Le bruit de mes talons claque contre le sol du couloir me conduisant vers le stadium de l’Arène d’Anula. La quatrième fois que je franchis un couloir de cet acabit, et je dois dire que je n’en suis pas lassé. Non, ce dont je suis lassé… C’est ce costume que je me suis juré d’assumer jusqu’au bout. Enfin, l'assumer, je le peux, sans soucis. Mais j’ai décidé de commencer à faire tomber le masque, ne pouvant plus résister à être moi, et progressivement devenu conscient de l’inutilité de ma défunte sœur jumelle depuis que j’ai appris l’existence de Ludwig. Quelque part, on peut dire que ce fut une bonne thérapie. Mais… Je ne vais pas me détacher d’elle si brusquement : le masque tombera progressivement. Bientôt, je n’apparaitrais plus avec ce foutu tailleur et cette jupe qui… Bah, vous voyez, le vent ça fait froid là ou.. Bref. Cela me donne plus l’impression de me livrer à la mascarade des Compétiteurs, pire, encore, celle des Résistants qui n’assument pas leur apparence sous leur masque, et donc, qui donnent l’impression d’encore moins assumer leur combat… Si ils avaient au moins ce plaisir des champs de bataille, je ne dirais rien et je les respecterais peut-être un peu, mais que savent-ils faire à part pleurer sur leur sort et de temps à autre tenter de petites choses qui ne font même pas une centaine de victimes. Ah, il ne savent pas voir les choses en grand! Enfin… Toute ce cinéma avec Irina, la perruque, la jupe, et passer mes paroles à Hardie, m’amuser à faire la une des magazines people avec Riku, tout ça, au moins, ça valait le coup, c’était drôle. Mais superficiel, au fond. Peu à peu, Irina va disparaitre. Je peux au moins lui donner cette chance de ne pas s’évaporer soudainement si elle veut avoir une chance de rester dans un tout petit coin de mon cœur… Même si dans la réalité, c’est ce qu’elle a fait. Un peu amer, je ravale vite mon sentimentalisme désormais devant les portes, assoiffé de combat plus encore qu’à mes derniers matchs. Je franchis la porte avec fracas, sans Hardie à mes côtés. Il n’y a plus d’autre voix, il n’y a que moi.

Qui vais-je affronter cette fois-ci? Ah, oui, Phantom. Les Insectes, tout ça. J’espère vraiment que le combat aura le chic de me surprendre et de me donner du challenge, cette fois-ci, surtout après la déception de l’abandon de Fenrir… Je grince encore des dents en repensant à ce que je considère comme une humiliation, malgré ma victoire. Oh, non, le Champion d’Anula n’a pas intérêt à me décevoir, et j’ose espérer qu’il m’affrontera de toutes ses forces. J’ai franchi les portes en avance, malgré ce que me disait le type de la régie, je suis entré alors que le Champion n’était pas encore là, de façon fracassante, en claquant les portes contre les murs. Et je souris, radieux, sous ma perruque de longs cheveux blancs, quand le silence se fait. Je me place sur le terrain, mains sur les hanches, tapotant le sol avec mon talon, réclamant le silence dans le public et impatient que le Champion se ramène finalement. Allons, gentil Phantom, montre-toi, j’en peux plus d’attendre, il me faut ce combat! Mon doigt tapote impatiemment une des sphères à ma ceinture, puis je suis enfin soulagé quand mon adversaire entre en scène.

« J’ai failli attendre. Franchement, je n’en pouvais plus, tu sais… »

Fis-je, affichant un sourire aussi arrogant que vicieux, sincèrement heureux de le voir face à moi malgré tout. Sans attendre, je saisis une des capsules bicolores à ma ceinture, et l’envoie en l’air pour appeler son occupant. Stein, mon Fermite apparaît, et fixe d’un air des plus mauvais le Champion. Il n’apprécie pas les fanfreluches et les cérémonies, il ne pense qu’à combattre, tout comme moi. Je rattrape la Pokéball au vol et m’adresse de nouveau à Phantom.

« Ne me déçois pas, Phantom, cher Champion de l'Arène d'Anula. »

Surtout si je le défie sur son propre terrain, avec mon propre Pokémon insecte… Oui, j’ai bien ce type aussi… Surtout quand il est conjugué avec l’Acier qui couvre le corps insectoïde de la grosse fourmi qui a commencé à aiguises ses mandibules devant moi. Ah, vivement que ça commence, je suis bien d’accord avec mon allié!

J’attends beaucoup de ce match. Il a intérêt à me faire oublier l’abandon du dernier Champion, à Baguin. Et pour cela je compte sur Phantom. En toute honnêteté, ce type me plaît. Bien que pas exactement ponctuel (mais ça, on y peut rien, l’exactitude est le privilège des rois, et on a pas tous la chance de l’avoir, enfin, moi, je l’ai, bien entendu) et il ne tarde pas à céder à ma demande et fait lui aussi sortir son allié. Un Crabaraque. Avec Stein, nous l’observons un moment. Oui, je l’ai déjà vu sortir durant ses autres matchs. C’est une sale bête si il en est une : robuste et agressif, autrement dit, un adversaire parfait pour mon Fermite qui n’attendait que de l’affronter, lui, en particulier. Quelque soit la puissance de ce Pokémon, je ne jugerais pas à l’avance ses capacités, on ne peut juger de la force d’un être qu’une fois qu’il est sur le champ de bataille, après tout. J’émets un sourire en coin, plutôt content du comportement de mon adversaire à mon égard, et me mets même à rire, brièvement. Franchement, les autres Champions que j’ai rencontré n’avaient pas encore osé élever la voix pour faire une remarque à propos de mon accoutrement, mais pas le Champion d’Anula, lui il ne se gêne pas pour être franc et moqueur et franchement, juste pour ça, je suis content qu’il m’impose ce genre d’attitude provocatrice. Enfin de l’honnêteté, dans ce monde! Franchement, pourquoi personne n’a réagit avant lui?! Je m’attendais à me faire vanner mais personne ne l’a fait avant. La façon dont il me provoque me réjouit plus encore de la bataille à venir, et je lui lance un sourire narquois pour lui répondre.

« Si tu gagnes, tu seras le premier à être fixé sur ce qu’il y a sous ma jupe, très cher… Ça va, pas trop excité? Tu vas pouvoir te concentrer? »

Lui lançais-je, impertinent, mais d’une voix pas moins doucereuse et provocatrice. La concentration ne sera pas un problème pour nous, les challenger. Même sous ses airs robustes, je doute que ce Crabaraque résiste très longtemps aux capacités offensives remarquables de Stein, sa carapace sera vite brisée par la puissance de l’acier! Je souris plus que jamais, radieux, ce match s’annonce bien, et le blond face à moi qui semble plus en forme que jamais ne me lâchera pas comme un lâche avant que la fête ne commence.

« Stein, va et ne déçois pas nos adversaires! Massacres-les! »

Fis-je, d’une voix claire, en levant un bras pour désigner notre objectif, le blond et son allié à la carapace imposante. Que la fête commence.

Eux aussi se donneront de toutes leurs forces dans ce combat? Un nouveau sourire orne mes lèvres. Formidable. Je n’en attendais pas moins. Mais il leur faudra être plus puissants encore si ils veulent nous vaincre. Un hochement de tête à mon allié, et il s’élance avec une vitesse qu’une personne non amatrice du type insecte ou du type acier n’aurait jamais pu soupçonner chez un Pokémon n’étant qu’une grosse fourmi de métal en apparence. Dommage pour ce genre de débiles profonds, car Stein n’est pas seulement une brute, son corps est également capable d’une agilité plutôt hors du commun pour une « simple » fourmi. Les apparences trompeuses dévoilent toujours toutes leurs  surprises sur le champ de  bataille. Je ne m’étonnerais jamais si un adversaire comme la Championne de Zazambes à l’apparence si puérile s’avère être une des plus redoutables adversaires que j'ai connu. C’est ce que sont les humains : des animaux qui se dévoilent lors d’un combat mettant en jeu leur honneur, parfois leurs idéaux, mettent à mal leur limites, et menacent parfois leur vie. Il n’y a pas à chercher plus loin pour expliquer ma soif de violence et de combat. Certains gens ne peuvent en prendre conscience et resteront dans l’hypocrisie toute leur vie : l’humain est ainsi fait qu’il aime se battre, sinon il ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui. Il est un autre maillon de la chaine alimentaire, autant victime que prédateur, et lui aussi bataille tout le long de son existence pour sa survie. Voila dans quel monde je vis. Je je pense qu'un monde qui serait sans prédateurs, sans adversaires, sans obstacles ni coups reçus au combat n’aurait aucun interêt. Mon sourire se teinte presque de nostalgie à ces pensées qui m’exaltent à chaque fois qu’elles passent dans mon esprit, me prouvent la chose qui est le plus important à mes yeux : que tout aussi fou à lier que je puis être, et même si ma vison des choses me mettra toujours à dos un certain nombre de personnes, je suis moi.

Lorsque que le combat entre les deux Pokémon insecte commence, cette vérité qui est la mienne n’a jamais semblé si vraie. Le Crabaraque nous avait préparé une surprise, et contre toute attente, il fut le premier à frapper. Stein non plus ne s’attendait pas à une telle attaque, se précipitant d’une extrême vitesse sur lui sous la forme d’une boule de roc mastoque. D’une telle taille, cette attaque aurait très bien pu l’écraser, mais c’est à ce moment là que ses défenses payèrent, malgré cet effet de surprise qui avait pu faire que l’attaque fut parfaitement exécutée par notre adversaire. Le Fermite ne se laissa pas un moment de faiblesse, pas un moment pour reprendre ses esprits, et bondissait l’instant suivant vers son adversaire, allant pour le frapper de tout son poids, ajouté à la force gagnée par sa vitesse. L’attaque n’épargne pas le Crabaraque, et autant Stein que moi, nous pensions avoir déjà remporté cette partie, mais pas exactement. Tant bien que mal, nous vîmes le Pokémon a la carapace imposante se remettre sur pieds, faisant de nouveau face à son adversaire. Chose que je n’eus jamais cru possible, c’est alors que je crois voir l’expression patibulaire de mon ami se détendre, devenir presque souriante. En effet… Quel intérêt si il était tombé dès le premier coup. Néanmoins…

« Ton ami est admirable d’avoir résisté à ce premier assaut… mais c’est l’heure du coup de grâce! Stein! »

Aucune hésitation dans le regard de mon ami, alors que d’un geste latéral et vif du bras, je lui ordonne d’en finir d’un dernier coup. Sans surprise, il y parvient avec brio, puis revient vers moi, se reposant enfin quelques instants des blessures engendrées par le Roc-Boulet. Le Fermite essoufflé ne perd pourtant pas en concentration, et continuera jusqu’à sa mort si il le faut. Pour le moment, nous attendons notre prochain adversaire?

« Que me réserves-tu, maintenant, Phantom? »

Dis-je avec impertinence au Champion. Moqueur mais pas moins impatient de continuer le combat, et toujours aussi heureux de me trouver ici.

Quand on est face un adversaire, c’est toujours mieux quand ce dernier est autant pris par le combat que nous. Quel intérêt si il n’y a ni Resistance ni envie d’en découdre de l’autre côté du champ de bataille. Hélas, c’est parfois et trop ce qui manque aux humains lorsqu’ils sont amenés à combattre. Peut-être devrais-je cesser de ruminer ce genre de détails, je risque d’en avoir jusqu’à la fin de mon temps, et puis, cela m’évitera de peut-être parfois me poser des questions sur ma propre étrangeté. Bref. Bien que Rodley ait été mis à terre, son attaque a réussi a frapper de plein fouet Stein, et à endommager sa carapace de métal, que je peux apercevoir se fissurer par endroit. Vu la taille, la force et le poids certain du Crabaraque, je ne doute pas une seconde qu’il fut admirable de la part de Stein d’encaisser un tel choc. Mon ami a encore de l’énergie à revendre, j’en suis sûr, et je ne penserais pas une seconde à l’obliger à se ménager tandis que Phantom en appelle à son nouvel allié. Stein s’agite de nouveau, pour ne pas se laisser refroidir à la simple vue de la Scarhino. Quand à moi, je dois me retenir de grincer des dents en apercevant ce scarabée bleu, dont la seule vu m’a renvoyé le souvenir d’un certain blond nommé Rainbow que je ne peux pas voir en peinture. Pourtant, sachant quel genre d’adversaire qu’a été le Champion jusqu’à maintenant, je me reprends vite. Scarhino est un type insecte puissant, tout autant si ce n’est plus que le Crabaraque qui l’a précédé.

« Merci. La puissance réside dans chaque être, si l’on cherche à la trouver, pas vrai? .. Sauf les Magicarpe, les Cadoizo et certains humains stupides, probablement. Enfin. »

Parlant de Rainbow. Mais bon. Nouveau sourire après avoir répondu aux affirmations s’avérant justes de mon adversaire. J’ai en type de grande prédilection l’acier, mais je pense que chacun d’eux recèle un peu de la puissance que je peux rechercher, et les insectes ne font pas exception à la règle.

« De plus… Les insectes n’ont-ils pas conquis le monde bien avant nous et ne sont-ils pas indirectement parmi nos plus grands prédateurs? »

Il n’y a qu’à voir les réactions terrifiées qu’ils déclenchent chez chacun de nous, et la peur que peuvent inspirer certaines affreuses bêtes de ce règne que nous, pauvre humains, n’avons qu’à peine exploré dans son intégralité? Enfin, tout cela est bien beau et il est temps de passer à la suite. Stein finit par s’impatienter et est désormais fin prêt à repartir au combat. Sans prévenir d’avance, je prouve à mon adversaire que je ne me perds pas pour autant en beaux discours et d’un mouvement de bras vif, claque des doigts au milieu du silence qui s’est installé pour ordonner à mon allié de filer à l’assaut de sa nouvelle adversaire.

« Stein! Va, et finis-moi cette adversaire d’un seul coup! »

Malgré ses blessures, mon ami parvint à concentrer toutes ses forces dans son attaque Aéropique, qu’il avait du travailler des longues dizaines d’heures pour la parfaire et la maitriser complètement. A n’en pas douter, Scarhino serait mis au tapis par cette attaque perçant en plein dans ses défenses, de plus, l’assaut de Stein était parfait, je pouvais le voir d’où j’étais. Et en effet, l’attaque frappa fort Stella, mais je ne puis laisser sortir mon sourire victorieux de suite, car, non, le scarabée bleu était encore debout, bien qu’amochée… Je grinçais des dents. Erreur de ma part. Je ne peux douter de la force de mon allié, et pourtant, il n’a pas réussi a tenir sa promesse. Je ne puis lui en vouloir, le hasard prend parfois toute son importance dans les matchs d’Arène. Mais était-ce vraiment du à une chose si futile que le hasard ou la chance. J’ai compris la force du Champion même si il ne paye pas de mine, peut-être est-ce cela, leur lien qui est parvenu à triompher de cette redoutable attaque. J’ai beau serrer les dents, ce n’est pas le moment de lambiner. Car l’angle d’attaque que vient de donner Stein à nos adversaires ne peut se permettre d’être manqué.

« Fais attention, Stein! »

Le Fermite lève le regard et je vois ses membres se fléchir pour bondir vers l’arrière… Un minuscule instant trop tard. Frappé par la force colossale de la Scarhino, le voila qui roule dans le sable jusqu’à mes pieds, inerte tel un tas de ferraille sans âme. J’appelle son nom et me baisse à ses côtés, l’examinant de près, et repère avec soulagement une étincelle de vie au fond de ses yeux. Néanmoins, il ne pourra pas faire plus cette fois-ci.

« Merci, mon ami. Reposes-toi. »

Je le fais rentrer dans sa demeure sphérique et le redresse, décrochant une nouvelle sphère bicolore de ma ceinture. Tout en fixant nos adversaires, je laisse sortir le monstre de feu qu’elle referme. Le Maganon apparait dans un tourbillon de flammes et fixe d’un regard tranquille nos adversaires. Il n’est pas du genre à provoquer ou à chercher l’affrontement comme le Fermite qui l’a précédé, néanmoins, sous ses airs détendus, il est bien loin d’être stupide et sait pertinemment pourquoi il se trouve ici, et je pense que je n’ai qu’à peine besoin de lui donner mes ordres. Face à Stella déjà affaiblie, la stratégie à employer est plutôt évidente. Il n’a qu’à faire ce qu’il fait le mieux.

« Bravo pour avoir mis Stein à terre... Voici Thorfinn. Thorfinn, tu sais ce qu’il te reste à faire n’est-ce pas? Va et offres-nous la victoire! »

Décidé, Le Maganon hoche la tête et laisse déjà s’échapper quelques flammes de ses canons. Ce sera le dernier assaut.