« C'est toi ou moi, l'un de nous est de trop! »

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 Une pensée pour les âmes brisées

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Maxwell R. Young
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Maxwell R. Young
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MessageSujet: Une pensée pour les âmes brisées   Une pensée pour les âmes brisées EmptyJeu 2 Jan 2014 - 0:05


Une pensée pour les âmes brisées

Callie considérait les ruelles sales de mon enfance avec incompréhension en agitant les oreilles, les paupières plissées pour saisir le sens de l’horreur qui se déroulait sous ses yeux plissés. Il n’y avait aucun sens pourtant à déceler là, aucun sens autre que l’erreur humaine qui se profilait sous notre humble regard alors que nous marchions, ensemble, dans un mutisme respectueux, tandis que des mains abîmés, des mains en sang se tendaient vers nous tandis que je distribuais de la nourriture. Les joues creuses et les prunelles éteintes que je rencontrais, je les connaissais par cœur. Certains visages m’étaient si familiers, que je croyais reconnaître les gamins errants de mon enfance. Je ne portais qu’une chemise grise toute simple et un pantalon en cette journée pourtant plutôt fraîche, mais je suais malgré tout à grosses gouttes alors que cette masse m’étouffait presque. Nous frayions notre chemin ensemble, deux êtres modestes parmi la misère la plus totale de ceux qui n’ont rien au monde. Mes prunelles grises les parcourais un à un, cherchant à transmettre de l’espoir à ceux qui avaient cessé de vivre pour survivre. Je les comprenais mieux que quiconque. Oh, ils sentaient mauvais. Ils étaient sales et malades et effrayants à regarder. Mais ils n’étaient pas différents de vous ou moi. Simplement brisés, seuls, abandonnés par ce monde qui fermait les yeux. Eh bien pas moi. Et pas Callie. Je voulais qu’elle voie par elle-même, comme elle avait insisté pour m’accompagner dans ma tournée annuelle des bidonvilles, et d’offrir un peu de réconfort à ceux qui en avaient désespérément besoin.

Ainsi je passais cette matinée du nouvel An chaque année, à distribuer des denrées, des couvertures chaudes, des jouets, de la nourriture et des médicaments, entouré de mon équipe. Je ne disais rien, comme toujours, sauf quand on m’adressait la parole. Ici, on se passait de «mercis». Les yeux parlaient d’eux-mêmes. L’Evoli se taisait aussi, elle qui, de sa nature, s’agitait pourtant souvent. Mais celle fois, elle restait simplement contre mon épaule, les oreilles basses. Elle comprenait la chance qu’elle avait. Lorsque nous eûmes finis notre tournée après de longues heures passées dans les bidonvilles, lorsque nous finissions la tournée devant la presse à remettre un chèque géant pour la construction d’une école dans cette partie d’Amanil, quand je rentrai finalement chez moi ce midi-là, fatigué, brisé et sans vie, elle ne me quitta pas un seul instant. Je dus la convaincre de se reposer lorsqu’il fut temps pour moi de me doucher, et ce n’est qu’à contrecœur qu’elle accepta de se laisser chasser de la salle de bain. Lorsque je la rejoignis dans le petit salon, je la trouvai entourant l’œuf de son frère ou sa soeur, son père assis non loin, la surveillant d’un œil inquiet. Je passai une main rassurante dans son pelage brun-roux, mais elle ne tiqua pas, tremblant légèrement en raffermissant sa prise sur l’œuf se son petit frère ou petite sœur.

«Tu sais Callie, c’est pour cette raison que je continue à me battre tous les jours. Pour redonner à ceux qui n’ont rien. Tu as rendu le sourire à tellement d’entre eux, aujourd’hui ma belle. Tu as de quoi être fière.»
Un sourire modeste étira ses lèvres alors que des questions se formaient dans ses prunelles. Je les chassai d’une nouvelle caresse qu’elle accepta en relevant la tête. Je ne souhaitais pas la voir s’en vouloir pour ce dont elle n’était pas responsable.

«Un jour, quand tu seras plus vieille, on y retournera et on leur offrira une prestation, toi et moi. Qu’en dis-tu? Ce ne sera pas grand-chose, mais ce sera tel un petit éclat d’espoir dans leur misère.»
L’Evoli émit un petit son qui me fit sourire. Elle était d’accord. Elle semblait rassurée et entoura la coquille d’encore plus d’amour. À ce moment, celle-ci se mit à briller avec intensité, avant de prendre la forme d’un tout petit Evoli, un mâle en tous points identiques à sa sœur, si ce n’était que de ses prunelles plus violettes que brunes. Zackson accouru pour accueillir son nouveau-né, le petit dernier de la famille, qu’il lécha avec grande affection. Pendant ce temps, Callie l’observait, comme fascinée, tandis qu’il s’ébrouait, un peu timide. Ses grands yeux nous scrutaient avec une immense curiosité. Je posai un doigt sous son menton minuscule avant de le gratter doucement. Ce geste le mit en confiance.

«On dirait que ton frère veut participer, lui aussi, Callie. Tu seras Kaled, pour rappeler ta sœur. Cal et Kal.»
J’entourai la petite famille de mes bras. Quelle merveilleuse façon de débuter l’année.

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