Keep moving forward

Évolution d'Hazel, partie 1

Il devrait arrêter de paniquer, il le sait, mais c'est un peu facile à dire qu'à faire. Faust n'est pas paranoïaque, ou du moins pas à ce point, la plupart du temps. Il avait pourtant passé des jours et des jours à se dire que tout se passerait bien et qu'il n'y aurait aucun soucis, mais il fallait croire que la partie sensible de son cerveau avait joyeusement envoyé voler la raison qui l'habitait pour la remplacer par une peur stupide et irraisonnée. Et alors qu'il trépigne, ses mains se contractent et s'agitent dans ses poches, signe de nervosité évidemment. Il se mordille les lèvres, vieux tic qui n'est pas parti malgré les années et s'arrête uniquement lorsqu'une légère douleur le prend, signe qu'il était vraiment en train de faire dans la paranoïa avancée.
Du calme, du caaaaaalme. Relax. Déstresse. On se déteeeeeend...
Plus facile à dire qu'à faire, bien évidemment. Il s'est préparé, mais rien ne calme l'angoisse qu'il ressent depuis ce matin, lorsqu'il a déposé pour la première fois Alice à l'école. Il avait repoussé l'échéance autant que possible, mais il avait bien fallu faire le pas et voilà que sa fille se retrouvait là-bas, dans ces salles de classe infernales que Faust avait haï durant toute sa scolarité. Vu qu'il avait détesté l'école, il n'avait pas été très joyeux à l'idée d'envoyer Alice en cours, mais il avait conscience qu'il ne pouvait pas la protéger toute sa vie et que la laisser vivre dans une bulle, dans son petit univers et coupée du reste du monde ne serait en rien positif pour son éducation. Même si l'idée que ses camarades de classe pourraient la malmener lui arrache le cœur, il doit apprendre lui aussi à comprendre qu'il ne pourra pas toujours être là.

Il se prend sans doute bien trop la tête alors que c'est si simple, mais il n'est pas capable de s'en empêcher. Il est dans sa nature de s'inquiéter pour les gens qui comptent à ses yeux, même si c'est parfois excessif. Même si cela peut faire rire, sa capacité à se faire du soucis pour ceux qu'il aime est presque impressionnante, et pour sa fille, c'est presque ridicule à quel point cette capacité se fait proéminente. Il poussa un soupir et se retint tout juste de composer le numéro de la directrice de l'établissement pour lui demander si les classes n'étaient pas en retard, mais il se rendit tout de même compte que ç'aurait été excessif. Toutefois, trois minutes de retard, c'était déjà beaucoup, hein... ? Non non, vous n'avez pas le droit de vous facepalmer. C'est très malpoli, déjà, bande de vilains chenapans.
Il raffermit sa prise sur la Grainipiot dans ses bras pour se détendre, et lui caressa distraitement la tête tandis qu'elle poussait des petits bruits afin d'attirer son attention, curieuse quant à l'inquiétude qui émanait de son dresseur. Si elle sait très bien ce qu'ils attendent ainsi, elle ne saisit pas pourquoi le conseiller gesticule autant, ni pourquoi il a l'air sur le point de partir en courant vers les portes de l'établissement pour rentrer de force, quitte à exploser la porte, même si ce serait peut-être un peu malvenu.

Puis, enfin, les premières classes commencent à sortir, mais Faust remarque vite à la taille des élèves qu'il s'agit plutôt de ceux de CM2 que des CE1 qu'il attend avec une pareille impatience. Il maudit sa petite taille en remarquant que les autres parents l'empêchent de voir de par le fait que... Ben ils sont plus grands. En soupirant, il fit quelques pas sur le côté et escalada donc un peu le grillage, jusqu'à pouvoir avoir une bonne vue. Oui, il est ridicule, et le pire dans tout ça, c'est qu'il en est tout à fait conscient.
Bien évidemment parce que sinon ce n'est pas drôle, les CE1 sont les derniers à arriver. Et la classe d'Alice est évidemment celle qui sort de l’établissement derrière l'autre. Mais Faust n'y accorde aucune importance, car lorsque ses yeux se posent sur le visage de sa fille qui écoute attentivement une autre fillette de son âge parler à une vitesse hallucinante, un sourire niais, tendre et stupide se dessine sur son visage ; il en manque presque de tomber. Hazel, contre lui, sautille légèrement. Faust fait de grands signes à Alice d'une main, en veillant bien sûr à garder la Grainipiot contre lui pour ne pas la faire tomber. Il se fiche des regards des autres parents et des murmures qui courent.

Et comme un enfant le jour de Noël, il attend. Ce n'est que lorsqu'il la voit passer la grille que ses yeux s'illuminent presque, et il descend de son 'perchoir' rapidement pour s'accroupir et ouvrir en grand ses bras. Le sourire sur le visage d'Alice lui réchauffe le cœur, et il attend alors qu'elle lui saute dessus, vu qu'il voit qu'elle en train de courir vers lui... Mais c'est Hazel, à qui elle offre un câlin. En effet, la Grainipiot s'était échappée de ses bras pour aller courir dans ceux de la fillette, devant le regard ébahi (et jaloux, même si il ne l'avouerait jamais) de Faust. Puis, pour couronner tout cela, Hazel se mit à évoluer après s'être blottie dans les bras d'Alice, ce qui fit rire la gamine et manqua d'achever de décrocher la mâchoire du conseiller. Bon, il savait que la Graini-non, la Pifeuil adorait Alice, mais il avait l'impression de s'être légèrement fourvoyé sur l'importance de cette affection. Barf, il n'allait pas se plaindre.
Puis, après avoir reposé Hazel (bien qu'Alice fut un peu forcée de le faire, n'ayant pas la force pour la tenir) et ignoré les regards curieux des autres sur eux, la fillette se jeta dans les bras de son père qui en oublia bien vite cette bête jalousie et la serra contre lui. Un soupir de soulagement lui échappa. Il sentit son rythme cardiaque se calmer, signe que l'inquiétude qu'il ressentait venait d'être apaisée.

« Alors, tu... Tu as passé une bonne journée ?
- Hn-hn ! Même qu'on a parlé des papillons aujourd'hui, et que Lisa elle a un Prismillon !
- Lisa ?
- C'est une fille de ma classe. Attends, si ça se trouve on pourra encore la trouv- !
- Tu m'en reparleras à la maison, d'ac ? Pour l'instant, on doit vite rentrer, c'est Natsume qui surveille les pâtes.
- Mais... Faut se dépêcher, sinon il va tout inonder !
- Exactement. On fait la course, donc ?
- ... Papa, on peut demander à Daryl, non ?
- ... Ouais. Bonne idée. »

Il n'aurait pas osé lui dire qu'en réalité, peu lui importait d'arriver en retard si il pouvait au moins profiter un peu du fait qu'elle était là pour jouer avec elle, mais il réalisa avec lenteur que non, ce n'était pas parce qu'elle allait à l'école et qu'elle grandissait qu'elle s'éloignait. Il serra sa main dans la sienne et un sourire niais se dessina sur son visage. Et puis au fond, contrairement à ce qu'avait dit Matthias, il estimait bien se débrouiller.