Tenter de comprendre

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Doute. C'est le nom de l'émotion qui ne cesse de tourmenter Clive ces derniers temps et qui ne manque pas de lui faire se poser des questions qui ne devraient normalement pas venir le troubler. Rien de tout ça n'est logique, surtout les émotions traîtres qui ne cessent de le poursuivre malgré toutes ses tentatives plus ou moins désespérées pour s'échapper de  l'emprise de ces petites voix mesquines et de leurs paroles tout aussi cruelles qu'insidieuses. Le problème est qu'il ne peut pas échapper longtemps au regard de sa mère et à l'inquiétude qu'il y lit malgré tous les efforts qu'elle fait pour dissimuler ça. Il n'a pas envie de rester à errer dans les rues de Vanawi et ne peut pas se défouler sur Azazel (ce con était apparemment très occupé par son boulot au centre, le menteur) alors il avait décidé de revenir ici, dans ces grottes qui n'étaient pourtant pas des plus rassurantes. Il ne sait pas pourquoi, mais il a besoin d'un peu de calme et surtout, de solitude. Il a besoin d'un peu de calme et de penser à autre chose, de se retrouver et d'être bien loin de tout ce qui fait qu'il n'arrive pas à remettre ses idées en place.
Début juin n'est pas une excellente période pour lui, en fait. Ce n'est pas qu'apprendre que son jumeau est maintenant père n'est pas une gigantesque surprise, mais un peu, si. D'autant plus que d'après les journaux, la gamine serait véritablement la fille biologique de son frangin. Il avait commencé à réfléchir à qui pourrait être la mère dans ces conditions, et seule Winnie lui venait en place, bien que techniquement ça n'aurait pas vraiment collé dans la chronologie. Quelque chose clochait avec cette histoire, car même leur mère n'avait pas paru si choqué par ça, et Clive se doute qu'elle doit savoir quelque chose ou qu'elle doit déjà avoir démêlé la solution de cette énigme. Toutefois, l'officier est trop confus pour comprendre quoi que ce soit, et il doit avouer que la réaction de Felix en apprenant la nouvelle avait été plus qu'explosive. Bordel, il ne l'avait jamais entendu réciter une pareille liste d'insultes, et c'était dire quelque chose vu le caractère de cochon du concerné.

Il essayait de ne pas sur-réagir au fait que légalement, il était l'oncle de cette gamine et que si les journaux disaient vrai, eh bien... Oh bordel, tout ça c'était bien trop compliqué pour lui. Clive soupira et s'adossa aux roches, se demandant s'il devait rester là ou avancer, parce que mine de rien, les pierres froides ne l'aidaient pas à se sentir mieux. Il ne savait pas vraiment si faire son dépressif dans des putains de grottes de merde allait servir à quelque chose en fait, même qu'il avait un sérieux doute quant à ça. Il grommela et buta dans un caillou.
Et pourtant, il ne peut pas se mentir à lui-même ; il y a comme une ombre de culpabilité qui le guette et ne cesse de le malmener, et ce qui le déconcerte le plus, c'est que c'est bien la première fois que cela lui arrive, après tout ce qu'il a fait. Il a déjà tué plus d'une fois, mais bon sang, pourquoi est-ce que cette fois, il se posait véritablement des questions ?! Il n'avait jamais aimé tuer, non. Il fait son job, voilà tout. Azazel s'amuse et rit souvent d'ailleurs en mission, mais Clive est bien plus méthodique et distant, parce que trancher des carotides n'ait pas sa vocation mais c'est ce qu'on lui ordonne de faire et il serait bien complètement taré de ne pas obéir. Pourtant, depuis avril, il y a quelque chose qui germe dans sa tête, une idée, un vilain doute qui bouscule toutes ses convictions solidement liées par le fil de sa logique tordue et Clive commence à se dire que quelque part, peut-être qu'il a fait une erreur dans son équation.

Le truc, c'est que cette simple possibilité le terrorise, parce que la réponse représenterait bien plus que tout ce qu'il ne pourrait jamais calculer.

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Tout ça, c’est très, très compliqué. Un peu trop compliqué pour l’esprit embrouillé de Clive qui aimerait bien disposer d’un peu de repos de temps en temps, même s’il a fini par apprendre avec le temps qu’il ne ferait malheureusement jamais partie de ceux qui peuvent vivre une vie heureuse et dénuée de tous soucis. Il ne va pas faire dans le mélodramatisme et parler du côté tragique de la chose, ce n’est pas son genre, mais il commence vraiment à se demander s’il n’est pas juste déjà complètement foutu. Après tout, sa vie est un beau bordel, un capharnaüm gigantesque dont le seul but est de lui permettre de protéger une famille éclatée et opposée sur bien des domaines. Il n’a pas à chercher longtemps pour se douter que Felix doit vouloir chercher à emmerder le régime, bien qu’il doute fortement que Eliott serait du genre à envisager un pareil chemin. Après tout, le cadet était bien trop timide et hésitant pour oser faire quoi que ce soit, alors Clive pouvait dormir sur ses deux oreilles en se disant que de ce côté-là, il n’avait rien à craindre. Il avait déjà une liste de soucis gros comme son bras, alors y rajouter ça l’aurait peut-être un peu démoralisé, déjà que sa volonté n’était pas dans un état magique ces temps-ci…

Difficile pour Clive de comprendre à quel point il s’enfonce dans la mer de ses problèmes non résolus quand la seule façon qu’il a de le remarquer et de noter que ses jambes sont déjà recouvertes avant de s’y noyer. Ainsi, en marchant, il essaye de penser et de faire en sorte que les informations indéchiffrables ne le soient plus, mais il n’est vraiment pas doué et il faut dire que son esprit est dans un tel état qu’il peine même à retrouver une ligne de logique droite et indétournable, chose extrêmement rare pour lui. Clive est un être de raison, qui n’accepte un raisonnement que si il est étayé de preuves et d’indices solides qui ne laissent place à aucun doute et pourtant, il ne sait pas quoi dire devant quelque chose d’aussi illogique que toutes les émotions qui le laissent pantois et complètement perdu. Oui, il est perdu. Il le sait, ou du moins il commence à le voir et le comprendre. Il lui semble que soudainement, c’est comme si il découvrait sur quel chemin il marchait depuis toutes ces années, à quel point il s’est enfoncé loin dans l’océan de noirceur qu’il craignait tant auparavant. Pourtant, n’avait-il donc pas fait le meilleur des choix ? Sa mère, Felix et Eliott étaient en sécurité, protégé par son appartenance au régime et celle de sa mère, de sorte qu’ils n’avaient rien à craindre, ou du moins pas grand-chose. Clive n’est pas assez naïf pour croire qu’il n’y a pas un petit pourcentage de chance d’échec, mais c’est déjà mieux que de jurer une fidélité totale à la résistance et se faire dégommer le jour d’après. Egoïste certes, mais quel aurait été l’intérêt de sa vie sans eux, hein ? Déjà qu’il avait du mal à ne pas penser à Faust, alors…

Il ne fit même pas attention au Taupiqueur qui se trouvait sur son chemin et l’évita sans plus de cérémonies inutiles. Il n’avait pas de temps à perdre à observer des pokémon bizarres qui le regardaient fixement. Il soupira et tenta de ne pas trop penser à son jumeau mais malheureusement comme nous nous en doutons tous, c’était beaucoup plus facile à dire qu’à faire et Clive n’avait jamais été particulièrement doué pour laisser Faust de côté.

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Clive n'a pas beaucoup de compassion pour la misère des autres, ou en tous cas il fait tout ce qu'il peut pour réprimer ces émotions qui ne sont que des obstacles sur sa route. Néanmoins, ça n'a jamais été un problème auparavant. Car oui, disons que question culpabilité, il est plus facile de supporter le regard d'un corps sans vie et immobile que celui plein de douleur, d'incompréhension et de colère tout à fait légitime d'un innocent. Clive a toujours su garder ça de côté, bien loin de tout ce qui pourrait l'amener à commettre des actions illogiques et stupides, mais maintenant, c'est bien plus   compliqué. Ça n'a pas à l'être pourtant, il a déjà vu bien pire. Des couteaux, il en a planté dans des ventres, des poitrines, dans la gorge jusqu'à ce que ses victimes s'étouffent dans leur propre sang, mais là, c'est un peu différent. De une, ses cibles ne sont jamais des adolescents et rarement de jeunes adultes, excepté quelques très rares occasions qu'il a tendance à déléguer comme le lâche qu'il est. De deux, un meurtre, ça va vite. Beaucoup plus vite qu'on ne pourrait le croire, surtout quand on est entraîné pour ça et qu'on favorise la discrétion au lieu du corps à corps brutal et risqué.   Clive n'a toutefois jamais témoigné des conséquences de ses actes, ou du moins n'a jamais vraiment eu à les regarder en face. C'est bien plus compliqué quand vous ne tuez pas la victime et qu'elle reste en vie et vous force ainsi à voir. Voir dans son regard que vous avez brisé quelque chose, que vous êtes responsable d'une douleur qui ne disparaîtra peut-être jamais vraiment et tout ça, ça le déstabilise énormément.

Clive n'est pas doué pour comprendre les relations humaines, alors ne parlons même pas des émotions en elle-même. C'est un vrai capharnaüm dans sa tête, un bordel sans nom qui mériterait bien qu'on se prépare mentalement avant de commencer à tenter de le démêler. Le problème est que là, il se retrouve à devoir considérer ce qu'il a fait et ce qui l'a motivé, et c'est un petit choc pour lui qui s'était pensé situé sur le bon chemin. Oui, il comprend que tuer des gens ne fait pas de lui quelqu'un de bien et que c'est mal, tout ça, mais il n'a jamais eu à y réfléchir. Il a toujours considéré ça méthodiquement, sans la moindre pensée, ne prenant aucun plaisir dans son travail et se contentant de le faire parce que les autres sont les ordres et on ne discute pas les ordres. Pourtant, il y a comme une petite graine du doute qui commence à germer en lui, parce que à chaque fois qu'il repense à ce fameux jour d'avril, tout son être se glace et il sent comme une constriction douloureuse au niveau de sa gorge et de son estomac. Il ne sait pas pourquoi, enfin, disons plutôt qu'il ne sait pourquoi ça l'affecte tant. Il avait fait pire après tout, bien pire par Arceus, mais même si il n'a pas torturé sa cible, il y a quelque chose dans son regard qui a marqué Clive. Il ne comprend plus, parce qu'il est supposé être impitoyable, monstrueux et dénué de toute conscience, mais il n'a jamais eu autant l'impression d'être marqué au fer rouge par un souvenir, surtout un aussi peu récent. Enfin, deux mois, c'est beaucoup. Il a déjà oublié les noms de certains qu'il a eu à assassiner tiens, mais impossible d'oublier toute la peine qu'il avait vu dans les yeux de celui qu'il avait kidnappé.

Il ne sait pas si c'est la haine qu'il avait vu dans le regard de Faust qui lui faisait réfléchir ainsi ou si c'était tout simplement qu'il devenait faible, mais en tous cas, il broyait du noir. Et pas depuis peu, en fait. C'était comme si tout ce qu'il avait gardé en lui durant toutes ces années commençait soudainement à revenir l'assaillir en grandes vagues de dégoût et de regrets, affreux et terribles regrets. Il lui semble que tout ça, ça a commencé quelques jours après le treize avril. La coïncidence n'est pas fortuite, mais Clive préfère ne pas y penser. C'est bien plus facile d'être dans le déni de la vérité, tiens. C'est lâche oui, mais l'officier n'a pas le monopole de la bravoure à ce niveau et il ne va pas s'en targuer, grands dieux !

Il croise la route d'un autre Mélofée, et hésite à aider celui-ci. La mine désespérée qu'il tire suffit toutefois à le convaincre qu'il peut bien prendre quelques secondes pour ça et il lui suffit de faire quelques pas pour trouver une petite pierre polie, toute brillante, qui doit sûrement être ce que le pokémon rose cherche. Il le tend à la créature qui hésite et se méfie, mais la neutralité dans les yeux de Clive et ce côté un peu comateux sur son visage doivent lui faire perdre de son aspect menaçant. Vrai qu'avec ses cernes, son teint bien plus pâle que d'ordinaire et se tête de zombie déterré, il ne doit avoir l'air aussi imposant que d'habitude. Il soupire et continue alors sa route, décidé à trouver la réponse à ses questions.
Quelque chose lui dit qu'il est un doux rêveur de même envisager l'hypothèse d'une réussite, ou tout simplement l'existence d'une réponse.

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Et voilà une autre Mélofée qui ramène sa fraise. Décidément, Clive commence à se dire qu'il doit attirer les pokémon adorables et rares ici, ce qui ma foi est très étonnant étant donné qu'il a d'habitude une chance plus que discutable. Il suffisait de voir le temps qu'il avait passé pour trouver Lilith mon dieu ; il en serait devenu malade au bout d'un moment. Le hérisson soupira en voyant que la Mélofée paraissait chercher celle qui la précédait, et lorsqu'elle la rattrapa, elle se fit violemment rejeter. Un bon coup de Réveil Forcé la fit brutalement reculer alors que, sonnée et complètement estomaquée, elle observait sa jumelle en cherchant une raison quant à ce comportement. Elle tenta de se rapprocher une nouvelle fois de l'autre, mais reçut le même traitement et en témoignant de ça, Clive ne pu pas rester à l'écart. C'était juste impossible pour lui d'ignorer une pareille situation, d'autant plus qu'elle lui faisait bien trop penser à son propre conflit. La plus petite des Mélofées continuait d'essayer de rester auprès de sa jumelle, mais ne recevait que des coups en échange, finissant par assurer à  Clive qu'il devait intervenir pour que cette pauvre boule rose ne soit pas davantage blessé et traumatisée.

Il libéra Seraphim de sa pokéball et le Farfaduvet, après un regard rapide à son dresseur, comprit ce qu'il avait à faire. Ce fut lorsque la vilaine se prit des feuilles tranchantes de plein fouet qu'elle s'enfuit sans plus demander son reste, laissant seule sa sœur qui, perdue et immensément blessée, ne bougeait plus et se mit alors à sangloter. Clive grimaça, touché même si il aurait aimé ne pas le montrer (foutue tendance venant de la famille de sa mère d'ailleurs), et essaya de s’approcher de la Mélofée doucement. Heureusement que Sera se mit en face de lui pour le protéger de l'attaque que la fée, folle de douleur, avait désiré lui infliger pour l'éloigner. Clive ne fut pas offusqué d'être ainsi traité, comprenant plus que bien les émotions qui torturaient la Mélofée et souhaitant avant tout l'aider. Il avait l'impression de se voir dans un miroir. Il devait l'aider, voilà tout. Il avait déjà besoin de la calmer ; il verrait pour le reste après.

« Sera, para-spore. »

Tant pis si elle venait à le détester, il ferait avec. De toute façon, il n'était pas une personne de plus à ajouter à cette liste ; il en avait déjà un sacré paquet.

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Sera fut rapide. C'était sa spécialité après tout, de l'être et de poser des spores avant même que l'adversaire n'ait pu faire quoi que ce soit pour donner un avantage net à son dresseur qui compte bien utiliser ce talent à bon escient, ou du moins afin de servir ses objectifs. Paralysé et immobilisé, la Mélofée sanglotante ne pu attaquer et Clive en profita pour jeter une rapide ball. Il avait l'intention de la libérer plus tard évidemment, mais il allait d'abord s'assurer que cette petite créature ne se fasse pas plus de mal que déjà fait vu le chagrin qui l'habitait et la faisait souffrir à petit feu. Il alla récupérer la sphère de capture remplie et la rangea machinalement dans son sac, non sans étouffer une grimace. Il n'aimait pas avoir à faire cela, mais ce n'était pas comme si le Mélofée lui avait le choix : il savait plus que bien à quelles folies ce genre de douleurs pouvaient amener, et il n'allait pas laisser la Mélofée souffrir pareillement alors qu'il aurait pu l'aider, même si la méthode, de par sa brutalité d'abord, laissait clairement à désirer. Clive poussa un long soupir fatigué et sentit alors quelque chose tirer le bas de son pantalon. Ce fut sans surprise aucune qu'il constata qu'il s'agissait du Farfaduvet qui avait sûrement constaté que son dresseur était dans un état plus que discutable.

Il n'aurait pas souhaité que Seraphim le voit ainsi, mais il n'avait pas eu d'autre choix. Le Farfaduvet était considérablement inquiet, lui jetant un regard plein de panique et d'angoisse en remarquant les gigantesques cernes sous les yeux de Clive.

« Tout va bien, Sera, c'est juste que... »

Le pokémon ne lui laissa pas l'occasion de terminer sa phrase et poussa un cri plus puissant, osant s'opposer à son dresseur qui était définitivement en train de lui mentir. Clive, sachant pertinemment qu'il ne pourrait pas supporter la façon qu'avait le Farfaduvet de le regarder, sortit la poké ball du pokémon plante et rappela celui-ci à l'intérieur, coupant ainsi court à toutes les protestations de Sera. C'était puéril et pas franchement sympathique pour celui-ci, certes, mais Clive était tout bonnement exténué. Il aurait le temps de penser à ça plus tard.
Sauf que, ayant témoigné de cet affreux spectacle, son moral avait encore pris un coup. Coup décisif qui l'avait convaincu qu'il devait se tenir loin de ces grottes, et si possible retourner chez lui pour passer une bonne nuit de sommeil. Ou du moins tenter ; cela faisait longtemps qu'il n'avait pas dormi plus de six heures en une journée, en plus de ça. Toutefois, il avait du mal à imaginer que cela s'arrangerait, et ça ne fut pas le cas.