On s’ennuie pas une seconde avec ce taré, je crois qu’il a pris mon « fucking crazy guy » comme un compliment. Certes, y’a que la vérité qui blesse, mais c’est plutôt flatteur, comme vérité. Dans mon langage, ça l’est du moins. Nous voila tous les deux avachis sur le sol à glousser comme deux grosses dindes. On est aussi cons l’un que l’autre, et même West s’en excuse. On s’en fout finalement, de qui a fait quoi, l’essentiel c’est qu’une fois de plus, on s’en est sorti d’une façon totalement improbable et stupide. Probablement qu’on est les deux andouilles les plus chanceuses de l’univers, finalement. Comme dit West, tous les moyens sont bons pour oublier, parfois. Pour le meilleur et pour le pire. Je souris, un peu narquois. Autant rire que pleurer de l’état pathétique dans lequel on arrive parfois à se retrouver, et se dire que le lendemain, y’aura plus rien, que les séquelles, ça existe pas. Se voiler la face et zapper, c’est toujours mieux, hein? Avec un soupir d’ironie, je vois West reprendre un ton plus morose et s’installer la tête sur mes cuisses, pour enfin déverser ce qui lui pèse réellement sur la conscience. Ca n’a pas du faire du bien de nier tout ça en bloc depuis tout à l’heure, même si c’était involontairement. Ma main passe dans les cheveux blonds de mon ami, dans un geste rassurant, destiné à le calmer. Mon sourire persiste malgré tout, alors que comme une conne, l’envie de verser quelques larmes me vient aussi, sensibilité à la con. Le voila qui regrette ses actes, qui comprend et accepte le fait qu’il l’aime, et que c’était elle… Elle quoi? La femme de sa vie, je suppose. C’est comme ça que son discours a l’air de sonner. La personne qu’il aime le plus au monde et sans qui il ne se sent plus d’avancer. Je ne saurais pas dire si je comprends ou non ce sentiment. J’ai toujours préféré faire la route seule, et je n’ai jamais vraiment invité grand monde à m’accompagner bien longtemps. Qu’est-ce que ça fait quand on décide enfin que quelqu’un doit être la personne pour marcher à nos côtés, et comment est-ce qu’on le sait, j’en sait trop rien… Et comment on fait pour la récupérer et arranger les choses… Bah, j’sais pas. J’en sais foutre rien. Mais West attend une réponse, donc je décide de lui dire le fond de ma pensée, après plusieurs de secondes de silences, pendant lesquelles je m’attelais a ravaler mes quelques larmes. Quelle potiche je fais, des fois.

« Je… Euh… Franchement, je sais pas trop, West… J’ai jamais vraiment rencontré de personne comme ça dans ma vie. Comme toi avec Victoria, je crois. Mais n’empêche que quand toi, tu te rends comptes que c’était bien elle avec qui tu voulait être le restant de ta vie… Enfin, j’dis pas que vous devez absolument vous marier et tout… Enfin bref. J’pense que quand tu as ce genre de déclic avec une personne, ça peut pas être à sens unique. »

Sodomie de mouche, quand tu nous tiens. Je suis confuse, et ça doit s’entendre dans mon discours. Espérons que le blondinet un peu con-con sur mes genoux ne se soit pas encore endormi. J’ai le regard dans le vague, et je n’ose pas baisser les yeux vers lui, je dois avoir l’air fucking ridicule.

« Enfin… Tu vois… Ce que je veux dire… C’est que… l’amour, c’est jamais complètement a sens unique… c’est con a dire comme ça, mais si elle a reçu tes sentiments, elle va pas les oublier comme ça alors, bah, faut battre le fer pendant qu’il est encore chaud! »

Quelle expression à la con! Y’a que moi pour sortir des trucs qui foutent autant la honte.

« J’sais pas comment t’aider, moi! Tu vois, j’me vois mal aller voir ta nana et lui dire "weche, West il t’aime, va le voir"! C’est a toi de faire, cette fois… Euh… Je sais pas, va lui offrir des fleurs! Des… Fait lui un diner de la mort qui tue, emmène là en vacances dans un chalet et mangez de la fondue, un truc qui lui montre qu’elle est unique pour toi et que c’est.. bah, que c’est elle! »

J’ai tellement la honte, sérieux… Je m’éclaircis longuement la gorge pour faire passer ma gène. Je me rends compte que j’ai vraiment du mal avec tout ce qui touche aux sentiments. Bon, c’est pas nouveau, ça mais bon… Si j’étais West, je serais bien déçu de la réponse, parce que sérieux, je dois avoir l’air d’avoir 12 ans, tout au plus.

Bordel, Weston, mais dis quelque chose, aides-moi, arrêtes de chialer, je me sens vraiment conne, là! Quand je me donne du mal c’est toujours pareil, je mets les gens encore plus bas, et là, vu son silence, je suis sûre d’avoir fait un gros bide. Je me sens vraiment merdique et donc, je préfère me taire à jamais jusqu’à ce que Weston parle enfin pour me dire que je suis… Un cactus en amour. Derp. Mais! Mais je l’emmerde! Je lui ait rien demandé, moi! Je sais qu’il y a que la vérité qui blesse, et c’est bien pour ça que je prends soudainement vapeur mais… Bah, ça m’énerve, mais je ne peux que ricaner devant la tronche de loque de mon pote blond. J’suis peut-être un cactus, mais moi, au moins, je ne m’apitoie pas sur mon sort! Ou alors, oui, ça m’arrive, mais c’est pour des trucs graves, quoi. Pas que le cas de ce qui est arrivé West’ soit négligeable, hein, c’est pas que je m’en tape ou non, il faut pas croire ça. Enfin, je peux pas trop comprendre, moi et l’amour, ça fait trente-six, j’ai jamais été vraiment amoureuse de quelqu’un, j’ai plutôt tendance a flasher sur le premier beau gosse qui traine. Certes, une rupture ça fait toujours chier, mais jamais au point ou en est mon ami aujourd’hui. Je pousse un soupir. Peut-être bien que finalement, mes propos un peu trop sérieux l’ont fait reprendre un peu de poil de la bête. Pour une fois que je me suis donné un peu de mal, je l’espère.

« Ouais, bah, tu t’es vu, toi, la serpillère?! »

Dis-je, très peu convaincante, en riant de ma propre connerie et de celle du blond. J’ai peut-être raison, hein. J’ai un sourire en coin, un peu fière de moi quand même. Finalement, ce que j’ai dit, c’est pas ce que mon petit cœur de jeune femme espère un peu : d’un jour trouver l’amour chez quelqu’un qui m’aimera telle que je suis? Huuuuuh. C’est niais. C’est trop niais. Pas question! Pas mon genre, berk! Puis, bon, je me dis que quand tu trouve la personne qu’il te faut, tu le sais. Enfin, je suis un peu conne, donc c’est pas sûre que je capte le moment venu. Ahlala. C’est tellement moins compliqué la vie, quand on est une débile. Je ne sais pas trop ce qui s’est passé entre Weston et Victoria, mais peut-être bien sont ils vraiment faits l’un pour l’autre, et je dois me réjouir pour eux, si ils parviennent a se retrouver, et surtout, si ça peut sortir mon andouille de poto de son état larvaire de ce soir. Après tout, il s’est pas totalement défoncé, ce soir, et je crois que c’est déjà pas mal, pour un début, vu le junkie qu’il peut-être! C’est que cette fille le change vraiment et l’aide ça… Ahah, mon entourage proche composé de tarés ne m’aide pas forcément à arrêter de faire des folies, moi. Mais l’essentiel, après tout, c’est de se sentir à sa place là ou on est, nan? En tout cas, après ce soir, et après être enfin sorti de ce bar miteux et puant et repris la route vers ma Zazambes adorés, je compte bien aller emmerder Weston la prochaine fois que j’ai des peines de cœur, parce que voilà, la vengeance est un plat qui se mange froid!