La dernière ligne droite [OS]

La dernière ligne droite

feat. Jules

Au loin, nous l’apercevons. Seul une simple rive nous sépare de cet endroit que nous observons depuis de nombreux mois. Seulement quelques minutes de bateau. Quelques minutes. Et pourtant, cette traversée me semble si difficile, si longue. Inatteignable. Infranchissable. Et malgré tout, c’est là où nous nous dirigeons. C’est là où nous mettrons bientôt les pieds. Nueva Eja. Cette île où aucun ne peut mettre les pieds avant l’heure. Cette île qui hante tant de rumeurs. Cette île enfermant le destin de tant de jeunes dresseurs à la recherche de succès, de gloire, de reconnaissance. De jeunes dresseurs comme moi, accompagnés de leurs plus fidèles alliés, laissant tout derrière eux avec l’espoir de se frayer une place parmi les meilleurs. Des jeunes dépourvus de limites. Des jeunes qui, pour la plupart, voient trop loin pour eux. C’est là que nous allons. Après toutes ces épreuves. Ces victoires, ces défaites. Ces hauts comme ces bas. Cette année, nous avons tout vécu. Nous avons vu l’amour comme la mort, l’amitié comme la haine. Notre famille a grandit, mais nous avons aussi perdu des membres en cours de route. Nous avons vu des choses. Parfois douces, et parfois douloureuses. Mais surtout, nous avons avancé. Nous avons grandit. Maturé. Nous avons placé un pas devant l’autre, et aujourd’hui, nous voilà. Nous nous présentons sur cette dernière ligne droite. Vers ces terrains féroces, où les faibles n’ont pas leur place. Peut-être n’ais-je moi-même pas ma place. Ça, nous le saurons bientôt.

Dans un bruit fort, notre embarcation s’immobilise, et nous mettons enfin les pieds sur cette terre qui nous semble si différente de celle recouvrant l’île mère. Cette terre formant un petit chemin que nous suivons, le cœur battant. À mes côtés, Jules serpente, confiant, mais aussi quelques peu intimidé par la renommé de l’endroit. Nous réalisons que les plus grands champions ont eu aussi emprunté ce chemin, tout comme nous le faisons. Méphisto, DragonSlayer, Sunny… Ces élites ont, un jour passé, aussi marché ici, tout comme nous. Mais aussi, nombreux challenger assoiffés de victoires l’ont fait. Et bon nombre de ceux-ci se sont vus humiliés, détruits, brisés. Bon nombre sont rentré chez eux après simplement quelques minutes de combat. Peut-être que ce sera notre cas. Jamais je n’oserais prétendre posséder une force immense. Mais jamais ne n’oserais douter de mes alliés. Peut-être n’ais-je pas l’étoffe d’un champion, mais eux, si. Eux ont affronté ces champions d’arène avec autant de férocité qu’ils en possédaient. Eux ont triomphés, même lors que moi, j’étais prêt à jeter l’éponge. Eux n’ont jamais cessé de frapper. Et aujourd’hui, nous sommes ici grâce à eux. Aujourd’hui, ils sont tous prêts à tout donner, une dernière fois.

Suivant les indications d’un employé de la place, nous marchons à grands pas, avec l’intention de porter nos bagages jusqu’aux habitations réservés à ceux méritant cette place. Nous décidons toutefois de bifurquer avant temps. D’emprunter un autre chemin. Un menant à un endroit totalement différent. À un bâtiment imposant, respirant la puissance. Un qui sera témoin de nos réussites, ou de nos échecs. L’attraction même de cette île. L’endroit que tout jeune compétiteur rêve un jour de visiter. Nos pas nous mènent jusqu’à cet immense stade qui nous accueillera en temps venu. Le Stadium. À sa simple vue, je sens mon cœur se serrer, mon souffle se couper, mes muscles se tendre. L’endroit est imposant, et m’imaginer franchir ces énormes portes pour aller me présenter à une foule en délire… Pour affronter les combats les plus difficiles que j’aurai connus… Rien de ceci ne m’aspire confiance… Jules, toutefois, ne semble pas éprouver la même crainte que moi, et s’approche avec curiosité du bâtiment. Silencieux, il observe l’infrastructure, analysant les moindres détails. Une lumière vive se met soudainement à briller, émanant de son corps de serpent. Il brille à un tel point que je dois me couvrir les yeux pour éviter l’aveuglement. La lumière finit par s’estomper, et lorsque je reporte mon regard sur le Draco, je réalise que celui-ci vient de se métamorphoser. Devant moi se tient un imposant Dracolosse, fier, prêt à affronter ce qui se placera sur sa route. Je ne sais pas ce que signifie cette transformation pour lui, mais pour moi, il s’agit d’une provocation de sa part. Une provocation à l’intention des champions qui nous accueillerons bientôt dans leur domaine, prêts à nous écraser. Jules veut s’imposer. Il veut montrer à la terre entière que nous ne vallons pas rien. Que nous avons la possibilité de nous glisser jusqu’au sommet. Après tout, eux l’ont fait, alors pourquoi pas nous.

(c)Golden

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