Cela faisait bien quelques heures que nous marchions, sans trop savoir où nous allions. J’avais passé la journée à m’entraîner, ou plutôt à entraîner mes Pokémon. J’avais eu l’occasion de faire sortir Gannon, au courant de la journée, et à ma grande surprise, ça s’était plutôt bien passé. Le Pokémon n’avait pas montré trop de signes d’agressivité, même si j’avais encore bien de la difficulté à l’approcher. Armé d’une longue branche d’arbre, j’avais pu me tenir plutôt proche, mais lorsqu’il sentait que je faisais intrusion dans sa bulle, le Malosse se mettait à gronder, ce qui me poussait automatiquement à prendre mes distances. Nous avions ainsi passé plusieurs heures de la sorte. À présent, il nous fallait trouver un coin tranquille où passer le reste de la journée, et potentiellement la nuit.

Mes cartes, que j’avais laissés au centre Pokémon, indiquaient la présence d’un petit lac tranquille non loin d’ici. C’était l’endroit parfait! Nous pourrions remplir nos gourdes d’eau fraiche, nous laver, et pêcher un bon repas! Cela faisait bien des années que je ne m’étais pas laissé tenter par ce sport. La dernière fois où j’avais sorti un poisson de l’eau, mon père était toujours de ce monde. Mais bon, c’est comme le vélo, la pêche, ça ne s’oubli pas, pas vrai? C’était l’occasion rêvée de voir si j’avais toujours la touche. Dans ma jeunesse, je pouvais sortir jusqu’à cinq poissons d’affilé! Il était temps de voir si le temps m’avait rouillé.

Nous marchâmes pendant de longues heures avant d’apercevoir ce fameux lac, au loin. Il était magnifique. L’eau semblait claire comme de l’eau de roche, et le terrain plat était parfait pour installer un campement. Je salivai à l’idée de boire de ce liquide… Ma gorge était sèche, depuis le temps que nous marchions. Je laissai sortir Antoine de sa Pokéball, afin qu’il puisse admirer la vue. Lui qui n’avait pas pu se jeter dans l’eau depuis que nous avions quitté Vanawi, il allait être servi!

Nous arrivâmes finalement au bord de l’eau! À ma grande surprise, le coin était déjà occupé… Zut, nous allions devoir trouver un autre coin… Je m’arrêtai quelques secondes, afin d’examiner les occupants. Il s’agissait d’un jeune dresseur, qui devait sans doute être plus jeune que moi, à en juger par ses traits encore enfantins. À ses côtés se trouvaient un Caninos et… un Carapuce! Je restai surpris devant le petit Pokémon eau, pratiquement identique au mien! C’était la première fois que je croisais un autre dresseur possédant un Carapuce. La plupart des gens les trouvaient trop mignons, pas assez menaçants. Je souris intérieurement. Ainsi, d’autres dresseurs avaient vu le potentiel des Carapuces! Je m’approchai du jeune homme, et me laissai tomber sur le sol, à ses côtés.

-Ce coin est magnifique, n’est-ce pas? m’exclamais-je, le plus naturellement possible.

Je n’avais pas l’habitude de faire la conversation avec les étrangers. En général, j’attendais qu’ils cassent la glace, mais ici, c’était différent. Je me sentais étrangement à l’aise avec ce jeune homme. Peut-être parce qu’il avait lui aussi un Carapuce, ou alors qu’il tenait une canne à pèche dans ses mains, ou alors était-ce simplement parce que je n’avais pas envi de chercher un autre coin plus tranquille. Je ne savais pas vraiment, mais peu importait. Je lui adressai un regard amical avant de me tourner vers son Carapuce. Antoine s’était approché de lui, et mimait à présent ses moindres mouvements, comme s’il s’agissait de son reflet dans un miroir. Le pauvre n’avait pas l’habitude de croiser d’autres membres de son espèce, depuis que nous avions quitté la maison de vacances. Je me tournai à nouveau vers le dresseur.

-Pardon, où sont mes bonnes manières! Je m’appelle John, et voici Antoine. Je peux te tenir compagnie? C’est qu’on marche depuis des heures, et nous avions l’intention de nous arrêter ici…

Je conversai avec le jeune homme quelques instants. En attendant, Antoine se laissa tenter par un bon bain frais et sauta à l’eau. J’étais bien tenté de le rejoindre, mais je craignais importuner mon compagnon. Je ne savais pas vraiment s’il serait à l’aise de me voir à moitié nu. En fin de compte, je décidai que la baignade attendrait. Après tout, mon ventre commençait à grogner. Nous n’avions rien mangé depuis quelques heures, alors l’idée d’un poisson rôtis sur la braise me plaisait bien. Je salivai à cette douce image mentale.

-Tu sais pècher? Je suis navré de te demander ça, mais… Tu pourrais accueillir quatre estomacs supplémentaires? En échange, j’irai chercher du bois… Ou si tu préfère, on peut faire l’inverse, je suis un as en matière de pèche! Qu’est-ce que tu en dis? proposai-je avec enthousiasme.

Mon compagnon m'adressa un sourire avant de me confier sa canne à pèche, puis disparu vers la forêt, un sourire aux lèvres. Mes mains s'emparèrent de la canne sans tarder. Cela faisait un bon moment que je n'avais pas pu tenir ce type d'outil. Combien d'années avaient passées depuis ma dernière prise? J'examinai l'objet avec intérêt, m'attardant sur tous les petits détails. Il s'agissait d'un modèle intéressant. Pas trop lourde, avec un moulinet relativement complexe, elle semblait plutôt performante. Sans toutefois être une canne de pro comme celle de mon père, elle ferait bien l'affaire.

Sans plus attendre, j’envoyai la ligne à l'eau. Il était temps de voir si ma technique était toujours aussi efficace. Je jetai un petit regard à Antoine, qui compris aussitôt quoi faire. La petite tortue se lança sans attendre à l'eau, sous les yeux intrigués de Kame, qui était resté avec nous. Mon Carapuce nageait avec rapidité dans la marre d'eau. Visiblement, il n'avait rien oublié de notre stratégie! J'étais heureux de voir qu'il s'en rappelait aussi bien. Après tout, nous avions mis énormément d'efforts afin de développer cette technique secrète.

Antoine se mouvait avec force dans l'eau, et comme je lui avait appris, il chassait les poissons en ma direction. Sans les affolés, il les encourageait à s'approcher de ma ligne, qui elle les tenterait sûrement. De mon bord, je maniais la canne avec une précision incroyable. De petits coups brusques à un rythme régulier simulaient le mouvement d'une libellule blessée. C'était la technique que j'utilisais lorsque je ne connaissais pas les types de poissons où je me trouvais. C'était une technique un peu moins efficace, mais universelle. Lorsque je connaîtrai un peu mieux les poissons de ce lieu, je pourrai spécifier mes mouvements en conséquence.

Nos efforts ne tardèrent pas à porter fruit! Un petit coup se fit sentir. Soudainement, la ligne se tendit et la pression augmenta rapidement! S'en était un gros! Je me mis à tirer, à droite, puis à gauche, afin de bien lui accrocher l'hameçon dans la gueule!

-Vas-y, Antoine! C'est le moment! criai-je à mon Pokémon assez fort pour que celui-ci puisse m'entendre.

Antoine ne se fit pas attendre. Le Pokémon de type eau fonça vers notre proie, et envoya une attaque Pistolet à O' directement sous le poisson! La force du jet fit revoler le poisson hors de l'eau, me permettant ainsi de le tirer sur la rive! Il s'agissait d'un Brochet, un gros en plus! L'animal se débattait tant que j'avais de la difficulté à l'attraper. Je fini par l’entraîner près d'un rocher, et d'un coup, je le frappai sur le caillou, ce qui l’assomma instantanément. Le poisson arrêta de bouger d'un seul coup.

Je levai le trophé de pèche, triomphant, afin de le montrer à Antoine. Nous avions bien travailler! Visiblement, nous n'avions rien perdu de notre performance d'antan. J'eu soudainement une forte envie de continuer à pêcher. C'était comme redécouvrir une saveur oubliée. Un seul regard à Antoine suffit à le convaincre de retourner à l'eau. Cette fois, mon Carapuce fut accompagner de Kame, qui voulait sans doute faire partie de l'action. Les deux Pokémon travaillèrent en équipe afin d'attirer les poissons en ma direction. Ils étaient mignons à voir, nageant tous les deux côte à côte.

Il ne fallu pas longtemps avant que le sceau qui était préalablement vide soit plein à rebord. Nous avions ici de quoi faire un véritable festin! Je me laissai tomber sur le sol, épuisé. Certains avaient beau ne pas considérer la pêche comme un sport, ils ne pouvaient pas nier que c'était épuisant! Les Carapuces vinrent me rejoindre, fiers comme des paons. Les deux Pokémon affichaient un grand sourire. Din, qui était resté sans rien dire à mes côtés tout au long de la pêche, s'était approché d'eux afin de les féliciter. Le pauvre aurait sans-doute souhaité participer, mais l'eau n'était pas vraiment son élément... Je le consolai en lui offrant une petite caresse sur la tête.

À cet instant, je pu apercevoir Sam réapparaître, une bonne pile de bois dans les bras. Le jeune homme posa le tout, et s'activa en formant un cercle avec des cailloux, afin de contenir le feu dans un endroit fixe. Le jeune homme vient ensuite s'asseoir à mes côtés afin d'examiner mes prises. Ses compliments me font rougir. Je me sentis aussitôt gêné d'avoir pris tant de poissons avec sa canne et son Pokémon, alors que lui ne semblait pas en avoir attrapé un depuis son arrivée au lac. Je me mis à rire afin de banaliser mes prises. Je ne pu m'empêcher de sortir la fameuse phrase de « Ce n'est presque rien, arrête! »...Presque rien? Quoi de plus vantard! Il y avait cinq ou six gros poissons dans ce sceau! Je me relevai aussitôt, afin de me ratrapper.

-Je te montre ma technique, si tu veux! Tu es chanceux, je ne l'ai jamais montré à personne...

Sur ces mots, je lançai à nouveau ma ligne à l'eau, sous les yeux de Samaël. Les deux Carapuces se lancèrent à l'eau automatiquement, sans même que je ne leur demande. Je m'approchai de Sam afin de lui montrer en détail la suite de mouvements à faire afin de reproduire la libellule blessée. Soudainement, la ligne se tendit, encore une fois! Les Carapuces n'avaient même pas eu à intervenir! Un petit sourire se dessina sur mon visage.

-Et voilà, on a---

Ma phrase fut couper par un gros coup sur la canne, qui me fit perdre pieds! Je tombai sur le sol, la canne à pêche touchours dans les mains! Je me relevai d'un bond et me mis à tirer du plus fort que je pouvais sur la ligne! Soudainement, la créature au bout du fil tira si fort que je fus attirer vers le lac! Je tentai de m'accorcher à Sam, mais je ne fis que l'attirer avec moi dans l'eau! Mon corps s'engouffra dans le lac froid! Une fois complètement sous l'eau, je lâchai prise, et la canne s'envola avec la proie. Je pu la voir, cette grosse ombre noire, s'éloigner avec l'outil, puis, soudainement, elle revint à la charge! Mais qu'est-ce que...?

J’émergeai de l'eau afin de reprendre une bonne respiration. Je regarde autour de moi, inquiet. Qu'était donc la chose qui nous avait tiré à l'eau? J’aperçois finalement la chose, qui nage vers nous à une vitesse folle. Je plissai les yeux afin de mieux voir. Mais qu'est-ce que...? Non, quand-même pas! Je n'arrivais pas à y croire... Sérieusement? Non mais vous vous foutez de ma gueule?! J'avais soudainement presque envi de rire! Il s'agissait d'un Magicarpe... Un MAGICARPE! La créature la plus misérable de cet univers venait de nous balancer à l'eau... Quelle honte, franchement...

J'observai Sam se débarrasser du poisson ridicule avec une pointe d'amusement. Voir son Carapuce martyriser cette satanée créature était plus que satisfaisant. Bien fait pour lui! Si ça avait été moi, je l'aurais tout simplement envoler voler avec un coup de pieds, mais comme l'attaque de Kame avait été plus qu'efficace, je ne me décidai de ne pas me plaindre.

Je suivi des yeux le Magicarpe voler dans les aires et atterrir un peu plus loin. Un sourire se dessina sur mon visage. Il n'avait qu'à ne pas nous provoquer... Soudainement, l'endroit où venait de sombrer le poisson se mit à briller. Mon expression faciale changea du tout au tout. Oh, pitié, pas ça... Je tentai de prononcer un mot, mais rien ne parvint à sortir de ma bouche. Mes mains se mirent à trembler. Sam compris aussitôt en me voyant, pâle comme un fantôme. En quelques secondes, le Magicarpe inanimé se transforma en un puissant Léviator assoiffé de vengeance! Il n'avait qu'une seule chose en tête, et c'était de nous faire subir le même traitement que nous lui avions fait subir.

Sans demander l'avis de qui que ce soit, je poussai un hurlement avant de me mettre à courir dans la direction opposée au Léviator. Je me retournai un instant pour constater que tout le monde me suivait. Une chance... S'il fallait qu'il y en ait un qui décide de l'affronter... La course était difficile, à cause de la résistance de l'eau, mais nous étions presque au bord. Je me tournai une seconde fois, afin de m'assurer que tout le monde était toujours à mes côté, puis je réalisai qu'il manquait un membre de la troupe...

-Bon dieu mais qu'est-ce que tu fiche, Sam!!?? m'écriai-je.

Je constatai avec effroi que cet idiot avait décidé d'affronter la bête!! Que pensait-il accomplir? Pensait-il vraiment faire le poids contre un Léviator en furie, avec comme seul Pokémon un petit Carapuce? Il ne pouvait pas être sérieux! Pour aggraver la situation, le jeune homme se mit à courir vers son prédateur! Eh oui, dans ce cas, le Léviator n'est sûrement pas la proie... Mes dents se serrent. Je l'imagine déjà se faire engloutir tout rond par le monstre, qui ne prendra même pas le temps de recracher ses os... Un frisson d'horreur me parcourt le corps. Il faut l'aider, mais comment? Je regarde autour de moi, cherchant une solution, mais rien ne me vient à l'esprit.

Le hurlement que Sam pousse avant de se jeter littéralement sur la bête ramène mon attention sur lui. Mes tripes se serrent lorsque je vois le pauvre garçon se faire pulvériser par un puissant coup de queue du Pokémon évolué. La scène se déroule au ralentis. Son corps brisé vole jusqu'à la rive, et se fracasse dans les branches d'un arbre. Je me mis à courir dans sa direction, poursuivi par Antoine et Kame, qui lui avait réussi à éviter le choque.

J'arrivai à la hauteur de mon ami. Il semblait sonner, coucher sur le sol. Un filet de sang coulait sur son bras droit. Qu'avait-il pensé, aussi! Je me penchai sur lui et tentai de le relever. Je gardais un œil sur le Pokémon sauvage, qui n'avait pas l'intention de nous laisser filer aussi facilement. La bête me regarda d'un air mauvais avant d'ouvrir sa gueule en grand et de laisser s'y échapper un souffle bleu qui vint détruire l'arbre à côté de nous! La prochaine fois, il ne raterait pas!

-Antoine! Envoi-lui une attaque Pistolet à O dans les yeux! criai-je à mon Pokémon.

Mon Carapuce s'exécuta immédiatement. Je n'avais pas vraiment l'intention d'essayer de le battre, je voulais juste l'aveugler suffisamment longtemps pour nous permettre de fuir. J'attrapai Sam par la taille et le relevai avec force. Il était sûrement blessé, mais je n'avais pas le temps de vérifier s'il pouvait marcher ou non. Sans lui demander son avis, je basculai le jeune homme sur mon épaule, comme s'il s'agissait d'un sac à patates. Alors que je me mis à courir vers la forêt, une nouvelle attaque du Léviator nous manqua de peu. L'attaque d'Antoine avait pu le distraire, mais pas aussi longtemps que je l'aurais espéré... D'après mon plan, il aurait dû être aveuglé assez longtemps pour nous permettre de disparaître à travers la forêt sans qu'il puisse nous suivre des yeux. C'était raté... Je sifflai les Pokémon afin qu'il nous suivent, et je m'enfonçai à travers les arbres. Tant pis s'il nous voyait. De toute manière, c'était la seule solution!

Je courais comme un demeuré, Sam sur l'épaule, et un Léviator à mes trousses. Je tentai d'éviter les branches et les racines du mieux que je pouvais tout en empruntant le chemin le plus encombré afin de perdre la bête qui rampait à nos trousses, déracinant les arbres obstruant sa route. Il défonçait tout ce qui se trouvait sur son passage, comme si ce n'était rien. Il fallait trouver une solution, et vite, car la bête gagnait du terrain.

-SAM! FAIS QUELQUE CHOSE!!!!!

Alors que mon corps s'apprête à me lâcher, Sam me murmure quelque chose à l'oreille. Au départ, je cru avoir mal entendu. Impossible, le jeune homme ne pouvait sûrement pas m'avoir demandé de m'arrêter? C'était de la folie! Incertain, je je tournai la tête vers Sam, et y aperçu un regard de détermination. Il était donc sérieux? Je poussai un soupir avant de me mettre à ralentir. En une fraction de seconde, je posai Sam sur le sol, et je m'éloignai de deux ou trop mètres, afin de lui laisser l'espace nécessaire.

Le jeune homme ne perdit pas de temps avant de prendre les choses en mains. Je fus plutôt étonné de le voir agir avec tant de lucidité dans un moment pareil. En gardant son calme, il commanda à son Oballie de clouer le montre d'eau sur place avec une attaque Poudreuse. Ingénieux, je dois l'avouer! Le Léviator, qui fonçait sur nous à toute allure, percuta l'attaque de type glace, et une partie de son corps fut emprisonner par le gèle. Malheureusement, l'attaque du petit Pokémon ne suffit pas à l'emprisonner pour de bon! Le monstre se tortionna dans tous les sens afin de briser les cristaux qui s'étaient former sur son corps, et se remit à la charge! Voyant que le Léviator n'allait pas s'arrêter, le Roucoups profita de cette disctraction pour crever les yeux du monstre! Mon estomac se ressera lorsque je vis les globes oculaires de la bête s'ouvrir sous les serres et le bec du Pokémon oiseau. Je failli être malade en voyant le sang gicler, et le monstre se tordre de douleur.

Le petit Pokémon glace changea sa stratégie, voyant l'échec de sa dernière tentative. En une nouvelle attaque Poudreuse, l'Oballie de Sam réussit à congeler le sol, où se forma une piste de glace. Je ne compris pas immédiatement où le jeune homme voulait en venir avec cette stratégie, mais lorsque je vu le Pokémon sauvage s'avancer sur la piste, je compris immédiatement. En quelques secondes seulement, le Léviator perdit l'équilibre, complètement aveuglé, et s'écrasa devant nous. Je compris que c'était maintenant ou jamais si nous voulions nous sauver!

Je me tournai vers Sam, afin de voir son état. Il était faible, et ne pourrait sûrement pas courir. Je devais penser ses blessures, mais pas ici. Le Léviator, furieux et endolori, envoyait des attaques dans tous les sens, il ne fallait pas rester ici! Avec plus de délicatesse, cette fois, je remis Sam sur mes épaules, et me remis à courir. Je devais trouver un abris! Je courrais aussi vite que je le pouvais, et mon cœur battait à tout rompre! Je le sentais pomper à toute allure.

Une douleur aiguë s'installa dans ma poitrine. Je connaissais bien cette douleur, mais je ne pouvais pas m'arrêter. Je courrais, malgré le pincement qui s'intensifiait à chaque nouveau pas que je faisais. J'avais l'impression que quelqu'un était en train de serrer mon cœur dans sa main, comme on serre un ballon rempli d'eau pour le faire exploser. Mon corps commençait à s'engourdir. Non, pas ici, pas maintenant! Je devais tenir encore un peu! Je devais m'occuper de Sam, il avait besoin de moi! Je ne pouvais pas m'écraser et être celui qui nécessiterait les soins d'urgence!

Dans un cri de douleur, je m'effondrai sur le sol, échappant sur le coup le corps de Sam, qui alla rouler un peu plus loin. Je me tordit de douleur, une main collée sur ma poitrine. Je ne pouvais pas abandonner, non! Haletant, je me relevai, malgré ma condition qui s'aggravait. J'aurais dû m'arrêter, ou j'allais faire une autre crise, mais je ne pouvais pas me le permettre. Je pris mon courage à deux mains, et me relevai. En prenant une grande respiration, je tentai de relever Sam, mais il était trop lourd, je n'y arrivais pas. Je me penchai à ses côtés et le regardai droit dans les yeux.

-Ne t'inquiète pas Sam, je vais te sortir d'ici, je te le promet!

Je me relevai ensuite pour sortir une petite balle bicolore accrochée à ma ceinture. J'appuyai sur le bouton centrale pour faire apparaître Gannon, mon Malosse. Le Pokémon ténèbres qui se matérialisa devant nous me jeta un regard mauvais, puis ce regard se transforma lorsqu'il aperçu la scène. C'était compréhensible. Le pauvre n'était appelé à sortir que maintenant, devant un inconnu recouvert de sang, et son dresseur au bord de la crise cardiaque. Malgré son habituel caractère solitaire, le Malosse s'approcha de moi, l'air inquiet. Je posai mes mains autour de sa tête, pour le forcer à me regarder dans les yeux.

-Écoute, Gannon, je sais que tu n'aimes pas les autres, et que tu préfère être seul, mais j'avais vraiment besoin de toi, c'est une question de vie ou de mort. Il y a un Léviator un peu plus loin dans la forêt qui veut notre mort, alors on doit trouver un abris au cas où il nous retrouverait. Il faut que tu m'aide à transporter Sam, il a perdu trop de sang, il ne pourra pas garder le rythme... S'il-te-plais, Gannon, je t'en pris...

Le chien me regarda quelques secondes, puis se retourna vers le jeune homme, toujours étendu sur le sol. Il s'approcha de lui, puis se mit à le renifler. J'avais peur qu'il ne le morde, mais Gannon n'en fit rien. À mon grand soulagement, le Pokémon ténèbres fit glisser le corps du jeune homme sur son dos, et se retourna vers moi en aboyant, comme pour me demander dans quelle direction aller. Un sourire de soulagement se dessina sur mon visage. J'avais envi de me jeter au cou de mon Pokémon et l'embrasser, mais ce n'était pas vraiment le moment.

Je me remis à courir, sans toutefois que la douleur à ma poitrine ait disparût. Avec mon Malosse sur les talons, je courus jusqu'à une petite caverne, qui se dessinait au loin, derrière un bouquet d'arbres. C'était l'endroit parfait. Avec Gannon à mes trousses, nous nous installâmes sur le sol de pierres, à l’abri de tous les regards. Mon Malosse déposa le cors du jeune homme sur le sol, et alla se poser à l'entrée, pour faire le guet. Je m'approchai de Sam pour l'examiner. Il était tout pâle, et son front était brûlant. Je pouvais entendre sa respiration saccadée. Le pauvre avait perdu énormément de sang. Je devais absolument arrêter l'hémoragie avant qu'il n'en perde d'avantage. Je me précipitai vers mon sac-à-dos, où je sortis un chandail propre, que je ramenai vers mon camarade. Je pris aussi la bouteille d'eau qui devait servir à nous abreuver, et j'en coulai quelques gouttes sur la plaie du jeune homme. Il fallait la nettoyer, sinon elle allait s'infecter. J’entourai ensuite le morceau de tissu autour de la blessure, afin de la protéger et de stopper le sang qui coulait toujours. Je portai ensuite la bouteille d'eau aux lèvres du garçon.

-Il faut que tu boive, Sam, sinon tu vas te déshydrater. Fais-moi confiance, mon père était médecin, je sais comment faire avec les blessés.

Ce que je venais de dire n'était pas entièrement faux. Mon père était véritablement médecin, mais le reste de ma phrase n'était pas aussi véridique. Lorsque j'étais jeune, mon père avait maintes fois tenté de m'initier aux techniques de premiers répondants, mais je n'avais jamais été intéressé, et donc je n'avais jamais rien écouté. Comme je m'en voulais, aujourd'hui. Si seulement j'avais écouté les paroles sages de mon paternel, j'aurais su aider mon camarade! Quel imbécile! Au moins, j'avais eu le bon réflexe de stopper le flot de liquide vital. Il ne me restait plus qu'à souhaiter que Sam trouve la force de se battre.

Je laissai Sam s’abreuver à son rythme. Le faire de le voir reprendre des couleurs me soulageait grandement. Pendant quelques instants, une incroyable peur m’avait envahie lorsque je m’étais mis à penser qu’il ne s’en sortirait peut-être pas. Mais visiblement, j’avais exagéré sa condition, car bientôt mon camarade se met à se mouvoir. En le voyant tenter de se lever, je fis un mouvement vers lui, afin de l’aider, mais voyant qu’il se débrouillait, je me rassis, toujours un peu inquiet de le voir chavirer à nouveau. Voyant que la situation était moins critique que je ne le pensais, mon état d’alerte baisse tranquillement. Je pu bientôt me rassoir, accoté contre la paroi froide de la caverne, et fermer les yeux quelques secondes. Je posai de nouveau ma main droite sur ma poitrine, sans être capable de camoufler une expression douloureuse sur le visage. De la main, je massai la région endoloris. Cette fois, j’étais passé proche. J’y avais échappé de peu. De toute évidence, je ne pourrais pas me remettre à courir ainsi dans la forêt, pas tout de suite, en tout cas, si je voulais éviter de crever comme un con.

Soudainement, des petits cris attirèrent mon attention. Je tournai les yeux vers l’entrée de la caverne, où était toujours posé Gannon. Le chien de feu se redressa aussitôt, prêt à bondir sur quiconque approcherait de notre abri, mais se clama aussitôt en voyant le petit groupe s’approcher à la course. Je fus soulagé de reconnaitre nos Pokémon! Ils étaient tous là, tous sains et saufs! Antoine passa droit devant Gannon, comme s’il ne l’avait pas vu, et me sauta directement dans les bras! Je fus un peu mal à l’aise pour le Malosse, qui avait bien travaillé, mais le fait de pouvoir serrer mon Carapuce de nouveau dans mes bras me fit rapidement oublier. Je serrai Antoine avec tant de force que la petite tortue dû me repousser avant que je ne l’asphyxie. Je fis ensuite signe à Gannon d’approcher, afin de lui donner sa part d’affection à lui aussi, même si je savais très bien qu’il n’était pas fan des caresses.

Je me tournai ensuite vers Sam, qui s’était mis à me venter. Je n’étais pas vraiment d’accord avec ses dires, je n’avais rien fait d’héroïque, mais je le laissai parler. Je n’avais pas vraiment la force de tomber dans les débats de qui avait fait quoi. Cette aventure m’avait véritablement épuisée, et ma douleur à la poitrine m’inquiétait un peu, à vrai dire. Ce n’était pas le temps de nécessiter une hospitalisation… Non seulement nous nous trouvions au beau milieu de la forêt, à je ne sais combien de temps de marche de la prochaine ville, mais en plus, je n’étais pas familier avec le système de santé d’Enola. En Angleterre, une petite visite à l’hôpital publique aurait suffit à apaiser mes craintes, mais ici… Honnêtement, je n’avais pas vraiment envi d’aller tester leur système. Je préférais me tenir loin de ces lieux froids tant fréquentés durant mon enfance.

-Ne t’en fais pas Sam, nous sommes sains et sauf, et c’est tout ce qui compte. Maintenant, la seule chose qui devait nous inquiéter, c’est la suite des choses… Je ne pense pas qu’il soit très sécuritaire de reprendre la route dans notre état actuel… Je pense qu’il vaudrait mieux rester ici au moins le temps de se rétablir un peu… Dommage que les poissons soient restés là-bas…

Mon ventre commençait à gargouiller, et cet endroit était plutôt frisquet. Je regrettais sérieusement la chaleur des flammes provenant du feu que Sam avait allumé au bord du lac… Et que dire de ces poissons qui devaient nous servir de repas… Je jetai un regard aux alentours, à la recherche de racine quelconque que nous aurions pu faire bouillir, mais la caverne n’abritait aucune forme de vie. Il fallait se rendre à l’évidence; si nous voulions manger, il faudrait obligatoirement sortir de notre cachette. Je devais prendre les choses en mains.

-Je vais aller chercher de quoi manger avec Gannon, tu devrais aller chercher de quoi faire un feu de ton bord. On se retrouve ici dans moins d’une heure. Surtout, évite la zone où se trouve le Léviator, et si jamais par malchance tu tombes sur lui, tu cri, et tu cours!

Jamais je n’avais osé m’imposer en tant que leader, mais je me sentais responsable du jeune homme. J’étais son ainé, et c’était mon devoir de le guider dans cette situation difficile. Je me relevai, utilisant la paroi rocailleuse comme appui. Avec une grande respiration, je me remis sur mes jambes, et me mis à marcher vers l’extérieur. Gannon se mit à mes trousses, me fixant du regard. Antoine se lança à mes trousses, mais je l’arrêtai brusquement. Je me penchai vers le petit Carapuce et lui expliquai la situation. La chasse était une activité compliquée, où il fallait être le plus discret possible afin de ne pas faire fuir les proies. Je lui confiai la Pokéball de Din, et lui demandai de rester dans la caverne, et de veiller à notre retour. En vérité, je ne souhaitais pas qu’un de mes Pokémon soit blessé. Si jamais il devait m’arriver quelque chose, je savais que Gannon n’hésiterais pas à se sauver si je lui en donnais l’ordre, mais je savais très bien qu’il en serait tout autrement si Antoine ou Din étaient à mes côtés. Antoine finit par acquiescer, et alla se placer dans la caverne. Je me tournai ensuite vers Sam. Je m’en faisais encore pour lui. J’hésitais à le laisser aller s’aventurer ainsi dans cet endroit remplit de dangers.

-Sam… Ne fait aucune folie… Reste aux alentours, s’il-te-plaît…

Sur ces mots, je m’éloignai du petit groupe, et m’engouffrai dans la forêt, Gannon sur les talons. Arceus, faites que tout ce passe bien!

Je m’éloignai de la caverne, toujours inquiet. J’avais peur que Sam fasse une connerie. Après l’avoir vu aussi téméraire, je ne savais pas à quoi m’attendre. Mais il me fallait aller chercher de quoi manger, ou nous mourrions de toute manière… Un peu dramatique, peut-être? Probablement, mais j’avais faim, et la faim ne m’aidait pas à réfléchir.

Je m’enfonçai dans les branches de la forêt, le plus silencieusement possible. Une fois j’avais chassé avec mon père, juste une fois, et j’avais fait fuir la proie. Résultat, nous n’avions rien attrapé. Je ne pouvais peut-être pas appeler cela une expérience, puis que je n’avais jamais touché à un animal mort, mais au moins j’avais appris la démarche à adapter. Gannon m’imitait, même si le Malosse était probablement bien plus expérimenté que moi. Je pouvais voir son aise en observant sa démarche. Le chien de feu avançait, sans bruits, en rampant presque au sol. D’avoir un habitué avec moi me rassurait. Au moins, nous avions plus de chance de ramener une viande quelconque.

Le Malosse se figea soudainement. Je cherchai du regard la cause de son arrêt, puis, mes yeux se posèrent sur un petit couple de renards, qui jouaient innocemment ensemble. Ils étaient jeunes, et ne se doutaient sûrement pas qu’ils seraient bientôt dévorés. Cette pensée me faisait mal au cœur, mais nous n’avions pas le choix. Je jetai un regard à Gannon, pour lui indiquer qu’il pouvait y aller. Sans plus attendre, le chien de feu s’avança doucement vers ses cousins. Rapide comme l’éclair, Gannon se jeta sur le petit couple, qui n’eu pas le temps de comprendre ce qui se passait! Le Malosse attrapa le premier renard par le cou, le tuant instantanément. La femelle tenta de fuir, effrayée, mais Gannon fut plus rapide qu’elle. D’un coup de patte, il l’écrasa sur le sol, puis lui brisa le cou à son tour. Un frisson me parcourra le corps. Les pauvres… Au moins, ils n’avaient pas souffert…

Je m’approchai de mon Pokémon, qui tenait toujours le petit mâle entre ses crocs. Je lui retirai le corps du renard de la gueule, puis je ramassai celui au sol, mais lorsque je tentai de me relever, la douleur qui planait toujours autour de ma poitrine me figea sur place. Gannon s’approcha de moi, inquiet. Le chien jappa, mais je l’intimai à se taire. Je savais que ses intentions étaient bonnes, mais japper pourrait attirer le Léviator, qui trainait possiblement toujours dans les parages. Je me contentai de me coucher sur le côté en prenant de grandes respirations. Avec des mains tremblantes, je sortis de ma poche une petite boîte contenant de petits cachets que j’avalais lorsque je sentais des symptômes semblables à ceux-ci. Sans eau pour les faire passer, les avaler fut pénible, et je dû les recracher à quelque reprises avant de pouvoir les faire passer. Ils ne feraient pas disparaître la douleur, mais au moins ils empêcheraient les caillots de se former…

Je restai allonger quelques minutes, toujours sous la surveillance de Gannon. Après quelques instants, je me relevai avec difficulté. De retour sur mes pieds, je me mis à avancer à lenteur. Je confiai les renards à Gannon, qui les transporta par la queue. Le chemin du retour me parût prendre une éternité, mais nous finîmes par apercevoir la caverne au loin. Je pouvais voir une lueur rougeâtre s’échapper de l’entrée. Je fus instantanément rassuré. Sam devait être rentré, et avait allumé un feu. Mon pas s’accéléra, pressé de pouvoir mettre cette viande sur le feu. Lorsque je pu enfin voir l’intérieur de la caverne, je pu apercevoir le petit groupe assit en rond autour du feu, un tas de pommes à leurs côtés. Antoine se releva, les larmes aux yeux! Il se jeta sur moi, soulagé de voir que j’allais bien. Je lui accordai un câlin rapide, puis j’allais m’asseoir aux côtés de Sam.

Gannon m’apporta les renards, que je m’empressai de décortiquer tant bien que mal. Jamais je n’avais accompli cette tâche, alors je n’avais aucune idée de ce qui était bon ou mauvais. De plus, avec le sang qui coulait, il était difficile de voir ce qui se cachait sous la peau. Je fini par improviser des steaks, avec ce qui me semblait de la bonne viande. Je ne garantissais pas le goût, mais au moins, nous aurions de la vraie viande!

Après avoir lavé les morceaux de chair à l’eau fraîche, je les plantai au bout d’un bâton que j’installai au dessus du feu à la manière d’une brochette. Je me retournai ensuite vers Sam. Je ne lui avais toujours pas dit ma manière de penser, à ce jeunot. Je ne pouvais toutefois pas laisser passer ses agissements comme dans du beurre. Il avait été imprudent, et aurait pu perdre la vie!

-Sam… Ne ferais jamais ce que tu as fait avec le Léviator… Tu n’as pas à prouver ta force à qui que ce soit! Ce que tu as fait était dangereux. Qu’aurais fait ta famille et tes Pokémon si tu étais mort?

Je pris une pause pour respirer. La douleur de perdre un proche, je connaissais bien. Je n’oublierai probablement jamais la douleur de perdre ma mère et mon père, alors qu’est-ce que ce serait de perdre son enfant? Je pris une grande respiration avant de continuer.

-Je connais la mort Sam, et crois-moi, ce n’est pas drôle. J’ai perdu mes deux parents, et j’ai moi-même failli perdre la vie il n’y a pas si longtemps. Mourir, ça fait mal. À toi, et à tes proches. Regarde ton Carapuce, regarde comme il t’aime. Que lui arriverait-il si tu l’abandonnais à cause d’une imbécilité? Jamais il ne pourrait t’oublier. Je le sais… Je parle par expérience.

Mon discourt venait de rouvrir une plaie, mais il le fallait. Si je pouvais éviter cette expérience à d’autres, alors ça valait la peine. La mort était ma plus grande crainte. Voir ce jeune garçon en santé perdre la vie due à une bêtise me serait atroce. Je ne voulais plus voir de gens mourir. Je refusais tout simplement de devoir prendre en charge une équipe de Pokémon ayant perdu leur dresseur. Les Pokémon de Sam n’avaient pas à vivre un tel deuil.

-Et qu’aurais-tu fait si un de tes Pokémon avait été blessé par ta faute? Tu serais capable de t’adresser à ton équipe pour leur annoncer la mort de l’un de leur camarade par ta faute? Tu ne peux plus prendre de tels risques, Sam, il y a trop de choses en jeu!

Je savais que j’allais probablement le troubler, que j’allais détruire toute forme de joie qui restait en lui, mais je devais m’assurer qu’il avait compris. Je posai une main sur son épaule, afin de lui montrer que je n’étais pas fâché, je voulais juste lui ouvrir les yeux. Je lui adressai ensuite un sourire de compassion, puis, je lui tendis un morceau de viande qui commençait à brûler. J’en offris aux autres Pokémon, qui semblaient affamer. Gannon avala sa part en une bouchée! Antoine, quant à lui, regarda le morceau de viande avec un air de dégout. La petite tortue n’avait pas l’habitude de mander de la viande. Il déposa le steak devant Gannon afin e lui offrir, puis s’empara d’une pomme, qui semblait beaucoup plus savoureuses.

Mon regard se posa sur Sam. Je me surpris à me demander ce qui pouvait bien trotter dans la tête de ce jeune homme. Mon but n’avait pas été de lui faire honte, de le mettre à terre… Je voulais simplement le secouer.

Mes mots avaient vraiment pénétrés le jeune homme. Il semblait troublé par mes paroles. Normal, en même temps… Je détournai mon regard pour le poser sur la pièce de viande que je balançais devant mon nez depuis quelques secondes déjà. La viande semblait fade, mais c’était toujours quelque chose à se mettre sous la dent. Sans rouspéter, je plantai mes dents dans la pièce de renard encore chaude. Ce n’était pas si mauvais, en fin de compte. Ça manquait cruellement de sel, mais sinon, c’était plutôt bon. Je n’étais pas un mauvais cuisinier, finalement! Je pourrais peut-être me mettre à la cuisine, éventuellement…

Lorsque Sam ouvrit la bouche et pris enfin la parole, après ce long silence, je me tournai à nouveau vers lui. Son visage semblait triste. Il n’avait pas encore touché à sa viande. Je gardai toujours mon regard planté dans le blanc de ses yeux.

-Ne t’excuse pas pour mes parents, tu n’y es pour rien… Personne n’aurait pu y changer quoi que ce soit…

Sans m’en rendre compte, j’avais baissé les yeux. La vision de mon père dans son cercueil me revint automatiquement en tête. Son visage, blanc comme la neige, ses mains ridées, placés autour d’un bouquet de fleurs… On ne cessait de me répéter qu’il semblait dormir, mais moi, je n’étais pas de cet avis. Peut-être parce que je savais qu’il ne dormait pas, tout simplement. J’avais fini par me consoler, me disant qu’il était mort de sa belle mort, qu’il avait vécu une vie heureuse, et qu’il n’avait pas souffert. Mais lorsque je me mis à penser à ma mère, mes émotions se mêlèrent de nouveau. Elle, elle aurait pu vivre plus, elle aurait pu vivre plus heureuse… Elle avait succombé à la maladie, ce foutu cancer... Elle aurait pu vivre une vie longue et heureuse… Mais elle était morte bien avant ses vieux jours, et dans la souffrance, qui plus est. Elle n’avait pas eu la chance de mon père… Je poussai un petit soupire. Ne cesserai-je jamais de les pleurer? Probablement jamais. Depuis le temps que mon père n’était plus de se monde, j’aurais dû l’oublier, mais ce n’était pas le cas. Au moins, maintenant, je savais à quoi m’attendre pour ma mère, qui n’était parti que trop récemment.

Je secouai la tête, comme pour chasser ces pensées morbides de mon esprit. Ce n’était pas le moment de me morfondre ainsi. Je devais me concentrer sur Sam, être avec lui dans ce moment difficile. Je devais le soutenir. Je devais lui faire comprendre que même s’il ne pensait pas mourir, il n’aurait jamais dû agir ainsi. Je devais lui rentrer dans la tête qu’il ne devait pas mettre sa vie entre les mains des autres. Si je n’avais pas été à ses côtés, qui l’aurait ramassé, lorsque le Léviator l’avait envoyé revoler contre les arbres. Qui l’aurait ramassé, et entraîner dans la forêt pour le protéger des attaques Ultra Laser du monstre? Je devais lui chasser ses idées de superman de la tête, si je voulais m’assurer qu’il ne recommence jamais. Toutefois, je n’eu pas le temps de reprendre la parole que le jeune homme se mit à me questionner sur mes états de santé. Exactement ce que je redoutais… J’avais tenté d’éviter le sujet depuis le début, mais il fallait bien qu’il tombe sur la table un jour ou l’autre. Je détestais parler de ma situation… Dès que j’ouvrais le sujet, on me prenait immédiatement en pitié… Le pauvre petit John, il est handicapé, il ne peut pas jouer comme les autres, il ne peut pas faire ci, il ne peut pas faire ça…

-Ce n’est rien… commençai-je.

J’hésitai un moment, puis, voyant que le sujet était inévitable, je poussai un soupire. De toute évidence, Samaël n’allait pas en rester là. J’avais beau tenter de lui cacher la vérité, le jeune homme allait probablement insister jusqu’à ce que je parle. J’avais assisté à la détermination qu’il avait en lui, alors je savais à quoi m’attendre. Je relevai la tête vers lui, et lui lançai un regard épuisé.

-Je suis désolé, je ne sais pas pourquoi je veux te cacher la vérité… Tu as été honnête avec moi, alors je devrais faire de même… Je n’aime pas vraiment le crier sur les toits, mais puisque tu l’a découvert, eh bien, oui, je suis malade… Depuis ma naissance, j’ai une déformation au cœur, une de mes ventricules est trop petite, et donc le sang est difficile à pomper… Les gros efforts sont difficiles pour moi, c’est pour ça que je me suis effondré plus tôt… Entre la course et la peur, il a craqué…

Je baissai de nouveau la tête… Maintenant que j’avais tout dit, j’allais encore avoir les traitements de pitié réservé aux faiblards. J’aurais bien aimé que notre relation ne change pas, qu’elle soit d’égal à égal… Hélas, il semblait que cet idéal ne serait jamais possible…

Je relevai la tête, surpris de sentir une main se poser sur mon épaule. Je m’attendis à entendre les habituels commentaires qu’avaient l’habitude de me donner les gens, après avoir appris le secret de ma condition, mais Sam n’en fit rien. À la place, le jeune homme se mit à déballer un monologue sur sa vie et ses buts. Ainsi, il n’avait donc pas eu la vie facile, lui non plus… Ses parents n’étaient pas morts, mais l’emprisonnement n’était pas vraiment plus enviable. Savoir que son père était vivant, mais sans toutefois pouvoir avoir de contacts avec lui devait être difficile pour le jeune homme. En plus, les prisons du régime n’étaient pas vraiment à envier… Personne ne savait vraiment le traitement qu’on y recevait à l’intérieur, et peu nombreux étaient ceux qui désiraient le savoir. En fait, je ne pouvais pas vraiment être jaloux de Sam. Certes, je ne reverrais jamais mes parents, mais au moins, je savais qu’ils ne pourraient plus souffrir maintenant… Sam, quant à lui, devait s’en faire pour son paternel toutes les nuits… Ne pas savoir où il était, ce qu’il faisait… Comment il allait… Au moins, comme il disait, nous avions nos Pokémon! Que ferions-nous sans eux? Maintenant, c’était eux, notre famille. Ils nous suivaient et nous confiaient leur vie… Exactement comme une vraie famille.

Sam me tendit une pomme bien mûre et croquante. Je n’hésitai pas une seconde à la prendre. Je n’avais jamais dit non à une pomme, et ce n’était pas aujourd’hui que j’allais commencer. La viande avait remplie un coin, mais il me restait encore un petit creux, et ce fruit serait parfait pour le remplir. Je pris une première bouchée. Elle était délicieuse… Bien juteuse, sans toutefois être molle!

-J’aimerais bien t’aider, mais je suis désolé de t’apprendre que tu n’as aucune chance, Sam… Malheureusement pour toi, tu ne deviendras jamais maître Pokémon pour la bonne raison que… C’est moi qui deviendrai champion! fis-je d’un ton amusé.

Je lançai un petit clin d’œil moqueur à Samaël. Ainsi, nous voulions tous deux nous rendre au sommet. Nous n’avions pas exactement les mêmes motifs, mais aucun n’avait une cause plus noble que l’autre. Le jeune homme voulait libérer son père de l’emprise du Régime, et moi, je voulais retrouver mes origines… Je n’osai pas lui avouer le vrai motif qui m’avait poussé à quitter l’Angleterre. Le pauvre petit John faisait déjà assez pitié ainsi, alors il n’était pas nécessaire de rajouter mes motifs personnels… La raison qui m’avait amené ici… Aurais-je trouvé le courage de partir à l’aventure ainsi, si ce n’avait pas été d’elle? Si je n’avais pas appris son existence? Parfois, je me surprenais à me demander si ma mère n’avait pas fait exprès de me révéler la vérité, afin que je trouve la motivation de me lancer. Avait-elle tout prévu, lorsqu’elle m’avait avoué mon adoption? Lorsqu’elle m’avait lancé, à travers cette lettre, à la poursuite de ma mère adoptive, sur Enola? C’était un peu bête, et je chassais à chaque fois ces pensées ridicules, mais en fin de compte, elles finissaient toujours par revenir. En fait, c’était probablement parce que je n’arrivais pas à expliquer ses actions autrement. Si ce n’était pas pour ça, alors pourquoi l’aurait-elle fait? Elle aurait très bien pu quitter ce monde avec la vérité en elle, ne jamais la révéler, et me laisser vivre dans l’illusion d’être un véritable anglais, un véritable Armstrong… Mais elle en avait décidé autrement. À la place, elle avait décidé de me laisser en héritage la vérité. À présent, je me trouvais entre deux identités, sans trop connaitre mes racines. J’étais à la fois John Lewis Armstrong, fils du défunt docteur anglais Marshall Armstrong et de sa défunte épouse, Elena Armstrong, et le fils sans nom d’une inconnue d’Enola. C’était ce manque qui me poussait à me lancer à sa recherche. Dans les faits, je me fichais un peu de qui elle était, mais je voulais savoir qui j’étais, moi. Ma vraie mère, ce n’était pas cette femme, qui je n’en doute pas avait de bonnes raisons pour ne pas m’élever, mais bien cette femme, Elena, qui m’avait vu grandir tout au long de ma vie, jusqu’à sa mort. Mon but n’était peut-être pas de me trouver une famille, comme je l’avais cru, au départ, mais bien pour me connaitre, moi. Je voulais savoir où j’avais u le jour, dans quelles conditions, si j’avais un nom, lorsque ma mère biologique m’avait expulsé de son corps. M’avait-elle désiré, ou étais-je un fardeau, une bouche de plus à nourrir? Je voulais le savoir, et c’était pour ça que j’avais d’abord mis les pieds sur Enola. Et c’était pareil pour la compétition. Je m’y étais inscrit pour connaitre mes forces, mes faiblesses, mais surtout, pour me rapprocher de mes origines natales.

Je préférai ne pas divulguer ces informations, toutefois. Déjà parce que je ne savais même pas si cette femme était toujours en vie, et surtout, parce que c’était une tâche que je devais accomplir seul. J’avais déjà tenté de solliciter de l’aide auprès de la jeune Victoria Hills, que j’avais rencontré lors de mon premier jour sur Enola, mais celle-ci m’avait bien fait comprendre que c’était à moi à le faire, et seul. Je ne voulais pas que Sam se propose pour m’aider. Ce serait trop tentant d’accepter. Non, il n’était pas nécessaire d’en dévoiler autant. De toute manière, savoir ceci ne l’avancerait en rien. Ce qui importait, c’était qu’il sache qu’il avait devant lui un rival qui n’avait aucunement l’intention de lui laisser sa place de futur champion!