Elise avait été une gamine insupportable. Toute son enfance elle l’avait passé à rabaisser, mépriser, cracher et tempêter contre les gens qu’elle rencontrait. Ses parents plus ou moins absent, laissé couler son comportement  tyrannique avec un laxisme qui faisait tousser les domestiques. Il y avait toujours des traces de ce genre d’existence. On n’effaçait pas la moitié de sa vie avec une crise d’adolescence, du moins c’est ce qu’Elise s’évertuait à penser pour se consoler les fois où un soupçon de culpabilité tentait de s’accrocher à sa conscience. En général c’était suffisant et elle reprenait sa route le cœur léger. Ce n’était pas le genre à se prendre la tête de toute façon, elle avait laissé tout ça derrière au profit d’une vie d’épicurienne où primait ses actes présents. Elle passa une main distraite dans ses cheveux gras et grimaça. C’était le genre de contact qui lui était insupportable, un peu comme la transpiration et les horlogers.  En ceux qui concernait ces derniers, inutile de chercher une raison à la vive répulsion que lui inspirait tout ce qui était circulaire avec une paire d’aiguilles, ce n’était pas rationnel. La brune pensa avec envie aux douches infiniment trop grandes de son hôtel à Anula. Elle eut envie d’y être. De sentir l’eau chaude dégoulinaient sur elle, emmenant la crasse et la poisse dont elle était recouverte. Etre dans l’impossibilité d’y accéder la mettait dans tous ses états. Pourquoi était-elle encore dans cette foutue galère ?! Elle se maudissait d’avoir cru possible de capturer un pokémon au volcan et rentrer bien accompagnée.

Elle en voulait à une partie du monde. Cette rage qu’il lui était si dure d’endormir palpitait en elle, affamée. Des fois la vision de son cri déchirant la vallée qui l’abritait faisait irruption dans ses pensées. Elle se mordait la lèvre inférieur, espérant mettre fin à ce désir criant de puérilité et d’immaturité. Souvent ses tentatives pour calmer sa frustration se soldait par des réprimandes envers Leborgne qui était tellement fatigué qu’il n’y réagissait même plus. C’est vrai que la petite troupe était dans un bien triste état. Elise avec ses habits en lambeaux, ses cernes et son air mauvais, blottit dans ses bras malgré ses protestations Eleanor qui ronflait doucement. A terre, Leborgne qui traînait la patte et respirait bruyamment. La Pampelune souhaitait plus que tout retrouver l’hôtel. La facilité avec laquelle elle s’était habituée à son matelas en plumes de canard et son service au lit ne la surprenait pas. L’absence de tous ces petits soins et la manque d’hygiène depuis presque deux jours la rendait dingue. Elle devait fournir des efforts considérables pour passer outre la chaleur accablante, sa tenue déchiquetée et boueuse qui lui collait la peau rendant sa marche désagréable et le halètement de Leborgne qui remplissait le silence ambiant. Le bruit l’insupportait, il lui tapait sur les nerfs et l’empêchait de penser à autre chose. Enfin si, le luxe irremplaçable de l’hôtel continuait à contaminer tout son esprit rendant le supplice chaque secondes plus intenses. Elle traversait en ce moment même une immense étendue d’herbes. Bien fournie et peu entretenue, la végétation était devenu maîtresse des lieux. Enfin la végétation… Pas un seul arbre dont l’ombre aurait pu abritée la brune à des kilomètres à la ronde. Elle était tombée ici en  quittant enfin Limar.

Elle secoua la tête pour chasser le volcan de ses pensées. Ce souvenir l’agacé et elle n’avait pas besoin de ça en plus. La sangle de son sac irritait son épaule et le soleil qui montait à mesure que le temps passé la fit craquer. Elle s’assit à même le sol en soupirant bruyamment. Eleanor tomba de ses bras en rouspétant, pas ravie d’être réveillée avec si peu de ménagement.



Son regard se posa sur Leborgne qui s’était aussitôt effondré de tout son long sur la terre que l’orage avait rendue fraîche. Elle regardait son corps musclé et tassé sans le voir, absente. La brune pensait à l’œuf. Elle était anxieuse. Et si le petit en sortait avant son retour ? Elle mordilla son pouce droit, sa petite manie pour manifester son inquiétude. C’était quand même le cadeau de son frère, elle voulait l’éduquer différemment des autres. Avec plus de … Tendresse ? Et si c’était un pokémon laid et repoussant ? Elle repoussa cette idée, son frère lui offrait toujours des cadeaux qui la comblait, elle ignorait qu’elle pokémon se cacherait sous la coquille, mais elle était certaine de l’adorée. L’absorbante perspective de s’occuper d’un bébé lui fit oublier un instant la soif, la faim et l’inconfort de sa condition. Eleanor la ramena à la réalité « Douv ! Doudou ! ». Sa dresseuse grimaça et lui jeta un regard peu amène. Le petit nuage flotta près d’elle avant de donner des petits coups de tête contre le sac. De l’eau. La petite voulait de l’eau. La brunette se mordit la lèvre et eut un sourire amer et désolé.



La doudouvet gémit, attristée et contrariée par la nouvelle. Elle s’envola un plus haut que sa maîtresse, scrutant l’horizon à la recherche de l’endroit où il y avait à manger et donc surement à boire. Son attitude tira un sourire en coin à Elise. Les nerfs de la jeune femme avaient beau être à vif, elle était bien trop fatiguée pour se mettre en colère.



Eleanor lui tira la langue, ce qui fit doucement rire la Pampelune.

On ne peut pas dire que l’un des membres de l’équipe fit un effort sur ce coup. Elise était toujours par terre, elle savourait la terre humide contre son crâne, luttant pour ne pas s’endormir, alors qu’elle n’était pas loin de la déshydratation. Leborgne feignait d’être attentif, mais à l’évidence le molosse en avait trop dans les pattes pour être utile en cas d’attaque. Cette idée tira un rire sans joie à la Pampelune, une attaque. Une attaque ! Ici, dans ce champ paumé au milieu de nulle part où il ne devait pas y avoir une barre de réseau. Peut-être que des mimigal allaient se jeter sur son corps en la prenant pour une charogne ? Elle tourna la tête vers le ciel en plissant les yeux. Le soleil était vraiment violent. Eleanor était redescendue, plus maligne que tout le monde, elle s’était abritée sous une ancienne souche d’arbre. Le pauvre résidu de végétal faisait peine à voir avec son écorce moisi et ses pieds déracinés, mais il avait le mérite d’être. Avec sous lui une cachette presque humide, bien à l’abri des rayons violents. Il faudrait qu’elle se lève à un moment, ne serait-ce que pour déloger cette fourbe d’Eleanor qui profitait de la meilleure place. Elle se sentait presque plus proche de Leborgne dans cette situation. Berk !

Elle tenta un mouvement pour se dégager du sol. Aussitôt l’abominable frottement du tissu collé à sa peau par la boue sèche se fit ressentir. Pire que la torture, elle fut tentée de retomber par terre aussi sec. Non, il ne fallait pas. Ca seule chance de voir de l’eau c’était d’atteindre les terres humides. C’est fou comme cette destination pas si attirante avait pris des aspects de paradis, l’idéal de l’hôtel grignotait toujours une partie de son esprit, mais des besoins plus primaires comme boire ou se nourrir orientait ses désirs. Quand un petit paquet rose traversa le ciel bleu, Elise cru d’abord à une hallucination. Etait-il possible que la chaleur la réduise à cela ? Pourtant en plissant les yeux, elle arrivait à identifier le « truc ». Rose, il ressemblait un peu à un chat en forme de balle. Il avait des yeux jaunes et d’étranges épis verts sur le crâne qui lui permettait de flotter, un peu comme Eleanor. Le nom de la créature lui revint d’un coup : granivol.

L’idée lui vint que cette créature au visage bien portant devait savoir où s’abreuver. Oui, c’était évident. Mais alors qu’est-ce qu’elle foutait encore par terre ?! Il était grand de suivre la bête fuchsia et la source à laquelle elle les mènerait inévitablement. A son grand désarroi, lorsqu’elle se fut enfin hissée sur ses deux jambes il n’y avait plus de granivol. Au désespoir Elise lâche un gémissement plaintif.



Elle se prit la tête à deux mains. La fatigue et la vitesse à laquelle la brune s’était relevée se faisait sentir par une violente migraine qui lui tira un seconde plainte. Vacillant un peu, Leborgne s’était déplacé d’un bon mètre pour s’étaler de nouveaux à ses pieds, bavant sur ce qu’il restait de ses chaussures. La doudouvet pas le moins perturbée du monde était restée bien au frais, observant la scène d’un œil ensommeillé. Elise soupira lourdement en constatant que ses pokémons n’avaient pas l’air plus motivée qu’elle pour repartir.



Ces paroles venimeuses, la Pampelune ne les pensait pas vraiment. C’était sa façon d’extérioriser cette horrible journée. Le soleil qui était maintenant à son zénith la tuée chaque secondes en plus, quelque part elle hésitait sincèrement à les rappeler. Elle n’avait pas envi qu’ils deviennent faibles et inefficaces à cause d’un coup de soleil. Et puis en même temps… Si elle était confrontée à un pokémon costaud. Elle redoutait de ne pas les avoir à ses côtés. Dilemme.

Un courant d’air froid venu du nord ébouriffa ses cheveux et s’insinua dans les interstices de sa boueuse « combinaison ». Les effluves de vie contenus par la brise la soulagèrent comme nul autre n’aurait pu le faire. Elle se sentit respirer de nouveau. Ce vent lui rappelait celui dont lui parlé sa plus vieille tante : Breva, celui qui soufflait sur les vallées et les lacs italiens. Le souvenir de cette tante avait toujours laissé une marque indélébile dans le cœur d’Elise. La vieille femme était plus ridée que son sharpei puant et passé son temps à touiller du thé à la bergamote sans sucre. C’était sa grande tante maternelle et elle avait emménagé en Italie après la mort de son mari, un indien. La mère d’Elise se faisait un devoir de lui rendre visite une ou deux fois dans l’année, mais chaque visite était l’objet d’angoisse et de corvée chez les Pampelune. La benjamine l’avait bien compris et du haut de ses huit ans, c’est elle qui avait demandé au milieu du thé – enfin s’il y avait un milieu étant qu’il semblait perpétuel pour la vieille femme – pourquoi on était obligé de venir la voir. Ella avait posé la question alors que la senior lui tendait un de ces horribles biscuits rassis que les vieux gardent depuis des années pour tenter de les refiler au premier marmot venu quand l’occasion se présente. Les parents de la brune s’étaient pétrifiés, même pas sûr qu’ils aient continué à respirer. La vieille tante avait fait son plus beau sourire à la petite fille, et ce n’était pas très joli avec tous les chicots et les trous qu’il y avait et elle avait simplement demandé à voir Elise plus souvent. Etait-ce une punition ultime ? Achala, c’était son nom, jugeait-elle sa compagnie assez affligeante pour l’imposer à Elise de façon régulière ? La Pampelune n’avait jamais élucidé le mystère, lors de leur rendez-vous, sa tante lui racontait des histoires, des contes et des souvenirs. Rien de désagréable pour l’esprit curieux d’Elise. Il était évident que la petite brune s’était acharnée voir la senior comme une charge, une ennemie, mais c’était fatiguant. A part ses biscuits et son horrible sharpei, la petite n’avait rien à reprocher à la vieille femme.

Le grognement de Leborgne qui venait de se réveiller en sursaut et tentait tant bien que mal de faire face brisa le fil de ses pensées. Le retour à la réalité ne fut pas drôle pour Elise. La vaste étendue herbeuse et le soleil de plomb était toujours là. Ce qui avait changé c’était son malosse, prêt à trucider une pauvre bête qui se cachait dans de hautes fougères. Elise s’accroupit pour l’identifier. L’animal ressemblait un peu à un lapin, mais il était violet et avait un peu à l’aspect rugueux hérissé de corne. D’une certaine façon il lui rappelait les rhinocéros, du moins sa peau y ressemblait beaucoup. Il avait une corne et des quenottes qui rendaient le croisement improbable, ses petits yeux rouges observaient Elise avec attention. Les rayons du soleil jouaient sur sa peau, donnant des reflets d’un vif piquant ou d’un mauve pâle selon le mouvement des herbes. L’étrange pokémon captiva aussitôt la brunette. Elle aimait bien cette bête. Elle lui trouvait beaucoup de charme avec son aspect guerrier et serein à la fois, était-il aussi puissant qu’il le paraissait ?


Elise le défiait, ouvertement en plus. Cette idée lui plaisait, jugeait un pokémon au combat plutôt que sur sa simple apparence. Bien campé sur ses pattes, Leborgne grondait férocement. Il n’allait certainement pas laisser ce vaurien gagnait le respect de sa maîtresse aussi facilement. Lui il ne l’aimait ce guerrier à la peau mauve et aux grandes oreilles. Son attitude lui déplaisait, caché dans les taillis, il aurait parfaitement pu tenter de les abattre sans qu’aucun ne soit préparé. Non, lui Leborgne, ne laisserait pas la créature à la peau de phacochère. D’une main confiante et soudain débarrassé de sa fatigue, Elise agita son doigt à la façon d’une baguette.


Se battre avait quelque chose de fascinant. La Pampelune ne se lassait pas de devenir chef d’orchestre. De son œil ambre et habile, elle toisait la créature d’un air de défi. L’ennemi serait-il capable de parer le coup ?

Le combat pokémons faisait à des instincts primaires et pourtant il semblait s’y mêlait des caractères subtils compris par une élite. C’était ce qu’Elise aimait tant dans l’idée d’affronter d’autres créatures de chair et de sang, tout ne se résumait pas à une banale attaque. La façon, le goût du risque, l’originalité et l’entraînement seul pouvait lui redonner de son lustre. Elle avait toujours aimé les concours pour cela, des gens plus ou moins grossiers, plus ou moins détestables, s’acharnaient à rendre ce qui revenait de droit à des concours d’une telle exigence : de la qualité. Elle savait qu’un combat où des flammes dansaient sur le pokémon avec grâce et beauté n’avait rien d’attrayant, pourtant elle trouvait plaisant de voir de telles choses. Après elle regarder l’interview des coordinateurs et les descendait un à un par le biais de son petit écran. Malosse fut comme d’habitude remarquable, du haut de ses solides pattes il s’élança sur les taillis avant de mettre feu à son adversaire qui ne dirigea pas très bien le coup. La peau du nidoran n’avait néanmoins pas roussie et c’est sur ce détail que choisit de se concentrer sa dresseuse. Elle aurait amplement préféré le voir à feu, à sang. Elle aurait eu la preuve qu’elle était en mesure de se contenter de Leborgne. Or ce n’était pas le cas, au lieu de se féliciter de la puissance de feu de son malosse, Elise se gargariser déjà d’avoir bientôt le pokémon à corne à ses côtés. C’est que l’animal dégageait une certaine prestance. Même caché dans les hautes herbe et sa peau encore fumante, il semblait puissant et victorieux. La brunette l’admirait et le malosse ne se jetait plus pour méprise ouvertement son adversaire. Ce dernier fut tiré direct et vint planter sa corne dans les côtes de Leborgne.

Le chien ne laissa échapper aucune plainte et encaissa le coup comme si une plume l’avait transperçait. Il jeta un regard à sa maîtresse en quête d’un applaudissement ou d’un hochement de tête approbateur. Il n’aurait pas dû. Elise toujours aussi fasciné par le combat ne rêvait que d’une chose détenir le lapin violet. Il faudrait qu’elle sorte son pokédex d’ailleurs. La chaleur la faisait toujours autant transpirer et le désagréable sentiment d’être en train de perdre du temps ne la laisser pas en paix. Elle s’imaginait à nouveau à la tête d’un bataillon, fière et invincible, le pokémon à la peau rugueuse, son profil majestueux près d’elle. Ces idées lui plaisaient, sa voix était teintée d’envie quand elle ordonna à Leborgne :



Le malosse était déçu. Son cœur était torturé et seul le maintenait debout, l’idée que ce sale lapin allait périr. Finir le visage plaqué contre  la terre désormais rêche des plaines, bon pour faire de la pâtée de chaglam. Alors il se concentra, gonfla son poitrail, et s’élança. Sa silhouette trapue se détendit comme un arc et en deux foulées il était sur lui. Le pokémon tenta en vain d’esquiver le coup mais c’était inutile, Leborgne était plus rapide, plus vif, il lui cracha son souffle enflammé au visage. Et le pokémon vacilla, haleta, menaça à deux reprises de tomber. Le premier pokémon d’Elise le regarder avec un mépris mêlé d’orgueil, il était fier d’avoir écrasé la créature aussi facilement. Mieux il avait envi que sa dresseuse soit fier de lui. Mais il est trop sûr. Bien trop sûr de sa victoire, le goût du triomphe anesthésier ses sens et ce n’est qu’au moment où il entendit le rugissement féroce et sourd de l’ennemi qu’il comprit son erreur. Une lueur apeurée dansa dans ses yeux, il eut souhaité se trouver à des kilomètres de là, il ne savait plus quoi faire, il avait l’impression d’avoir perdu. Il chercha un appuie chez sa dresseuse, quelque chose dans son regard qui lui aurait donné la force de tenter un esquive. Mais il ne trouva rien que son admiration absolue et son sourire rêveur dirigeait vers l’ennemi.

Le Malosse en aurait couiné de douleur. Il voulait se terré dans un terrier de goupix, mais il eut juste le temps de voir une pluie d’étoiles brillantes arrivée droit sur lui. Il ferma les yeux, se replia au sol, coinça son museau entre ses pattes avant conscient que c’était son point faible et attendit. Il glapit de douleur en sentant tous les épines se fichaient dans son pelage.



Le chien se releva péniblement. Sa dresseuse était furibonde, comme ça il était capable d’être un trouillard en plus d’être dépourvu d’intérêt. C’était bien la preuve qu’elle ne se trompait jamais ! Le jour où elle l’avait vu, elle avait deviné qu’il deviendrait une source de déceptions. La Pampelune replaça une mèche derrière ses cheveux. Bon, elle n’avait plus trente-six mille solutions, il fallait qu’elle le capture. D’un regard elle évalua ses chances de capturer la bête. Il était bien affaiblis n’empêche, normalement il la rejoindrait sans ses plaindre. Si c’était un pokémon intelligent il avait déjà deviné qu’il avait plutôt intérêt à être avec elle si elle souhaitait être un jour au sommet. La brunette était persuadée que c’était le cas, il n’y avait qu’à voir la façon mesurée et réfléchie dont il agissait. Son regard courageux et la façon dont il avait réussis à contrainte Leborgne à se blottir contre la terre.



Le regard du pokémon et celui d’Elise se croisèrent. Celui de la Pampelune était rempli de flammes et de force, celui du pokémon animé par une détermination brave et sereine. La benjamine sourit, elle avait gagné. D’un geste précis, elle attrapa l’un des deux rapides balls qui pendait à sa ceinture. Des objets qui facilitaient les captures éclairs. Son lancer fut réussi, la créature se retrouva enfermée à l’intérieur et la sphère se mit à basculer de droite à gauche. Plus prudente que la dernière fois, Elise attendit jusqu’au « tonk ! » final avant de se réjouir. Un gémissement derrière elle l’arrêta dans son idée initiale de ramasser la pokéball. Elle se retourna surprise, avant de devenir  agacée. C’était Leborgne qui toujours vautré par terre avait blêmit, son teint était devenu grisâtre et il remuait les pattes au désespoir. L’héritière Pampelune hésita, elle avait bien envie de le laisser couiner et d’aller récupérer son futur pokémon et d’un autre côté le corps tremblant de son allié ne la laissait pas indifférente. Avec un soupir las, elle s’agenouilla près de lui, mal à l’aise. Elle ne savait pas trop quoi faire, il lui semblait que le malosse était empoisonné, et après ? Elle ne possédait pas l’un de ces fantastiques remèdes qu’il vendait à prix d’or dans les boutiques pour le tirer d’affaire. Elle toussota pour s’éclaircir la voix et trouver un encouragement adéquat :



Un peu pourris comme parole de soutien. Elise n’avait pas trouvé mieux. Cela faisait des années qu’elle persécutait le pauvre chien, sortir une phrase pleine de tendresse et d’amour dans un moment aussi critique était absurde. Non, mieux valait qu’il voit l’effort réalisait et qu’il se lève. Comme ça elle pourrait aller chercher son nouveau pokémon dont elle ignorait encore le nom.

Elise était une enfant femme aux étranges manies. Souvent elle se plaisait à jouer sur les mots à tendre pièges ou enfoncer le couteau dans les plaies d’autrui. Mais des soirs, dans le clair-obscur du crépuscule, elle se laissait dominer par une bulle de vie aux couleurs puériles et aux contours imprécis. Parfois c’était un éclat de rire solitaire et d’autres fois c’était un vif accès de rage qui la poussait à éclater de multiples objets sur les murs. Ce qui ne l’empêchait pas d’être un ruse et d’un calme aussi impitoyable que mature quand elle le décidait. C’était sa façon à elle d’être en grande sans l’être, l’équilibre précaire qu’elle avait trouvé. Parfois il lui semblait sentir la corde raide sous ses pieds et elle tremblait de peur devant le vide qu’elle refusait de voir. Lorsqu’elle touchait Leborgne c’était comme effleurait le gouffre béant qui s’était un jour ouvert en elle. La demoiselle ne pouvait tout contrôler, une part du monde lui resterait à jamais incertaine, c’était le souvenir de la venue de Leborgne de sa vie. Quand elle effleura son crâne osseux, alors que l’animal gémissait douloureusement sa truffe enfouie dans le sol poussiéreux. Devant son manque de réaction lors de sa première remarque elle avait cédé et touché d’une main hésitante sa tête de guerrier. Chose qu’elle regrettait déjà. Elle n’avait pas envie d’aimer malosse, c’était un mauvais souvenir qui la poursuivait. Comme la plupart des vivants qui troublaient sa vie, la brune le maltraitait. Dans l’espoir d’écraser définitivement cette désagréable sensation si bien logée dans sa conscience.

Elle tapota les flancs recouverts d’un poil brun et épais dans l’espoir que cela suffise à ranimer le malosse.  C’est vrai qu’il faisait pitié à voir, la Pampelune était trop préoccupée par ses propres états d’âme pour s’en apercevoir simplement. Le pauvre animal était desséché, blessé et gisait sans force. Il ouvrit un œil et fixa sa dresseuse, cette dernière ce pétrifia. Son regard brun était intense, il mettait la jeune femme mal à l’aise. Elle détourna ses prunelles et grinça :



Sa dernière phrase avait quelque chose de puéril comme si elle tentait de nier sa rancœur de savoir le pokémon bien à l’abri pendant qu’elle chercherait sous le soleil de plomb une échappatoire à la canicule. Doucement, en tremblant un peu, le vaillant pokémon parvint à se hisser sur ses pattes. Elise fit mine de trouver ça normal, mais elle lui accorda un sourire joyeux qui en disait trop long sur son soulagement. La brune ne verrait peut-être chez Leborgne jamais rien d’autre qu’un souvenir pénible. Mais elle avait désormais besoin de savoir sa silhouette trapue et sauvage près d’elle pour se sentir protégée. Et ça, elle ne le reconnaîtrait jamais. C’est le raclement de gorge du chien qui la mit sur la piste. Elle se retourna vivement et vit un éclair bleu et rose se cachait dans les fougères les plus proches. Curieuse et méfiante, la benjamine prit les devant et parla aussi fort qu’elle le pouvait.




Une ombre s’éleva. Elle était féminine et sa forme spectrale se muait en chevelure ondulante. D’un bleu sombre et anthracite, elle dégageait une douce aura à la fois tranquille et curieuse, son corps était parcouru d’une couleur prune vive qui mettait en valeur ses deux immenses prunelles couleur d’or. Elle abordait un sourire très doux et énigmatique à la fois. L’impatience brunette était subjuguée, le pokémon dégageait cette prestance qu’elle admirait tant. Son nom elle ne l’ignorait pas, c’était une feuforêve. Et cette idée la fit tremblée, elle jeta un regard entendue à Leborgne. Ce dernier qui se doutait des intentions de sa dresseuse n’avait pu s’empêcher d’approuver. Il savait que c’était là un pokémon de rêve pour sa dresseuse, encore fallait-il que le tempérament s’y accorde. En cela le malosse restait attentif à la nouvelle venue.

Douce révérence de la part de l’interpellé. Son regard ambré et si proche de celui d’Elise, s’en est troublant. La jeune femme en a toujours rêvé, un pokémon qui partagerait son soin des détails et une grâce à sa mesure. Son collier de perles vermeilles scintille sous les rayons dorés de l’astre, la brune avait souvent imaginé ce genre de rencontre en pleine nuit. Voir cette douce apparition de jour avait quelque chose d’enchanteur. Sa beauté naturelle rappelait à la demoiselle quand elle se hissait jusqu’à la fenêtre de l’école de danse. Petite, c’était un rêve soigné et entretenu que celui de devenir une danseuse étoile. Une réserve qui était inconnu au reste de son entourage l’en avait empêchée. Du haut de ses six ans, la fillette avait traité les jolies demoiselles en ballerines de pimbêche et reniflé avec dédain. La vérité était plus complexe. Elise rêvait de les rejoindre, il y avait même des soirs où elle imitait leurs pas, seule dans sa chambre. Mais elle avait peur d’échouer, peu d’être la risée et perdre un peu de la merveilleuse emprise qu’elle avait sur les autres. Un renoncement qui l’avait marquée et lui restait encore en travers de la gorge puisqu’elle clamait à qui voulait entendre que les tutus c’étaient le comble du ridicule. Bien entendu, face à cet ombre qui flottait doucement, son regard animé par une discrète lueur d’intérêt, le sentiment de la Pampelune était bien différent. Elle était comme hypnotisée par cette vision spectrale, ce n’était pas un pokémon commun, on ne pouvait l’ignorer ou l’abattre sans émotions. C’était impossible. Elise ne put s’empêcher d’allumer dans son regard une lueur vivace d’envie. Elle s’obligea au calme, la brune ne voulait pas que ce pokémon soit le fruit d’un coup de tête comme les autres. Elle souhaitait tisser un lien avec lui avant. Etait-ce un mâle ou une femelle ? Une fille. La benjamine en avait la certitude, ce qui finirait par lui jouer des tours d’ailleurs…  Mais pas aujourd’hui !

La jeune fille réfléchit à toute allure à un moyen de créer le contact. Elle n’avait ni eau, ni nourriture et lui présentait sa rapide ball paraissait peu diplomate. Elle se mordilla la lèvre inférieure laissant une énième marque sur ce dernier. Avant de soupirer, tant pis elle ferait le minimum. Son frère avait souvent tenté de lui transmettre  son amour du dressage pokémon et les différentes façons d’apprivoiser les bêtes dotés de pouvoir. Ces jeux n’avaient jamais amusé Elise qui tentait en vain de participer pour faire plaisir à son aîné. La brunette en gardait quelques souvenirs. Tendre la main par exemple. C’était d’ailleurs ce qu’avait fait Maxwell pour appâter son malosse. Ca ne coutait rien d’essayer après tout. D’abord hésitante, la Pampelune plaça sa paume ouverte en direction de la feuforêve. Le fantôme sembla surprit, il loucha sur la main offerte, tourna sur lui-même quelques instant et lâcha un « feufoo ! » avant de reculer de quelques mètre en position d’attaque. Un combat ? Ca la benjamine connaissait mieux, elle laissa retomber sa main le long de son corps et son regard glissa sur Leborgne. Le guerrier semblait en piteux état, mais lui confirma d’un mouvement de tête qu’il combattrait. Il se mit entre elle et la feuforêve et poussa un jappement rauque. Le spectre sourit doucement et se propulsa brutalement sur le malosse. L’attaque était mesurée, son corps filait à une vitesse impressionnante et son regard sûr et déterminé plut à la dresseuse. C’est un attaque étonnement qui prit Leborgne à revers il bondit en laissant échappé un glapissement surpris. Un fin sourire apparu sur le visage de son adversaire. A l’évidence, le jeune spectre trouvait agréable de se jouer du jeune chien.

Elise dont l’expression était sereine et ravie de voir se dessiner dans le pokémon, une envie de vaincre qui l’amènerait au sommet. Elle restait attentive à l’état de son malosse, elle savait bien que plus le temps passé, plus le poison endommagé son système. Il fallait faire vite.



Le jeune canin ne se fit pas prier, il bondit en avant, son corps luisant de sueur et ses muscles saillants. Il était beau au combat le cerbère de la Pampelune. Celle-ci ne le remarque même pas, beaucoup trop absorbé par la réaction du feuforêve qui ne vit pas le coup venir. Le fantôme cria, et son cri déchira le cœur des spectateurs, mais ne tomba pas. Il resta là-haut, lévitant péniblement au-dessus du sol. Elise le sentit, elle avait gagné. La jeune feuforêve reconnaissait sa défaite, elle se posa doucement sur le sol terreux sous le regard attentif de Leborgne qui vacillait de plus en plus. La brune se promit de le rappeler dans sa pokéball, il n’était pas nécessaire que le cabot s’épuise un peu plus. Elle-même était au plus mal, la chaleur et la soif rendaient sa vision trouble et sa seule crainte était de louper son lancer bien que le spectre est l’air coopératif. Il fallait qu’elle s’applique, ses doigts tremblaient quand elle s’empara de la sphère rouge. La silhouette de la feuforêve se dédoubla lorsqu’elle plissa les yeux pour mieux viser. Quand la benjamine se défi de l’objet, le propulsant avec force sur le pokémon convoité, elle ne doutait pas. Son sang bouillait d’une adrénaline violente, son regard était rivé sur la cible et son cœur battait fort. Mais elle savait que le tir était bon, ses muscles douloureux qui avaient menacé de la trahir, avaient fini par plier devant sa volonté. La rapide ball heurta la feuforêve et un éclair rouge l’enferma à l’intérieur. Elise observa la ball remuait doucement, sans conviction. Le déclic final retentit et Elise eut le sentiment que son cœur aller s’envoler. Enfin !



Pourquoi Elfiatis ? Ce nom c’était celui de la déesse grecque des cauchemars, il allait bien à la feuforêve. Le reste tenait plus de la pulsion ou de l'intuition. Un jour le jeune spectre dominerait le sommeil des autres, pendant que sa dresseuse tiendrait en son pouvoir le reste de leurs vies. Frisson. Plus le temps passe sur Enola, plus elle sentait grandir en elle ce désir de devenir la souveraine. Etait-ce l’île où bien elle ? Une voix murmura au creux de son cœur que c’était une erreur, une voix qu’elle balaya d’un revers d’ambition. Elle tourna son regard vers Leborgne. Fidèle à lui-même, le chien haletait debout à ses côtés. Son serviteur, Elise ne pouvait que savourer l’emprise qu’elle exerçait sur l’animal. La brune le rappela dans sa pokéball.



La Pampelune rappela aussi Ele qui semblait ravie de retrouver sa pokéball. Des fois, Elise enviait ces petites maisons de poches où la vie des créatures semblait si douce. Elle fit quelques pas pour ramasser la première pokéball. Elle n’avait oublié le fier guerrier qui avait empoisonné son malosse. Elle sourit et du bout des lèvres, la brune murmura :