Poulet frit et dieux grecs |OS|

POULET FRITet dieux grecs

La brise me caresse le visage, me tirant un énième sourire. Cette soirée d'hiver en deviendrait presque froide, si bien que je me suis couverte d'une veste légère. Une fraîcheur qui tranche, oui, avec la chaleur torride habituelle de cette ville du Sud. Tout autour de moi, mes compagnons se reposent, repus après une longue journée d'entraînement très intense. J'ai profité d'une absence de Cesar pour remettre les pendules à l'heure et rendre la forme à tout le monde. Il est grand temps que nous progressions à nouveau, de façon individuelle autant qu'en équipe. Soren et Lee ont effectué un travail de maître de ce côté, tâchant de motiver les troupes, chacun à leur façon. À présent, le calme est revenu ici, à l'Arène, et moi-même je me sens toute molle après cette longue journée fort satisfaisante. Étendue dans l'herbe près du petit étang entouré de fleurs odorantes, je me laisse engourdir par le sommeil, prête à passer ma nuit contre ce lit végétal pour une énième fois, sans même avoir mangé ce soir. Comme quoi la fatigue qui s'est abattue contre moi aura raison de mon appétit phénoménal. Carey et Adexan se sont réfugiés contre moi, et leur chaleur m'envahit peu à peu. Je n'ai aucun mal à me glisser dans un état second, à quelques pas du sommeil, qui ne saurait tarder... Jusqu'à ce qu'un bruit strident me tire brusquement de mes rêveries.

Il s'agit de la sonnette. Le coeur battant, je me redresse, écartant au passage le Phanpy et le Galvaran qui protestent en s'éloignant à contre-coeur. De qui peut-il bien s'agit? Peut-être que Cesar a choisi de revenir plus tôt au final? Heureuse de le savoir rentré, je me précipite à l'intérieur, suivi de Astrid ma Pandarbare qui, soucieuse, ne me quitte pas d'un pas. Je travers d'Arène et ouvre la porte à la volée, un grand sourire aux lèvres... qui s'efface rapidement pour laisser place à une expression incrédule. À ma porte ne se tient pas Cesar, mais un jeune homme que je connais bien pour l'avoir surpris avec ma soeur dans une position... ma foi fort gênante. Je le considère en silence, n'osant pas le saluer, rougissant quelque peu en revivant le souvenir de notre première rencontre. Alexis, le nouveau copain de ma soeur. Que peut-il bien faire ici? Un espèce de «euh...» incertain s'échappe de ma bouche. Lui, il est tout sourire, tenant dans ses mains des paquets d'où s'échappe une délicieuse odeur de friture...

«Hey la belle-soeur! Je passais dans le coin et je me suis dit qu'on pourrait partager ce festin tous les deux en faisant un peu plus ample connaissance. Je ne te dérange pas au moins?»

À son épaule est juché un Natu très mignon qui me considère avec un regard intelligent. Pendant un bon moment -au moins quarante secondes-, je reste silencieuse à le considérer, complètement estomaquée. Je sursaute lorsque Astrid pose une patte sur mon épaule, comme pour me ramener à la réalité.

«Oh... euh... Oui, bien sûr, entre. Tu ne me déranges pas, je t'en prie, fais comme chez toi.»

Un éclair de satisfaction passe dans le regard du beau garçon. Il entre et me suit jusqu'au jardin. Il pose son butin sur la table d'extérieur. Je meurs de faim à présent.

«Dis, il y a quoi là-dedans?»

«Oh, un peu de poulet frit, avec une tonne de frites. Ce n'est pas très gastronomique mais j'ai pensé que ça pourrait te plaire.»

Un sourire géant étire mes lèvres. De la bouffe bien grasse fait toujours mon plaisir. Je le remercie en japonais avant de préparer la table en sa compagnie. Pendant la préparation, il papote avec moi, me donnant quelques nouvelles de Carla, de sa journée, et s'enquiert de la mienne. Il me met à l'aise, sans que je ne puisse déceler pourquoi. J'ai l'impression de le connaître depuis très longtemps alors qu'il ne s'agit que de la deuxième fois où je le rencontre.

«Dis Alexis... Pourquoi tu es venu ce soir? Je veux dire... On ne se connaît pas beaucoup, tu n'avais pas besoin de faire tout ça pour moi.»

Un sourire lumineux éclaire le visage du jeune homme. Il est tellement positif, toujours heureux, semble-t-il.

«Tu sais Charlie, je suis raide dingue de ta soeur.»

Sa sincérité me bouleverse. Ses prunelles d'un bleu-vert intense me transpercent. Sa voix a pris une chaleur incroyable. Je me sens si petite tout à coup... Il aime ma soeur, c'est évident. Il l'aime vraiment, probablement comme nos parents s'aimaient. Pendant un instant, je me demande si quelqu'un m'aimera ainsi. Je jette un regard vers Apollon, non loin, qui se morfond de sa dulcinée, dont il s'ennuie même s'il l'a vue le matin même. Il tient entre ses pattes puissantes un Oeuf, leur Oeuf. L'amour qui les unit est aussi fort que celui que Alexis ressent envers Carla.

«Je veux être dans sa vie un bon moment. Même que si elle le veut, j'aimerais que nous la passions à deux. Je crois qu'elle est la... femme de ma vie... Je sais que ça peut paraître un peu soudain, et même elle semble croire que je m'emballe mais... Charlie quand tu seras amoureuse comme je puis l'être, tu verras comment on se fiche du temps qui passe.»

Je bois ses paroles, incertaine et un peu embarrassée. Fascinée par le sens profond de ce qu'il peut me raconter.

«Si elle est la femme de ma vie eh bien ça veut dire que toi, tu es ma soeur. J'ai envie de te connaître un peu plus, puis je te trouve sympa!»

Un sourire étire mes lèvres. Sans le savoir, ce garçon sympathique vient de gagner mon estime. Il est différent de l'ex contrôlant et violent de Carla. Il est bon, optimiste, attentionné. Il saura la combler.

«Ça marche, Alexis. Je préfère te prévenir par contre. Ma soeur a souffert et elle a de la difficulté à faire confiance aux gens.»

«Oui, j'ai su remarquer.»

Il soupire, mais son sourire lui revient aussitôt. À ce moment, un éclair transperce le jardin alors qu'un cri échappe à Apollon. Le Nidoking pose l'Oeuf qu'il tenait dans ses pattes contre l'herbe alors qu'il éclot finalement. Dire que Lisa manque ce spectacle! Le petit Rhinocorne sous nos yeux émerveillés, réveillant une bonne partie de l'équipe, qui accourt pour saluer le petit. Je bouscule tout le monde pour être la première à le voir naître. Ce qu'il est beau! Je veux dire, vraiment très beau! Il est gros, énorme même, doté d'une corne plutôt courte pour un mâle, mais un corps tout en finesse, musculeux déjà, et un regard vif et affectueux. En le voyant, un cri profond de fangirlisme s'échappe de ma bouche et je m'empresse de m'approcher pour le couvrir de mes bras.

«Oh ce qu'il est beau!»

C'est un euphémisme. Mon propre Rhinocorne! J'en rêve depuis que je suis toute petite! Je ne suis pas déçue, pas un seul instant. Il est rayonnant de santé. Son père se penche en avant, me bousculant un peu, visiblement fier. Je ne sais pas trop quand je me suis mise à pleurer, mais les larmes ont envahi mes joues.

«Alexis... t'as vu? T'as vu?»

Bien sûr qu'il a vu. Je pourrais mourir de bonheur.

(c)Golden