L’intuition domine certaines rencontres, on ne peut ni les prédire, ni les envisager. C’est comme si la vie vous prenait à défaut. Que son rire éclatait, sonore et intense à travers les bois. Elise était une enfant que l’intuition dominait, mais qui dominait ses rencontres. Elle avait le sens du rythme quand les phrases fusés d’un bout à l’autre de la pièce. Elle se souvenait parfaitement de parties de jeux ridicules, disputés autour d’une table ronde et en chêne. Des parties conviviales où la gamine prenait conscience de l’impact d’une phrase ou d’une attitude sur les autres.  Touche à tout, la Pampelune fut une scientifique dans son domaine. Flirtant avec la manipulation quand elle semait la discorde dans l’équipe adversaire ou bluffait sans sourcillait. Elle avait beau être franche et droite dans ses bottes, elle était aussi très joueuse plus jeune. Eli passait alors tout son temps à tester et mentir, il lui avait fallu de sombres périodes et des plaies au cœur pour décider que non elle ne serait pas ainsi. Le mensonge l’avait parfois un peu tué, alors elle avait appris à le détourner s’inspirant du monde. Leborgne dans sa droiture et sa loyauté l’avait inspirée, bien qu’elle est jurée de ne jamais être aussi soumise obéissante que lui. Elle accordait tant d’importance à son indépendance et au vent de liberté qui soufflait parfois au niveau de sa nuque. Comme une fleur fraîchement cueillit Elise respirait la sauvagerie et les couleurs vives, sans se douter qu’elle était condamnée à une mort rapide loin de ses racines.

C’était le dernier jour. Elle se l’était promis. Le denier qu’elle passait dans ses loques gorgées de boues et d’eau. Le dernier qu’elle passait à se gratter le crâne à cause de ses cheveux sales et gras, le dernier où ses yeux bordaient de cernes lui faisaient défaut au pire moment. Aujourd’hui elle rentrait. Cette nuit Corleone était devenu son meilleur allié et aussi le pokémon auquel elle était le plus redevable. Elle n’oublierait jamais son cœur qui battait et sa présence rassurante quand elle menaçait de faire nuit blanche, glacée et isolée. Il l’avait sauvé. Ignoré cela aurait se comportait en imbécile. Elle avait fait l’inventaire de son sac. Son livre et des racines semblables à celle qu’elle avait vue dans les jeux télévisés. Eli avait fini par abandonner ses chaussures réduites en miettes par son aventure, elle avait aussi eu le malheur de tomber sur une flaque à la surface miroitante. Son visage faisait peur à voir, on aurait dit une enfant sauvage, même ses yeux étaient devenu moins malicieux et plus animal. Foutus réflexes de survie. La brune était accompagnée d’Eleanor, la jeune doudouvet s’était bien remis et tourbillonnait dans le ciel à présent. Elle ramenait parfois une baie que sa maîtresse partageait et dévorait avec avidité. La civilisation lui manquait, cette escapade lui avait permis de s’apercevoir à quel point il lui serait aisé de basculé dans une vie d’ermite. Heureusement son livre l’avait gardée de la tentation de se laisser aller à cette vie de guerrière. Elle avait besoin de pouvoir et de domination pour s’épanouir. La nature ne pouvait lui offrir cela.

Dégageant le chemin et surveillant les arrières, Corleone, fierté de sa dresseuse. Elle ne lassait pas de poser son regard sur lui. Le nidorino inspirait force et sagesse à tous et elle n’avait toujours pas été agressée. Son plan était simple : suivre la rivière jusqu’à Anula. Elle avait décidé d’oublier le moment où elle serait confrontée au concierge. Elle trouverait peut-être un endroit où se changer ailleurs. Idée débile. Penser à cette partie de l’avenir l’énervait, alors elle secoua la tête pour se débarrasser de ses réflexions désagréables. La terre humide de la région n’était pas un problème, aujourd’hui les dresseurs étaient équipés pour ce genre de traversée et profitait pleinement de ce petit coin de paradis où la vie florissait. Evidement pieds nus et fatigué, les choses étaient différentes. Eli craignait de marcher sur une bête et les cailloux qui bordaient la rivière venaient parfois perforés la plante de ses pieds lui arrachant des plaintes étouffées. Au bout du cinquième morceau de roche triangulaire qui vint abîmer un peu plus ses pauvres petons, Elise laissa exploser sa rage :


La colère faisait trembler sa voix, mais cette hargne était tellement compréhensible qu’aucun des interpellés ne s’offusqua. Ele connaissait sa dresseuse et n’en avait fichtrement rien à secouer de ses pétages de plombs. Quant à Leone, son sang-froid et la vigilance dont il faisait preuve l’empêchait de manifester quoique ce soit. Elise en était vexée, elle croisa les bras et prit une expression boudeuse.

Eli savait par expérience que c’était toujours dans ce genre de situation que survenait l’imprévisible. Il était certain que dans ses guenilles et suites à l’aventure qu’elle venait de vivre, l’imprévu était moindre. La brise matinale était encore fraîche, elle lui hérissait les bras à chaque fois qu’elle passait. Oui, la brune avait fini par renoncer à sa chemise de lin et ne portait plus qu’un vieux débardeur gris trop petit pour elle. Elle n’allait pas faire la difficile de toute manière, c’était juste la pénible et perpétuelle agression de la nature qui la gênait. Et là, elle ne parlait même pas de ces foutus cailloux qui s’enfonçait dans la peau tendre de ses pieds comme un couteau dans du beurre. C’est qu’elle allait finir par atterrir des prédateurs avec les petites taches de sang qu’elle semait derrière elle. La vision de l’herbe tendre à quelques pas de la rivière était un supplice, la cadette ne pouvait s’éloigner pour la bonne et simple raison que sans la rivière elle était perdue. La carte ayant malheureusement chut durant une marche plus laborieuse que les autres. Lasse et mal en point, elle était entre la crise de nerf et une attitude de blasée. En attendant, elle avait le regard frustré et les bras croisé. Une façon significative d’exprimer son impuissance, mais aussi de partager son renfrognement vis-à-vis du manque d’attention de ses partenaires de routes.

A l’avant, un imposant nidorino jouait à la fois le guide et le gardien du troupeau. Corleone ne s’était pas fait prier pour prendre ce rôle qui lui revenait de droit. Un peu plus haut, entre les cimes, la silhouette ronde et duveteuse d’Ele zigzaguait gaiement, empreinte de cette joie enfantine qui caractérisait le pokémon. Elise soupira. Cette traversée n’avait même pas commencé qu’elle en avait déjà ras le bol. Elle songeait distraitement à la possibilité qu’il croise un ennemi, enfin, les rares instants où Arceus épargnait ses pieds plus de cinq de ses pas. La douleur ramenait la brunette à la réalité plus durement et efficacement que n’importe quel autre moyen. Un étrange bruit attira son attention, Eli se retourna brusquement vers la rivière, soudain incertaine quant à la marche à suivre. Le courant était assez rapide, l’eau s’écoulait en discontinu et la Pampelune avait la fâcheuse impression que rien ne se déroulerait comme prévu. Il y avait, tapi dans les rapides, un danger. Son intuition légendaire ne mentait pas, jamais. Elise mordilla frénétiquement son pouce gauche, elle détestait ce savoir vue, mais incapable de voir.


Le guerrier à la peau mauve l’avait déjà bien devancé et scruté le courant avec attention et prudence. Plus les secondes s’égrenaient, plus la demoiselle s’agaçait, elle sentait la menace, mais incapable de lutter contre, elle était face à un problème venimeux qui la mettait dans une rage. Ses sens étaient tendus à l’extrême, une peur inhabituelle lui nouait l’estomac. Où cette foutue créature pouvait bien se cach…. L’intrus surgis de l’eau éclaboussant la dresseuse et Corleone du même coup. C’était un animal laid. Une laideur qui glaça la jeune Pampelune. Un poisson énorme dont les écailles vertes, noires et rouges faisaient penser à un sous-marin de guerre les défiait. Il avait l’œil mauvais et une crête blanche et affuté sur  son dos.  La brune n’hésita pas, son cœur battait la chamade et l’animal était trop confiant pour être inoffensif. Des souvenirs intenses de pêches avec son frères qui lui racontaient que certain pokémons des eaux étaient très dangereux, refaisaient surface. Eli était une fille téméraire, un peu inconsciente sur les bords, mais pas une imbécile. Ce truc-là ne les laisserait pas indemne. Le fait qu’elle ne soit pas franchement au mieux de sa forme jouait aussi dans sa décision. La gamine avait reculé en voyant surgir le pokémon dont elle ignorait le nom, hors de question de provoquer le destin. Elle se tenait droite, mais tétanisée. Bien décidée à tenter de l’intimider avant de fuir comme un lâche.


Elle le clama, elle le hurla, pourtant ses paroles se contentèrent de flotter dans l’air rapidement recouverte par le clapotis de la rivière. Leur adversaire eut une sorte de sourire carnassier, un truc horrible qu’Eli n’aurait ou déterminer comme volontaire ou non. Il ouvrit sa gueule et laissa un « Barg ! » guerrier s’en échapper. La brune put alors avoir la dentition de l’animale chose dont elle se serait bien passée, elle avait blêmi. Il fallait qu’elle parte au plus vite, elle cracha sur l’impudent qui avait osé déranger son retour et cria à Eleanor et son nidorino de courir. Si la doudouvet pris la tête du peloton avec plaisir, totalement indifférente à ceux qui se passait autour d’elle, Leone eut plus de réticences. Il rugit avec férocité sur le « Barg » et prit la suite de sa maîtresse. La course du pokémon évolué d’Eli provoquait des vibrations au sol et soulevait d’épais nuages de poussières. Les pierres saillantes, arrachées des cris à la jeune humaine dont les pieds étaient un peu plus meurtris chaque fois qu’elle accélérait. Au bout de trois minutes de course, elle tomba raide contre un saule. Entre celui contre lequel elle avait trouvé refuge durant la nuit et celui qui l’empêchait de se laisser tomber par terre, ces arbres se révélaient d’inattendus alliés. Alors qu’haletante et grimaçante elle reprenait son souffle en regardant l’état de ses pieds, Leone s’était installé tout près pour mieux la protéger en cas d’attaque. Eleanor était perchée sur sa tête, en quête d’un peu de repos après cette folle poursuite. La demoiselle observait avec attention et angoisse la rivière, elle avait peur de voir surgir la sale bête qui l’avait obligé à réduire ses pieds en charpie. Elle retint une plainte en arrachant un caillou venu se loger sous sa peau.


Cette dernière qui s’en fichait comme d’une guigne ne réagit même pas, la fatigue l’accablait et loin d’elle l’idée de sacrifier son précieux temps au profit des autres. Elise le voyait bien en louchant un peu. Elle commença à masser ses pieds, de moins en moins motivée pour poursuivre, c’était bien trop douloureux.

Elise songeait à ce périple. C’était la première fois qu’elle se retrouvait aussi désarmée face au monde. Des petites embrouilles dans les bois ou rentrer les vêtements boueux lui était déjà arrivé. Mais jamais encore elle n’avait eu affronté la fatigue, la faim et la soif sur le même front. La brune constatait avec dépit que sa résistance laissait désirer, bien qu’elle mette une volonté de fer à ne pas tomber, sa progression était lente et laborieuse. Elle renifla, Arceus elle puait ! Son visage se tordit dans une grimace mauvaise et  elle arracha une fleur dont elle fit des confettis pour passer ses nerfs. Des paquets de cheveux gras lui tombaient dans les yeux et elle n’avait toujours pas trouvé le courage de reprendre sa route. Blottie contre son saule, elle s’était calée contre l’écorce inconfortable et luttait contre le sommeil qui menacé. Bien que Corleone est veillé sur elle durant le nuit, la fatigue était toujours là et ses yeux violacés en étaient la preuve. Heureusement qu’il était là quand même, il était debout à quelques pas. Des grandes oreilles bougeaient comme des radars et Eli était touchée par l’importance qu’il donnait à sa sécurité. Là-dessus il ressemblait à Leborgne, mais le malosse était tellement plus… La brunette secoua la tête, elle n’avait pas envie de réfléchir aux raisons qui motivaient son aversion pour son premier pokémon. Ca l’ennuyait à force, ses mains tricotaient toutes seules et elle avait le regard vide.

C’était le barbotement irrégulier d’un animal qui la troubla. Eli eut un sursaut avant de chercher en vain du regard la source du bruit. Depuis qu’elle était gamine, elle avait toujours était sensible aux bruits inhabituels. Cela commençait par les insipides horloges qui hantaient ses cauchemars les plus sombres à ce bruit d’eau qui venait perturber le clapotis. La dresseuse pensa d’abord à la doudouvet, l’imbécile avait peut-être déjà pris d’assaut la rivière et était désormais dans le pétrin. Cette idée la tira définitivement de la somnolence qui l’avait gagnée et elle se hissa sur ses deux pieds en s’appuyant sur le tronc. Le saule était un peu courbé et elle crut qu’elle allait tomber à peine debout. Le cri mécontent d’Ele sur sa tête acheva la Pampelune. Si cette imbécile était là, elle aurait très bien pu rester assise à se reposer. Une intuition mauvaise l’attrapa au col et elle réalisa que si ce n’était pas Eleanor c’était peut-être le retour du « Barg ». Son cœur se mit à battre vite et elle s’accrocha à son arbre. Eli lança un regard terrifié à son nidorino, ce dernier était en position d’attaque fermement campé sur ses pattes. La brune n’avait pas l’intention d’attendre des plombs, s’il s’agissait bien de la face de hareng de tout à l’heure, ils décamperaient à nouveau. Elle eut une pensée malheureuse pour ses pieds dont elle repliait les orteils d’appréhension.


Le nidorino s’exécuta et elle put contempler la chose qui dériver dans leur direction. La cadette ne vit d’abord rien, jusqu’à ce que ce qu’elle avait d’abord pris pour un nénuphar fasse définitivement trop tache pour l’être. Un nenupiot. Elle distinguait son corps à travers la surface aqueuse, bleu avec un étrange bec flave. L’avoir pris pour un végétal lui semblait maintenait une erreur grossière. Avec sa feuille épaisse et vive, il ne confondait pas vraiment dans le paysage. Pourquoi ce truc venait-il à sa rencontre ? Cherchait-il les ennuis, était-ce une façon de la provoquer indirectement ? Eli l’ignorait et n’avais pas vraiment envie de connaître la vérité. D’une façon générale, le pokémon respirait un pacifisme rare aux vues du comportement du précédent pokémon croisé. Mais Elise avait très envie de venger cette journée et ses pauvres pieds, qu’il le veuille ou non ce nenupiot serait le bouc émissaire idéal. La benjamine s’autorisa un sourire triomphal à cette pensée. La douleur cuisante qu’elle ressentait dans ses petons allait trouver une autre victime, elle se campa fermement contre le saule et brandit un doigt mauvais sur leur ennemi.


Le côté profondément gamin de la demoiselle faisait tâche avec la pseudo-maturité dont elle se gargarisait d’habitude. Pourtant, pour rien au monde elle n’aurait renoncé ce combat. L’adrénaline et la force qu’il insufflait à son corps fatigué était une source d’énergie dont elle pouvait se passer. Et puis, après ça plus un seul pokémon n’oserait croiser sa route !

Se battre avait quelque chose d’exquis. Profondément, comme si c’était écrit dans les gènes. Dans se battre il y avait cette notion de victoire s’y goûte chez les gens à l’esprit ambitieux. Etres auxquels la brunette s’identifiait avec joie, c’était ainsi qu’elle voyait son avenir, impérial. Comme le maître d’orchestre elle guidait les gestes de Corleone avec élégance et distinction. Tout lui vient intuitivement, l’esthétique qu’elle s’acharnait à vouloir donner aux pas guerrier de son alliée, les attaques rythmiques et calculés qui s’enchaînaient. C’était une extase personnelle. La silhouette massive et mauve de son allié se jeta sur l’ennemi avant même que celui-ci comprenne la raison de la douleur cuisante qui l’agressait. Un bref signe de main et le nidorino revint près des pieds sanglants de sa dresseuse. La brunette souffrait. Souffrait de l’inconfort dont elle était la victime, souffre de ses habits trop lourds et de ses muscles endoloris. Mais cet affrontement lui donnait un second souffle. Il était essentiel de préserver ces quelques secondes hors du temps. Voir la réplique faiblarde du nenupiot. Se satisfaire de cette infinie sensation de puissance avec un sourire moqueur gravé sur son  visage. Valser sur le côté en évitant les pierres pointues qui jonchaient le sol. Et puis, reprendre, sans attendre, sans se presser. Juste suivre la délicieuse cadence de cette bataille.

L’ordre sonna clair à peine couvert par le bruit de l’eau qui ruisselait derrière. Il était martial et naturel à la fois, il se fondait dans cette ambiance guerrière tout en faisant tâche avec l’aspect paisible de la source. A nouveau le mastodonte mauve se précipita sur son ennemi, l’œil avide d’en terminer. Cette farouche détermination qui rendait Corleone si brillant aux yeux d’Elise n’en était pas moins mesurée. Bien qu’immense et musculeux, l’animal surveillait les réactions et le terrain avec une minutie calculée. Il était fier d’être le pokémon de la Pampelune. Fière de sentir qu’elle le regardait avec le respect qui lui était du tout en exigeant de lui le meilleur de ses capacités. Le pokémon d’eau et de plante ne l’impressionnait pas. Ce n’était pas les grands yeux las de la bête, ni son manque de réactivité qui avaient précipité ce jugement. Plutôt la certitude acquise qu’il avait la force nécessaire pour l’abattre. Son pied gauche heurta la créature aqueuse de plein fouet et frappa une seconde fois au niveau du visage. Le claquement de langue de sa dresseuse lui rappela qu’il devait se replier.

L’humaine et son compagnon observèrent le pokémon nénuphar avec la même hargne teinté de mépris. L’adversaire vacilla. Il fit trois pas sur la droite, puis deux  sur la gauche. Les yeux abrutis et globuleux de l’animal ne tardèrent pas à papillonner et il flancha quelques instants plus tard. Cette victoire fut saluée par un cri enjoué d’Ele qui poussa sa maîtresse dans les cailloux. La brunette lâcha un juron et eut le réflexe de tendre ses bras vers l’avant. Les pierres toujours aussi aiguisées lui arrachèrent un gémissement. La tête à quelques centimètres du sol, elle soupira en fronçant violement le nez. Et puis quoi encore ? Elle qui avait « oser » émettre le souhait de savourer sa première victoire avec Corleone. Voilà qui troublait son triomphe. Tant pis, une autre fois peut-être. La Pampelune se redressa et chercha de son regard mordoré et venimeux, la fautive. Mais elle n’entendait que les éclats de rire de cette dernière.


Prise d’une pulsion la jeune femme tira la langue aux arbres qui bordaient le cours d’eau, espérant que la doudouvet s’y trouve. La fatigue la rattrapa d’un coup et une migraine naissante la détourna de ses projets de vengeance. La soldate but quelques gorgées dans la rivière bien qu’elle est des doutes sur la potabilité de cette dernière. La soif avait raison de ses scrupules. Une grave maladie ne serait pas la bienvenue, mais elle faisait confiance à son organisme solide pour lui épargner le choléra. Elle fit signe à Corleone, qu’il devait repartir et sans attendre qu’Ele se soit décidée à donner signe de vie, reprit son chemin. Sous les protestations de ses pieds dont l’utilisation lui était de plus en plus insupportable.

Elise était passable heureuse. Il y a quelques minutes, elle avait repéré un arbre qui était loin de lui être étranger. Il était grand et ses feuilles aux nervures violettes ne lui étaient pas inconnues. Le végétal devait être une relique dans ces lieux puisque des écologistes méprisable avait installé un panneau « don’t touch » juste à côté de celui qui vantait l’arbre vieux de plus d’un siècle. Une main barrée était affichée et la signification on ne peut plus claire. Des petits détails qui avaient plus ou moins encouragées Elise à féliciter Eleanor lorsque la doudouvet avait trouvé amusant d’en faire tomber les feuilles. C’est vrai que les étoiles mauves de l’arbre dégageaient quelque chose de spécial. C’était indéniable. Elle avait un peu la même couleur que la peau rêche et dure de Corleone. Et puis, elles étaient tout de même l’indication rêvée qu’elle était sur la bonne voie. La Pampelune s’était assise en tailleur au pied du centenaire et avait entrepris de masser ses pauvres pieds endoloris.

Ele faisait pleuvoir des feuilles sur la brune et le nidorino s’était confortablement installé désireux de prendre du repos après le combat qu’il avait mené. La Pampelune l’avait caressée doucement, un sourire tendre aux lèvres. La jeune femme pensait à Leborgne, en piteux état la dernière fois qu’elle avait fait appel à lui. Les choses avaient-elles changé ? Son serviteur lui pardonnerait-il l’abus de sa force ? Probablement, après tout rien ne le motivait à faire autrement. Elle était la maîtresse et lui le pokémon, il lui était dévoué à jamais. Pas comme cette folle d’Ele qui lasse de massacrer les branches de l’arbre centenaire s’en prenait maintenant au tronc. Le petit nuage s’enhardissait jusqu’à voler la vie du pauvre protéger de la rivière Tulus. Elise secoua la tête, histoire de dire qu’elle désapprouver le comportement de son pokémon et se laissa bercer par le mugissement de l’eau. Bientôt elle chausserait des nouveaux talons, elle aurait une tenue impeccable et serait délivrée de la couche de crasse dont elle était maculée. Cette pensée ne la rendait pas vraiment heureuse. Elle aurait préféré qu’on lui donne un billet de retour pour l’Italie. Sa patrie lui manquait et elle dut se faire violence pour se tirer de la douce nostalgie qui menaçait de l’emporter.

Jamais. Ne jamais se laisser aller. La brune se redressa d’un coup, le nez froncé par la contrariété, elle grogna un ordre bref et Corleone fut debout. La vision de l’imposant nidorino la consola un peu, il représenter lui aussi une part d’Enola et l’île lui réservait encore beaucoup. Puis elle claqua de langue et Eleanor tomba violement sur sa tête manquant de la faire tomber malgré son poids plume. La demoiselle s’apprêtait à terminer cette marche harassante, le bruit inhabituel de l’eau la figea. La dresseuse se retourna brusquement, persuadée que le « barg » avait retrouvé leur trace. C’était une… Balle avec une queue. Cela ressemblait vaguement à un têtard et la Pampelune le trouva d’une laideur affligeante. La bestiole sautillait frénétiquement en tous sens mettant à mal les nerfs déjà bien à vif de la jeune femme.


Pour toute réponse la bestiole qui devait être spécialement limitée l’éclaboussa provoquant l’hilarité d’Eleanor et le regard meurtrier du nidorino. Sale horreur, songea fermement Elise. S’il croyait qu’il avait une chance de s’en tirer comme ça il se fourrait le doigt dans l’œil jusqu’au coude. La brunette n’allait pas laisser ce crime impuni c’était une certitude.


La doudouvet parut réfléchir. Certes la perspective d’un premier combat était tentante, mais celle de contrarier sa dresseuse l’était-elle plus ? Le regard boudeur de sa dresseuse eut raison des réticences du petit nuage et Ele s’élança sur l’ennemi.

Eleanor avait un style de combat bien à elle. Elle volait, valsait, tourbillonnait. En fait, on aurait plus dis quel répétait un numéro de coordination. La joie qui animait son corps cotonneux faisait sourire Elise, à cet instant précis elle ressemblait un peu au tritonde qui leur faisait face. Dopé aux vitamines. Sauf que le sale têtard qui les avait défiées était loin d’avoir le charme et la douce innocence d’Ele. Dans les yeux ambrés de la Pampelune son corps avait l’aspect d’une larve à grosse tête. La brune était probablement un peu influencé par l’eau dont elle avait méchamment arrosée. Mais il n’en restait pas moins qu’elle ne portait pas leur adversaire actuel dans son cœur et n’avait pas l’intention de se laisser faire en souriant bêtement. Non ça c’était plutôt le rôle de cette fille… Oui celle de la montagne, là… Yumi ! Yumi, ses longs cheveux bleus et son sourire puéril. Etre heureux en toutes circonstances c’était son truc à elle. De même que le truc d’Alex s’était de torturer des gens. Brrr… La demoiselle avait toujours un peu de mal à s’en remettre. Il faut dire que faire équipe avec un tortionnaire avait quelque chose de louche. Enfin, elle n’allait pas s’en plaindre. C’était elle qui avait insisté pour explorer l’île seule et voilà l’état dans lequel elle se retrouvait. Perdu dans son ballet aérien, la doudouvet ne vit pas venir l’attaque ennemie et sembla réellement choquée d’avoir été touchée.

Elle avait beau être un pokémon sauvage, Elise avait parfois du mal à associer sa crédulité apparente à l’image noble et farouche qu’elle se faisait des pokémons de la forêt. Comment une créature aussi chétive avait pu survivre dans de telles conditions ? La dresseuse eut sa réponse en voyant avec qu’elle puissance elle contre attaqua. Voir le petit nuage absorbé à une telle fréquence la vie du pauvre têtard qui n’en menait pas large était subjuguant. La vie passée de l’un à l’autre, sous le regard teintée d’admiration d’Elise. Même Corleone semblait réviser son jugement sur la doudouvet, son hochement de tête grave sonnait comme un assentiment. Gonflée à bloc Eleanor se remit à voltigeait autour de son ennemi qui le regard mauvais balança un attaque chant canon. Elise et son pokémon furent prises à revers, les sons explosèrent les tympans de l’une comme de l’autre et la dresseuse serra les dents. Pas la doudouvet, prise d’une fureur que sa maîtresse ne lui connaissait pas, elle répliqua à nouveau avec méga-sangsue mettant fin au jour de leur ennemi. Quand le calme fut revenu, ils virent le corps du tritonde dérivé dans la rivière et l’héritière fronça le nez de dégoût. Ce genre de vision l’écœurait et elle ne se gêna par pour le faire remarquer à ses compagnons de routes.


Et c’est vrai qu’elle avait la chair de poule. La brune voulut féliciter Ele pour son exploit, mais cette dernière s’esquiva en lui adressant un regard surpris. A l’évidence elle ne comprenait pas en quoi elle était méritante. Pas plus chagrinée que ça par la modestie de son petit nuage, Elise fit signe à Corleone qu’il était temps de reprendre la route. L’imposant nidorino se remit en marche et fatiguée par l’effort Ele se percha sur la tête de la Pampelune. Au bout d’une dizaine de minutes ponctuées par les remarques mauvaises de la demoiselle sur les cailloux en forme de silex et l’humidité qui attirait des moustiques avides de sang frais. Ils aperçurent enfin Anula. Le sourire triomphal de la cadette n’aurait pu être plus explicite. Elle avait réussi. Enfin elle était parvenue à destination. Et désormais ces rangs comptés deux nouveaux alliés. Elle était fière. Fière et sereine.