Différends familiaux

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On ne choisit pas tout, dans la vie. On peut se targuer de s'être entourés de bons amis, mais on ne peut rien faire quant à la famille dans laquelle on naît, si ce n'est leur retirer ou donner davantage d'influence sur sa vie en général. Natsume fait partie de la première catégorie ; quand il était parti du Japon au début du mois de juin, il ne l'avait pas fait avec comme objectif de revenir. Sûrement pas. Lorsqu'il était monté dans l'avion qui le mènerait à l'île, il n'avait aucunement prévenu de prendre le chemin inverse, et ce n'était très certainement pas dans son programme maintenant. C'était même l'une des choses qu'il s'était promis : il ne remettrait plus jamais les pieds dans son pays natal, même si c'était peut-être puéril et hautement stupide de sa part. Mais ici, il s'était senti bien mieux en quatre petits mois qu'en seize années. Il n'était pas du genre à se plaindre de son sort, sûrement pas même, et il dirait avec toute honnêteté qu'il pouvait se considérer chanceux ; il était né dans une famille certes modeste mais qui n'avait pas à craindre les fins de mois et les semaines passées à se contenter du strict nécessaire et encore, n'avait jamais connu l'affection venant de son père mais avait eu droit à celle de sa mère et de sa sœur, avait eu de multiples problèmes de santé mais n'en avait jamais horriblement souffert. Alors oui, malgré le fait qu'on pourrait avoir tendance à le plaindre, lui se considère chanceux. Il n'est pas du genre de Natsume de se lamenter longtemps sur son sort ; quand il tombe, même si il s'est brisé une jambe, il va se relever ou fabriquer quelque chose qui lui servira de canne, tout bonnement. Il n'a pas de temps à perdre en larmoiements inutiles, et méprise d'ailleurs chaque instant où il se laisse bêtement aller à ses pensées noires ; pour lutter contre sa propre sensibilité, il a appris à renforcer sa carapace jusqu'à ce lui-même ne soit plus capable de la faire disparaître totalement par ses propres moyens. Mais c'est un tout autre sujet sur lequel nous nous étendrons un autre jour ; parler de tous les problèmes et blocages émotionnels de Natsume demanderait bien trop d'efforts et ce serait bête de le faire en capture uniquement.

L'éleveur n'a, en tous cas, très certainement pas choisi d'avoir un père aussi merdique. Un père qui le  méprisait et ne le voyait que comme un fardeau inutile, insupportable et dont il aurait dû se 'débarrasser' à la naissance, en le 'noyant dans la rivière du coin' comme il lui avait déjà dit ; il lui semblait d'ailleurs qu'il avait sept ans à l'époque lorsqu'il l'avait entendu pour la première fois, ou quelque chose comme ça. Il a fini par comprendre qu'il ne trouverait jamais le moindre gramme d'amour dans le cœur de cette ordure, et se demandait souvent comment sa mère, ce modèle de gentillesse et de bienveillance, avait bien pu tomber amoureuse de lui et rester avec malgré les années et le traitement qu'il leur infligeait à tous. Si Natsume ne l'avait jamais vu frapper quiconque, il ne pouvait s'empêcher d'en vouloir un tout petit peu à sa mère de n'être jamais partie et de les avoir laissé supporter le traitement de Kazuo. Mais il n'allait pas juger sa mère ; elle les avait toujours aidé et aimé, que ce soit Nagisa ou Natsume, et avait fait tout son possible pour leur offrir ce qu'elle pouvait leur donner, et ce au détriment de sa propre santé en s'épuisant même parfois.
Mais en tous cas, en partant, il s'était promis de rompre tout contact avec son paternel et de ne plus jamais venir lui rendre visite, voir même d'aborder le sujet. Lorsque Katya avait posé des questions, il l'avait assez sèchement rembarré, ce que la borgne avait compris et toléré, ayant deviné qu'elle avait peut-être touché un sujet très sensible.
Dans ce cas, me direz-vous, pourquoi y pensait-il ? Hé bien, il se trouvait que son téléphone sonnait depuis maintenant dix bonnes minutes, avec le nom de son père sur l'écran. Et à neuf heures du matin, en remarquant ça en traînassant dans sa chambre, il avait immédiatement appelé Kaito pour se téléporter dans la forêt, devant les grandes pierres. Il avait sorti une excuse rapide aux autres pour prévenir de sa disparition subite, le cœur battant, et était parti sans laisser le temps à quiconque de l'arrêter, en se doutant en partie qu'en revenant, il faudrait qu'il trouve un mensonge convaincant.
En attendant, maintenant, il devait décrocher. En avait-il vraiment l'envie ? Absolument pas. Mais son téléphone ne cessait pas de sonner, et une minuscule partie de lui, encore naïve, l'enfant plein d'espoir, espérait encore. Mais pourtant, alors qu'il pose un doigt tremblant juste devant la touche, il sait déjà que ce qu'il va entendre finira de détruire cet espoir stupide.

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Il a envie de décrocher. D'appuyer sur cette touche et de lui parler malgré la haine qu'il garde en lui depuis toutes ces années, de laisser son père le briser une dernière fois dans un espoir naïf que cela fasse disparaître les quelques restants d'estime et d'espoir que sa mère lui avait fait garder en lui promettant que, 'un jour', il lui montrerait qu'il l'aimait aussi. Natsume ne blamait pas sa mère d'avoir voulu y croire en le disant si souvent à son fils, mais il mentirait si il disait qu'il n'avait pas désiré se persuader que ce qu'elle lui disait était vrai. Il aurait aimé savoir ce que c'était, d'être regardé avec fierté et affection par son paternel, mais il n'avait jamais reçu qu'une neutralité froide qui cachait à peine une neutralité venimeuse ; Kazuo Shimomura n'avait jamais particulièrement caché son dédain pour ses enfants devant eux. Par contre, il était très doué pour prétendre les adorer lorsqu'il était devant des gens qu'il souhait impressionner, et l'éleveur avait vite appris que le fumet de l'hypocrisie était de loin le plus nauséabond, parfois. Il s'en était même voulu d'avoir vu ces faux sourires comme réconfortants, de s'y être raccroché avec l'espoir fou qu'ils resteraient, mais encore et toujours, la réalité glacée revenait pour le ramener sur terre une fois ces moments finis, et avec elle la dureté de son ton et de ses mots.

Mais le gamin qu'il avait été avait espéré. Encore et toujours, dans une naïveté et une innocence qui le faisaient vomir dorénavant, il avait cru qu'il pourrait gagner l'affection de son paternel par d'excellents résultats scolaires et un comportement exemplaire, mais non. Ce n'était jamais assez, ou alors ce n'était pas important. Il en faut beaucoup pour détruire un enfant attentionné, souriant et doux et le forcer à se construire une carapace d'amertume, de sarcasme et de rudesse, mais si Natsume savait quelque chose sur son père, c'était que c'était un homme très méticuleux qui faisait très bien son travail, encore plus quand il y mettait du cœur, si il en avait jamais eu un.
L'espoir est quelque chose que Natsume méprise, ou du moins qu'il dédaigne par défaitisme et pessimisme. Il n'ira pas faire dans le négativisme ou briser les espoirs de quelqu'un, ou même jouer les gamins amers et puérils en rembarrant quelqu'un qui fait dans les rêves et l'espoir, mais il préfère se baser sur ce qu'il sait plutôt que sur ce qu'il voudrait. Et aujourd'hui pourtant, alors qu'il décroche, il suit stupidement ce bête espoir que cet appel soit peut-être la preuve d'affection qu'il avait tant désiré en étant enfant, même si il sait que c'est stupide. Au fond, peut-être cherche-t-il à terminer ce que son père avait commencé ; détruire cette partie de lui-même, ce gamin insouciant et plein d'espoir pour passer à autre chose.
Pour qu'il ne soit pas concentré, Kaito fit partir un Nirondelle qui venait quémander l'attention de l'éleveur pour une égratignure.

« … Oui ?
- Natsume, ça fait six fois que j'tapp-pelle, tu p-pourrais au moins décrocher pour ton pèèère sale gosse... Au lieu de rien f-faire comme un gros fainéant de merde... »

L'éleveur serre les dents. Vu ce qu'il entend, il n'y a pas à douter. Il est complètement soûl. Et à une heure aussi matinale, c'est à la fois peu remarquable mais surtout inquiétant quant à ce qu'il risque d'entendre. Mais il était trop tard pour reculer maintenant qu'il avait décroché ; il refusait de fuir cette fois, quitte à se faire mal. Il préférait de loin lui tenir tête plutôt que d'avouer souffrir par sa faute et ne plus pouvoir s'opposer à lui, se transformer en ce gamin stupide et fragile qu'il avait trop souvent été. Et tant pis pour son moral.

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Natsume a rarement eu l'occasion d'entendre son père quand il était soul, en fait. Si il avait quelques doutes quant au fait que sa mère l'avait parfois envoyé se coucher brutalement alors qu'il était encore tôt lorsque son père revenait en sentant bizarrement, il ne compte que sur les doigts d'une main les fois où il l'avait vu dans un pareil état. Pourtant, il n'est pas si naïf et innocent qu'il ne sait pas interpréter la signification de cette voix pâteuse, de ces balbutiements et de ces mots hachés. Il se retient de  soupirer lourdement, ne désirant pas provoquer une dispute malgré le fait qu'il mourrait envie de lui hurler tout ce qu'il pensait de lui. Mais non. Natsume s'en remet à sa capacité naturelle à apaiser sa colère et sa rancune par le mépris ; il a vite eut fait de découvrir qu'il s'agissait bien de la seule chose qui pouvait le calmer parfois. Et puis, en un sens, offrir son plus bel air condescendant et ses faux sourires énervait bien plus que des insultes et des hurlements.  

« Tu as une raison pour m'appeler, donc... ?
- Je t’appelles quand je veux, dé-déjà. T'es mon fils, tu me dois le respect alors tu poses pas de questions et tu fermes t-ta gu-gueule. D'où tu me poses des questions, h-hein ?
- Il est neuf heures du matin, je me demandais juste si-
- T'as rien à te demander ! Pas foutu d'apprendre la politesse non mais j'te jure, j'te promets que j'aurais dû d'en donner, des torgnoles et des claques pour t'apprendre à respecter ton père. T'es bien le même que cette conne de Nagisa, à toujours gueuler comme un ingrat ; des pertes de temps et d'argent, tous les deux ! »

Natsume serra les dents. Si il était habitué à une telle violence dans les propos de son paternel, il restait qu'il devait se retenir de s’insurger de crier en se mordant les lèvres jusqu'au sang. Il ne désirait que ça, au fond, de se relâcher et de hurler, mais encore, c'est un nœud d'angoisse qui naît dans sa poitrine. Il a toujours peur de lui, au fond, et c'est ça qui l'agace le plus ; d'être encore et toujours incapable de se défendre face à lui, alors qu'il en mourrait d'envie. Il déteste cette lâcheté immonde qui le prend, mais comme beaucoup de choses chez lui, il n'y a rien d'étonnant à cela ; il ne connaît le courage que de nom, après tout.

« En parlant de Nagisa, est-ce que tu as reçu des nouvelles ?
- Nan, et j'men fous de ce qu'elle fait. Mais elle pourrait au moins envoyer du fric à son père, cette petite garce ! Putain, entre toi et elle j'ai pas été gâté, c'est à se demander pourquoi Miyu a toujours dit non pour les avortements ou vous déposer sur un bord d'autoroute... Je le savais, que j'aurais dû être plus têtu. »

Encore et toujours, ignorer la douleur sourde dans sa poitrine qui se compresse. Faire comme si ce qu'il disait ne le touchait pas, malgré le fait qu'il le hait. Il grince des dents.
Mais alors qu'il se concentrait sur son appel, il ne remarqua pas ce que faisait Kaito, et surtout pas le combat amical qu'il était en train d'avoir avec une Pikachu du coin...

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Au bout d'un moment, Natsume a fini par s'habituer à ce traitement. Oh, il ne l'apprécie toujours pas et ce n'est pas pour rien qu'il déteste qu'on se montre condescendant avec lui ou qu'on lui donne un ordre. Au fond, ces mots, il les a déjà entendu des dizaines de fois, et il a juste envie de rire jaune. Rire de lui-même et de cette sensation d'étirement affreuse qui se montre aujourd'hui alors qu'il savait très bien à quoi s'attendre. Rire de cette naïveté stupide, idiote et imbécile qui nourrissait encore l'espoir méprisable qui fourmillait dans un coin de son esprit. Car les propos qu'il entend ne font que confirmer ce qu'il savait déjà et avait toujours été la vérité, ce qu'il entend depuis qu'il comprend ce que ces mots veulent dire, et encore, il lui semble que même lorsqu'il était trop jeune pour saisir tout leur sens, ils avaient déjà été inscrits dans un coin de son cerveau. Alors il n'a même plus l'envie de pleurer ; celle-ci a disparu depuis quelques années déjà, et il serait incapable de dire quand exactement. Tout ce qu'il savait, c'était qu'un jour, sa lassitude était devenue bien plus massive que sa peine, et cela n'avait plus changé.
Il inspire et expire profondément, inconscient du conflit qui se déroule actuellement entre le Kadabra et la Pikachu qui s'affrontent pourtant de manière tout à fait amicale. Puis, en réalisant son erreur, ses yeux s'écarquillent légèrement et sa gorge se noue. Il sent sa respiration se bloquer et ses mains se mettent à trembler sans qu'il ne puisse les contrôler. Le téléphone lui échappe presque des mains, et il sent tout son corps s'engourdir sous l'effet de la froideur subite qu'il l'assaille.

« QUOI, ENCORE ?! T'as quoi à sou-soupirer comme ça ?! Petite merde, tu te rends compte de la chance que tu as que je te parle encore après tout ce que tu m'as fait su-subir avec tes conneries ? Et tu oses soupirer ainsi ?! J'aurais dû te noy-noyer comme le putain de chien que tu es dans la rivière du coin tiens... »

Mais t'aurais jamais osé. Jamais. Tu parles, mais tu as trop peur de Nagisa pour le faire. Lâche.
Il aimerait le dire. Mais encore une fois, sa bouche refuse de s'ouvrir et les mots restent bloqués. Il serre les mains jusqu'à sentir ses ongles s'enfoncer dans sa peau, créant une douleur qui lui permet un instant de ne pas penser à celle qui lui lacère le cœur.

« Et dire que c'est toi qui est sorti de cet ascenseur... T'aurais pas pu y rester avec elle, ou alors crever à sa place ? Elle sert à q-quoi, ton existence ? Qu'est-ce que t'as à croire que tu mérites de v-vivre, saloperie ? Que t'as le droit de me parl-parler comme ça alors que t'es qu'une merde ? HEIN ? Tu me réponds quand je te parle, Natsume ?!
- J-j-je.... Je ne sais pas.
- Tu 'ne sais pas' ? Tu  ne 'SAIS PAS' ?! J'vais te la do-donner la réponse m-moi, c'est parce que tu vaux RIEN. T'es qu'un boulet inutile, faible et qui fait chier tout le monde, tu m'entends ? C'est imprimé dans ta petite tête, à la fin ?! »

Respire. Inspire, expire. Il ment, il ment, il ment, il ment... N'y pense pas, c'est pas vrai, pas vrai...
Impossible, pourtant, de s'en convaincre. C'est trop tard ; les mots insidieux s'enfoncent dans son esprit, avec tous ceux qui ont déjà été prononcés avant, forment un nid et font naître en lui les graines du mépris de soi, encore une fois.

« Je t'ai demandé si tu avais com-compris !
- C-c-c'est compris... »

Il réprime un premier sanglot en se mordant à nouveau les lèvres, et se fiche du goût de fer qui envahit sa bouche. Ses yeux piquent, mais il ne pleure pas. Hors de question. Pas pour lui. Plus jamais.
Alors que Kaito se battait avec la Pikachu, la voix tremblante de son dresseur parvint à ses oreilles et il détourna son regard du combat, momentanément déconcentré. Mais en faisant ça, il oublia aussi de doser la puissance de sa Rafale Psy, ce qui allait s'avérer quelque peu problématique.

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Manipulateur, fourbe, autoritaire, avide de pouvoir, égoïste, ambitieux, paranoïaque, dénué d'empathie ; voilà quelques adjectifs que Natsume pourrait donner pour définir son père. Capable des pires hypocrisies et manipulations abjectes pour obtenir ce qu'il veut, l'éleveur ne dira jamais qu'il s'agit d'un individu respectable d'une façon ou d'une autre. Il sait qu'il est rancunier, mais il considère qu'il n'a en aucun cas l'obligation de respecter un individu pareil, quoi qu'on puisse lui dire comme conneries sur les liens du sang. Certains disent que 'le sang est plus épais que l'eau'. À ceux-là, Natsume répondrait que le yaourt aussi, mais que ce n'est pas pour ça qu'il va aller faire des câlins à des vaches et ériger un temple en l'honneur de la race bovine. Alors qu'il l'écoute parler, prononcer ces mots empoisonnés qui continuent d'enterrer ce qu'il a un jour été, continuer de poignarder son cœur lentement, il se demande brièvement ce qu'il ressentirait s'il venait à mourir. Il se surprend même à espérer apprendre son décès un jour, et cette pensée fait naître chez lui un frisson d'horreur tant penser ainsi le dégoûte ; même si il hait son paternel de tout son être, il ne peut décemment souhaiter la mort d'un autre être vivant. C'est complètement contraire à sa nature, et Natsume refuse de laisser de côté ce principe, même si cela fait de lui un naïf de croire qu'il était toujours préférable de trouver une solution à l'amiable. Tant pis ; s'il faut accepter de devenir un inconscient, alors il le deviendrait une bonne centaine de fois si nécessaire.

Mais pourtant, ses mots touchent. Bien trop. Natsume aimerait tant dire qu'il ne ressent rien, qu'il se fiche de ce que son père peut bien dire de lui et qu'il ne s'agit que du venin insipide d'une vieille saleté qui lui inspirerait presque pitié, mais non, ce n'est pas la vérité. La vérité, c'est que tout ce qu'il lui dit rejoint ce qu'il a entendu durant toutes ces années passés au Japon, dans le coffre de ses insécurités et des mensonges, des démons qui continuent parfois de lui susurrer ces paroles afin de l'amener à terre. Mais pourtant, alors qu'il retient ses pleurs, il se sent fier de lui-même. Il est peut-être trop sensible, faible et stupide, mais il ne fond au moins plus en larmes comme un enfant, chose qu'il a toujours détesté à propos de lui-même. Trop souvent il a été le pleurnichard, et il en est fatigué. Très fatigué.

« T-tu... Tu as pensé à fleurir la tombe de maman ?
- Non mais ça va pas ? D'où tu crois que ça vient, l'argent ? Ça coûte tr-trop cher en plus les fleurs que tu  pre-prenais, vais pas me ruiner maintenant que je peux enfin dépenser mon fric pour moi et pas pour nourrir ta sale gueule d'in-ingrat ou payer tes médicaments à la con... J'aurais dû t'en priver d'ailleurs, ça t'aurait appris à me respecter. »

Il raccroche. La ligne blanche, c'est-à-dire le non-respect de sa mère, a été dépassée. Qu'il se la joue avide de pouvoir et complexe d'autorité, ça n'a rien de nouveau, mais il ne peut pas supporter que son père manque ainsi de respect à sa mère. Sans plus attendre, Natsume éteint alors son portable, le coupant de quasiment tout contact avec les autres. Une partie de lui regrette, mais une autre se dit qu'au moins, il n'embêtera personne avec ses stupides problèmes qu'il était incapable de résoudre par lui-même parce qu'il n'était qu'un enfant idiot, inutile et incapable de se débrouiller seul. Alors il ne dérangerait pas Faust, ni Sam, ni Katya, ni Mina. Personne. Il n'avait pas le droit d'embêter qui que ce soit pour des raisons égoïstes et puériles, d'autant plus qu'à pleurer aussi stupidement et facilement, il ne faisait que se ridiculiser. Il n'allait pas faire perdre leur temps aux gens qu'il aimait, et tant pis pour la compression affreuse dans sa poitrine. Tant pis pour la douleur et tout le reste.
Et alors qu'il rangeait son portable au fin fond de sa sacoche pour ne plus le voir, il remarque enfin Kaito. Le Kadabra l'observe d'un air inquiet, mais ce qui alerte l'éleveur, c'est la Pikachu qu'il soutient difficilement. Égoïstement, il se dit qu'avec ça, il n'aura pas l'occasion de se mettre à déprimer comme un enfant ; aider le rendrait au moins un peu utile, quelque part. Pour une fois.
Pour lui mettre une claque, faut pas passer par la queue et y 'a déjà du monde, alors j'espère que vous êtes patient.