro. Le vouvoiement était encore là d'ailleurs, et Faust ne doutait pas que la mère de la gamine avait dû mettre un point d'honneur sur ça pour que Alice puisse ne pas l'oublier. Un peu gêné, Faust ne fut pas capable de parler, n'osant ni contredire ni appuyer les propos de la petite.
Il avait comme l'impression que la franchise de sa fille allait souvent le mettre dans ce genre de situations tiens.

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En tous cas, même si son papa avait l'air d'avoir eu bobo au cœur tout à l'heure et même si monsieur, enfin tonton Samaël avait paru lui aussi triste, il était gentil. D'autant plus qu'il faisait sourire son papa, alors c'était toujours des points supplémentaires pour la fillette qui ne pouvait pas voir quelqu'un qui rendait son père heureux comme quelqu'un de mauvais ou de dangereux. L'équation n'était tout simplement pas possible pour elle, et elle se dit donc que même si elle ne connaissait pas l’adolescent depuis longtemps, il serait forcément quelqu'un de gentil qu'elle verrait souvent, et elle ne pouvait que s'en réjouir. Elle ne savait pas vraiment ce que représentaient les badges à vrai dire, mais elle pensait que c'était un peu comme les bons points que la maîtresse donnait à l'école, ce qui ma foi n'est pas loin de la définition de la chose me direz-vous. Tout comme son père, Samaël avait également un certain nombre de pokémon et elle fut effectivement impressionnée.
En à peine deux semaines, Alice a vu beaucoup de pokémon. Il faut dire qu'avec les équipes combinées d'Isaac, de son papa et de la jolie madame à l’œil rouge, elle a eu l'occasion d'en voir un sacré nombre (pour les curieux, disons une trentaine). Alors même si à force d'être gardée par deux colosses, elle n'est plus impressionnée par les plus grosses créatures, elle est tout de même émerveillée à chaque fois qu'elle en découvre de nouveaux, qu'elle les ait déjà vu ou pas. Par exemple, la grande chienne devait être une Arcanin si elle ne se trompait pas, vu qu'elle ressemblait beaucoup à Arthur (elle adorait monter sur son dos d'ailleurs, même si son père préférait être avec elle pour ça). Elle repéra même une Absol, bien que le fait qu'elle ne soit pas de la même couleur que Fae l'intrigua un peu ; il faut comprendre qu'elle n'en avait jamais vu d'autres et que les Absols, ça ne couraient pas les rues non plus (heureusement mon dieu, vous vous rendez compte du nombre d'accidents que ça provoquerait ?). Tonton Samaël avait également un phoque tout bleu, qui lui fit momentanément penser à un Obalie étant donné qu'elle avait déjà lu un livre dont l'héroïne était une Obalie timide. Oh, elle savait ce qu'était l'oiseau brun ! C'était un Roucarnage ; sa maitresse dans l'école où elle était scolarisée auparavant à Baguin en avait un et Alice restait toujours pendant les récréations pour venir s'en occuper et ainsi éviter d'avoir à sortir. Il y avait aussi une tortue qui lui disait bonjour tiens, salut qu'elle rendit timidement sans trop savoir si tous les pokémon faisaient ça, et un... Un...
… Là, elle donnait sa langue au chat. Le grand truc rouges à deux pattes et deux pinces lui faisait penser à un de ces monstres des vieilles séries de son papa ('Godzilla' d'après ce qu'il y avait sur les boîtes), mais aucun nom ne lui vint à l'esprit. Elle se tourna vers son père et appuya un peu sur son épaule pour attirer son attention. Elle ne pouvait pas dire que sentir son regard sur elle ne lui réchauffait pas toujours autant le cœur, ne serait-ce que parce que ainsi, elle savait un peu plus qu'elle comptait pour lui.

« Dis papa, c'est quoi ça comme pokémon ?
- Un Cisayox. On en voit pas souvent, mais c'est un peu comme une mante d'acier. »

Elle hocha de la tête, satisfaite maintenant qu'elle avait son explication. Bon, elle ne savait pas ce qu'était une mante, mais elle pourrait chercher plus tard si elle s'en souvenait encore. Elle se mit à détailler du regard toutes ces nouvelles créatures. Autant dire que pour elle dont la curiosité était proportionnelle au manque de tact, c'était un grand cadeau et de la nourriture pour ses yeux. Pendant son inspection, une idée commença à germer dans son esprit et elle commença à réfléchir à la manière dont elle allait amener ça, bien qu'elle se doutait que son papa ne refuserait pas si elle le demandait gentiment, et puis tonton Samaël n'avait pas l'air de quelqu'un qui serait du genre à dire non. Après, elle ne le connaissait pas trop, mais les suppositions mènent à beaucoup de choses.
Faust comprit bien vite où elle allait en arriver vu la lueur calculatrice dans ses yeux, celle qui montrait que les rouages dans sa petite tête étaient en train de s'activer à vitesse grand v, et commença à se dire qu'il fallait qu'il trouve un sujet de conversation dans l'immédiat s'il ne voulait pas qu'elle...

« Donc si t'es dresseur, ça veut dire que tu peux te battre contre papa ? »

La question avait été posée en toute incontinence, mais Faust savait qu'il était complètement foutu maintenant qu'elle l'avait prononcée ; il aurait été bien incapable de résister à ces petits yeux, surtout que maintenant que l'hypothèse avait été prononcée et qu'elle observait l'adolescent avec un petit air suppliant dans ses iris. Si Sam craquait lui aussi, il était foutu. En fait, il aurait été plus honnête de dire que le conseiller avait déjà dit 'oui' dans sa tête et qu'il attendait juste de voir le cadet succomber lui aussi aux attentes de la fillette pour ne pas se sentir trop facilement influençable. Fillette qui d'ailleurs, attendait patiemment.
Faust se contenta d'offrir un sourire gêné à l'adolescent, ne sachant pas vraiment s'il était supposé s'excuser de ne pas contredire la petite parce qu'il était incapable de lui refuser quoi que ce soit ou rire un bon coup. Il avait des années pour décider de ça, tiens.

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Et merde. Nounours aussi avait craqué, ils étaient bel et bien tous les deux complètement foutus. Bon d'accord, Faust aurait été incapable de dire 'non' de toute façon, mais il aurait au moins espéré que l'adolescent trouve une excuse, parce que pour être tout à fait honnête, il appréhende autant qu'il attend avec impatience le jour où il le combattra officiellement. Ce n'est pas de la peur, loin de là, mais surtout le stress en général parce que les combats officiels contre des proches le mettent toujours dans un état particulier et après ça, il lui faut un certain temps pour que l'adrénaline quitte ses veines. Pour la preuve, après son match contre Victoria, il lui avait fallu une journée entière pour retrouver son calme habituel. Pourtant, il est également impatient. Mais maintenant qu'il sait qu'un combat, certes plus modeste, va avoir lieu entre lui et son petit frère, il ne peut pas s'empêcher de se sentir un peu bizarre, ne sachant pas sur quel pied danser. Il hoche bêtement de la tête lorsque l'adolescent lui pose la question, un poil paumé sur les bords. Après tout, il ne peut plus dire non et puis même s'il répugne à l'avouer, ça ne le gêne vraiment pas plus que ça, parce que à la force de voir l'autre combattre dans les arènes, il a développé l'envie de le tester pour voir à quel point il s'est amélioré. Contradictoire, le hérisson ? Mais vous n'y êtes pas habitués depuis le temps sérieusement ?

« Si tu veux, oui. »

Il abaissa doucement Alice et lui demanda de s'éloigner un peu, ce qu'elle fit. En fait, elle alla s'approcher de Déméter qui, même si elle paraissait hésiter, la souleva pour qu'elle puisse mieux voir le match. Debrah et la colosse s'éloignèrent un peu pour laisser de la place aux deux dresseurs, parce que ce serait franchement gênant si elles étaient trop près. De plus, en cas de danger, Faust savait plus que bien que la Tyranocif saurait protéger la fillette d'un quelconque problème et que ses réflexes ne la trahiraient pas.
Ainsi, c'est contre le starter de Sam, Kame le Carabaffe donc, qu'il va se battre. Il pense un instant à envoyer Hadès, mais se dit que connaissant l'orgueil de l'oiseau, ce serait une mauvaise idée de lui confier un tel combat. Toutefois, il y avait un choix qu'il ne pouvait pas ignorer car il savait plus que bien que si il ne le faisait pas, la concernée lui en voudrait pendant un certain temps et il n'était pas assez suicidaire pour vouloir amener sa mauvaise humeur, surtout que celle-ci était absolument terrifiante lorsqu'elle était en colère. Il attrapa une des pokéballs à sa ceinture, une des plus anciennes et usées, couvertes de petites rayures. Neuf années durant lesquelles il n'avait jamais une seule fois de sa vie pensé à laisser cette sphère bicolore de côté, neuf années qu'elle le suivait sans une seule fois avoir pensé à partir. Vraiment, il ne pouvait pas s'empêcher de sentir une petite chaleur dans son cœur à chaque fois qu'il saisissait la pokéball de Fae. Cette dernière était le quatrième pokémon qu'il avait capturé après tout, et ce n'était pas rien question bagage émotionnel. Toutefois, la raison qui faisait qu'il la choisissait aujourd'hui était toute autre que l'attachement qu'il lui portait.

L'Absol chromatique désirait affronter l'adolescent depuis le jour où il avait sauvé son œuf, de toute façon. Ainsi, lorsqu'il la fit sortir de sa prison sphérique, les yeux du pokémon désastre se mirent à briller d'intérêt en voyant qui elle allait affronter. N'était-ce pas naturel de sa part de vouloir combattre celui qui élevait sa fille pour se faire une idée de sa force et de sa détermination, bien que pour la seconde partie, elle en avait déjà eu une preuve conséquente ? Fae salua sobrement ses adversaires en inclinant légèrement la tête, chose qu'elle ne faisait que pour des personnes qu'elle respectait énormément, avant de se mettre en position de combat. Pas de grondements rauques ou de regards menaçants, non. Elle reste silencieuse, calme et maître de ses émotions, bien que Faust la connaît assez pour reconnaître de l'impatience et de l'excitation ici et là. Il aperçoit Arthur s'approcher ; il était rentré de sa sortie, tiens. L'Arcanin vint se placer aux côtés de sa fille et lui offrit un bref câlin, heureux de la voir et Faust ne pu s'empêcher de sourire, attendri par ce petit spectacle.
Il savait que Fae avait repéré Yami, mais elle était si sérieuse en combat qu'elle ne lui accorda qu'un bref regard pour lui signifier qu'elle l'avait vue. Ce n'était pas du mépris, mais simplement que sa concentration ne lui permettait pas de sortir de cet état dans lequel elle s'était plongée pour se préparer à attaquer.
Quant à Alice, elle observait les deux camps avec une admiration naïve dans les yeux, grand adoratrice de Fae qu'elle était.

« Ça faisait longtemps qu'elle voulait te combattre, tu sais. » confia-t-il, un sourire au bout des lèvres.

Oh diable oui, elle n'avait pas cessé de lui quémander ce match, même si ça avait été implicite. Les regards équivoques qu'elle lui avait lancé avaient suffit à en dire bien plus que tout ce qu'elle aurait pu faire, et nul doute que maintenant, elle ne doit plus tenir en place. Le regard de Faust se fit soudainement plus sérieux, semblable à celui de l'Absol devant lui qui était était maintenant prête à attaquer au moindre signal de son dresseur.

« J'espère que tu es prêt, Sam. Fae, suis le rythme de la nuit ! »

Sa voix est claire et le message l'est tout autant. Pour Fae, c'est une commande simple d'utiliser Danse-Lames avant de suivre sur Tranche-Nuit, sa spécialité. Il pourrait certes utiliser d'une stratégie plus fine comme prévoir l'utilisation d'Abri avec Ruse, mais il a d'abord envie de voir quelle sera la réaction de l'adolescent face à quelque chose d'aussi brusque. Pourtant, il y a également un autre message pour le cadet, et il espère que son regard suffit à le transmettre.
Donne-moi le meilleur de toi-même, Sam.

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Faust ne pourrait jamais ne pas être admiratif devant la danse des lames de l'Absol, si souvent utilisée et pourtant toujours aussi magnifique à observer. Combien de fois l'ont-ils répété ? Au prix de combien d'heures et des journées ont-ils réussi à en tirer toute la puissance qui se dégage maintenant de l'Absol alors qu'elle abat sa corne violacée, entourée d'un mince filet d'ombre opaque, sur le Carabaffe ? Faust n'a pas idée du nombre d'arbres et de pierres qu'ils ont malmené avec ces capacités. Coupe Psycho, Tranche-Nuit, Coupe-Vent et Tranche. Ce sont les quatre spécialités des Absols, et Arceus, Fae avait passé parfois des nuits entières à les perfectionner pour leur donner cette capacité de destruction et cette puissance. Faust sait que si Sam ne réagit pas correctement, alors ce match se finira rapidement. Pourtant, il a hâte de voir sa réaction car pour une fois, c'est lui qu'il affronte et non un champion. Il n'est plus juste dans l'ombre à l'observer en silence, mais à l'autre bout du terrain.

Coud'Krane est bien pensé et effectivement, ayant déjà affronté cette technique contre un Tortank qui lui avait donné du fil à retordre en match officiel, Faust y a pensé. C'était bien la seule tactique qui pouvait permettre au Carabaffe de ne pas succomber à l'attaque Tranche-Nuit de Fae, qui plus est étant donné que la danse des lames a grandement augmenté les capacités offensives de l'Absol, celle-ci était particulièrement destructrice. Oui, la corne de Fae et sa capacité à porter des coups critiques ont souvent permis à Faust de reprendre la main durant un match, en général au grand désarroi de ses adversaires. La créature de la nuit a certes subi un choc à cause des effets de l'attaque de la tortue, mais elle recule et refuse de montrer le moindre signe de fatigue même si Faust sait que le coup a été rude. Il le voit, qu'une pareille attaque a eu ses conséquences, mais l'Absol est bien trop fière pour montrer que tous ses muscles ont été frappés, même si la poussière recouvre dorénavant son pelage de neige. Elle considère, tout comme Faust, son adversaire.

La rapidité est leur point fort, et elle compte bien en faire usage. Elle n'est peut-être pas aussi rapide que Hadès ou Dalhia, sa grande rivale, mais elle peut au moins dépasser cette tortue et porter un dernier coup avant qu'il ne soit trop tard, car elle sait tout autant que Faust ce qui se prépare en voyant les canons du Carabaffe s'armer vers elle. Si elle n'est pas aussi véloce que le vent, si le tranchant de sa corne ne lui permet pas de terrasser son adversaire, alors ce combat sera terminé pour la simple et bonne raison que Fae n'a jamais été particulièrement résistante et qu'elle a déjà fait l'expérience de l'Hydrocanon d'un Tortank pour savoir qu'elle n'est pas faite pour supporter ce genre de coups surpuissants. Fae est peut-être incroyablement tenace et courageuse face au danger, mais elle n'est imbue d'elle-même et sait que même si son adversaire est un Carabaffe, cette attaque aquatique serait sa fin si elle ne parvient pas à être plus la rapide.

Faust n'a pas besoin de lui dicter ce qu'elle a à faire. Elle le sait et n'a pas besoin d'entendre son ordre pour agir, tout comme elle n'avait pas besoin de recevoir ses commandes tout à l'heure. Danse-Lames suivie de Tranche-Nuit, c'est un de leurs coups les plus classiques qui ont tant de fois fait crier les foules dans le stade. En un sens, cet ordre de tout à l'heure n'était là que pour sonner le départ, que pour lui donner une forme d'encouragement qui lui fait un bien fou. Fae est indépendante et libre, mais c'est la voix posée et calme de Faust qui, en combat, lui permet de trouver en elle cette force qui lui fait parfois défaut lorsque son pessimisme naturel reprend le dessus. Son dresseur n'est pas mieux de ce côté-là, mais il a cette capacité à chercher de la lumière même lorsqu'il a perdu la vue que Fae n'a pas.
Elle se rapproche, mais il lui semble qu'elle ne sera pas assez rapide. Instinctivement, elle perd un peu de vitesse.

« En l'air ! » crie son dresseur, la ramenant à la réalité.

Oui. C'est bien la témérité de Faust qui lui permet de ne pas se laisser aller à son défaitisme et elle fait alors un bond, comme propulsée par ses paroles. Un grondement rauque s'échappe de sa gorge, et elle se demande si ce n'est pas son instinct qui l'a poussé à laisser cet écho menaçant résonner dans l'air. Sa corne prend à nouveau cette teinte de nuit, mélange de bleu et de pourpre violacé lumineux, et c'est tête la première qu'elle se jette sur son adversaire. Si sa rapidité n'est pas assez grande, alors ce sera fini pour elle même si il lui semble que la voix de Faust lui a redonné des ailes.
Peut-être qu'un jour elle aussi pourrait en avoir, qui sait ?

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Le coup est porté, juste avant que le Carabaffe n'ait pu riposter, ou alors peut-être n'a-t-il pas voulu le faire. Trop concentré sur Fae, Faust n'a pas cherché à comprendre ce qui pouvait retenir la tortue et a laissé la femelle chromatique agir, et ce peut-être imprudemment. Il n'est pas sans savoir qu'un seul instant où il se déconcentre peut amener la défaite, mais il est plus attentif à soutenir Fae. L'Absol recule, et calme sa respiration accélérée par l'adrénaline et l'exercice, fatiguée mais pas épuisée, attentive. Le conseiller se demande ce qui peut bien l'arrêter ainsi, même si le match est terminé étant donné que le Carabaffe est incapable de continuer, car Fae se contente d'habitude de saluer ses adversaires une fois le combat terminé. Ce n'est lorsque le regard du hérisson est attiré par la vive lumière qui entoure Kame qu'il comprend et qu'un sourire se mit à élargir ses lèvres.
Il sait ce que c'est, de voir son premier pokémon évoluer. Lui-même n'avait pu profiter que d'une seule et unique fois d'être témoin de l'évolution de Dalhia, suite à un rude combat contre Clive qui se serait soldé par une défaite si la chienne n'avait pas repoussé ses limites jusqu'à amener sa transformation en Démolosse de force, et Arceus, ce serait toujours l'un de ses meilleurs souvenirs.

Il reste un peu à l'écart, souhaitant laisser de l'espace à l'adolescent et à son vieil ami, ayant conscience que ce moment est trop important pour eux pour qu'il vienne les déranger maintenant. Il félicite Fae en caressant doucement le crâne de celle-ci et prend le temps de tourner son regard sur Alice, qui les observait depuis le tout début du combat avec de grands yeux émerveillés et écarquillés par sa curiosité naturelle. Oui, c'est tout un spectacle pour une enfant que qu'admirer l'évolution d'un pokémon, surtout d'un qui est aussi massif. La fillette fait signe à la Tyranocif de la faire descendre et Déméter s’exécute, ce qui fait sourire le conseiller ; d'ici deux mois, elle mènerait Dalhia à la baguette si elle continuait comme ça ! Alice se dépêche de rejoindre son père et va câliner l'Absol qui, bien qu'elle rechigne au contact, se laisse faire. Faust ne peut pas supprimer le sourire d'idiot qui étire ses traits, et se serait flagellé d'une telle niaiserie auparavant, mais il n'en a plus rien à foutre parce que voir sa fille être heureuse comme ça, ça suffit à lui mettre du baume au cœur.

« Contente, princesse ? »

Le sourire rayonnant qu'elle lui offre lui fait presque oublier le terme qu'il vient d'utiliser et les joues de Faust s'empourprent en réalisant ce qu'il vient de dire. Bon, il priait pour que les autres ne l'aient pas entendu mais vu le rictus de Fae et de ses pokémon, il n'avait pas été des plus discrets. Sa fille se mit sur la pointe des pieds pour lui répondre, désirant être un peu plus grande pour lui parler, une petite fantaisie dont il ne s'inquiétait plus.

« Oui, mais je peux pas être une reine à la place ? »

Il se contenta de rire et de lui ébouriffer tendrement les cheveux, amusé. Enfin, il se décida à s'approcher un peu du cadet pour le féliciter, accompagné d'Alice et de Fae qui le suivaient sans rien dire. Une fois assez proche, il fit honneur au sponsor (c'est-à-dire à colgate), fier de voir que les efforts de son petit frère étaient enfin récompensés et surtout, honoré d'avoir témoigné d'un moment aussi important que celui-ci. L'Absol s'inclina respectueusement envers le Tortank et son dresseur, autant par simple politesse que par une réelle admiration. Elle offrit alors un petit sourire à sa fille et à Arthur et les rejoignit sans plus attendre.  
Faust quant à lui, s'arrêta de sourire pour pouvoir enfin parler (parce que oui, ça aurait été un peu compliqué de faire les deux à la fois).

« Félicitations ! Toi, t'as intérêt à venir me rendre visite au stade, d'ac ? »

Car il l'attend avec impatience, ce jour-là. Le moment où il viendra le défier officiellement, même si il ne pourra se permettre de grandes effusions d'affection en tant que Méphisto. Il veut le voir au sommet de se forme, et surtout, il meure d'envie de le voir sourire après une victoire éclatante dont il ne doute pas un seul instant. Alice paraissait enthousiaste à l'idée de voir ce match même si elle ne disait rien, mais Faust le devina à la façon dont ses lèvres se tordent en un petit sourire discret.
Puis, soudain, quelque chose lui revient en tête il grimace ; il aurait préféré ne pas se rappeler de ça, mais... Mais il ne peut pas l'oublier bien longtemps. Il se tourne vers la fillette, hésitant, mais celle-ci comprend bien vite.

« Tu veux que j'aille jouer pour que tu parles avec tonton, papa ? »

Il hoche de la tête et même si elle n'aime pas être tenue à l'écart, obéit et retourne auprès de ses nounous officielles. Il sait que son visage est devenu plus sérieux d'un coup, mais n'y peut pas grand chose parce que même si il ne peut plus rien faire pour l'arrêter, il a toujours du mal à l'accepter. Faust invita l'adolescent à le suivre à l'intérieur, un peu morose.

« C'est à propos de ce qu'ouvre cette clé. »

Il alla ouvrir un des placards, puis chercha un peu au sol jusqu'à trouver un petit compartiment secret et le déverrouiller en utilisant une autre clé qui se trouvait dans une de ses poches. Une fois la chose faite, il prit la large boîte qui se trouvait dans ce compartiment et la posa sur la table. C'était une assez grande boîte en plastique noire, comme une boîte à outils, mais solidement verrouillée. Nul doute que Sam arriverait à comprendre sans qu'il ne le lui dise.
Il soupira profondément et la poussa en direction de l'adolescent, tentant de ne pas montrer une expression trop vide bien que c'était la seule qu'il pouvait afficher maintenant.

« Là-dedans... Tu trouveras tout le nécessaire de survie. Deux armes à feu, dont une qui ne te servira qu'à anesthésier. Pour l'autre, je t'ai choisi un modèle rapide et léger, un semi-automatique qui devrait faire l'affaire et ne pas te poser de problèmes au niveau du calibre. Après évidemment, il y a tout ce qui concerne le vol, comme les gants, la poudre à empreintes, le masque à gaz si tu en viens à utiliser de pareils produits... Bref, tout le nécessaire. »

Il prit une grande inspiration et détourna un peu les yeux.

« Prends-en soin, et fais attention. Je t'emmènerai mercredi prochain pour la première fois. Ne sois pas en retard. »

'Fais attention' ; le message a deux sens. Dans l'un, c'est un ordre de ne pas mourir, de survivre, peu importe ce qui peut arriver et de jamais, oh grand jamais, revenir en morceaux ou pas du tout. Un ordre de vivre, parce que Faust refuse d'avoir à l'enterrer comme il a enterré trop de personnes avant lui, parce qu'il ne veut plus pleurer, parce qu'il ne visite plus de tombes mais que celle-ci pourrait bien briser cette promesse qu'il s'est fait pour ne pas craquer.
Fais attention à ne pas tuer, du moins tant que tu le peux. C'est son second message, plus discret et moins apparent. Il ne veut pas voir la corruption qui gagne l'île contaminer Sam, et même si Faust n'est pas assez naïf, il espère au moins que l'autre aura la force de ne pas succomber à la facilité du meurtre. C'est hypocrite venant du hérisson étant donné ce qu'il a fait, mais il s'en fout. Il s'en fout parce qu'il a depuis longtemps abandonné tout espoir concernant sa propre personne mais qu'il refuse de voir Sam prendre son chemin.
Mercredi prochain, il l'emmènerai pour rendre son entrée dans la résistance officielle. C'était ça aussi, sa récompense.

« Et surtout... Ne meure pas, d'accord ? »

Il n'a pas pu s'en empêcher. La peur et l'inquiétude, trop fortes et insistantes, ont forcé ces mots à sortir. Il sait qu'il doit avoir l'air pathétique, avec son sourire triste, mais il n'est plus à ça près.