Au risque de choquer, ça me fait vraiment tripper de porter des vêtements de femme. Pas tant pour le fait de les porter et car je me sens bien en jupe, non, pas du tout, c’est même l’inverse. Je ne comprends pas comment on peut apprécier de sentir autant d’air passer sous nos habits et… Bah, bref, vous avez compris. Mon amusement est tout autre ici. C’est juste le fait de super les gens et de jouer la comédie qui m’amuse au plus haut point. J’ai retrouvé une certaine passion que j’avais eu au lycée à participer de temps à autre au club de théâtre (mais je suis parti en claquant la porte quand ils ont attribué le rôle de Caligula à ce pauvre abruti de Günter Fritz, alors que c’était évident que j’aurais mieux joué le rôle que cet espèce de gros lard moche et mauvais acteur). Enfin, fini les digressions, ce n’est pas plus mal de retrouver mon équilibre suite à la perte de ma sœur ainsi. Que voulez-vous, y’a pas de mal a faire en sorte de se sentir bien, quel que soient les moyens employés, non? Et puis, je suis certain que si Ludwig regarde les transmissions, cela lui fait plaisir d’aussi pouvoir regarder Irina, vraie ou fausse, c’est une façon de lui faire comprendre que sa grande sœur veille aussi sur lui, même si elle n’est plus de ce monde. Et ça doit bien faire rager papa, en prime. Voila. J’ai avec moi toutes les justifications du monde a venir vêtu ainsi, de mon tailleur noir, mes bottes noire, la perruque blanche et tout le bazar. De plus, mon adversaire aussi se cache derrière une identité factice, pourquoi ne m'amuserais-je pas aussi? Et puis, ce qui compte, ici, c’est le combat et surtout, la victoire. Peu importe tant que je sais qui je suis et pourquoi je suis parti pour gagner cette compétition à n’importe quel prix. Mon dernier match remonte à quelques semaines à peine, contre Charlotte de Zazambes. Un match mémorable, et j’espère que celui d’aujourd’hui sera à la hauteur.

Alors que le signal qui m’appelle a entrer dans l’arène retentit, je suis déjà en route, peut-être bien en avance. Pourvu que le champion, lui, ne soit pas en retard. Je franchis sans bruit l’espace du couloir qui conduit au Stadium. Sans bruit car mes pieds ne touchent pas le sol. Assis, perché sur la tête de Hardie, mon Archéodong, qui lévite au dessus du sol, et qui assurera comme d’habitude son rôle de transmission de mes paroles a travers son corps de métal, quand je le souhaiterais. D’un regard autoritaire et menaçant, je demande au type de la Régie de m’ouvrir les portes, et je débouche finalement sur l’arène de glace de Fenrir. Les jambes croisées sur mon perchoir, je peux observer le champ de bataille de haut, ainsi que le Champion, que je suis heureux de voir si ponctuel. Pas que j’en attendais moins de lui, vu sa réputation. Le lien mental entre Hardie et moi se fait bientôt, juste a temps pour qu’elle transmette mes mots, mes phrases de que je complète de ma propre voix, de manière à conserver l’ambigüité de mon personnage. Si j’attends que cela affecte forcément mon adversaire? Je ne sais pas si cela m’importe tant, mais si il peut être déstabilisé comme le fut Maxime d’Amanil, ça ne pourra qu’ajouter du piment à ce match.

« Bonjour a vous, Fenrir. Ne le prenez pas mal… »
« …Mais je suis venu vous mettre à bas. »

La voix métallique et sans émotions sortant d’Hardie a commencé mes propos, avant que je ne me délecte de les compléter par moi-même, d’une voix emplie de joie, mais pas moins calme, hautaine et presque menaçante. De ma main libre, qui n’est pas en contact avec le métal, je tire une capsule bicolore de ma ceinture, pour la lâcher à terre, presque négligemment. Berthold, mon Capidextre, apparait dans un éclair, agité et fou de joie à l’idée de disputer son premier match d’Arène. Nous n’avons pas besoin de nous concerter : nous sommes prêts. Et le Champion, qu’en est-il de lui?

C’est qu’il est aussi mignon, qu’on le dit, ce Champion-Majordome. Enfin, ce n’est pas le moment de penser à faire ce genre de blagues à ce jeune homme aux airs réservés, même si je sens que je produirais mon effet, et que ce serait follement amusant. Je suis très bien sur mon perchoir, même si avec le froid ambiant, je dois avouer que le métal dont est composé Hardie commence a me geler très légèrement les fesses. Ok, la prochaine, fois, je penserais a emmener un coussin chauffant, que je recouvrirais de velours rouge et doré, car ce sera plus classe et totalement digne de mon royal derrière. Je ne sais pas comment, en plein match d’Arène, j’en suis venu à parler de mon postérieur, mais qu’importe, finalement. Ce n’est pas si inadapté, quand on connaît les lubies quelque peu étranges de mon allié du moment. Depuis que Fenrir a appelé son propre allié au combat, une Polagriffe majestueuse, Berthold ne tient plus en place et s’est mis à agiter les ses deux queues de façon frénétique, et le voila qui se prépare déjà à bondir. Je dois néanmoins le mettre en garde sur la puissance de frappe de l’ours polaire. Bien qu’il soit le plus rapide, cela ne m’étonnerais guère que Minerva connaisse quelques attaques capable d’infliger de très sérieux dégâts à mon ami simiesque. Mais, cela n’est pas plus mal, car Berthold dispose de plus d’une surprise dans sa manche, grâce à laquelle il pourra se débrouiller pour lui aussi faire de gros dégâts à son ennemie. Et par chance, cet atout est de surcroît sa spécialité. Avec un sourire ambigü, j’observe tour à tour le Champion puis sa compagne, et après avoir échangé un regard avec mon propre allié, ce dernier s’excite encore plus quand il commence a comprendre.

« Fais donc ce que tu fais le mieux, Berthold. »

Dis-je avec un haussement de sourcil révélateur, amplifié d’un rictus pervers que se met à partager le Capidextre avec moi, avant de s’élancer vers l’adversaire à toute vitesse. Néanmoins, ce n’est pas pour le frapper qu’il se jette sur lui mais pour… Oui, pour commencer à victimiser la pauvre Polagriffe de ses quatre mains baladeuses infernales. Je ne me retiens pas de rire franchement devant ce début de combat plutôt peu commun. Dans l’art de tripoter ses adversaires, le Capidextre est passé maître… Son petit jeu de provocation devrait faire mouche et déconcentrer suffisamment son adversaire. Du moins, je l’espère. En suite, il pourra placer une attaque bien plus puissante. Tactique lâche? Oh, non, je pense que tant que le but c’est la victoire et qu’on affronte son adversaire de front, il n’y a pas de lâcheté. J’attends encore quelques instants que Berthy en ait terminé avec ses bêtises, et je lui donnerais le signal pour placer son attaque suivante dont il ne devra pas rater l’exécution… Je dirige un moment mon regard isolent vers le champion de glace.

« Que veux-tu, Berthold a toujours eu les mains baladeuses... Mais c'est qu'il vaut mieux réchauffer l'atmosphère, dans le coin! »

Fis-je d'une voix presque doucereuse, et en soulignant mes paroles d'une œillade provocateur à destination de mon adversaire. Oui, je ne suis pas sain, je le sais, merci!

Berthold fut brillant. Simplement brillant. Après avoir joué de la concentration de son adversaire, il était prêt à lui infliger d'un coup le plus de dégâts possible, et si il le fallait, il répéterait ses coups plusieurs fois, jusqu'à mettre son adversaire au tapi. Je suis si enjoué de voir mon Capidextre si appliqué dans son combat que je suis descendu de mon perchoir de métal froid, pour me retrouver à sa hauteur, m'approchant plus près de lui, pour sentir l’énergie de cet affrontement, de ce champ de bataille qui est le sien. Le colosse en face de lui ne pourrait en mener large vu l’état dans lequel se trouvait mon cher Berthold. Je laisse momentanément tomber mon masque d'Irina, fort peu utile, finalement, qui ne me sert plus qu'à moquer les déguisements de mes adversaires, pour encourager mon allié de vive voix, porter ce coup de grâce, faisant un autre pas en avant, captivé par lui, parce coup de grâce qu'il s'apprêtait à porter, déjouant une nouvelle fois son adversaire énorme, qui ne reussit pas à lui porter un coup. C'est beau, tout ce conditionnel, n'est-ce pas? Je n'ai pas pu me douter de la suite. Comment aurais-je pu, finalement? Une sonnerie bien particulière retentit dans l'Arène de glace. Aurions-nous fauté quelque part? C'est strictement impossible, comment fauter dans un affrontement dont le but est de mettre a terre notre adversaire. Absurde. Non, c'est un signe bien plus rageant, bien plus insultant pour les guerriers que nous sommes.

Abandon. J'écarquille les yeux, foudroyant d'une colère presque divine mon adversaire. Va te faire foutre. Abandonner, hein? Qu'as-tu donc de si important à faire pour m'ignorer et ne même pas accepter de me donner le gout de ma victoire certaine, à défaut du plaisir de ce combat si bien commencé, qui ne peut que me frustrer quand Berthold fut obligé de s'arrêter sous les ordres de l'arbitre le menaçant d'une pénalité. Va te faire foutre, allez tous vous faire foutre. Un badge. Un putain de badge. Comme si cela allait étancher ma soif. Pendant de longues secondes, je ne bougeais pas de mon côté du terrain. Immobile, et tuant du regard nos adversaire, tandis que mes ongles auraient pu percer à travers mes gants, tant mes poings se refermaient fort sur eux-même. Piètres adversaires qui ne méritent même pas de vivre pour m'avoir infligé tant de déception, et même de honte. Le Badge m'est destiné, il m'attend. Je n'en veux pas. Je ne veux pas ce badge. Je ne l'ai pas gagné. Mais, Fenrir ne vaut pas que je m'attarde à lui et que je ralentisse ma progression vers mon but pour autant. Soit. Je prendrais ce badge. Et je l'écraserais pour de bon une autre fois. D'un pas rapide et décidé, je croise le "Champion" sans même le regarder, sans même plus lui faire entendre ma voix, il ne mérite même pas un sarcasme humiliant, et je sais que je ne peux pas le tuer, au risque de tout foutre par terre. Je lui arrache le badge des mains sans un regard, suivi de ma fidèle Hardie et devancé par Berthold, adressant à son ennemie et au champion des regards dédaigneux semblables aux miens.

Une fois dans une coulisse a reprendre mon apparence, je me voix ainsi vêtu dans un mirroir. Irina. Sourire narquois, colère palpable.

"C'est vraiment tout ce dont tu es capable, pas vrai? Te faire voir si pitoyable que les autres finissent par t'abandonner. Moi, je t'ai toujours aimé, et je ne t'ai jamais laissée. Mais peut-être ai-je eu tord. Oui j'ai vraiment eu tord. J'ai perdu tant de temps, avec toi."

Je me rapproche du miroir, comme m'adressant véritablement à ma jumelle, retrouvant cet ancien moi, cette écorce de malaise et de haine inconsidérée.

"C’est toute la différence entre nous. Moi, je n'abandonnerais jamais. Jamais."

Aussi contradictoires que soient mes pensées, c'est une façon de me comprendre moi-même, même si cela n'est pas chose aisé. Me voila sorti de l'Arène, seule chose à retenir aujourd'hui... J'ai gagné. C'est une victoire sans aucune saveur qui me hantera certainement par son inutilité et son amertume, mais j'ai fait un nouveau pas vers mon objectif. Je passe une main réconfortante dans la fourrure fine de mon Capidextre, et lui promets que la prochaine fois, il pourra briller avec tout l'éclat qui est le sien.